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Le Devoir familial du Franc-Maçon

article d'Oswald Wirth (mai 1930)
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Cet article a paru originellement dans le N°140- de la revue Le Symbolisme (mai 1930). Il a été ressaisi et corrigé par France-Spiritualités.
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      En matière de religion, la femme ne partage pas toujours les idées de l'homme qu'elle consent à épouser. L'amour unit souvent deux êtres que les convictions intimes séparent. Une catholique attachée à sa foi peut devenir ainsi la femme d'un libre-penseur et même d'un Franc-Maçon qu'elle sait excommunié. Comment l'harmonie s'établira-t-elle en pareil ménage ?

      Nous n'avons à nous occuper ici que du mari qui, en sa qualité de Franc-Maçon, a le devoir de se montrer tolérant et compréhensif à l'égard de sa compagne. Celle-ci n'a pu lier sa destinée à la sienne qu'au prix de sacrifices moraux qui s'imposent à l'appréciation du bénéficiaire. La femme respectant les convictions de son époux, la réciproque s'impose. Le mari fréquentera sa Loge, tout en laissant pleine liberté à sa femme d'aller à l'église et de pratiquer sa religion. Il pourrait redouter la confession, car un prêtre fanatique ne manquerait de jeter le trouble dans la conscience d'une bonne catholique vivant avec un ennemi de Dieu. Dans la pratique, le danger, du moins en France, s'atténue fort heureusement. Notre clergé se montre, en général, accommodant et bon psychologue. Il ne cherche pas la guerre et s'efforce de ne donner que de bons conseils, adaptés à l'état d'âme des pénitents. Du reste, la femme d'un Franc-Maçon saura choisir son confesseur et en changer si elle n'en est pas satisfaite. Il en est des médecins de l'âme comme de ceux du corps : le patient se confie à qui lui inspire confiance.

      En somme, il n'est pas pas trop difficile de s'entendre sur le terrain religieux entre époux que l'affection aide à s'accorder, en dépit de l'opposition de leurs idées. Plus le Maçon se montrera compréhensif en matière de religion, plus il contribuera d'ailleurs à la bonne entente. S'il comprend bien l'Art, il ne sera ni un stupide athée, ni un libertin irréligieux. Entendons par là qu'il ne s'amusera pas à nier Dieu sottement, par fanastisme anticlérical, ou à poser pour une indépendance morale contraire aux obligations contractées en devenant Franc-Maçon. La sagesse initiatique veut que nous comprenions autrui et que nous ne scandalisions personne en la sincérité de ses croyances. Efforçons-nous de nous assimiler l'esprit des religions. puis aidons les croyants à spiritualiser leur foi. Le catholicisme, qui nous excommunie, est une fort belle religion que nous n'avons pas à combattre, car il est maçonnique, autant que chrétien, de rendre le bien pour le mal.

      Si, initiés aux beautés ésotériques d'un culte, nous lui rendons justice en nos appréciations, nous parons aux attaques injustes dont nous sommes l'objet. Il se produit alors un effet du fameux choc en retour des occultistes. La calomnie retombe sur celui qui l'émet. Tant pis pour ceux que la haine aveugle : ils récoltent ce qu'ils ont semé. Voyant de près ce qu'est un Franc-Maçon, l'épouse catholique perdra la foi en certaines prédications ; elle pourra se faire aussi des idées nouvelles sur le catholicisme, en lequel elle se sentira confirmée d'une manière moins enfantine.

      Mais voici des enfants qui naissent et le problème de leur éducation religieuse se pose. La mère n'admettra pas qu'ils soient élevés en petits païens, non incorporés à l'Eglise chrétienne par le baptême. Le père n'attachera pas au sacrement plus d'importance qu'il ne convient. Vivant dans un milieu catholique, il ne voudra pas exposer ses enfants aux inconvénients d'une attitude antireligieuse. Il se pourra même que, ne regrettant pas l'enseignement religieux reçu en sa prime jeunesse, il croie bon de faire passer ses enfants par la même école. Pour comprendre la religion, il convient d'être instruit de ses pratiques et de son dogmatisme. Or la religion joue un trop grand rôle dans le monde pour qu'il soit sage de l'ignorer. Un Initié ne craindra pas son influence sur son fils ou sur sa fille, surtout s'il réserve aux siens un enseignement religieux supérieur, rectificatif en son temps, des notions trop élémentaires du catéchisme.

      Cette rectification familiale estt indispensable. Elle ne souffrirait aucune difficulté, sans la préparation à la communion. La jeunesse actuelle est de plus en plus déconcertée par des rites d'un formidable intérêt archéologique, mais qui s'accordent de moins en moins avec la mentalité moderne. Beaucoup de parents, qui n'ont pas abjuré le catholicisme, mais ne le pratiquent phis, se sentent en une position très fausse quand leur progéniture est endoctrinée en vue de recevoir Dieu en son tube digestif. Il en est qui appellent le symbolisme au secours de leur conscience. « Tout cela est vrai, explique une de nos lectrices à son fils, mais ce sont des symboles dont tu ne peux pas comprendre maintenant la signification. Plus tard tu réfléchiras jusqu'à pleine compréhension. » Et le collégien de répondre : « Oui, je sais bien, avec le symbolisme on retombe toujours sur ses pattes ».

      C'est entendu, mais une grosse difficulté subsiste. L'enfant que l'on entraîne à la pratique, alors que ses parents ne pratiquent pas, voit forcément en ceux-ci de mauvais catholiques, en route pour l'Enfer, puisqu'ils s'affranchissent des commandements de l'Eglise. Il en résulte une baisse dans l'estime des enfants, tenus cependant d'honorer père et mère selon la loi divine. En consentant à la catéchisation de ses enfants, un père franc-maçon se résigne donc à perdre, auprès d'eux, beaucoup de son autorité familiale. Ils le plaindront comme étant dans l'erreur et prieront pour sa conversion. Cela est-il tolérable, même de la part d'un homme qui s'applique à pratiquer la tolérance la plus large ?

      Tout peut cependant ce concilier, si les enfants se persuadent que la religion de leur père est supérieure à celle du prêtre, qu'ils ne sont pas encore d'âge à devenir philosophes et qu'il est bon qu'ils s'instruisent de ce que croit la foule. Cette solution s'applique aux religions moins absolutistes que le catholicisme. Celui-ci se base sur sa divinité qui lui fait condamner comme diabolique toute rébellion contre son autorité. Un Franc-Maçon est, à ses yeux, un suppôt de Satan, d'où le déplorable effet de l'instruction religieuse sur des enfants dont les parents se sont émancipés du catholicisme. La religion fondamentale du cœur humain inspire à l'enfant le culte de ses parents, qu'il respecte naturellement et qui sont, pour lui, les représentants directs de la divinité. Ils ont le devoir de ne pas oublier leur rôle et de se comporter en prêtres vis-à-vis de leurs enfants. S'il en était ainsi, la religion normale et naturelle serait remise en vigueur et supplanterait progressivement les cultes qui se discréditent.

      La Franc-Maçonnerie n'a-t-elle pas précisément pour mission de ramener à la nature dans le domaine religieux ? Son idéal est une religion sur laquelle tous les hommes seraient d'accord. Nous devons chercher cette religion avec d'autant plus d'empressement que les circonstances nous y contraignent. Puisque le catholicisme se révèle immoral sur le chapitre du respect filial, ne nous rendons pas complices de son immoralité. N'abdiquons pas ! Le père de famille a des devoirs religieux envers les siens. S'il approuve ce qui s'enseigne à l'église, qu'il y conduise lui-même ses enfants et leur donne l'exemple d'une discipline qu'il accepte. Mais s'il estime un enseignement faux et immoral sur certains points, il ne peut, en conscience, consentir à l'empoisonnement mental de ses enfants.

      Il n'y aura dans son attitude aucun sectarisme. Nous sommes enthousiastes de l'idéal chrétien, que nous aspirons à réaliser ; mais la forme donnée au christianisme par l'Eglise romaine ne répond pas à cet idéal. Nous le regrettons, car la tradition ecclésiastique éclaire la nôtre et le catholicisme pourrait être une excellente préparation à la Franc-Maçonnerie. Malheureusement, l'Eglise pratique l'absolutisme spirituel ; elle impose des formules rigides qui doivent être acceptées comme indiscutablement vraies, et nous, chercheurs indépendants de la vérité, nous ne pouvons nous incliner devant son enseignement. Nous sommes disposés à reconnaître qu'il n'est pas radicalement faux, mais qu'il fait allusion à des mystères de l'intelligence qui ne sont pas à la portée de la foule des croyants passifs que régente l'Eglise. Il y a erreur par incompréhension. Mais si le dogme se prête à l'interprétation des spécialistes, son application pratique conduit à la tyrannie de conscience. Alors que la religion la plus pure est celle que l'homme puise en lui-même, en dehors de toute prédication conventionnelle et trop souvent intéressée de la part des prédicateurs, il convient de cultiver en l'enfant le sentiment naturellement religieux.

      La tâche est ardue pour l'homme moderne qui n'est plus naturellement religieux, mais il faut qu'il le redevienne. Il est providentiel, après tout, que les Francs-Macons soient excommuniés et qu'il leur soit imposable de s'en remettre au clergé catholique en ce qui concerne la formation religieuse de leurs enfants, puisque cette formation se traduit à leurs yeux par une déformation. Les voilà, bon gré, mal gré, rappelés à leur devoir d'éducateurs religieux familiaux. Le catholicisme devient un très puissant facteur de rénovation religieuse par son intransigeance, qui s'oppose à toute accommodation tolérante. Il serait avantageux pour nos enfants d'être initiés à la vie catholique, si cette initiation ne dlevait pas les troubler en leurs sentiments de piété familiale. « Honore ton père et ta mère » est un commandement qui passe avant tous ceux de l'Eglise. Tant pis pour elle si elle oublie d'en tenir compte.

      Qu'il me soit permis de conclure en conseillant à chacun d'agir en toute loyauté, selon sa conscience. Nous sommes tolérants et respectons toutes les opinions sincères, car notre idéal est la paix dans la liberté. Mais l'Eglise nous a déclaré la guerre dès 1739, sans provocation de notre part, à titre préventif, en nous prêtant des intentions qui n'étaient aucunement les nôtres. Fidèles à nos principes, nous sommes demeurés bienveillants à l'égard de l'Eglise, tant que son hostilité véhémente ne nous contraignit pas à prendre position contre elle. Du coup les injures redoublent, simplement parce que nous ressemblons à la bête traquée dont il est dit : « Cet animal est très méchant, quand on l'attaque il se défend ! »

      Nos procédés de défense n'ont pas toujours été dignes de nous. Il nous est arrivé d'aller au devant de l'adversaire et de nous colleter avec lui sans élégance. Renonçons à jamais aux mauvaises manières de l'anticléricalisme grossier. N'attaquons sous aucun prétexte; nous sommes retranchés et dominons le camp adverse. Observons ce qui s'y passe et faisons notre profit de nos observations. Accueillons les transfuges et offrons-leur mieux que ce qu'ils quittent. Sachons comprendre les besoins de la nature humaine, nous qui ornons nos Temples de deux colonnes significatives. L'Humanité mâle et femelle est androgyne en chacun de nous, car nous raisonnons et nous sentons, nous percevons à la fois par le cerveau et par le cœur. Il ne nous suffit pas de penser en froids philosophes, car la sentimentalité ne se laisse pas étouffer. Sachons la cultiver en descendant en nous-mêmes. Découvrons en nous la Pierre cachée des Sages, cet élément constructif d'une solide philosophie religieuse et offrons à nos enfants un or pur qui les détournera du clinquant des marchands d'orviétan.

      Initions-nous afin de pouvoir initier les initiables. Soyons plus instruits que le prêtre qui n'est plus à la page en matière de religion. Montrons-nous plus religieux que lui et attendons qu'il nous demande la lumière. Mais ne nous contentons pas de celle qui jaillit d'une pipe à lycopode !

Oswald Wirth


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