PREMIÈRE PARTIE
Introduction
Réception de maître Interprétation des symboles maçonniques
Signes extérieurs de la franc-maçonnerie. Esprit de prosélytisme des maçons. Proposition d'un profane. Le cabinet des réflexions. Description de la loge. Places, insignes et fonctions des officiers. Ouverture des travaux d'apprenti. Les visiteurs. Les honneurs maçonniques. Réception du profane. Discours de l'orateur : dogmes, morale, règles générales de la franc-maçonnerie, rites, organisation des Grandes-Loges et des Grands-Orients, etc. Clôture des travaux d'apprenti. Banquets. Loges d'adoption. Mme de Xaintrailles reçue franc-maçon. Pose de la première pierre et inauguration d'un nouveau temple. Installation d'une loge et de ses officiers. Adoption d'un louveteau. Cérémonie
funèbre. Réception de compagnon. Réception de maître. Interprétation des symboles maçonniques. Les hauts grades. Carré mystique. Appendice : statistique universelle de la franc-maçonnerie. Calendrier. Alphabet. Abréviations. Protocoles. Explication des gravures.
Au grade d'apprenti et au grade de
compagnon, la décoration du temple n'offre aucune différence ; au grade de maître, l'aspect en est complètement changé. La tenture est noire ; des têtes de mort, des
squelettes, des os en sautoir, y sont peints ou brodés en blanc. Une seule bougie, de
cire jaune, placée à l'orient, éclaire la loge, qu'on appelle alors la
chambre du milieu. Le
vénérable, à qui l'on donne le titre de
très respectable, a, sur son
autel, outre l'
épée flamboyante, la Bible, l'
équerre et le
compas, et son
maillet de direction, qui est garni de bourre aux deux extrémités, une lanterne sourde formée d'une tête de mort, de laquelle la lumière s'échappe seulement par les ouvertures des yeux et de la bouche. Au lieu de
maillet, les surveillants tiennent à la main un rouleau de gros papier, de neuf pouces de
circonférence et de dix-huit pouces de long. Le premier surveillant a, de plus, sur son
autel, une
équerre ; le second surveillant a, sur le sien, une règle de vingt-quatre pouces. Au milieu de la loge, est un matelas recouvert d'un drap mortuaire. A la tête de cette espèce de tombe, on place une
équerre ; aux pieds, vers l'orient, un
compas ouvert ; au-dessus, une branche d'
acacia. Tous les assistants ont la tête couverte,
et portent, indépendamment de leur tablier et de leur cordon d'office, un large ruban bleu moiré, sur lequel sont brodés le
soleil, la
lune et sept étoiles, et auquel pendent une
équerre et un
compas entrelacés. Ce ruban leur descend de l'épaule gauche à la hanche droite.
On procède aux travaux de ce grade de la même façon qu'on le fait dans les deux précédents. Il n'y a de
changé que le formulaire de la réception.
Le candidat est amené à la porte de la
chambre du milieu, dans les loges dites
écossaises, par le maître des cérémonies ; dans les loges
françaises, par l'
expert ; dans les loges anglaises et américaines, par le premier diacre, ou
senior deacon. Il a les pieds déchaussés, le bras et le sein gauche nus, une
équerre attachée au bras droit. Une corde, dont son conducteur tient une extrémité, lui fait trois fois le tour de la ceinture, et on l'a dépouillé de tous les métaux qu'il pouvait avoir sur lui. Le maître des cérémonies le fait
frapper en
compagnon. A ce bruit, l'assemblée s'émeut.
Très respectable, dit le premier surveillant d'une voix altérée, un
compagnon vient de
frapper à la porte.
Voyez, répond le très respectable, comment il a pu y parvenir ; et sachez quel est et ce que veut ce
compagnon.
Le surveillant s'en informe, et il dit :
C'est le maître des cérémonies qui présente à la loge un
compagnon qui a fait son temps, et qui sollicite son admission à la maîtrise.
Pourquoi, dit le très respectable, le maître des cérémonies vient-il troubler notre douleur ? N'aurait-il pas dû, au contraire, dans un pareil moment, éloigner toute personne suspecte, et particulièrement un
compagnon ? Qui sait cependant si le
compagnon qu'il
amène n'est pas un des misérables qui causent notre deuil, et si le
ciel lui-même ne le livre pas à notre juste vengeance !
Frère expert, armez-vous et emparez-vous de ce
compagnon ; visitez avec soin toute sa personne ; examinez surtout ses mains ; assurez-vous enfin s'il n'existe sur lui aucune trace de sa complicité dans le crime affreux qui a été commis.
L'
expert se porte vivement près du candidat, le visite et lui arrache son tablier. Il rentre ensuite dans la loge, à la porte de laquelle il laisse le candidat sous la garde de quatre
frères armés.
Très respectable, dit l'
expert, je viens d'exécuter vos ordres. Je n'ai rien trouvé sur le
compagnon qui indique qu'il ait commis un meurtre. Ses vêtements sont blancs, ses mains sont pures, et ce tablier, que je vous apporte, est sans tache.
Vénérables frères, dit le très
respectable, veuille le Grand Architecte que le pressentiment qui m'agite ne soit pas fondé, et que ce
compagnon ne soit pas un de ceux que doit poursuivre notre vengeance ! Ne pensez-vous pas néanmoins qu'il convient de l'interroger ? Ses réponses nous apprendront sans doute ce que nous devons penser de lui.
Tous les
frères font le signe d'assentiment.
Frère expert, reprend le très respectable,
demandez à ce
compagnon comment il a osé espérer être
introduit parmi nous.
En donnant le mot de passe, répond le récipiendaire.
Le mot de passe ! s'écrie le
vénérable.
Comment peut-il le connaître ? Ce ne peut être que par suite de son crime...
Vénérable frère premier surveillant, transportez-vous près de lui, et l'examinez avec un soin
scrupuleux.
Le premier surveillant sort de la loge, examine en détail
les vêtements du récipiendaire, lui visite ensuite la main droite, et s'écrie :
Grands
dieux ! qu'ai-je vu !
Puis il le saisit au collet, et lui dit d'une voix menaçante
:
Parle, malheureux ! Comment donneras-tu le mot de passe ? Qui a pu te le communiquer ?
Je ne le connais pas, répond le récipiendaire.
Ce sera mon conducteur qui le donnera pour moi.
Cette réponse est transmise au très respectable,
qui dit :
Faites-vous-le donner,
vénérable frère
premier surveillant.
Le maître des cérémonies prononce ce mot à l'oreille du premier surveillant, qui dit ensuite :
Le mot de passe est juste, très respectable.
On introduit alors le récipiendaire en le faisant marcher à reculons, et on le conduit ainsi au bas du simulacre de tombe qui est placé au milieu de la loge. Le dernier maître reçu s'y est étendu, couvert du drap mortuaire des pieds à la ceinture, et tenant à la main une branche d'
acacia. Arrivé là, le récipiendaire
se tourne du côté de l'orient.
Compagnon, lui dit le très respectable, il faut que vous soyez bien imprudent ou que vous ayez bien peu le sentiment des convenances, pour vous présenter ici dans un moment où nous déplorons la perte de notre respectable maître Hiram-Abi, traîtreusement mis à mort par trois
compagnons, et lorsque tous les
frères de votre grade nous sont suspects à si juste titre ! Parlez : avez-vous trempé dans cet horrible attentat ? Etes-vous du nombre des
infâmes qui l'ont commis ? Voyez leur ouvrage !
On montre au récipiendaire le
corps qui est dans le
cercueil.
Non, répond-il.
Alors faites voyager ce
compagnon, dit le très
respectable.
Le maître des cérémonies prend le récipiendaire par la main droite et lui fait faire le tour de la loge. Quatre
frères armés l'accompagnent, et un
expert le suit, tenant un bout de la corde qui lui entoure la ceinture. Arrivé près du très respectable,
le récipiendaire lui frappe trois coups sur l'épaule.
Qui va là ? dit le très respectable.
C'est, répond le maître des cérémonies, un
compagnon qui a fait son temps et qui demande à passer dans la
chambre du milieu.
Comment espère-t-il y parvenir ?
Par le mot de passe.
Comment le donnera-t-il, s'il ne le sait pas ?
Je le donnerai pour lui.
Le maître des cérémonies s'approche du très respectable, et lui donne ce mot à l'oreille.
Passe, T..., dit le très respectable.
Ce cérémonial accompli, le récipiendaire est conduit à l'occident, d'où on le fait revenir à l'orient par la marche mystérieuse du grade de maître. Parvenu à l'
autel, il s'agenouille ; on lui pose les deux pointes d'un
compas ouvert sur le sein ; et, la main étendue sur la Bible, il prononce son obligation.
Levez-vous,
frère J..., lui dit ensuite le très respectable. Vous allez représenter notre respectable maître Hiram-Abi, qui fut cruellement assassiné lors de l'achèvement du temple de Salomon, ainsi que je vous le raconterai tout à l'heure.
En ce moment, le très respectable descend de son trône
; se place, au bas des marches de l'orient, vis-à-vis du récipiendaire ; et le reste des assistants se groupe autour du cercueil, d'où, quelques instants auparavant, s'est furtivement retiré le
frère qui s'y était
couché.
Tout étant ainsi disposé, le très respectable
parle au récipiendaire danm les termes suivants :
Hiram-Abi, célèbre architecte, avait
été envoyé à Salomon par
Hiram, roi de
Tyr, pour diriger les travaux de construction du temple de Jérusalem. Le nombre des ouvriers était immense. Hiram-Abi les distribua en trois classes, qui recevaient chacune un salaire proportionné au degré d'habileté qui les distinguait. Ces trois classes étaient celles d'apprenti, de
compagnon et de maître. Les apprentis, les
compagnons et les maîtres avaient leurs mystères particuliers, et se reconnaissaient entre eux à l'aide de mots, de signes et d'attouchements qui leur étaient propres. Les apprentis touchaient leur salaire à la colonne B ; les
compagnons, à la colonne J ; les maîtres, dans la
chambre du milieu ; et le salaire n'était délivré par les payeurs du temple à l'ouvrier qui se présentait pour le recevoir, que lorsqu'il avait été
scrupuleusement tuilé dans son grade. Trois
compagnons,
voyant que la construction du temple approchait de sa fin, et qu'ils n'avaient encore pu obtenir les mots de maître, résolurent de les arracher par la
force au respectable
Hiram, afin de passer pour maîtres dans d'autres pays, et de s'en faire adjuger la paie. Ces trois misérables, appelés Jubelas, Jubelos et Jubelum, savaient qu'
Hiram allait tous les
jours à midi faire sa prière dans le temple, pendant que les ouvriers se reposaient. Ils l'épièrent, et, dès qu'ils le virent dans le temple, ils s'embusquèrent à chacune des portes : Jubelas à celle du midi, Jubelos à celle de l'occident, et Jubelum à celle de l'orient. Là, ils attendirent qu'il se présentât pour sortir.
Hiram se dirigea d'abord vers la porte du midi. Il y trouva Jubelas, qui lui demanda le mot de maître, et qui, sur son refus de le lui donner avant qu'il eût fini son temps, lui asséna, en travers de la gorge, un coup violent d'une règle de vingt-quatre pouces dont il était armé.
En cet endroit de son récit, le très respectable
s'arrête, et le récipiendaire est conduit par le maître des
cérémonies près du second surveillant.
Donnez-moi le mot de maître, dit le second surveillant.
Non, répond le récipiendaire.
Cette demande et ce refus se répètent trois fois. A la dernière, le second surveillant frappe le récipiendaire à la gorge d'un coup de règle.
Hiram-Abi, reprend le très respectable, s'enfuit
à la porte de l'occident. Il trouva là Jubelos, qui, ne pouvant, pas plus que Jubelas, obtenir de lui le mot de maître, lui porta au cur un coup furieux avec une
équerre de fer.
Ici, le très respectable s'interrompt de nouveau. Le récipiendaire est
coq duit près du premier surveillant, qui lui demande le mot de maître à trois reprises, et qui, se le
voyant chaque fois refuser, le frappe au cur d'un coup d'
équerre. Cela fait, le récipiendaire est ramené devant le très respectable, qui continue son récit en ces termes :
Ebranlé du coup, Hiram-Abi recueillit ce qu'il lui restait de
forces, et tenta de se sauver par la porte de l'orient. Il y trouva Jubelum, qui lui demanda, comme ses deux complices, le mot de maître, et qui, n'obtenant pas plus de succès, lui déchargea sur le front un si terrible coup de
maillet, qu'il l'étendit mort à ses pieds.
En achevant ces mots, le très
respectable frappe vivement le récipiendaire au front avec son
maillet, et deux
frères, placés à ses côtés, l'entraînent en arrière, et le couchent sur le dos dans le simulacre de tombe qui se trouve en ce moment derrière lui
(11). On le couvre ensuite du drap mortuaire, et l'on met près de lui la branche d'
acacia.
Les trois assassins s'étant réjoints, poursuit le très respectable, se demandèrent réciproquement la parole de maître.
Voyant qu'ils n'avaient pu l'arracher à
Hiram, et, désespérés de n'avoir tiré aucun profit de leur crime, ils ne songèrent plus qu'à en faire disparaître les traces. A cet effet, ils enlevèrent le
corps et le cachèrent sous des décombres. La nuit venue, ils le portèrent hors de Jérusalem, et allèrent l'enterrer au loin sur une
montagne. Le respectable maître Hiram-Abi ne paraissant plus aux travaux comme à l'ordinaire, Salomon ordonna à neuf maîtres de se livrer à sa recherche. Ces
frères suivirent successivement différentes directions, et, le deuxième
jour, ils arrivèrent au sommet du Liban. Là, un d'eux, accablé de fatigue, se reposa sur un tertre, et s'aperçut que la terre qui formait ce tertre avait été remuée récemment. Aussitôt il appela ses
compagnons et leur fit part de sa remarque. Tous se mirent en devoir de fouiller la terre en cet endroit, et ils ne tardèrent pas à découvrir le
corps d'Hiram-Abi : ils virent avec douleur que ce respectable maître avait été assassiné. N'osant, par respect, pousser leur recherche plus loin, ils recouvrirent la fosse ; et, pour en reconnaître la place, ils coupèrent une branche d'
acacia, qu'ils plantèrent dessus. Alors, ils se retirèrent vers Salomon, à qui ils firent leur rapport... Mes
frères, poursuit le très respectable, imitons ces anciens maîtres.
Vénérables frères premier et second surveillants, partez chacun à la tête de votre colonne, et livrez-vous à la recherche du respectable maître Hiram-Abi.
Les surveillants font le tour de la loge en sens inverse,
en se dirigeant, l'un, par le nord, l'autre, par le midi. Le premier s'arrête
près du récipiendaire, soulève le drap qui le couvre, lui
met dans la main droite la branche d'
acacia ; et se tournant ensuite vers le très
respectable, il lui dit :
J'ai trouvé une fosse nouvellement fouillée,
où gît un cadavre, que je suppose être celui de notre respectable
maître Hiram-Abi. J'ai planté sur la place une branche d'
acacia,
afin de la reconnaître plus aisément.
A cette triste nouvelle, reprend le très respectable,
Salomon se sentit pénétré de la plus profonde douleur. Il jugea que la
dépouille mortelle renfermée dans la fosse ne pouvait être, en effet, que celle de son grand architecte Hiram-Abi. Il ordonna aux neuf maîtres d'aller faire l'exhumation du
corps, et de le rapporter à Jérusalem. Il leur recommanda particulièrement de chercher sur lui la parole de maître ;
observant que, s'ils ne l'y trouvaient pas, ils devaient en conclure qu'elle était perdue. Dans ce cas, il leur enjoignit de se bien rappeler le geste qu'ils feraient et le mot qu'ils proféreraient à l'aspect du cadavre, afin que ce signe et ce mot fussent désormais substitués au signe et à la parole perdus. Les neuf maîtres se revêtirent de tabliers et de gants blancs ; et, arrivés sur le mont Liban, ils firent la levée du
corps... Mes
frères, ajoute le très respectable, imitons encore en cela nos anciens maîtres, et essayons ensemble d'enlever les restes de notre infortuné maître
Hiram.
Le très respectable fait le tour du cercueil, à la tête de tous les
frères. Arrivé à la droite du récipiendaire, il s'arrête, et lui ôte des mains la branche d'
acacia.
Nous voici parvenus, dit-il, à l'endroit qui renferme le
corps de notre respectable maître : cette branche d'
acacia en est le sinistre indice.
Vénérables frères, exhumons sa
dépouille
mortelle.
Le très respectable soulève le drap mortuaire et découvre le récipiendaire entièrement. Ensuite il fait le signe et prononce le mot de maître, et il accomplit le reste du cérémonial
consacré.
Lorsque le nouveau maître a renouvelé son serment, qu'il a été constitué,
initié, proclamé et reconnu, on le fait asseoir à l'orient , à la droite du très respectable, et l'orateur lui adresse un discours dont voici la substance :
«
Vénérable frère, le très
respectable vient de vous dévoiler les plus secrets mystères de la
franc-maçonnerie. C'est à moi maintenant à vous en expliquer
l'
allégorie générale.
Notre institution, mon
frère, remonte aux temps les plus reculés. Elle a subi dans ses formes extérieures l'
influence des siècles ; mais son
esprit est constamment resté le même.
Les Indiens, les Egyptiens, les Syriens, les Grecs, les Romains, vous le savez, avaient des mystères. Les
temples où l'on y était
initié offraient, dans leur ensemble, l'
image symbolique de l'univers. Le plus souvent, la voûte de ces temples, étoilée comme le
firmament, était soutenue par douze colonnes qui figuraient les douze mois de l'année. La plate-bande qui couronnait les colonnes s'appelait zoophore ou zodiaque, et un des douze signes célestes y répondait à chacune des colonnes. Quelquefois aussi, la lyre d'
Apollon,
emblème de cette mélodie que, selon les anciens
initiés, produit le mouvement des
corps célestes, mais que nos organes trop imparfaits ne peuvent saisir, y tenait la place des signes du zodiaque. Le
corps de cette lyre était formé par le crâne et par les deux cornes du buf,
animal qui, pour avoir été employé à sillonner la terre, était devenu le
symbole de l'
astre qui la féconde ; les cordes, au nombre de sept, faisaient allusion aux sept planètes alors connues.
On retrouve les mêmes types
symboliques dans les temples des
Gaulois et des
Scandinaves. L'
Edda rapporte qu'un roi de Suède, appelé Gilfe
(12), introduit dans le palais d'Asgard, c'est-à-dire dans le séjour des
Dieux, vit le
toit de ce palais élevé à perte de
vue et couvert de
boucliers dorés ou d'étoiles. Il avait rencontré sur le seuil un homme qui s'exerçait à lancer en l'
air sept fleurets à la fois. Dans le langage hiéroglyphique des
initiés, les
épées et les poignards se prennent pour les rayons des astres : ces fleurets se rapportaient donc figurativement au système planétaire, et le palais d'Asgard offrait conséquemment une représentation de l'univers.
L'antre de
Mithra, ou du dieu-soleil, était un autre
emblème du monde. Les
initiés de la Perse consacraient les antres au culte de ce
dieu. Ils les partageaient en
divisions géométriques, et ils y figuraient en petit l'ordre et la
disposition de l'univers. C'est à leur exemple que l'usage s'était établi de célébrer les mystères dans les antres ; et cela explique pourquoi Pythagore et Platon appelaient le monde un antre, une caverne. Dans le cérémonial de la réception, les mithriades montaient une échelle le long de laquelle il y avait sept portes. Chaque porte figurait une des planètes, à travers lesquelles, selon la doctrine de tous les
initiés, passaient successivement les
âmes, qui s'y purifiaient et parvenaient enfin au
firmament, séjour de la lumière incréée, dont elles s'étaient détachées originairement pour venir habiter la terre et s'y unir aux
corps.
La
franc-maçonnerie, mon
frère,
a des
symboles analogues. Je ne vous parlerai pas de cette
étymologie qui fait dériver le mot de
loge du sanscrit
loca ou
loga, qui signifie
monde, bien qu'en considérant l'affinité qui existe entre le sanscrit et les langues grecque et latine, dont les idiomes modernes sont formés, une telle
étymologie ne dût pas paraître forcée
(13). Je vous ferai seulement remarquer que, d'après le catéchisme de l'apprenti, les
dimensions de la loge sont celles de l'
univers ; que sa longueur est de l'orient à l'occident, sa largeur du midi au
septentrion, sa profondeur de la surface de la terre au centre, sa
hauteur d'innombrables coudées ; que les piliers qui la soutiennent sont la Sagesse, la
Force et la Beauté, attributs principaux de la création ; enfin qu'il faut monter sept degrés pour parvenir à la porte de la loge, et que ces sept degrés rappellent l'échelle emblématique de
Mithra.
Dans tous les mystères anciens, comme dans l'
initiation
maçonnique,
le cérémonial de la réception figurait les révolutions des corps célestes et leur action fécondante sur la terre. Ce cérémonial faisait également allusion aux diverses purifications de l'
âme pendant son passage à travers les planètes, où elle revêtait des
corps plus purs à mesure qu'elle se rapprochait de sa source, la lumière incréée. Les
prêtres, qui présidaient à l'
initiation, lui attribuaient la vertu de dispenser l'
âme de l'
initié des diverses migrations planétaires ; cette
âme, à la mort de l'
adepte, passait directement dans le séjour de l'éternelle béatittude.
Par une conséquence toute naturelle
de ces prémisses emblématiques, les
officiers, qui présidaient aux
initiations de l'antiquité, et notamment à celle d'
Eleusis, représentaient
les grands agents de la création. L'
hiérophante, que l'on peut comparer au
vénérable de la loge, figurait le Dêmi-Ourgos, le Grand Architecte, le Charpentier du monde. La dadouque, second ministre, le même que notre premier surveillant, représentait le
soleil ; il en portait l'image sur la poitrine. L'épibome, ou notre second surveillant, représentait la
lune ; il était décoré du croissant de cette planète. Enfin le
céryce, ou
héraut sacré, l'orateur de l'
initiation maçonnique, symbolisait la
parole, c'est-à-dire la vie, dans la langue
mystique. On trouve les mêmes ministres, moins le dernier, dans l'
initiation scandinave. Gilfe ayant, comme vous l'avez vu, pénétré dans le palais d'Asgard, « aperçut, dit l'
Edda, trois trônes élevés l'un au-dessus de l'autre, et, sur chaque trône, un homme assis. Il demanda lequel des trois était le roi
(14).
Son conducteur répondit : « Celui que vous voyez assis sur le premier trône est le roi ; il se nomme Har c'est-à-dire sublime ; le second Jafnhar, l'égal du sublime ; mais celui qui est le plus élevé s'appelle Trédie, ou le nombre trois. » Les chrétiens ont conservé, de leurs mystères primitifs, une hiérarchie
symbolique du même genre : le pape, du grec
pappas, père, créateur ; l'
évêque, d'
épiskopos, surveillant ; et l'
archevêque, d'
archê épiskopos, premier surveillant. Vous devez vous rappeler, mon
frère, que les catéchismes maçonniques sont fort explicites en ce qui touche le rôle emblématique des trois premiers officiers de la loge ; ils disent, en effet, qu'au moment où l'apprenti reçoit l'
initiation, il aperçoit « trois sublimes lumières de la maçonnerie :
le soleil, la lune et le maître de la loge. »
Indépendamment de la hiérarchie des fonctions, les anciens
initiés avaient une
hiérarchie de grades. Ainsi, les isiades passaient par trois degrés d'
initiation : les mystères d'Isis, ceux de Sérapis et ceux d'Osiris. Après le temps d'épreuves, les
initiés d'
Eleusis devenaient
mystes, puis
époptes. Les Pythagoriens avaient trois grades : auditeur,
disciple, physicien ; les premiers chrétiens, trois grades aussi : auditeur, compétent, fidèle ; les manichéens, trois grades également : auditeur, élu, maître. Les seuls mithriades en avaient sept : soldat,
lion,
corbeau, perse, bromius, hélios et père. A l'exemple de toutes les
initiations, la
franc-maçonnerie a trois grades, ceux d'apprenti, de
compagnon et de maître.
Comme de nos
jours, le cérémonial
mystique s'accomplissait
secrètement dans les anciens mystères ; et l'on n'était admis à en être témoin qu'après avoir subi de longues et pénibles
épreuves, et s'être engagé, par un
serment solennel, à n'en divulguer aux
profanes ni les détails ni la signification. Macrobe nous explique les motifs de cette réserve : « La nature, dit-il, craint d'être exposée nue à tous les regards. Non seulement elle aime à se travestir pour échapper aux yeux grossiers du vulgaire, mais encore elle exige des sages un
culte emblématique. Voilà pourquoi les
initiés eux-mêmes n'arrivent à la connaissance des mystères que par les voies détournées de l'
allégorie. »
Le parallèle auquel je viens de me livrer, mon
frère,
était indispensable pour que vous pussiez aisément comprendre et admettre ce qu'il me reste à vous dire.
« Bien que, d'après nos traditions, Salomon
soit le fondateur de la
franc-maçonnerie, le personnage qui joue le principal
rôle dans la
légende est
Hiram, l'architecte du temple de Jérusalem.
Hiram, le même qu'Osiris, que
Mithra, que
Bacchus, que
Balder, que tous
les
dieux célébrés dans les mystères anciens, est
une des mille
personnifications du soleil.
Hiram signifie en hébreu
: vie élevée ; ce qui désigne bien la position du
soleil
par rapport à la terre. Selon l'
historien Josèphe,
Hiram était
fils d'un
Tyrien nommé
Ur, c'est-à-dire
feu. On l'appelle
aussi Hiram-Abi,
Hiram père, comme les Latins disaient :
Jovis pater,
Jupin père ;
Liber pater,
Bacchus père. Mais alors il existe,
entre
Hiram et Hiram-Abi, la même différence que chez les Egyptiens,
par exemple, entre
Horus et Osiris. Celui-ci est le
soleil qui s'éteint
au
solstice d'
hiver ; celui-là, le
soleil qui renaît à la
même époque.
Hiram est représenté comme le chef des constructeurs du temple de Salomon. Cette
allégorie maçonnique se retrouve dans les
fables du
paganisme, et jusque dans la Bible. Dans les premières, on voit
Apollon, ou le
soleil, travailler comme maçon à la construction des murs de
Troie, et
Cadmus, qui est aussi le
soleil, bâtir Thèbes aux sept portes, qui avaient les noms des sept planètes. L'
Edda des
Scandinaves parle d'un architecte qui propose aux
dieux de leur construire une ville, et leur demande pour salaire le
soleil et la
lune. Dans la Bible, on
lit, au livre des
Proverbes, ces paroles significatives : « La souveraine sagesse a
bâti sa maison ; elle a taillé ses
sept colonnes. » Vous remarquerez en outre qu'on saupoudrait de
plâtre le récipiendiaire dans certaines
initiations anciennes
(15).
Pendant le cérémonial qui s'est accompli, mon
frère, à votre triple réception, nous avons figuré
la révolution annuelle du soleil, et vous avez
représenté cet astre. Le même
rite était en usage dans les anciennes
initiations.
Le
mythe des trois grades maçonniques embrasse les principales
divisions de la course annuelle du
soleil. Le premier grade se rattache au temps qui s'écoule entre le
solstice d'
hiver et l'
équinoxe du printemps ; le second, au temps compris entre l'
équinoxe du printemps et l'
équinoxe d'
automne, et le troisième, au temps qui suit, jusqu'au
solstice d'
hiver.
Aspirant, vous avez d'abord été placé dans un lieu de ténèbres et entouré des images de la
destruction ; vous en êtes sorti les yeux couverts d'un bandeau, et à moitié nu. Toutes ces circonstances faisaient allusion au
soleil d'
hiver sans lumière, sans
chaleur et sans
force ; à la nature triste et dépouillée de ses ornements accoutumés. Vous étiez alors l'
Horus des Egyptiens, l'
Iacchus des Athéniens, le Casmilus de
Samothrace ; en un mot, le
soleil renaissant. On vous a introduit dans le temple ; vous y avez fait trois voyages, au milieu du bruit, des secousses réitérées qu'éprouvait le sol sur lequel vous marchiez ; vous avez été purifié par l'
eau, par le
feu ; vos yeux se sont ouverts à la lumière. Ne reconnaissez-vous point là les vicissitudes des trois mois de l'année que traverse le
soleil au commencement de sa révolution, les ouragans, les
pluies, et enfin le printemps qui rend la paix, la vie et la
clarté à la nature ? Le
frère terrible qui vous accompagnait et vous soumettait aux épreuves, c'est
Typhon, le méchant
frère d'Osiris, le mauvais principe, qui lutte constamment contre la lumière et sa
chaleur vivifiante.
La réception au grade de
compagnon offre une continuation
de la même
allégorie. Là, vous n'étiez plus cet apprenti
qui dégrossit la pierre brute, ou le
soleil qui jette des semences de fécondité dans une terre nue et sans grâce ; vous étiez l'ouvrier habile qui donne à la matière des formes élégantes et symétriques. Vous avez accompli cinq voyages, puis un sixième, et alors on vous a communiqué une parole qui signifie
épi, pour vous rappeler l'action fécondante du
soleil pendant les six mois qui s'écoulent entre les deux
équinoxes.
Au grade de maître, où vous venez d'être
reçu, la scène se rembrunit, et, en effet, à l'époque
où l'on est arrivé, le
soleil commence à redescendre vers
l'hémisphère inférieur. La
légende que l'on vous a
racontée rapporte que, le temple étant presque achevé, c'est-à-dire que le
soleil étant parvenu aux trois quarts de sa course annuelle, trois mauvais
compagnons, les trois mois d'
automne, conspirèrent contre les
jours d'Hiram-Abi. Pour consommer leur attentat, ils s'apostent aux trois portes du temple, situées au midi, à l'occident et à l'orient, les trois points du
ciel où paraît le
soleil ; et, au moment où
Hiram, ayant achevé sa prière, se présente pour sortir à la porte du midi, un des trois
compagnons lui demande la parole sacrée, qu'
Hiram est alors dans l'impuissance de donner. La parole, je vous l'ai dit, c'est la vie : la présence du
soleil dans sa
force provoque, en effet, les acclamations, les chants de tout ce qui respire ; son absence rend tout muet.
Hiram ayant refusé de donner la parole, est aussitôt frappé à la gorge d'un coup de règle de vingt-quatre pouces. Ce nombre est celui des heures de la révolution diurne du
soleil. C'est l'accomplissement de cette
division du temps, celle du
jour en vingt-quatre heures, qui porte le premier coup à l'existence du
soleil.
Hiram s'imagine pouvoir fuir par la porte de l'occident : mais, là, il rencontre le second
compagnon, qui, sur son refus de lui donner la parole, le frappe au cur d'une
équerre de fer. Si vous
divisez en quatre parties le cercle du zodiaque, et que, de deux points de section les plus rapprochés, vous tiriez deux lignes droites convergentes vers le centre, vous aurez une
équerre, c'est-à-dire un
angle ouvert à 90 degrés. Le second coup porté au maître fait donc allusion au préjudice que porte au
soleil la seconde distribution du temps, celle de l'année en quatre saisons. Enfin, Hiram-Abi, espérant pouvoir fuir par la porte de l'orient, s'y présente. Il y trouve le troisième
compagnon, qui, après lui avoir, lui aussi, demandé vainement la parole, le frappe au front d'un coup mortel avec un
maillet. La forme cylindrique du
maillet figure l'accomplissement total du cercle de l'année.
Les circonstances qui suivent sortent de ce principal thème,
bien qu'elles aient toujours rapport à la mort fictive du
soleil.
A peine les
compagnons ont-ils consommé le meurtre d'
Hiram, que déjà ils éprouvent des remords et des craintes, et qu'ils songent à faire disparaître les traces de leur crime. D'abord ils cachent le cadavre sous des décombres, image des frimats et du désordre qu'
amène l'
hiver ; puis ils vont l'enterrer sur le mont Liban. Il est à
remarquer que cette
montagne joue un rôle important dans la
légende
d'
Adonis ou Adonaï, dont les mystères, établis chez les
Tyriens,
s'étaient introduits parmi les juifs, qui avaient donné au
dieu le nom de Thammuz. C'est sur le mont Liban qu'
Adonis avait été mis à mort par un sanglier,
emblème de l'
hiver, comme le fait voir Macrobe ; et c'est là qu'il avait été retrouvé par
Vénus en pleurs.
Hiram ne reparaissant plus, Salomon envoie à sa recherche
neuf maîtres, figure des neuf bons mois de l'année. Arrivés sur le mont Liban, ils découvrent le
corps inanimé d'
Hiram, que les trois mauvais
compagnons y avaient enseveli. Ils plantent sur la fosse, qu'ils ont recouverte, une branche d'
acacia,
arbre que les anciens Arabes avaient, sous le nom d'
huzza, consacré au
soleil. C'est le rameau de
myrte de l'
initiation grecque ; le rameau d'or de Virgile, le gui des
Gaulois et des
Scandinaves, l'aubépine des chrétiens. Enfin, après que le cadavre du maître a été exhumé, la parole sacrée est changée ; car c'est un autre
soleil qui va naître.
Telle est en substance, mon
frère, cette
allégorie
de la maîtrise, dont les traits fondamentaux se retrouvent dans les
fables
d'Osiris, d'
Adonis, de
Bacchus, de
Balder et de tous les autres
dieux célébrés dans les mystères de l'antiquité. Dans toutes, c'est un homme vertueux qu'on assassine, dont on veut cacher la mort ; ce sont des recherches ; c'est une sépulture sur laquelle s'élève une plante : c'est, en un mot, la même pensée.
Dans votre réception au grade de maître, nous avons mis eu action l'
histoire d'Hiram-Abi. Vous êtes entré à reculons dans la loge, pour figurer la marche rétrograde du
soleil d'
hiver. On vous a successivement conduit au midi, à l'occident, à l'orient, où, à l'imitation d'Hiram-Abi, vous avez reçu tour à tour les trois coups mortels. En recevant le dernier, votre cadavre fictif a été renversé dans une fosse, sur laquelle on a planté une branche d'
acacia. Bien que les anciens
initiés aient été fort sobres d'explications sur le cérémonial des mystères, nous trouvons toutefois dans les écrits qu'ils nous ont laissés des traces d'une cérémonie analogue. C'est ainsi que, d'après Lucien, il y avait dans l'
initiation d'
Adonis un moment où le récipiendaire
se couchait à terre. A Chio et à Ténédos notamment, dans les mystères de
Dionysius ou
Bacchus (le
soleil), les
initiés, suivant Porphyre, commémoraient la
fable de
Bacchus mis à mort par les
Titans ; et « le
dieu était représenté par
un homme qu'on immolait. » Lampride, dans sa
Vie de l'empereur Commode, nous apprend que ce prince, assistant aux mystères de
Mithra,
immola un homme de sa propre main ; mais l'écrivain a soin d'insinuer que ce n'était là qu'un simple
simulacre, sans
effusion de sang. Lorsque vous avez été placé dans la fosse, les deux surveillants, suivis des
frères auxquels ils commandent, ont fait autour du cercueil, en commémoration de la recherche du
corps d'
Hiram, deux tours en sens opposés, l'un d'orient en occident, l'autre d'occident en orient. D'après Celse, cité par Origène, les mithriades accomplissaient dans leurs mystères une procession du même genre, « pour représenter le double mouvement des étoiles fixes et des planètes. » Ce cérémonial achevé, on a simulé sur votre personne l'exhumation d'un cadavre, ainsi que cela eut lieu, suivant les
légendes sacrées, pour les
corps d'
Hiram, d'Osiris et des autres
dieux. Enfin, on vous a fait exécuter une marche qui rappelle celle du
soleil dans l'écliptique, où il passe alternativement de l'un à l'autre côté de la ligne
équinoxiale, indiquée dans cette loge par le tombeau d'Hiram-Abi.
Les ornements dont vous êtes décoré rentrent
dans l'
allégorie solaire, comme les autres circonstances de votre réception. Votre tablier, par sa forme semi-circulaire, figure l'hémisphère inférieur. Le cordon que vous portez de l'épaule gauche à la hanche droite est la bande zodiacale ; la
couleur en est bleue, parce que, de même que les anciens
initiés, les francs-maçons affectent
cette
couleur aux signes inférieurs du zodiaque. Le bijou suspendu au bas de votre cordon se compose d'un
compas sur une
équerre. Le
compas est l'
emblème du
soleil ; la tête figure le disque de cet
astre ; les branches en représentent les rayons. L'
équerre fait allusion à cette portion de la
circonférence de la terre que le
soleil éclaire de son
zénith.
Dans toutes les cérémonies qui s'accomplissent en loge, vous reconnaîtrez constamment la même pensée. Ainsi, notre association s'est mise sous l'invocation de saint Jean, c'est-à-dire de
Janus, le
soleil des
solstices. Aussi est-ce à ces deux époques de l'année que nous célébrons la fête de notre patron, avec un cérémonial tout astronomique. La table à laquelle nous prenons place a la forme d'un fer-à-cheval, et représente figurativement la moitié du cercle du zodiaque. Dans les travaux de table, nous portons sept santés ; ce nombre est celui des planètes, auxquelles les anciens
initiés offraient aussi sept
libations.
Il y a encore dans la
franc-maçonnerie un autre point de similitude avec les doctrines des
initiations de l'antiquité ; c'est l'emploi des nombres
mystiques, mais restreint aux impairs, comme les plus parfaits :
Numero Deus impare gaudet. Pour ne pas prolonger davantage cette explication, déjà trop étendue, je ne vous déroulerai pas ici la théorie complète de ce genre de
symboles ; vous la trouverez dans les
Vers dorés, dans Macrobe, dans Aulu Gelle, et, plus près de nous, dans Ticho-Brahé. Il vous suffira de savoir quant à présent que les âges emblématiques des trois grades qui vous ont été successivement donnés se rattachent à cette théorie : l'apprenti a
trois ans, nombre de la
génération, qui comprend les trois termes :
agent, patient et produit ; le
compagnon a
cinq ans, nombre de la vie active, caractérisée dans l'homme par les cinq sens ; le maître a
sept ans, nombre de la perfection, par allusion aux sept planètes primitivement connues, qui complétaient le système astronomique ; par allusion aussi aux purifications que les
âmes subissaient en traversant les sept mondes, et qui les rendaient aptes à être admises dans le séjour lumineux, siège et foyer de l'
âme universelle.
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(11) Voyez planche n° 5.
(12) Ce nom vient du
tudesque wolf, et signifie
loup, ou
initié. Cette substitution du
g au
w est commune dans les langues du Nord. Ainsi, le mot anglais
wages est notre mot français
gages ; le nom de la province anglaise
Wales s'écrit
Galles en français. Il n'est pas rare non plus qu'il y ait substitution de voyelles dans les mots qui passent d'une langue à une autre. Les voyelles se transforment également, dans une même langue, avec le temps : en français, par exemple, la diphtongue
oi, qui se prononce aujourd'hui
ê, s'est successivement prononcée
oa et
oé. On sait, d'un autre côté, que les
points ont été ajoutés à l'écriture hébraïque dans le but de
fixer la valeur des voyelles, qui, auparavant, variait à l'
infini. Les philologues admettront notre
étymologie sans démonstration.
(13) Le nom de
lucus, que les Romains donnaient à leurs
bois sacrés, dérive également du sanscrit
loca. Les
bois sacrés, en effet, étaient un
emblème du
monde. Il est facile de voir que les premiers architectes chrétiens, animés du même
esprit symbolique, ont voulu imiter, dans la construction intérieure des
églises, les sombres allées d'une
forêt. Quant à la forme d'un
carré long que l'on donne à la loge, c'est celle que les anciens géographes attribuaient au monde, avant que Ptolémée eût rectifié cette erreur dans son système cosmographique.
On tire aussi l'
étymologie du nom de maçon du mot indien
mazer,
templier, faiseur de temples ; formé de
maz, temple, et de la finale
er, qui indique la caste, la profession.
(14) Dans le langage figuré des
initiés anciens, on désignait le
soleil sous le nom de roi, parce qu'on le considérait comme le chef et le directeur du système planétaire. La
lune était l'
épouse, la sur, l'égale du
soleil. On attribuait au
soleil une
influence directe sur les
animaux et sur les minéraux ; à la
lune, une pareille
influence sur la végétation.
(15) Les noms d'architectes que nous a transmis l'antiquité : Chemmis, Dorus, Satyrus, Pithée, Briassis,
Trophonius,
Agamède,
Dédale,
Deucalion,
Thésée, Callimaque, etc., sont autant de noms du
soleil et de la
lune. La construction du temple d'
Apollon à
Delphes est attribuée à
Agamède et à son
frère Trophonius.
Plutarque dit que, lorsque le temple fut achevé,
les deux frères demandèrent au
dieu leur récompense.
Apollon leur ordonna d'attendre huit
jours, et de faire bonne chère jusque-là. Ce terme arrivé, on les trouva morts. Le
dieu scandinave Thor tue également les deux architectes qui demandaient, à titre de salaire, le
soleil et la
lune pour bâtir une ville aux immortels.