Biographie universelle ancienne et moderne Alexis IV le Jeune, empereur de Constantinople, était fils d'Isaac II l'
Ange, qui fut détrôné et privé de la
vue par
Alexis III l'Ange. L'usurpateur crut que ce crime suffisait pour assurer le sceptre dans sa main, et laissa le malheureux Isaac jouir de quelque
liberté ; ce prince en profita pour former des relations avec les princes d'Occident. Ce fut le jeune Alexis,
son fils, qu'il chargea de trouver des secours et des vengeurs. Alexis sortit de Constantinople, en 1202, à la faveur d'un déguisement, et se rendit d'abord en
Sicile, d'où il implora l'appui de sa sur Irène, qui avait épousé Philippe, empereur d'Allemagne et roi de
Sicile. Dans ce moment, les chefs de la cinquième
croisade étaient rassemblés dans l'Etat de
Venise, plusieurs avaient des ressentiments particuliers contre Alexis III. Le jeune Alexis les trouva disposés à embrasser sa querelle, et, malgré la défense du pape et l'opposition de plusieurs
croisés, la flotte mit à la voile et cingla vers Constantinople. Elle arriva à la
vue de cette ville au mois de
juin. Les premiers succès des
croisés les rendirent maîtres du détroit et du port. Cependant leur nombre était inférieur à celui des assiégés, chez qui la haine contre les Latins suppléait au peu d'attachement qu'ils avaient pour leur prince. Le jeune Alexis voulut tenter un accommodement : on le reçut à coups de
flèches. Enfin, après des combats multipliés, les Français et les Vénitiens se résolurent à livrer un double assaut par mer et par terre. Le brave Dandolo, à la tête des Vénitiens, pénètre dans la ville, et y met le
feu, qui s'étend avec fureur, et sépare les combattants par un mur de
flammes ; Théodore Lascaris profite de ce moment, rassemble les Grecs, et marche contre les Français qui assiégeaient la ville à l'occident. A cette nouvelle, les Vénitiens, arrêtés par l'
incendie, se rembarquent pour porter du secours à leurs alliés que les Grecs menaçaient ; ceux-ci n'osèrent attaquer les Latins, et rentrèrent à la nuit dans Constantinople.
Le lendemain, le jeune Alexis et les
croisés apprirent, avec autant de joie que d'étonnement, que le tyran effrayé s'était
sauvé pendant la nuit, qu'Isaac avait été tiré de prison et remis sur le trône, et qu'Alexis était attendu pour le partager. Avant de prendre le sceptre, le jeune prince se vit forcé de renouveler les promesses qu'il avait faites aux
croisés pour les engager à le secourir. Ceux-ci demandaient à grands cris les sommes qu'on s'était engagé à leur payer, et, comme l'épuisement de l'empire ne laissait pas la possibilité de les trouver sur-le-champ, il fallut consentir à ce que ces hôtes turbulents prolongeassent leur séjour dans la capitale et dans l'empire, et y exerçassent toutes sortes de vexations. Cependant Alexis entreprit une expédition contre le tyran détrôné ; mais, après l'avoir poursuivi quelque temps, il rentra dans Constantinople, où il se livra aux plaisirs et à l'
indolence. Sa faiblesse, presque égale à l'imbécilité de son père Isaac, les subsides qu'il fallut lever pour satisfaire les Latins, la condescendance que leur témoignait Alexis, indignèrent les Grecs.
Alexis Ducas, surnommé
Murzuphle, homme dévoré d'ambition, et qui s'était insinué dans la faveur du jeune empereur, se déclara contre les Latins ; il poussa les deux empereurs à des entreprises imprudentes contre les
croisés : elles échouèrent honteusement ; mais la haine des Grecs redoubla contre leurs faibles souverains. On agita tout haut leur déposition ; Alexis, toujours trahi par
Murzuphle, fit demander en secret des secours aux Latins ; mais, la nuit suivante, il fut arrêté par son perfide favori ; le vieil Isaac, à cette nouvelle, mourut de douleur. On donna deux fois du poison au jeune Alexis, deux fois il évita la mort.
Murzuphle, impatient, descendit lui-même dans son cachot, le 08
février 1204 ; et, après avoir dîné avec sa victime, il l'étrangla de ses propres mains, et lui brisa ensuite les os à coups de massue, pour faire croire que le prince était mort d'une chute. Alexis n'avait régné que 6 mois ; il prouva, pendant un court intervalle, qu'il n'avait aucune des qualités nécessaires aux souverains.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 1 - Pages 450-451)