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Alaric Ier

(~370 - 410, à Cosenza)
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Alaric Ier dans son temps
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Alaric Ier, roi des Wisigoths (370-410)      Ce conquérant était de la famille des Balthes, la plus illustre de la nation des Goths, après celle des Amales. L'histoire ne commence à parler de lui que vers l'an 595, époque où les Goths se réunirent aux armées de Théodose le Grand, pour combattre les Huns, nation redoutable à l'empire d'Occident. Les Goths, commandés par Alaric, rendirent de grands services pendant cette guerre, dans laquelle, en défendant un empire ébranlé de toutes parts, ils apprirent à connaître sa faiblesse et se préparèrent à l'attaquer. Ils aidèrent Théodose à triompher du rebelle Eugène, qui voulait s'élever à la pourpre impériale (335). Ce fut lui qui prit Rome pour la première fois, et qui enseigna aux barbares le chemin de cette capitale du monde ; ainsi appelés dans les affaires intérieures de l'empire, ils devinrent bientôt des hôtes incommodes et des protecteurs dangereux. Alaric, à qui l'on avait cédé un territoire dans la Thrace, et qui n'avait obtenu qu'un titre honorifique dans l'armée romains, se plaignit hautement de l'ingratitude des maîtres de l'Occident. La cour des empereurs était alors remplie d'hommes qui faisaient des vœux secrets pour les barbares, les uns, parce qu'ils supportaient impatiemment l'autorité ; les autres, parce qu'ils avaient des vues d'ambition, et qu'ils espéraient entrer en partage des dépouilles de l'empire, s'il venait à être renversé. La rivalité du Vandale Stilicon, tuteur d'Honorius, et du Goth Rufin, tuteur d'Arcadius, servit les projets d'Alaric. Rufin l'excita secrètement à envahir la Grèce ; et, lui ayant fait passer des sommes considérables, il n'eut pas de peine à le déterminer. Bientôt le chef des Goths ravagea la Pannonie, la Macédoine, la Thessalie, et s'avança jusqu'aux Thermopyles ; les plus beaux monuments des arts furent détruits par ses soldats. Sozime rapporte, dans son histoire, que l'ombre d'Achille, et Minerve, armée de sa redoutable égide, défendirent les murs d'Athènes. Cette fable, digne de figurer dans une épopée, ne s'accorde ni avec la vérité historique, ni avec le caractère du chef des Goths. Loin d'être arrêtés par les dieux du paganisme, les compagnons d'Alaric, qui avaient embrassé la doctrine des ariens, renversèrent les autels de Minerve et de toutes les autres divinités de l'ancienne Grèce. Claudien, dans son poème intitulé La Guerre contre les Gètes, fait un tableau effrayant de cette désastreuse invasion. Malheureusement, les récits du poète sont, en cela, plus exacts que ceux de l'historien. Stilicon vint au secours des Grecs, avec une puissante armée. Après plusieurs combats, il força les Goths vaincus à se retirer sur le Pholoé ; et, par de savantes manœuvres, il les enferma dans leur camp, où la faim devait bientôt les livrer sans défense au glaive des Romains ; mais, comptant trop sur la victoire, il quitta son armée pour assister aux fêtes religieuses des Grecs, qui tenaient d'autant plus à leur ancien culte, qu'Alaric s'en était déclaré l'ennemi, et qui croyaient insulter aux barbares, en renouvelant en l'honneur des dieux les solennités et les jeux du paganisme. Tandis que Stilicon et les peuples de la Grèce célébraient la défaite des Goths, Alaric parvint à s'échapper ; et, peu de jours après, on apprit qu'il était maître de l'Epire. Stilicon fut rappelé par Honorius, et l'empereur d'Orient ne trouva d'autre moyen d'arrêter l'invasion des Goths, que de donner à leur chef la souveraineté de l'Illyrie.

      Maître de vastes provinces, Alaric n'oublia point qu'il avait été l'ennemi d'Honorius, et ne s'occupa que des moyens de recommencer la guerre contre l'empire d'Occident. Après avoir été élevé sur un pavois, et proclamé roi desVisigoths, il rassembla une armée où furent appelés les barbares des rives du Danube, auxquels il promit les dépouilles de Rome et de l'Italie. Il devait trouver peu d'obstacles dans cette nouvelle guerre : Honorius était un prince faible et timide ; comme dans tous les Etats en décadence, Rome n'avait plus de défenseurs dont la fidélité fût éprouvée. A l'approche des Goths, on rappela du fond des provinces les vieilles troupes et tous les barbares qui s'étaient mis à la solde des Romains. L'Italie se trouvait ouverte de toutes parts, et bientôt le pillage d'Aquilée et de plusieurs autres villes annonça la présence des barbares (402) ; Honorius fut obligé d'abandonner Milan, et de se réfugier dans le château d'Asti, où il se trouva bientôt assiégé. L'empereur était près de se rendre, lorsque les troupes venues de la Gaule et de la Germanie, sous le commandement de Stilicon, surprirent Alaric, et l'assiégèrent à son tour dans ses retranchements. Le chef barbare, qui s'était laissé surprendre, déploya pour réparer sa faute le courage et le génie d'un habile capitaine. Il releva par son exemple et par ses discours la bravoure de ses soldats ; mais les Romains eurent recours à un stratagème qui affaiblit l'ardeur de leurs ennemis : ils les attaquèrent tandis qu'ils célébraient les fêtes de Pâques. Les Goths, nouvellement convertis à l'arianisme, croyant commettre un sacrilège en combattant dans un jour si solennel, prirent les armes moins pour vaincre que pour se défendre, et leur infanterie fut taillée en pièces ; les dépouilles de la Grèce, la femme et les enfants d'Alaric tombèrent entre les mains des soldats d'Honorius. Cette bataille, livrée près de Polentia, à 25 milles de Turin, fut représentée à la cour d'Honorius comme une victoire décisive ; et, pour nous servir de l'expression du poète Claudien, comme un coup mortel porté au cœur de la Scythie. Cependant, après sa défaite, Alaric marcha sur Rome à la tête de sa cavalerie qui n'avait point souffert, et fit redouter son courage ou son désespoir, au point qu'on résolut d'acheter en retraite, après l'avoir vaincu. On lui rendit sa femme et ses trésors ; mais il ne voulut pas quitter l'Italie avant d'avoir signalé la valeur de ses soldats par une conquête importante, et résolut de s'emparer de Vérone. Surpris dans sa marche par les légions romaines, il essuya une nouvelle défaite plus désastreuse que la première. Cependant le Visigoth ne perdit pas courage, il rassembla les débris de son armée et se retrancha sur des rochers voisins du champ de bataille ; dans cette position inexpugnable, il fit encore trembler les Romains au milieu de leur victoire ; mais, à la fin, manquant de vivres, abandonné par les barbares, qui n'avaient plus de respect et de dévouement pour un chef deux fois vaincu, il quitta l'Italie et retourna en Illyrie.

      La terreur qu'inspirait son nom était si grande, qu'on regarda sa retraite comme un triomphe. Le peuple et le clergé remercièrent le ciel, et le capitale de l'Occident prodigua les honneurs et les louanges à Stilicon, qui, dans cette campagne difficile et glorieuse, avait déployé l'activité et les talent d'un grand capitaine. Alaric souffrit beaucoup dans cette expédition ; mais il avait fait voir à ses soldats un pays riche et fertile ; il avait appris à tous les barbares du nord et du midi qu'on pouvait s'emparer de Rome, et le bruit de ses exploits attira bientôt sous ses drapeaux tous les ennemis du nom romain, tous les aventuriers et tous les soldats avides de pillage. Lorsqu'il se vit à la tête d'une nouvelle armée, Alaric se vanta d'avoir épargné la capitale de l'Occident, et demanda le salaire de sa clémence. Il entama des négociations ; pendant qu'on les poursuivait, les familles barbares établies en Italie furent massacrées par l'ordre des ministres d'Honorius. Alors les Goths au service de l'empire désertèrent leurs drapeaux et allèrent, par leurs récits et le spectacle de leurs malheurs, exciter l'indignation d'Alaric. Le roi des Goths commença par se plaindre ; et, comme il parla avec modération, on prit son langage pour de la faiblesse ou de la crainte ; on ne répondit point à ses réclamations, et l'Italie ne prit aucune mesure pour sa défense ; mais, tandis qu'à Rome on tournait en ridicule le roi des Visigoths et ses prétentions, tout à coup les rives du Pô furent couvertes de barbares qui demandaient vengeance, et qui pillèrent Aquilée, Crémone et toutes les villes qu'ils rencontrèrent sur leur passage. Honorius s'était enfermé dans Ravennes ; le peuple des villes fuyait dans les forêts et dans les montagnes, et les Goths marchaient sans obstacle vers Rome. La ville éternelle fut bientôt investie par les barbares (408) ; et les descendants des Fabius et des Scipions n'eurent d'espoir que dans leurs supplications et leurs prières. « Qu'on m'épargne, leur dit Alaric, la peine de piller Rome, et qu'on me donne tout l'or et tous les objets précieux qui se trouvent dans la ville, – Que laisserez-vous donc aux Romains ? – La vie. » Les députés lui avaient parlé de la nombreuse population de Rome, qui pouvait prendre les armes contre lui : « Plus l'herbe est serrée, leur dit le roi barbare, et plus la faux y mord. » Cependant, soit qu'il craignit le désespoir des Romains, soit qu'il fût touché de leurs prières, il consentit à lever le siège, et se contenta d'exiger 5.000 livres pesant d'or, 50.000 livres d'argent, 4000 robes de soie, 3000 pièces de drap fin écarlate, et 3000 livres de poivre. Enrichie des dépouilles des Romains, l'armée des Goths vint prendre ses quartiers d'hiver dans la Toscane. Pendant ce temps, la cour d'Honorius, établie à Ravennes, était en proie à plusieurs factions qui se reprochaient les malheurs de l'empire, et se disputaient les restes de l'autorité impériale ; chacun désirait en secret s'appuyer des barbares ; et, devant l'empereur, on s'accusait mutuellement de favoriser Alaric. La crainte arrachait à Honorius et à ses ministres des promesses avilissantes, et je ne sais quel souvenir de la grandeur romaine, excitant leur orgueil, les empêchait de remplir les conditions des traités. Alaric ne put supporter la hauteur et les refus de ceux qu' il avait vaincus ; Rome, encore une fois attaquée, fut réduite aux plus cruelles extrémités et menacée d'être livrée aux flammes. Encore une fois, les Romains livrèrent leurs richesses pour sauver leurs murailles. L'orgueilleux Alaric, dédaignant un empire qui était en son pouvoir, le donna à Attale, préfet du prétoire ; et, comme s'il eût pris plaisir à avilir la pourpre impériale, il ne tarda pas à détrôner l'empereur qu'il avait créé ; aprés lui avoir arraché le sceptre en présence des Goths et des Romains, il le chassa ignominieusement. Cependant les ministres d'Honorius, qui, enfermés dans Ravennes, adressaient alternativement au roi des Goths de basses supplications ou de ridicules menaces, lui donnèrent un nouveau prétexte de recommencer la guerre. Alaric, irrité, reprit les armes et revint une troisième fois mettre le siège devant Rome ; cette fois, rien ne put la sauver. Un ermite osa s'avancer au-devant du roi des Goths etle menacer de la colère céleste. « Je sens en moi, lui répondit ce barbare, quelque chose qui me porte à détruire Rome. » Cette réponse est devenue célèbre, et St. Augustin, dans sa Cité de Dieu, n'hésite point à regarder Alaric comme un instrument dont la Divinité se servit pour châtier une ville mère de tous les crimes et de toutes les erreurs. L'an 410, les drapeaux des barbares flottèrent sur les murailles de la ville de Romulus ; et, dans l'espace de trois jours, l'ancienne maîtresse du monde vit disparaître les richesses entassées par neuf siècles de triomphes, et subit tous les maux qu'elle avait fait souffrir à l'univers. Alaric recommanda cependant la modération à ses soldats, et leur ordonna de respecter les trésors des églises. Au milieu des scènes du plus effréné brigandage, on dut voir avec surprise des barbares, marchant en procession et dans l'attitude du respect, reporter sur les autels de St. Pierre les trésors enlevés dans le sanctuaire. Les églises furent autant d'asiles inviolables, dans lesquels un grand nombre de Romains sauvèrent leur vie et une partie de leurs richesses.

      Alaric, qui craignait pour ses soldats le séjour de Rome, en sortit au bout de six jours pour marcher à la conquête de la Sicile et de l'Afrique ; il ravage dans sa marche la Campanie, l'Apulie et la Calabre. Mais, au milieu de ses triomphes, et près de s'embarquer pour la Sicile, il fut attaqué d'une maladie mortelle, et termina sa carrière à Corentia. Ses lieutenants, craignant que la cendre de leur général ne fût outragée par les Romains, l'ensevelirent au milieu du Busento. Les captifs qui avaient été employés à détourner le cours de la rivière furent massacrés après la cérémonie, et le silence de la mort et de la terreur régna longtemps sur la tombe d'Alaric. Tandis que les Goths se livraient au désespoir, Rome et l'Italie faisaient des réjouissances publiques ; la Sicile et l'Afrique voyaient s'éloigner l'orage dont elles étaient menacées, et le monde eut un moment de repos. Le nom d'Alaric a quelquefois été répété par les Muses, que son aspect devait effrayer. Claudien l'a représenté comme un héros cruel et barbare. Un poète moderne, qui avait l'enflure de Claudien, sans avoir son génie, a pris le roi des Goths pour le sujet d'un poème épique. Tout le monde connaît ce vers de Scudéri, cité par Boileau :

Je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre.

      Alaric n'était pas sans modération ; son ambition eût été flattée peut-être de la gloire de fonder un grand Etat ; mais il connaissait les Goths, peuple turbulent et indiscipliné. Désespérant de rien établir de durable avec de tels hommes, il se servit de leurs armes pour tout bouleverser. Ce fut lui qui, le premier, enseigna aux barbares le chemin de Rome, et qui leur apprit que le temps était venu de braver l'ancienne maîtresse du monde. Le règne d'Alaric est une des époques les plus remarquables de l'histoire du Bas-Empire, et l'on doit regretter qu'elle ait échappé au pinceau de Montesquieu. Le chef des Visigoths forma, pendant sa vie errante, et dans le cours de ses expéditions, les éléments d'une monarchie militaire qui, après sa mort, s'établit dans l'Aquitaine, et dans la suite en Espagne, où elle a subsisté plusieurs siècles.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 1 - Pages 304-305)


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