La Loge simple, dont il est fait mention dans le Symbolisme de Février
1927, à propos de la Maçonnerie italienne, est-elle prévue
par un texte traditionnel ? Quel est le rituel qui s'applique à la Loge simple
?
Comment convient-il de fonder et d'organiser une Loge simple
?
Quelles relations une Loge simple doit-elle avoir avec la
Maçonnerie officielle ?
Il est de tradition que
trois Maçons réunis
constituent une
Loge simple, apte à examiner une question sur laquelle il appartient à
cinq de prendre une décision provisoire devant
être soumise à l'approbation de la
Loge juste et parfaite,
composée d'un minimum de
sept membres. Ce n'est là qu'une
application du
symbolisme des nombres, qui fait dire au catéchisme :
Trois
la dirigent (la Loge),
Cinq l'éclairent,
Sept la rendent juste et parfaite. Mais les règlements sont muets quant à la
Loge simple, qui n'a jamais été conçue que théoriquement, la
Loge juste et parfaite étant seule envisagée comme l'organisation initiale de la
Franc-Maçonnerie.
Dans ces conditions, aucun rituel spécial ne saurait
être prévu traditionnellement pour le travail à trois. Si le Maître de la Loge fait appel aux deux surveillants pour s'entendre avec eux, concernant la direction de la Loge, c'est bien la Loge simple
idéale qui entre ainsi en uvre. Mais à trois, tout rituel proprement dit devient superflu. Un coup de
maillet pour ouvrir et un autre pour clore la réunion se justifient, mais c'est tout, du moment qu'on se réunit pour se concerter et non en
vue d'officier cultuellement.
Ce qui n'a jamais été envisagé jusqu'ici, c'est le travail à trois poursuivi méthodiquement, avec suite et
régularité, en d'autres termes la constitution de Loges simples permanentes, fondées de la libre initiative de leurs fondateurs, en dehors
des organisations officielles.
Ainsi conçue, la Loge simple est un noyau élémentaire de travail maçonnique. Ce n'est pas un chaînon de l'association des Loges officielles confédérés en Grandes Loges. La Loge simple n'a rien d'administratif : elle ne relève que d'elle-même et de la volonté de travail de ses fondateurs.
Si ceux-ci sont des Maçons « réguliers », reconnus par leurs FF
:. qui se disent tels, tout sera pour le mieux. Ils se réuniront pour se perfectionner réciproquement en Maçonnerie, pour étudier l'institution à tous les points de
vue. Dans ce but, ils décideront de se réunir discrètement chez l'un d'eux, à des
jours déterminés et à une certaine heure, pour ne traiter entre eux que de questions initiatiques.
Le mieux sera qu'ils arrêtent leur résolution par écrit, ce qui leur fournira la charte de constitution de leur Loge. Ils confieront ce document au président du trio, qui ouvrira chaque séance en déployant le pacte du travail en commun. Tant que cette humble feuille de papier ne sera pas repliée, aucun sujet
profane ne devra être abordé devant elle, en exécution de l'engagement pris. Tout le rituélisme de la Loge simple se borne au déploiement de la charte constitutive sur la table autour de laquelle prennent place les trois amis résolus à se conformer à son texte. Il sera bon de lire ce texte, puis de déclarer la séance ouverte.
Si la Loge simple fonctionne bien, l'ouverture sera suivie d'un rappel des derniers travaux et d'un exposé sommaire du thème à l'ordre du
jour. La délibération s'engagera ensuite avec ordre et se terminera par une entente sur le travail à poursuivre. Les membres de la Loge simple s'instruiront par la lecture et le commentaire des ouvrages qu'ils se recommanderont les uns aux autres. Ils auront la préoccupation de comprendre la
Franc-Maçonnerie et d'en pénétrer l'
esprit à tous les point de
vue. Précisément parce qu'ils ne pratiqueront pas les
rites dans leur matérialité cérémonielle, ils devront s'attacher à ceux-ci spirituellement.
Initiés à la forme, ils ont pour tâche de ne pas s'en tenir aux extériorités, mais de s'appliquer à pénétrer l'
ésotérisme de la mise en scène initiatique.
Il est à prévoir qu'un Maçon isolé dans un milieu
profane se trouvera dans l'impossibilité de trouver deux FF
:. pour constituer avec eux une Loge simple. En ce cas, il lui appartient de s'enquérir d'un
initiable, capable de le comprendre et de s'associer avec lui pour chercher la lumière. S'il est satisfait de son
disciple, il s'entendra, sans trop tarder, avec lui sur le choix d'un troisième adhérent. Celui-ci donnant satisfaction, rien n'empêchera de constituer une Loge simple, dont les membres non maçons se prépareront intellectuellement et moralement à l'
initiation maçonnique en Loge juste et parfaite.
Un
Maçon sans tablier peut même prendre
l'initiative de la fondation d'une Loge simple, puisqu'il n'y a pour cela d'autorisation
à solliciter de personne. Une Loge simple n'existe qu'en raison de son
fonctionnement en tant que groupement de travail à trois au minimum mais
limité en son extension, car pour bien travailler intellectuellement, il est préférable de rester peu nombreux.
Il va de soi qu'une Loge simple, qui existe par ellemême,
naît et disparaît sans compromettre aucune autre organisation. Rien ne serait plus chimérique comme institution qu'une Maçonnerie composée
exclusivement de Loges simples ; mais une Maçonnerie sans Loges simples est un
corps trop matérialisé, lourd et incapable d'expansion spirituelle.
Si indispensables qu'elles puissent lui être, il n'appartient
pas à la Maçonnerie administrative de provoquer la fondation de
Loges simples, car celles-ci doivent de toute nécessité procéder
de l'initiative individuelle. Leur rôle n'est pas de multiplier les Maçons
qui adhèrent matériellement à la Maçonnerie ; elles ont pour tâche de spiritualiser les Maçons de forme et de préparer à l'intelligence de la Maçonnerie les
initiables effectifs du monde
profane.
Partout elles n'auront qu'à travailler de leur mieux, soit en laissant ignorer leur existence aux Loges officielles, soit, au contraire, en se considérant comme des extériorisations spirituelles de celles-ci. De toutes les façons, elles doivent posséder leur vie propre et strictement indépendante. Elles ne sont pas tenues de rendre compte de leur activité, aucun contrôle ne pouvant leur être imposé. N'ayant elles-mêmes aucune administration, elles ne peuvent se rattacher à quoi que ce soit d'administratif. La Loge simple ne possède rien, n'a pas de frais, donc ni cotisations ni trésorier. Elle vit spirituellement et c'est ce qui la distingue des
corps maçonniques dont les besoins matériels réclament satisfaction.
Oswald Wirth