Etienne, surnommé
Harding, troisième abbé de Cîteaux,
né en Angleterre, d'une famille noble, fit ses premières
études et prit l'habit
religieux au
monastère de
Schirburn. Il en sortit pour passer en Ecosse, et de là
en France. Après avoir achevé sa réthorique
et sa philosophie dans les écoles de
Paris, il partit pour
Rome, avec un jeune ecclésiastique de ses amis. A son retour,
il s'arrêta à l'
abbaye de
Molesme, où il ne
put retenir son
compagnon de voyage. Cependant, cette
abbaye tomba
bientôt dans un extrême relâchement, effet d'une
dangereuse abondance.
Saint Robert, qui en était abbé,
en remit la direction au prieur Alberic, et s'exila dans la solitude
de
Vinay. Alberic ne tarda pas à suivre Robert, et le fidèle
Etienne à les
joindre tous deux. Il leur offrit ses secours
pour une réforme ; mais le peu de succès qu'obtint
leur nouvelle tentative les ayant découragés, ils
allèrent, avec 18 autres
religieux de
Molesme, jeter, en
1098, les fondements de l'
abbaye de Cîteaux, dans une
forêt
du
diocèse de Challon. Ils vinrent heureusement à
bout de leur entreprise, avec la permission du
légat de
Rome et l'assistance du
duc de
Bourgogne. Les services rendus
par Etienne à l'établissement nouveau ne furent
pas sans récompense. Après la mort d'Alberic, second
abbé de Cîteaux, il fut choisi à l'unanimité
pour lui succéder. Sous la conduite d'Etienne, ses
religieux
pratiquèrent à la lettre ce précepte de l'
Evangile
:
Cherchez premièrement le royaume des cieux, et le
reste vous sera donné comme par surcroît. Aussi,
dans la disette où ils se trouvaient souvent, quelques
aumônes qui venaient à propos leur semblaient venir
par miracle. Etienne, en tout
ennemi du luxe, le bannit même
du service divin. Il remplaça l'or et l'
argent par le cuivre
et le fer, et ne fit grâce qu'aux calices de vermeil. Il
eut à craindre un moment que cette sévérité
de moeurs ne nuisît à l'accroissement de sa communauté
: plusieurs
frères étaient morts en moins de deux
ans, et personne ne se présentait pour les remplacer.
Etienne était plongé dans une
affliction profonde, quand tout à coup arriva saint
Bernard,
qui venait, à la tête de trente gentils-hommes français,
solliciter leur commune admission dans un ordre dont il a fait
la gloire.
Son exemple ne fut point stérile. Cîteaux
eut en peu de temps une surabondance de population, dont Etienne
forma des colonies, qui fondèrent, sous ses auspices, les
monastères de la
Ferté, de
Pontigny, de Clairvaux
et de Morimond. On a appelé ces quatre
abbayes les quatre
filles de Cîteaux. Etienne, considérant ces rapides
progrès de l'ordre, ne voulut plus être le seul
juge
des intérêts de tous, et convoqua, en 1116, le premier
chapitre général de Cîteaux. Satisfait de
cet essai, il en convoqua un second, en 1119, pour soumettre à
son examen des statuts intitulés
Charta charitatis,
ayant pour but de réunir en un même
corps les différentes
abbayes dont Cîteaux était, en quelque sorte, la
métropole.
Lorsque Etienne sentit l'affaiblissement
de ses
forces, il se démit, en plein chapitre, de sa dignité
d'abbé, demandant la permission de s'occuper de lui, puisqu'il
ne pouvait plus s'occuper des autres. Il fut remplacé par
un hypocrite, que sa mauvaise conduite fit
déposer au bout
d'un mois ; mais il eut, de son vivant, un second successeur plus
digne de lui, et mourut, avec cette consolation, le 28 mars 1134.
(Biographie
universelle ancienne et moderne - Tome 24 - Page 546)