Le jeudi saint 1831, Cyliani réalisait seul la transmutation.
Le jeudi de l'an 30, le Christ instituait la
Cène.
Ce clin d'il offert par Cyliani nous invite à réfléchir
sur les données de la Révélation Chrétienne qui s'articulent
sur trois axes : La Chute originelle, les conséquences de la Chute, la
Gloire à venir.
I
- BeReACHYT pose le problème, dès le début de la Genèse,
de la prescience d'une chute antérieure, en ce que notre création
visible résulte d'une volonté, que nous traduisons par le fait que
la création est un acte de justice rendu selon une condition de réciprocité
(1). Cet acte de justice basé sur une condition mystérieuse
est attaché à un état auquel est parvenu ce qui était
avant notre création et qu'il ne nous appartient pas de comprendre. En
revanche, il n'est pas sans importance de noter que la Création exposée
par les secondes tables de la Loi s'inscrit dans un scénario en lequel existent
les cieux, la terre informe et vide, les ténèbres couvrant l'abîme,
le Souffle de
Dieu planant sur les
eaux et que les
jours 1, 2, 3, sont des actes
de séparation des
éléments antérieurs présents.
En ce qui touche le sort des
eaux du deuxième
jour figurant au-dessus de
l'étendue des cieux, il n'en sera plus question dans le récit évoqué,
tout portant ensuite sur le reste de cette Création qui sera amenée
à connaître la chute dite originelle. André Savoret ne manqua pas
de s'interroger quant à certains de ces points en sa belle étude
sur
Le quatrième jour de la Genèse (2).
L'homme étant créé avec la même
âme que celle des quadrupèdes NePheSH-ChaYah
(3)
, il lui convient d'acquérir son
âme par sa patience, son endurance
(
Luc, XXI:19), en ce que l'image doit tendre à la ressem-blance de
Dieu,
ce qui pourra se faire dès lors qu'il reprendra sa mission de cultiver
et garder le
jardin d'Eden, c'est-à-dire en empêchant l'expansion
de la chute pré-originelle et en participant à l'expansion du lieu
où ne résida pas cette chute.
La gloire à venir est issue de la Réparation qu'il
incombe à l'homme d'accomplir, maintenant que l'Incarnation lui donne les
moyens de retrouver pour lui mais non pour la Nature qui fut entraînée
dans la Chute une conditions originelle le replaçant dans la capacité
à obéir aux devoirs qui lui incombaient, participer à l'effacement
de la chute initiale et à l'expansion de la Création.
Si le salut de l'homme est acquis
(4), il lui
revient d'agir pour le monde (Jean, XVII:9). Pour les Pères Byzantins,
la Nature n'est pas
autonome et participe à
Dieu qui est le Centre de Tout,
et Basile ne manquera pas, évoquant analogiquement la germination de la
terre, de rappeler que «
l'ordre de la nature trouvant son principe dans
ce premier commandement [Genèse, I:11],
parcourt toute la suite
des temps, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à l'achèvement de
l'ensemble »
(5). Cet achèvement de l'ensemble
[de la Création], pose un problème qui ne relève pas du domaine
du "Naturel"
(6), mais de la Grâce. Alors que l'homme
devait contrôler la Nature (Genèse II, 15), par la Chute, il se trouve
contrôlé par elle : la nature devient le domaine et l'instrument
de Satan (Matthieu, IV:8-11). Pour les Pères, il est un Mystère,
comment parvenir à cette
Rédemption de la Création
sinon
déjà par des particuliers comme les bénédictions et
exorcismes, tel le sacrement du
Baptême ou l'
exorcisme du Cosmos, par la
grande bénédiction des
eaux.
II - L'institution de l'
Eucharistie permet,
selon la Foi des Pères, la participation réelle au
Corps glorifié
du Christ, autorisant l'homme à participer à l'incorruptibilité.
Pour les
théologiens byzantins, l'
Eucharistie c'est le
Corps humain du
Christ transfiguré, en
hypostase dans le Logos, et pénétré
d'énergies divines.
«
Ayant pénétré, moi, Philalèthe, philosophe
anonyme, les arcanes de la médecine, de la chimie et de la physique, j'ai
décidé de rédiger ce petit traité, l'an 1645 de la
Rédemption du monde et le trente-troisième de mon âge.
»
(7).
Cyliani n'hésite
pas à associer le jeudi saint à l'uvre, lorsque
Philalèthe
rappelle que nous sommes dans les temps de la
Rédemption, l'uvre
alchimique ne relevant ni de l'ordre strictement et uniquement du Spirituel, ni
de l'ordre strictement et uniquement du matériel, elle relève de
la Grâce qui est de l'ordre du Mystère. Si l'
Eucharistie constitue
une anticipation de la
Rédemption acquise comme manifestation de la réunion
du
ciel et de la terre, but eschatologique de la Création entière,
Canseliet ne manquera pas de rappeler que «
la miraculeuse transsubstantiation
[qui] est l'image la plus exacte de la transmutation alchimique »
(8).
MESSE | EXPLICATION | ANALOGIE |
1 - Avant Messe : Ensemble de prières : - rattachement : Anges... - recueillement Evangile |
Tension vers Dieu
incorporant le Cosmos
Parole du Christ |
Préparation de la Conscience |
2 - Offertoire : Orientation des intentions |
Expression de la Conscience |
Orientation de la Conscience |
3 - Rites de la Consécration
- Epiclèse
- Institution |
Transcendance du temps
Actualisation |
Esprit Universel ou Feu,
qui agit sur la matière et la libère
La Pierre |
4 - Communion |
Réception de la Grâce, du Don de Dieu |
Rédemption de ce qui a pu chuter |
5 - Action de Grâce :
- rappel des intentions
- rappel et renvoi des éléments du rattachement
- bénédiction et renvoi des fidèles |
Réorientation
Renvoi des participants |
Offrande de la Pierre
Devenir... |
III -
L'action de grâce ou offrande de la Pierre déterminera ce que sera celui
qui a la Pierre ; ceci est d'une extrême importance. Cyliani n'hésite
pas à commencer sa préface par ce témoignage : «
Le
ciel m'ayant permis de réussir à faire la pierre philosophale
»
(9), lorsque
Philalèthe déclare : «
Que la sainte Volonté de Dieu fasse ce qu'il lui plaira, je me reconnais
indigne d'opérer de telles merveilles ; j'adore cependant en elles la sainte
Volonté de Dieu, à qui toutes les créatures doivent être
soumises, puisque c'est en fonction de lui seulement qu'il les créa et
les maintient créées. »
(10). De
la même façon que pour le célébrant ce dernier peut,
dans sa vie spirituelle, accomplir des choix ou s'en remettre à la Volonté
Divine, l'alchimiste devra accomplir des choix ou s'en remettre à cette
Volonté (Jean, XVII:18) : nous entrons dans le cadre des différentes
vocations, l'important sera d'avoir été fidèle.
Vers quel
dessein s'oriente celui qui a la Pierre ? S'agit-il d'agir dans le monde en pratiquant
la Médecine par exemple, ou de se
fondre en
Dieu en acquérant l'incorruptibilité
? Convient-il de penser la Pierre comme un particulier qui donnerait, outre l'or,
une médecine universelle en faveur de la
rédemption immédiate
d'une matière ?
La Pierre relève-t-elle
de l'universel, et ne convient-il pas après l'avoir dédicacée,
de participer à la
transfiguration du Cosmos en coopération avec
le Créateur ? Ce serait aider à retrouver la condition d'avant la
Chute et l'état actuel de notre conditions sans la chute : nous entrons
dans le salut universel qui s'oppose au salut personnel, attaché à
la
sphère des particuliers. Alors, qu'importe la Voie, qu'elle soit alchimique,
qu'elle soit liée aux Sacrements et à la Prière, différente
encore mais jointe à
Dieu. Origène, en son
Explication du Notre
Père, nous déclare : «
Si Sa Volonté est faite
sur la terre comme elle l'est au ciel, tous nous serons ciel »
(11).
© Jean-Pierre Bonnerot
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(1) Jean-Pierre BONNEROT
:
Le Prologue de Saint Jean dans la tradition chrétienne et l'exégèse
scripturaire, Cahiers d'Etudes Cathares 1984, N°102.
[Retour
au texte] (2) André
SAVORET :
Le quatrième jour de la Genèse, offert sur le site
Internet de Roland SOYER. La référence du texte originel n'est pas
donnée.
[Retour au texte] (3)
Jean-Pierre BONNEROT :
Approche d'une vision chrétienne de la Chevalerie,
Cahiers d'Etudes Cathares 1985, N°107.
[Retour au
texte] (4) Jean-Pierre
BONNEROT :
La Prière Sacerdotale, Cahiers d'Etudes Cathares 1986,
N°111 & 112.
[Retour au texte] (5)
BASILE :
Homélies sur l'Hexaéméron, 5°,
116D ; SC, Cerf Ed.
[Retour au texte] (6)
L'homme ne peut par ses propres moyens se sauver. Cf. Jean-Pierre BONNEROT
:
Judas ou les conditions de la Rédemption, Cahiers d'Etudes Cathares
1984, N°104, notamment.
[Retour au texte]
(7) Eyrénée
PHILALÈTHE :
L'entrée ouverte au palais
fermé du roi, Préface I, nombreuses éditions.
[Retour au texte] (8)
Eugène CANSELIET :
Alchimie,
L'uvre
alchimique de la Sainte Messe, Pauvert Ed, 1978.
[Retour
au texte] (9) On
lira, s'il est possible, l'édition de
Bernard HUSSON :
Deux
traités alchimiques du XIX° siècle,
Omnium littéraire,
1964. A défaut, réédition Chacornac, Editions Traditionnelles.
[Retour au texte] (10)
Eyrénée PHILALÈTHE : op. cit. Préface III.
[Retour
au texte] (11)
ORIGÈNE :
Explication du Notre Père § 26, nombreuses
éditions.
[Retour au texte]