CHAPITRE III
Une expérience personnelle
Tous les faits qui précèdent sont plus ou moins connus ; on peut les trouver dans quelques-uns des ouvrages où sont réunis des récits
de ce genre, la plupart dans
More Glimpses of the World Unseen, par le Dr Lee. Mais les deux cas que je vais rapporter
le sont pour la première fois. Tous deux se sont produits au cours des dix dernières années ; l'un m'est personnel, l'autre est celui d'un
ami intime, membre distingué de la Société
théosophique dont l'exactitude d'observation ne fait aucun doute.
Ma propre aventure est bien simple, malgré l'importance qu'elle a eue pour moi, l'intervention m'ayant sûrement sauvé la vie.
Je suivais à pied, un soir où la
pluie et le vent faisaient rage, une rue tranquille et retirée, près de Westbourne Grove. Je luttais, sans grand succès, pour maintenir mon parapluie contre les coups de vents violents qui menaçaient, à tout instant, de me
l'arracher des mains et, tout en avançant à grande peine, j'essayais de repasser dans mon
esprit les détails d'un travail qui m'occupait alors.
J'entendis tout à coup, avec saisissement, une voix qui m'est bien connue, celle d'un maître hindou, me crier à l'oreille : « En arrière ! ». J'obéis machinalement et me rejetai brusquement en arrière, presque sans avoir le temps de réfléchir. Au même instant mon parapluie qui, par suite de ce mouvement subit, s'était porté en avant, me fut arraché des mains, et un énorme tuyau de cheminée en métal, passant à moins d'un yard de mon visage, s'abattit avec fracas sur le trottoir. Le poids considérable de cet objet et la
force énorme de sa chute me donnèrent la conviction que, sans l'avertissement donné par la voix, j'aurais été tué sur place. Cependant la rue était déserte et la voix était celle d'une personne que je savais être à 7000 milles de là, du moins en ce qui concerne le
corps physique.
Ce n'est pas, du reste, la seule occasion où j'ai
été assisté de cette manière exceptionnelle car, dans
ma
jeunesse, bien avant la fondation de la Société
Théosophique,
l'apparition d'un être cher, récemment décédé,
m'empêcha de commettre ce que je regarde aujourd'hui comme un vrai crime,
bien que, à la lumière de mes connaissances d'alors, le crime m'apparût
comme un acte de représailles, non seulement excusable, mais même
louable. Puis, à une époque plus rapprochée, mais avant la
fondation de la Société, je reçus un avertissement, qui me
fut adressé d'un plan supérieur, dans les circonstances les plus
impressionnantes. Il me permit d'empêcher un de mes semblables de prendre
une décision qui l'aurait amené je le sais aujourd'hui
à un désastre. Je n'avais pourtant, à l'époque, aucune
raison pour le supposer. Le lecteur voit donc que j'ai une certaine expérience
personnelle pour appuyer ma foi dans l'existence d'aides invisibles, même
si je ne savais pas que l'aide est constamment donnée, de nos
jours.
L'autre cas est beaucoup plus frappant. L'un de nos membres,
qui me permet de publier cette
histoire, mais désire garder l'anonymat,
se trouva un
jour, physiquement, en grand danger. Par suite de circonstances qu'il
est inutile de détailler ici, cette
dame se vit prise dans une
émeute.
Voyant à ses côtés plusieurs hommes tomber sous les coups
et évidemment grièvement blessés, elle s'attendait à
chaque instant à subir le même sort, car il lui semblait tout à
fait impossible de s'échapper de cette foule compacte.
Subitement elle éprouva la bizarre sensation d'être
arrachée à la foule et se retrouva debout et absolument seule dans
une petite rue écartée, parallèle à celle où
l'
émeute avait eu lieu. Elle entendait encore le bruit de la lutte et,
comme elle était là, se demandant ce qui avait pu lui arriver, deux
ou trois hommes qui s'étaient échappés de la foule, tournèrent,
en courant, le coin de la rue et, l'apercevant, lui exprimèrent toute leur
surprise et tout leur plaisir, disant qu'en
voyant disparaître subitement
cette
dame courageuse du milieu de la bagarre, ils avaient été convaincus
qu'elle avait été renversée.
Sur le moment elle ne put rien s'expliquer et rentra chez
elle fort intriguée. Mais, plus tard, ayant raconté cette étrange
aventure à Mme Blavatsky, elle apprit que, son karma étant de nature
à lui permettre d'échapper à cet extrême danger, un
Maître avait envoyé un messager spécial pour la protéger.
Dans l'intérêt de l'uvre, il fallait qu'elle vécût.
Le cas reste néanmoins très extraordinaire,
aussi bien par la grande puissance mise en
jeu que par le caractère exceptionnellement
public de sa manifestation. Il est facile de se représenter le
modus
operandi. La personne a dû être enlevée par-dessus les
maisons attenantes et tout simplement déposée dans la rue voisine.
Son
corps physique n'ayant pas été visible dans son passage à
travers les airs, il est également évident qu'un voile quelconque
(probablement de matière éthérique) a dû être
jeté autour d'elle pendant le trajet.
Mais, me dira-t-on, tout ce qui est capable de cacher la
matière physique doit être également physique. A cela je puis
répondre que, par un procédé familier à tout étudiant
de l'
occulte, il est possible de réfléchir les rayons lumineux (qui,
dans toutes les conditions actuellement connues par la science, ne se dirigent
qu'en ligne droite à moins d'être réfractés) de telle
manière qu'après avoir passé autour d'un objet ils puissent
reprendre exactement leur première direction. Il est donc évident
qu'un tel objet serait, pour des yeux physiques, absolument invisible, jusqu'au
moment où les rayons seraient replacés dans leur direction normale.
Je sais fort bien qu'à elle seule cette affirmation suffira pour faire
traiter mes observations d'absurdes par la science contemporaine. Je n'y puis
rien. Je me borne à mentionner une possibilité naturelle que la
science de l'avenir découvrira sans doute un
jour. Pour les personnes qui
n'étudient pas l'occultisme, mes paroles devront attendre jusque-là
leur justification.
Le procédé, ai-je dit, est assez facile à saisir pour une personne ayant quelques notions des
forces naturelles
occultes. Le phénomène n'en reste pas moins extrêmement dramatique. Quant au nom de l'héroïne, si j'avais la permission de le donner,
il serait pour tous mes lecteurs une garantie de l'exactitude de mon récit.
Depuis que la première édition de cet ouvrage a été publiée, j'ai eu connaissance d'une autre intervention
récente ; elle est moins frappante, peut-être, que la précédente, mais elle a parfaitement réussi.
Une
dame, obligée de faire seule un long voyage en chemin de fer, avait pris la précaution de retenir un compartiment, mais, au moment où le train se mettait en marche, un homme de tournure inquiétante et de mauvaise mine monta rapidement et s'assit à l'autre extrémité
du wagon. La voyageuse eut très peur de se voir ainsi seule avec un individu
d'apparence aussi suspecte ; il était trop tard pour crier au secours ;
elle se tint donc tranquille, tout en se recommandant avec ferveur à son
Patron.
Bientôt ses craintes redoublèrent, car l'homme se leva et se tourna vers elle avec un mauvais sourire. Mais, à peine eut-il fait un pas, qu'il se rejeta en arrière, avec une expression de stupéfaction et de terreur
extrêmes. La voyageuse suivit la direction de son regard et tressaillit en
voyant un monsieur assis devant elle ; très calme, il regardait fixement le voleur désappointé. A coup sûr, il n'était pas entré comme tout le monde ! Trop impressionnée pour parler, la
dame, comme fascinée, ne le quitta pas des yeux et cela pendant plus d'une demi-heure. L'inconnu n'ouvrait pas la bouche, ne regardait même pas sa voisine, mais continuait à
fixer le malfaiteur tremblant, affaissé sur lui-même à l'autre bout du compartiment. Dès que le train atteignit la station suivante et, avant même qu'il ne se fût arrêté, le voleur se rua sur la portière et bondit au dehors.
La
dame, profondément reconnaissante d'être délivrée, allait exprimer toute sa gratitude, mais personne n'occupait
plus la banquette, bien qu'il eût été impossible pour un
corps physique, de sortir aussi rapidement du wagon.
Dans le cas présent, la matérialisation a été maintenue plus longtemps que d'habitude. D'autre part, il n'y a eu ni dépense
de
force, ni action d'aucune sorte ; elles eussent du reste été inutiles ; une simple apparence suffisait.
Mais ces faits, se rapportant tous à ce qu'on est convenu d'appeler des interventions angéliques, ne montrent qu'une faible partie du champ d'action de nos aides invisibles. Avant de pouvoir, cependant, considérer les autres branches de leur travail, il sera bon de nous faire une idée bien nette des différents genre d'entités auxquels peuvent appartenir ces. aides. Telle sera donc la partie de notre sujet que nous allons aborder maintenant.