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Note liminaire sur le Dictionnaire de Pernety

article d'Eugène Canseliet (1958)
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Cet article a paru originellement dans le N°45 de la revue Initiation & Science (janvier-mars 1958). Il a été ressaisi et corrigé par France-Spiritualités.
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      Le Dictionnaire Mytho-Hermétique, d'Antoine-Joseph Pernety, renvoie souvent aux Fables Egyptiennes et Grecques dévoilées, du même auteur, dont il se montre, en quelque sorte, le complément. Ces ouvrages furent publiées simultanément en 1758, puis, la seconde fois, à une année d'intervalle, en 1786 et 1787. Les deux éditions sont devenues assez rares pour que les prix en soient maintenant très élevés et que, conséquemment encore, l'amateur, à quelque impulsion qu'il obéisse, vienne échouer sur le double obstacle.

      Avec Dom Pernety, dès la première ligne de sa préface, nous nous devons de souligner quel secours précieux peut apporter à l'étudiant ce genre de Dictionnaire, qui donne l'explication des allégories mythologiques, des énigmes proposées par les Philosophes hermétiques et des termes spéciaux utilisés par eux. On s'en fera l'idée par les définitions que nous reproduirons in extenso, à partir du prochain numéro d'Initiation et Science, et que nous aurons judicieusement choisies, en suivant les vocables, dans ce répertoire très complet et à bon droit recherché.

      Dans le présent fascicule, nous donnons tout d'abord la Préface du Dictionnaire Mytho-Hermétique, laquelle constitue, nous l'avons dit, un véritable petit traité d'alchimie, étonnamment riche malgré sa concision. Ce texte se montre, en effet, comme un condensé de l'opinion des plus réputés auteurs, sur plusieurs points généraux de la réalisation hermétique. Tout de suite, le bénédictin-alchimiste fait un large et juste exposé de la Science, de la Philosophie qui y préside, de la Discipline qui y règne ; par là même, il indique nettement dans quel esprit le néophyte doit entreprendre la lecture des livres d'alchimie.

      N'oublions pas que Dom Pernety fut, avant tout, un alchimiste dont les écrits proclament qu'il manipula longuement, sur la lampe ou le fourneau, cornues, retortes, aludels, creusets, têts et coupelles. Il eut entre les mains le fameux Bréviaire de Nicolas Flamel, selon ce que rapporte Elie-Catherine Fréron, dans son Année Littéraire, 1758, tome VII, pp. 241 à 267.

      Rappelons, en passant, la lutte à la fois énergique et persévérante du célèbre publiciste isolé contre la meute, nombreuse et féroce, des encyclopédistes. Aux injures de ceux-ci, à leurs imputations réprouvées par la conscience et par l'honneur, il opposa le calme sang-froid et la patience tranquille d'un Socrate. C'est ainsi qu'il bénéficia parfois d'appréciations aussi inattendues que, pour le fond, élogieuses. Voltaire, coryphée de la gent scientifico-raisonneuse, questionné, à Ferney, par un gentilhomme étranger qui désirait rencontrer à Paris quelque personnage susceptible de le renseigner sur l'état de la littérature, lui répondit, après un silence « Ma foi, tout bien pesé, Monsieur, je ne connais que ce coquin de Fréron. »

      Mais revenons au Bréviaire, dans les marges duquel Nicolas Flamel écrivit « de sa propre main un Traité Allégorique de l'Œuvre Hermétique », celui-là même qu'Albert Poisson croyait perdu et qu'il a signalé sous le titre de Psautier chimique.

      Si nous en jugeons par les importants extraits que nous fournirent, tout d'abord, Fréron, puis, quatre années plus tard, Dom Pernety, celui-ci exécuta vraisemblablement une copie, non pas du formulaire religieux, mais du texte alchimique développé en bordure de ses pages et daté du millésime 1414 que confirmait la cursive indubitablement contemporaine (L'Année Littéraire, Lettre du 16 avril 1762, tome III, p. 32). Ce sont ces pages qui nous ont permis de reconnaître le Bréviaire de Nicolas Flamel, à la Bibliothèque nationale, dans un opuscule où ils figurent en entier. En effet, le beau volume manuscrit n° 14765, du XVIIIème siècle, relié en plein maroquin d'époque, qui appartint « au Chr (chevalier) Molinier pensionnaire du Roy, amateur de la Science hermétique », recèle, de la page 197 à 220, le traité marginal, très voisin du Livre des Figures hiéroglyphiques, sinon semblable à lui quant au ton et au style.

      En obéissance à une sorte de métonymie (le contenant pour le contenu), nous conservons à cet ouvrage le titre de Bréviaire, que, d'autre part, justifie pleinement son aspect de véritable vade mecum, avec ses pages couvertes de surcharges et d'annotations, dans les marges et jusque dans les interlignes de l'écriture du copiste, qui, nous le répétons, fut, selon toute probabilité, Dom Pernety lui-même. La page 204 est occupée par un cadre gravé et peint, qui supporte des attributs religieux : missel, calice, hostie radiante, mitre, croix, couronne d'épines, etc..., et qui offre ce titre paraissant ouvrir une partie seconde, ajoutée, complétée et refaite :

      « Alchimie de Flamel, Ecritte en chiffres, en 12 Clefs différentes, déchiffrées ainsy que les poids, par Denis Molinier, Chevalier de l'Ordre royal et militaire du Christ. »

      Dans ce grimoire, « truffé » par surcroît de dessins coloriés, de symboles connus et de cryptogrammes conventionnels, quelle est la part qui revient à chacun des deux auteurs ? Voilà bien ce que peut révéler la limite où l'enseignement s'éloigne nettement de la voie alchimique pure pour emprunter les nombreux sentiers de la spagyrie. Ainsi ne peut-on manquer d'être saisi, quant au processus opératoire, par l'évidente analogie de ce commentaire postérieur avec les Arcanes de Kerdanec de Pornic, dont nous prîmes copie il y a trente-cinq ans, rue de la Victoire, sur l'exemplaire de la riche bibliothèque alchimique, réunie par notre ami le banquier Lionel Hauser et dispersée à Londres :

      « Le Livre des XXII Feuillets Hermétiques, dont chacun dévoile un Arcane spagyrique et montre clairement une des vingt-deux opérations ou portes de la vraie pratique en signes intelligibles à tous les disciples sincères qui cherchent la Lumière d'Augmentation, par Kerdanec de Pornic, disciple de Dom Pernety. »

      Comme le savant bénédictin de Saint-Germain-des-Prés était aussi le maître de Denis Molinier, on s'explique la grande similitude d'expression de ses deux élèves, à l'égard du modus operandi, fortement pénétré, chez eux, de cette ancienne spagyrie qui provoqua les principales découvertes demeurées à la base de notre chimie moderne.

      Dans le recueil de la Bibliothèque nationale, la même main a copié le Livre d'Abraham Juif, illustré de ses douze planches en couleurs, identiques à celles du manuscrit de Grenoble (n° 1117), mais d'un travail beaucoup plus beau. Le volume de la bibliothèque de l'Arsenal (n° 3047), antérieur de près d'un siècle, n'a que sept figures peintes que, pour notre part, nous jugeons d'un très mauvais dessin, nonobstant la bienveillante appréciation d'Albert Poisson les trouvant « assez bien exécutées » (Nicolas Flamel, Paris, 1893, p. 123).

      On nous pardonnera cette longue digression que nous avons faite dans le but de replacer la personnalité de Dom Pernety dans son cadre exact et sous une lumière plus certaine. Ces indications compléteront, par ailleurs, notre étude « coupée » des numéros 2 et 3 de La Tour Saint-Jacques et y expliqueront certaines remarques demeurées sans écho. Nous sommes persuadé enfin, qu'elles sauront satisfaire quelques-uns, plaire à beaucoup d'autres, et que, pour tous, elles ne se montreront pas étrangères au Dictionnaire Mytho-Hermétique dont voici, fidèlement, la Préface instructive.

Eugène Canseliet




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