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Notions élémentaires de Maçonnisme

Oswald Wirth
L'Enseignement des Maîtres
article d'Oswald Wirth (octobre 1934)
© France-Spiritualités™



Cet article a paru originellement dans le N°188 de la revue Le Symbolisme (octobre 1934). Il a été ressaisi et corrigé par France-Spiritualités.
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      Résoudre des énigmes, avoir réponse à tout, n'est pas le propre du sage, qui, aussi désabusé que Socrate, sait qu'il ne sait rien. Il faut se faire illusion, pour imaginer solide ce qui s'édifie sur des arguments ou des idées. Nos représentations subjectives n'ont aucune valeur absolue, et, si nous voulons être prudents, nous ne devons pas nous laisser entraîner par nos figurations mentales à bâtir dans les nuages, en prêtant une fausse réalité à nos abstractions.

      Mieux vaut s'inspirer de l'Ermite du Tarot, vieillard expérimenté, qui concentre sur le sentier de la vie toute la clarté de sa pauvre lanterne. Plutôt que de prétendre sonder les abîmes de l'infini, regardons à nos pieds, afin d'avancer sans trébucher et nous diriger avec discernement. En philosophie, la plus sage ambition se borne à ne tromper personne. Soyons aussi peu fallacieux que possible et pratiquons cette scrupuleuse honnêteté qui, en tous les domaines, conduit le plus loin.

      Pour enseigner honnêtement, sans être dupe d'aucune fiction, il faut craindre de parler, car toute parole tourne en mensonge, dès qu'elle est émise sous l'effigie de la vérité pure. Ce qui hante notre esprit procède du vrai, inspirateur de ce que nous aspirons à concevoir ; mais, du fait même de sa conception, l'idée conçue subit une déformation, accentuée par l'expression fatalement imparfaite. Faut-il donc se taire, pour être certain de ne pas égarer autrui ? Ce serait un extrême auquel répugne la sagesse. Il est un moyen terme entre le silence et la prolixité discursive : c'est l'enseignement indirect donnant à réfléchir, en appelant l'attention sur des images et des symboles. Jadis, les montreurs de choses sacrées, dits hiérophantes, usaient de cette méthode : ils ne prononçaient que de mystérieuses sentences, difficilement intelligibles, mais qu'illustraient des actes significatifs et tout un ensemble de graphismes muets. On s'instruisait alors, non par la mémoire ou l'assimilation passive, mais par l'effort personnel de la réflexion. Il fallait deviner et faire preuve de pénétration intellectuelle, ou se résigner à l'incompréhension profane.

      De nos jours, rien n'est changé en Initiation. Les seuls qui s'initient sont les actifs, capables de travailler pour se livrer aux opérations du Grand-Œuvre. Le vulgaire a pu envisager celles-ci comme poursuivant des avantages matériels, sans comprendre que la nature humaine était en cause, le plomb à transmuer en or faisant allusion à la culture éducative, qui transforme l'homme ignorant et grossier en un sage réalisant l'idéal de l'espèce Nominale. Se perfectionner soi-même, tel est l'objectif.

      Deux voies opposées conduisent traditionnellement au but : l'une est dite sèche et l'autre humide.

      La première se base sur le développement de l'énergie spirituelle propre à l'individu, sur la possession de soi et la maîtrise qui en découle.

      A cette voie masculine ou rationnelle, s'oppose celle de l'abandon mystique, partant du renoncement à soi-même, pour viser au pur amour altruiste. C'est la voie des âmes pieuses et des saints ; elle n'est pas interdite aux esprits virils qui choisissent l'âpre sentier des sages, car, après s'être dompté intégralement, le héros se consacre au bien avec abnégation. Le binaire des voies initiatiques se ramène donc à l'unité, un même cycle pouvant être parcouru en sens contraire.

      Les Constructeurs débutent par le sec, en isolant l'individu, afin qu'il apprenne à ne compter que sur lui-même. Etre soi n'est pas facile. Il faut cependant débuter en Initiation par le dépouillement de tout ce qui ne fait pas partie intégrante de soi : le premier acte du rituel exige donc une mise à nu intellectuelle, par le renoncement volontaire du récipiendaire à toute notion d'emprunt. Désapprendre est sa tâche initiale : il est convié à se refaire une mentalité vierge.

      Cette opération est ardue, aussi est-elle à peine abordée dans la pratique courante, quand elle n'est pas totalement négligée. Le candidat qui conserve ses préjugés et ne se détache pas de ses opinions favorites ne saurait pourtant faire le moindre progrès en Initiation. Il ne réussira pas à se détourner du monde extérieur, pour descendre en soi et faire connaissance avec lui-même, et, s'il affronte les épreuves, elles resteront fictives. Il pourra faire ses classes, mais infructueusement, car il n'aura pas su s'appauvrir en vue de se rendre accessible aux véritables richesses. S'étant refusé à déblayer le terrain, il ne peut y bâtir qu'avec incohérence, en dépit des meilleures leçons d'architecture.

      N'oublions pas qu'il s'agit pour chacun de construire un Temple qui soit le sanctuaire du vrai. Pour répondre à sa destination, cet édifice doit être construit en rigoureux équilibre sur un terrain solide. C'est une philosophie religieuse individuelle, construite selon des règles confirmées par le discernement de tout penseur judicieux. Elle ne fait pas l'objet d'un enseignement tapageur, car elle ne doit pas être acceptée sur l'autorité d'autrui ; il faut qu'elle se révèle d'elle-même à tout chercheur sincère du vrai. Pour être inculquée, elle devrait se traduire en un dogmatisme qui est en opposition absolu avec son caractère. Il en résulte que les Maitres ne peuvent enseigner que silencieusement.

      Comment cela est-il possible ?

      D'une part, en usant de discrétion, grâce à l'emploi d'images suggestives, de symboles et d'allégories ; mais, en plus, par un procédé plus mystérieux, qui tient à la fois de la suggestion mentale des hypnotiseurs et d'une transmission analogue à celle des ondes de la T. S. F.

      Supposons des Supérieurs Inconnus, unis en une action de penser intensivement, en vue d'émettre une pensée juste, susceptible de se communiquer à tous les appareils réceptifs, que représentent les cerveaux entrés en harmonie vibratoire avec la justesse de la pensée émise. Est-il possible de concevoir un pouvoir spirituel plus effectif et plus légitime ?

      Qui pense juste dispose d'une irrésistible puissance, en raison de la supériorité fatale du vrai sur le faux. Tôt ou tard, l'erreur est reconnue ; en travaillant à la dissiper, nous nous associons à une victoire finale certaine. Mais la lutte est longue ; il y faut une patience douce, car la violence ne ferait accomplir aucun progrès. Inaccessible à la passion combattive, le sage s'efforce d'éclairer avec bienveillance et compréhension. Il n'entre pas en discussion et laisse à chacun sa façon de penser, toujours attentif à rechercher le fond de vrai qui motive les opinions humaines.

      C'est en écoutant autrui, pour rectifier sans cesse notre propre manière de voir, qu'il nous devient possible de penser de plus en plus juste. Cette indispensable rectification est recommandée par la formule : Visita Interiora Terræ, Rectificando Invenies Occultum Lapidem (1). Elle implique une descente méditative en soi-même (visite des entrailles de la Terre), en vue d'une mise au point qui fait découvrir la Pierre cachée des Sages. Quelle est cette Pierre mystérieuse, sinon le pouvoir de discernement qui transmue l'erreur en vérité ? Pour celui qui la possède, tout devient rectificativement vrai ; tous les hommes de bonne foi ont raison, mais, faute de pénétration d'esprit, ils manquent trop souvent de compréhension réciproque.

      Si nous détenons la symbolique Pierre philosophale, qui fournit la très significative Poudre de projection, il nous appartient de projeter celle-ci sur le métal vulgaire en fusion dans les entendements inquiets. Le plomb intellectuel se transmue alors en un or plus précieux que celui des changeurs. Les Alchimistes n'ont trompé que les incompréhensifs qui se trompaient eux-mêmes.

      Sachons comprendre et nous mettre au travail. Nul n'est abandonné à lui-même, s'il est persévérant en sa bonne volonté. Nous débutons les yeux bandés, mais un guide invisible ne manque jamais de nous diriger vers la lumière, si nous aspirons à celle-ci de tout notre cœur.

      Ce mystagogue effectif n'est pas tenu de s'incarner en F:. Terrible ; il répond à l'appel sincère de tout réel initiable, car la pure Initiation est indépendante des associations initiatiques. Les vrais Maîtres sont ceux qui enseignent spirituellement.

Oswald Wirth



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(1)  Les initiales de ces sept mots donnent VITRIOL, substance à laquelle les Hermétistes attachaient un sens caché.




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