Biographie universelle ancienne et moderne Raoul ou
Renaud, châtelain de Coucy, fils d'Enguerrand,
frère de Raoul Ier de
Coucy, naquit vers l'an 1160. Ayant perdu son père en 1174, il étudia les belles-lettres, et se fit remarquer par ses
poésies.
Il était clerc en 1187 : on sait que ce mot désignait un ecclésiastique, un savant, un homme de lettres, un notaire ; mais il est à présumer qu'il doit signifier ici un ecclésiastique. Parti pour la terre sainte en 1191, il trouva la mort sous les murs de la ville d'
Acre. C'est lui qu'on a
désigné comme le héros d'une aventure épouvantable, et qu'on dit avoir été l'amant d'une
dame de Levergier. La même aventure a été attribuée par les Provençaux au troubadour Cabestaing, par les Italiens à un prince de Salerne, et par les Espagnols à un
marquis d'Astorgas. Elle a été tirée d'un comte qui probablement aura été fait sur la fin du
XIIème siècle, et qu'on a renouvelé plusieurs fois ; car il se trouve dans le lai d'
Ignaurès
(manuscrit, n°7218), et dans le lai de la
Chastelaine de Vergi, qui mori por loialement amer son ami (manuscrit, n°6987) qui ont été
composés dans le
XIIIème siècle. C'est d'après ces lais, d'après l'
histoire des troubadours, d'après une chronique possédée par Fauchet, et surtout d'après le roman du
Chastelain de Coucy et de la dame de Fayel, que les
historiens ont présenté, comme étant arrivée, l'aventure si connue de ce Raoul, sujet de deux tragédies modernes.
Les
historiens rapportent que, blessé mortellement au siège d'
Acre en 1191, Raoul chargea son écuyer de porter, après sa mort, son cur à la
dame de
Fayel, qu'il aimait. L'écuyer, arrivé en France, se mit en devoir d'exécuter les dernières volontés de son maître. Il se tint quelque temps caché dans un
bois voisin du château de
Fayel, en attendant l'occasion de pouvoir s'aboucher avec la
dame. Malheureusement, l'
époux le surprit, et lui ayant demandé le sujet de son message, il lui répondit en tremblant qu'il était chargé d'une lettre du châtelain, qu'il lui avait promis de remettre en mains propres à la
dame de
Fayel. L'
époux la
lut, prit le cur et le fit manger à sa femme, qui, instruite de son malheur, jura de ne plus prendre de nourriture et se laissa mourir de faim. L'
historien Froissart, auteur d'un très grand nombre de
poésies, avait sans doute connaissance du lai de la châtelaine de Vergy ; car, ayant rimé les
amours de
Coucy, il donna le nom de
Vergy à cette malheureuse femme. De
Belloy, dans la dissertation qu'il a publiée, au sujet de sa tragédie, pour prouver l'authenticité de l'anecdote, cite le roman manuscrit de la Bibliothèque. Il ne s'est pas aperçu qu'à son début, l'auteur prévenait qu'il n'avait entrepris d'écrire ce
conte que pour plaire à sa
dame, et que ce mot de
conte est encore répété plusieurs fois. Au surplus, Duchesne, D. Duplessis et Laloulette, malgré l'autorité de Fauchet et de sa chronique, ont regardé l'aventure du châtelain comme si peu prouvée qu'ils n'en parlent point dans la généalogie qu'ils ont donnée de cette maison.
Les chansons du châtelain de
Coucy sont au nombre de vingt-quatre. Elles ont du nombre, de la grâce et un charme que la perfection du langage a fait perdre pour jamais.
Laborde les a publiées dans le second volume de son
Essai sur la musique, puis dans les
Mémoires historiques de Raoul de Coucy,
Paris, 1781, 2 vol. in-18 ou
in-12, grand papier. Outre le
Recueil des chansons en vieux langage, avec la traduction qui est due aux soins de Legrand d'Aussy et de Mouchet, on y trouve une dissertation assez curieuse sur la famille
Coucy et les différentes branches qui en sont sorties.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 9 - Pages 341-342)