I
Connaissant parfaitement l'état des choses, le prince Murat brigua en 1852 la grande-maîtrise de l'Ordre maçonnique en France, et l'obtint.
C'était prendre l'engagement de maintenir cette institution dans les voies de progrès et d'indépendance qu'elle avait toujours suivies.
Ses premiers actes furent en rapport avec la mission qu'il avait recherchée. Il écrivait en 1856 à M. Berjot de
Caen :
Dieu, l'immortalité de l'âme et l'amour du prochain, voilà notre devise.
De même qu'il y a un droit naturel, qui est la source de toutes les lois positives, de même il y a une religion universelle qui renferme toutes les religions particulières du globe. C'est cette religion universelle que nous professons ; et par conséquent nous accueillons tous ceux qui professent une religion particulière s'y rattachant. C'est cette religion universelle que le gouvernement professe, quand il proclame la liberté des cultes. Dire que nous sommes sans religion parce que nous en professons une qui les embrasse toutes, ce serait dire que tel homme nie la loi, parce qu'il reconnaît un droit naturel, suprême, immuable, d'où émanent les législations de tous les temps et de tous les lieux.
Le T:. Ill:. Grand-Maître prince LUCIEN MURAT au F:. Berjot, de Caen. (Bulletin du G:. O:., n°
de juin 1856).
Par ces paroles, le prince Murat proclamait alors la
tolérance et s'engageait à ne jamais seconder, dans sa puissance temporelle, aucune
religion persécutant les autres.
Voyons ce qu'il fit dans la suite ; transportons-nous au Sénat, au moment de la discussion de l'adresse à l'Empereur.
La Commission de l'adresse à l'Empereur se bornait à exprimer la confiance du Sénat dans le monarque «
qui couvre la papauté du drapeau français, etc. » Les amis de l'autorité temporelle du Saint-Siège proposaient d'
ajouter : «
et maintient à Rome la souveraineté temporelle du Saint-Siège, sur laquelle repose l'indépendance de son autorité spirituelle. »
C'était, on le voit, la doctrine de l'ultramontanisme que l'on proposait au gouvernement français de professer solennellement, et la restauration du trône
pontifical qu'on lui imposait pour l'avenir. Tel était l'amendement auquel s'est associé le prince Lucien Murat par son vote motivé comme suit : « Mon passé répond de l'avenir. Je ne suis pas suspect, et je voterai l'amendement. » (Longue agitation.
Moniteur du 07 mars 1861.)
Un homme ne se dédouble pas ; nous respectons toutes les opinions, mais nous ne pouvons souffrir ceux qui crient en même temps d'un côté : Vive la
liberté! vive la
tolérance ! et, de l'autre : Vive le despotisme ! vive le
droit divin !
La
Franc-Maçonnerie tolérante respecte le catholicisme, puisque elle a toujours reçu dans son sein les membres de toutes les
Eglises ; elle respecte la Papauté comme elle respecte les représentants de toutes les sectes ; mais elle ne peut point défendre et protéger le pouvoir temporel qui n'est ni la doctrine, ni le dogme, ni la foi, ni la
religion, en un mot, mais l'intolérance elle-même, qui persécute les
Francs-Maçons et s'efforce de les exterminer partout où s'étend sa puissance.
Nous ne parlerons pas ici de la candidature du prince Murat au trône de Naples, mais nous demanderons si c'est bien le Grand-Maître de la
Franc-Maçonnerie qui, le 27 mars dernier, écrivait du château de Buzenval :
« La règle fondamentale de ma conduite serait bien différente de celle des hommes qui agitent l'Italie, Ceux-ci ont superposé au peuple italien des
confréries de conspirateurs associés à toutes les révolutions
européennes. Nous serions heureux, au contraire, de voir disparaître cette
aristocratie artificielle de conspirateurs qui dispose de tout à son gré. Nous ne rechercherions pas l'amitié de ces agitateurs
cosmopolites qui rêvent un remaniement territorial de l'
Europe, mais celle de tout gouvernement doué de tendances conservatrices et progressives. »
Chacun sait que, sous ce nom de confréries de conspirateurs, la cour de Rome désigne spécialement les réunions franc-maçonniques.