Sainte Elisabeth de Hongrie, fille du roi André II, naquit en 1207, et épousa, en 1221, le landgrave de
Thuringe, Louis IV, dit le
Saint, avec lequel elle avait été élevée, d'après l'arrangement fait par leurs parents, qui avaient arrêté ce
mariage lorsqu'ils étaient encore au berceau. La cour de Marbourg, où résidait le landgrave, offrit alors à l'Allemagne le spectacle de la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Le pieux Louis laissait à son
épouse la plus grande
liberté de se livrer à son
goût pour la retraite, la prière et les mortifications, au point que son directeur, Conrad de Marbourg, était quelquefois obligé de modérer son zèle pour les austérités. Elle avait des heures réglées pour le travail des mains, qu'elle employait ordinairement à carder ou filer de la laine pour habiller les pauvres.
Son revenu était, à
la lettre, leur patrimoine. Tous les
jours, on distribuait à sa porte des
provisions à tous ceux qui se présentaient, dont le nombre s'élevait
quelquefois jusqu'à neuf cents ; et comme les plus infirmes ne pouvaient gravir le roc escarpé sur lequel est situé le château de Marbourg, elle fit bâtir au pied de ce rocher un hôpital pour les recevoir. Elle fonda d'autres hôpitaux et des maisons de travail, et faisait élever un grand nombre d'orphelins et d'
enfants abandonnés.
L'austérité de sa vie et surtout son humilité,
portée à un point qui semblait peu compatible avec son rang, faisaient la censure du faste de la cour. Aussi, son mari, mort à Otrante en 1227, au moment où il s'embarquait pour la
croisade avec l'empereur Frédéric II, l'ayant laissée veuve avec trois
enfants au berceau, une cabale violente se forma contre elle à la cour pour la priver de la régence, sous prétexte qu'elle aurait dissipé en aumônes tout le domaine de l'Etat. Henri Raspon,
frère de Louis, fut nommé régent, et poussa la dureté jusqu'à chasser la princesse du château avec ses
enfants, en lui refusant les choses les plus nécessaires, et défendant à toutes les personnes de la ville de les recevoir, sous peine d'encourir son indignation. Elle supporta ce mauvais traitement avec une patience admirable, se rendit dans une
église où elle fit chanter un
Te Deum en actions de grâces de ce qu'elle avait jugée digne de souffrir. Après avoir erré quelques
jours sans pouvoir trouver d'asile convenable, elle se retira vers l'
évêque de Bamberg, son oncle, qui lui donna une maison commode auprès de son palais.
L'année suivante, le
corps du landgrave Louis ayant
été rapporté en
Thuringe, lorsque la pompe funèbre passa à Bamberg, les principaux
barons qui l'accompagnaient furent touchés de la vertu et des malheurs d'Elisabeth, et de la dureté de son beau-frère. Ils promirent à la pieuse veuve d'agir en sa faveur et de lui faire rendre justice, la régence lui appartenant de droit, suivant la coutume du pays. Mais elle renonça de bon cur au gouvernement, et ne demanda que son douaire et la conservation des droits de son fils au landgraviat. Elle retourna donc à Marbourg, et quoique sa tranquillité y fût encore troublée par de nouvelles persécutions, elle y passa le reste de ses
jours dans la pratique des vertus chrétiennes et
religieuses. Elle y mourut à l'âge de vingt-quatre ans, le 19 novembre 1231, laissant un fils (Herman II, landgrave de
Thuringe, mort sans postérité en 1241) et deux filles, dont l'aînée (Sophie) épousa, en 1239, Henri II,
duc de
Brabant ; et l'autre (Gertrude),
abbesse d'Aldenberg, ordre de
Prémontré, mourut en 1297, et fut canonisée par le
pape Clément VI.
La vie de
sainte Elisabeth de Hongrie, par Thierri de
Thuringe
(que l'on croit être le même que Thierri d'Apolda, biographe de saint
Dominique), se trouve dans les
Lectiones antiquæ de Canisius. Il faut y
joindre un fragment publié par Lambecius, dans le
tome 2 du Catalogue de la bibliothèque de
Vienne. Le détail de ses vertus et de ses miracles a aussi été écrit par son
confesseur (Voyez
Conrad de Marpurg). Dans nos temps modernes, M. le comte de
Montalembert a publié une
Histoire de sainte Elisabeth de Hongrie,
Paris, 1836. Elle a été canonisée en 1235, par le pape Grégoire IX, et l'
Eglise célèbre sa fête le 19 novembre. Les femmes du tiers-ordre de saint
François, érigé en ordre
religieux
longtemps après la mort de sa sainte, l'ont choisie pour patronne, et on leur a quelquefois donné le nom de
religieuses de
sainte Elisabeth.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 12 - Pages 362-363)