CHAPITRE VIII LA RÉSURRECTION ET L'ASCENSION
Les doctrines de la Résurrection et l'Ascension sont comprises, elles aussi, dans les Mystères Mineurs ; elles font partie intégrante du « Mythe Solaire » et de la vie du Christ dans l'homme.
En ce qui concerne Christ Lui-même, elles ont pour base historique le fait qu'Il a continué à instruire Ses apôtres après Sa mort physique et qu'après avoir cessé
Son enseignement direct Il est devenu l'
Hiérophante des Grands Mystères, jusqu'au moment où
Jésus le remplaça. Dans les
légendes mythiques la
résurrection et l'
apothéose du héros succèdent invariablement au récit de sa mort. Dans les Mystères, le
corps du candidat était toujours plongé dans un sommeil léthargique, durant lequel l'
âme du candidat, libérée, parcourait le monde invisible pour revenir au
corps après trois
jours d'absence et l'
animer de nouveau. En étudiant la carrière de l'homme qui devient un Christ, nous y retrouverons, de même, les drames de la
Résurrection et de l'Ascension.
Mais, avant de pouvoir suivre ce récit avec intelligence, il faut posséder
quelques notions concernant la constitution de l'homme et comprendre ce que sont
ses
corps, naturel et spirituel. S'il y a un
corps animal (ou naturel)
il y a aussi un
corps spirituel
(238).
Certaines personnes peu instruites en sont encore à regarder l'homme comme
un simple
composé de deux principes « l'
âme et le
corps »
; elles regardent les mots «
âme » et «
esprit » comme synonymes
et disent indifféremment « l'
âme et le
corps » ou « l'
esprit
et le
corps », voulant exprimer, par ces mots, que l'homme est
composé
de deux parties, dont l'une périt à l'heure de la mort et dont l'autre
survit. Pour les
esprits très simples et très
ignorants, cette
division
générale suffit, mais elle ne nous permettra pas de comprendre les
mystères de la
Résurrection et de l'Ascension.
Tout Chrétien qui a étudié, même superficiellement,
la constitution de l'homme, admet l'existence de trois
éléments
distincts l'
Esprit, l'
Ame et le
Corps. Cette
division est exacte, bien
qu'une étude plus appropriée demande une analyse plus complète
; nous la trouvons dans cette prière de
saint Paul : Que tout ce qui est
en nous, l'
esprit, l'
âme et le
corps soit conservé irrépréhensible
(239). Cette
division ternaire est adoptée par la
Théologie Chrétienne.
L'
Esprit est, en réalité, une
Trinité reflet et image
de la
Trinité Suprême ; c'est ce que nous étudierons dans
le prochain chapitre
(240). L'homme véritable, le principe immortel, c'est
la vie, la conscience, qui a pour vêtement le
corps spirituel. Chacun des
aspects de la
Trinité a son
Corps particulier ; l'
Ame est double ; elle
comprend le mental et la nature émotionnelle, avec des enveloppes qui leur
sont appropriées. Le
Corps est l'instrument matériel de l'
Esprit
et de l'
Ame. Suivant un classement Chrétien des principes constitutifs
de l'homme, celui-ci présente douze
éléments, dont six forment
l'homme spirituel et six l'homme naturel ; il en présente quatorze, suivant
un autre classement sept modifications de conscience et sept types de forme
correspondants. On retrouve, en somme, dans ce deuxième classement les
principes étudiés par les
mystiques ; on l'appelle généralement
la
division septuple, parce que, en réalité, il existe sept
divisions,
dont chacune présente deux aspects l'aspect vie et l'aspect forme.
Ces
divisions et subdivisions sont, pour les intelligences bornées, une
cause de confusion et de perplexités. Voilà pourquoi Origène
et Clément comme nous l'avons vu plus haut
(241) affirmaient
avec tant d'insistance que l'intelligence était nécessaire à
toute personne désirant parvenir à la
Gnose. Rien n'empêche
les personnes que cette classification effraie, de la laisser de côté
; mais, par contre, qu'elles reconnaissent au chercheur le droit de l'adopter
; non seulement il y trouve une source d'inspirations, mais encore il la regarde
comme indispensable à qui veut comprendre clairement les Mystères
de la Vie et de l'Homme.
Le mot
Corps signifie un véhicule ou instrument de
conscience, cette enveloppe dans laquelle la conscience va et vient, comme dans
un véhicule, ou que la conscience emploie pour se mettre en contact avec
le monde extérieur. Elle en use comme un ouvrier de son outil. Nous pouvons
encore comparer le
Corps à un récipient contenant la conscience,
comme un flacon contient un liquide. C'est une forme employée par une vie,
et la conscience se manifeste, partout et toujours, en relation avec des formes
semblables. La forme peut être de la nature la plus rare et la plus subtile,
si
diaphane que la vie qui l'habite nous semble seule exister ; pourtant la forme
est présente, et sa
composition est matérielle. La forme peut, de
même, être si dense qu'elle cache la vie latente ; nous ne sommes
alors conscients que de la forme ; pourtant la vie est présente et elle
a pour
essence le contraire de la Matière l'
Esprit. Il faut que
l'étudiant se pénètre sans relâche de ce fait fondamental,
la qualité de toute existence manifestée, la cxistence de
l'
Esprit et de la Matière, inséparables dans un grain de poussière
comme dans le Logos, ou
Dieu Manifesté ; il faut qu'il s'assimile cette
idée : autrement l'étude des Mystères Mineurs ne lui sera
pas possible. Le Christ, comme
Dieu et comme homme, ne fait que présenter
dans des proportions cosmiques la qualité qui se retrouve partout dans
la nature. Tout ce que renferme l'univers offre, dans sa constitution, cette qualité
fondamentale.
L'homme possède un «
corps animal »
composé
de quatre
éléments distincts et séparables et sujets à
périr. Deux de ces
éléments sont formés de matière
physique et ne se séparent jamais complètement avant la mort, bien
que leur séparation partielle puisse être amenée par des substances
anesthésiques ou par la maladie ; leur assemblage peut être désigné
comme le
corps physique. L'homme, à l'état de veille, agit
consciemment dans ce
corps, qui est pour lui, suivant l'expression technique,
son véhicule de conscience dans le monde physique.
Le troisième élément est le
corps des
désirs ainsi nommé parce que les sentiments et les passions
de l'homme y trouvent leur véhicule spécial. Pendant le sommeil,
l'homme, quittant le
corps physique, poursuit ses activités conscientes
dans cet autre
corps qui a pour milieu normal le monde invisible le plus rapproché
de notre terre visible et qui représente, par conséquent, son véhicule
de conscience dans le moins élevé des mondes hyperphysiques, le
premier où l'homme passe après la mort.
Le quatrième élément est le
corps
mental, ainsi nommé parce qu'il est employé par la nature intellectuelle,
tout au moins dans la pensée concrète ; il est pour l'homme le véhicule
de conscience dans le deuxième des mondes hyperphysiques, qui est en même
temps le deuxième et le moins élevé des mondes célestes
où les hommes passent après la mort, quand ils s'échappent
du monde dont j'ai parlé dans le paragraphe précédent.
Ces quatre
éléments de la forme humaine extérieure
le
corps physique, double dans sa nature le
corps des désirs
le
corps mental voilà ce qu'il faut entendre par le
corps animal
(242) dont parle
saint Paul.
Les enseignements Chrétiens ordinaires manquent, sur ce point, de précision
et de
clarté ; nous n'y retrouvons plus cette analyse scientifique. Je
ne veux pas dire que les
Eglises ne l'aient jamais connue ; cette connaissance
de la constitution humaine faisait, au contraire, partie des enseignements donnés
dans les Mystères Mineurs. La
division élémentaire en
Esprit,
Ame et
Corps était
exotérique, d'un caractère général
et superficiel ; elle était donnée comme point de départ.
La double nature du «
corps » était enseignée plus tard,
de manière à préparer le
disciple à séparer
les deux principes et à employer chacun comme véhicule de conscience
sur son plan particulier.
Cette idée se comprendra sans peine. L'homme veut-il
voyager sur terre, il emploie comme véhicule une voiture ou un wagon de
chemin de fer ; veut-il voyager sur mer, il change de véhicule et monte
sur un navire ; veut-il enfin voyager dans les airs, il change encore de véhicule
et monte dans un véhicule approprié ; il demeure lui-même,
mais emploie trois véhicules différents suivant le genre de matière
qu'il désire traverser. Cette comparaison est bien imparfaite, mais elle
n'induira pas en erreur. Quand l'homme circule dans le monde physique, il a pour
véhicule le
corps physique, et sa conscience est active dans ce
corps,
qui est son instrument. Quand soit en s'endormant, soit en mourant
il passe dans le monde le plus rapproché du monde physique, son véhicule
est le
corps des désirs, qu'il faut apprendre à employer consciemment,
tout comme le
corps physique ; il l'emploie d'ailleurs inconsciemment tous les
jours de sa vie, lorsqu'il éprouve des sentiments et des désirs,
comme il en use de même chaque nuit. Quand, après sa mort, l'homme
passe dans le monde céleste, son véhicule est le
corps mental qu'il
emploie, lui aussi, journellement lorsqu'il pense. Il n'y aurait pas de pensée
dans le cerveau s'il n'y en avait pas dans le
corps mental.
L'homme, enfin, possède un
corps spirituel,
composé de trois parties séparables, appartenant
respectivement aux trois Personnes de la
Trinité de l'
Esprit humain et
servant à les distinguer.
Saint Paul nous dit qu'il fut
ravi jusqu'au
troisième ciel, où il entendit des mystères qu'il n'est pas
permis à un homme de révéler (243).
Les
Initiés connaissent bien ces régions des mondes invisibles supérieurs
; ils savent que, pour aller au-delà du premier
ciel, il faut employer
comme véhicule le
corps spirituel proprement dit et que le développement
respectif de ses trois
éléments déterminera le
ciel où
ils pourront pénétrer.
Le moins élevé de ces
trois
éléments est généralement appelé le
corps
causal, pour une raison que pourront seules comprendre les personnes ayant
étudié les doctrines de la Réincarnation enseignées
d'ailleurs par la primitive
Eglise et sachant que l'évolution humaine
réclame ici-bas bien des vies successives avant que l'
âme embryonnaire
du sauvage puisse devenir l'
âme accomplie d'un Christ et, parfaite enfin
comme le
Père céleste (244), réalise
l'union
du Fils avec le Père (245). Ce
corps
survit, d'existence en existence, et recueille tous les souvenirs ; il détermine
les causes donnant naissance aux
corps inférieurs ; il est le réceptacle
des expériences humaines, le lieu sûr où s'accumulent tous
les trésors que nous rapportons de nos existences, le siège de la
Conscience, le principe de la Volonté.
Le deuxième des trois
éléments
formant le
corps spirituel est mentionné par
saint Paul en termes significatifs
:
Nous avons dans les cieux dit-il
un édifice qui
vient de Dieu, une demeure éternelle qui n'est pas faite de main d'homme
(246). C'est le
Corps de
Béatitude le
corps
glorifié du Christ « le
Corps qui ressuscite ». Il n'est
pas fait
de main d'homme, c'est-à-dire par l'action de la conscience
sur les véhicules inférieurs ; il n'est pas formé par l'expérience,
ni construit avec les matériaux amassés par l'homme au cours de
son long
pèlerinage ; il est propre à la vie du Christ, à
la vie de l'
Initié, à l'épanouissement divin dans l'homme
; il est bâti par
Dieu, par l'activité de
Son Esprit, et ne cesse
de grandir pendant toutes les vies de l'
Initié, pour n'atteindre son apogée
qu'à la
Résurrection ».
Le troisième élément du
corps spirituel est cette pellicule impalpable, de nature subtile, qui individualise
l'
Esprit et en fait un Etre distinct, sans s'opposer pourtant à l'interpénétration de tous par tous ; elle est, par là, l'expression de l'unité fondamentale.
Lorsque le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous (247), cette pellicule disparaîtra mais pour nous elle reste l'élément supérieur du
corps spirituel, dans lequel nous montons vers le Père pour nous unir à Lui.
Le Christianisme a toujours reconnu l'existence de trois mondes ou régions que l'homme doit traverser d'abord le monde physique ; deuxièmement, un état intermédiaire où il passe
après la mort ; enfin, le monde céleste. Les Chrétiens instruits
croient tous à ces trois mondes. Les
ignorants seuls se figurent que l'homme
passe directement de son
lit de mort à un état de
béatitude
définitive. Les opinions diffèrent cependant en ce qui concerne
la nature du monde intermédiaire. Les
Catholiques Romains l'appellent Purgatoire
; ils croient que toute
âme doit le traverser sauf celle du
Saint,
celle d'un homme arrivé à la perfection, ou encore celle d'un homme
mort en état de « péché mortel ». La grande majorité
passe dans une région purificatrice, où l'homme séjourne plus ou moins longtemps, suivant les péchés qu'il a commis : il ne le quitte pour entrer dans le monde céleste qu'après avoir été
purifié. Les différentes confessions dites Protestantes diffèrent
sur des points secondaires et répudient généralement l'idée
d'une purification posthume ; mais, en général, elles sont d'accord pour admettre l'existence d'un état intermédiaire, quelquefois appelé
« Paradis » ou « période d'attente ». Le monde
céleste est presque universellement envisagé, dans la Chrétienté moderne, comme un état final, sans qu'il existe de notions bien nettes ou d'un caractère général concernant sa nature et l'état progressif ou stationnaire de ceux qui y pénètrent. L'
Eglise primitive voyait dans le
ciel ce qu'il est en réalité, une étape de l'
âme dans son
pèlerinage ascendant ; aussi la réincarnation, sous une forme ou sous une autre, et la préexistence de l'
âme étaient-elles généralement enseignées. Il résultait naturellement de cette doctrine que le séjour dans le
ciel était temporaire, bien que souvent très prolongé. Suivant le terme Grec du Nouveau Testament, la durée de ce séjour était d'un « âge »
(248) qui se terminait par le retour de l'homme à un nouveau stage d'existence et de progrès ; elle n'était donc pas « éternelle » ; la version anglaise autorisée offre sur ce point un contresens
(249).
Afin de compléter cet aperçu nécessaire pour comprendre la
Résurrection et l'Ascension examinons maintenant comment se développent, dans leur évolution supérieure, les différents
corps dont nous avons parlé.
Le
corps physique se transforme sans cesse, remplace
continuellement les particules imperceptibles dont il est
composé, se rebâtit par un travail sans fin. Or, le
corps étant formé par notre nourriture, notre boisson, l'
air atmosphérique, les particules empruntées aux hommes et aux choses qui nous entourent ici-bas, il nous est possible de le purifier méthodiquement, en choisissant judicieusement ses
éléments
constitutifs et, par là, d'en faire un véhicule, un instrument toujours
plus pur, susceptible de vibrations plus subtiles, répondant à des
désirs plus purs et à des pensées plus nobles et plus hautes.
Voilà pourquoi tout aspirant aux Mystères était soumis, pour
sa nourriture, ses
ablutions, etc., à des règles déterminées
et qu'il devait faire grande attention aux personnes ou aux localités qu'il
fréquentait.
Le
corps des désirs se transforme également et d'une manière analogue ; mais ici les matériaux expulsés ou absorbés le sont par le
jeu des désirs, ayant leur origine dans les sentiments, les passions et les émotions. Celles-ci sont-elles grossières, le
corps des désirs l'est également ; sont-elles purifiées, le
corps des désirs devient subtil et très sensible aux
influences d'en haut. L'homme purifie d'autant plus ce véhicule supérieur de la conscience qu'il maîtrise davantage sa nature inférieure qu'il s'oublie plus complètement lui-même dans ses désirs, ses sentiments et ses émotions qu'il aime enfin ses proches avec moins d'égoïsme et de calcul. Aussi, quand pendant le sommeil il quitte son
corps physique, ses expériences sont-elles plus hautes, plus pures et plus instructives. Lorsque, en mourant, il abandonne le
corps physique, il passe rapidement par l'état intermédiaire ; son
corps des désirs se décompose très rapidement et n'est pas pour lui une cause de retard.
Le
corps mental se forme d'une manière semblable, mais par l'action des pensées ; il sera le véhicule de conscience employé dans le monde céleste ; mais, dès à présent, il est constitué par les aspirations, l'imagination, la raison, le
jugement, les facultés artistiques, enfin par la mise en
jeu des facultés mentales. L'homme ne peut employer que le
corps mental qu'il s'est créé. La durée et l'intensité de sa vie céleste dépendent donc du genre de
corps mental qu'il s'est construit ici-bas.
Ce
corps, quand l'homme atteint un
degré supérieur d'évolution, commence à exercer pendant la vie terrestre une activité indépendante. Graduellement l'homme devient conscient de sa vie céleste, même dans le tourbillon de son existence quotidienne ; il devient alors
le Fils de l'homme qui est dans le ciel (250), capable de parler avec autorité des choses célestes. Quand l'homme commence à vivre de la vie du Fils, ayant atteint le chemin de la Sainteté, il vit dans le
ciel sans quitter la terre, car il possède et emploie consciemment son
corps céleste. Le
ciel n'est pas éloigné de nous, mais nous entoure de toutes parts ; notre impuissance à sentir ses vibrations, et non leur absence, le cache à nos yeux ; elles nous frappent d'une manière incessante ; il suffit donc d'être conscients pour nous trouver au
ciel. Nous y parvenons en éveillant l'activité du
corps céleste, en l'organisant, en le développant. S'il est formé par des matériaux célestes, il répondra aux vibrations du
ciel. Voilà pourquoi le
Fils de l'homme est toujours dans le
ciel. Or, nous savons que le terme
Fils de l'homme s'applique à l'
Initié non pas au Christ ressuscité et glorieux, mais au Fils qui n'est pas encore entièrement
arrivé à la perfection (251).
Pendant les étapes évolutives qui précèdent et comprennent le Sentier de
Probation, le premier élément du
corps spirituel, c'est-à-dire le
corps causal, se développe rapidement et permet à l'homme, après la mort, de s'élever jusqu'au deuxième
ciel. Après la Seconde Naissance, naissance du Christ dans l'homme, commence à se constituer le
corps de
béatitude,
qui est dans les cieux. C'est là le
corps du Christ, qui se développe au cours de Sa mission sur la terre. A mesure qu'il progresse, la conscience du
Fils de Dieu s'élargit de plus en plus, et l'union
imminente avec le Père illumine l'
Esprit qui s'affirme.
Dans les Mystères chrétiens comme dans ceux de l'Egypte ancienne, de la Chaldée et dans d'autres encore il existait un
symbolisme extérieur indiquant les stages que traversait l'homme. Le candidat était amené dans la salle de l'
Initiation et là, couché, les bras étendus tantôt sur une
croix de
bois, tantôt simplement sur le sol dallé dans l'attitude d'un crucifié. Le thyrse, la
lance de la crucifixion, lui touchait alors le cur et, quittant son
corps, il passait dans les mondes invisibles ; son enveloppe physique restait dans une léthargie profonde, la mort du crucifié ; placée dans un sarcophage de pierre, elle y demeurait enfermée, soumise à une surveillance attentive. Cependant l'homme lui-même parcourait d'abord les étranges et sombres régions appelées « le cur de la terre » puis, gravissant la
montagne céleste, il revêtait le
corps de
béatitude
corps désormais parfait véhicule de conscience accompli : revêtu de cette enveloppe nouvelle, il rentrait dans son
corps de chair, pour lui rendre la vie. La
croix soutenant le
corps ou, si aucune
croix n'avait été employée, le
corps endormi et rigide était retiré du sarcophage et placé sur une surface inclinée, exposée à l'est, avant le lever du
soleil, au matin du troisième
jour. Au moment où les rayons du
soleil venaient
frapper le visage, le Christ l'
Initié parfait ou Maître rentrait dans
Son corps, le glorifiant par l'enveloppe nouvelle dont Il était revêtu, transformait le
corps charnel au contact du
corps de
béatitude, lui donnait des propriétés, des facultés, des aptitudes nouvelles, le transformait enfin à Sa propre image. Telle était la
résurrection du Christ, après laquelle le
corps charnel lui-même était modifié et revêtait un caractère nouveau.
Voilà pourquoi le
soleil a toujours été pris pour
symbole du Christ ressuscité et que, dans les hymnes de Pâques, il est constamment fait allusion au
Soleil de Justice. De là aussi ces paroles concernant le Christ triomphant :
Je suis le vivant ; J'ai été le mort, et voici. Je suis vivant aux siècles des siècles. Amen ! Je tiens les clefs de la mort et de l'enfer (252). Toutes les puissances des mondes inférieurs, le Fils en dispose désormais, en vertu de
Son triomphe glorieux. La mort n'a plus de prise sur Lui ; « Il tient la vie et la mort dans Sa main puissante
(253) » ; Il est le Christ ressuscité, le Christ triomphant.
L'Ascension du Christ était le Mystère concernant le troisième élément du
corps spirituel, la réception du Vêtement Glorieux ; elle préparait l'union du Fils avec le Père, de l'homme avec
Dieu l'
Esprit se retrouvant enfin dans la gloire qu'il possédait
avant que le monde fût (254). Dès lors le triple
Esprit devient un ; il se sait éternel ; le
Dieu Caché est trouvé. C'est cette réunion que présente, sous une forme imagée, la doctrine de l'Ascension, du moins en ce qui concerne l'homme envisagé individuellement.
Pour l'humanité, l'Ascension n'a lieu que quand la race tout entière est parvenue à la « condition de Christ » à la condition « filiale » quand le Fils s'unit au père et que
Dieu est tout en tous. Voilà l'objectif dont le triomphe de l'
Initié donne dès aujourd'hui l'image ; mais, pour qu'il soit atteint, il faut que la
race humaine soit arrivée à la perfection et que l'Humanité, « cette grande orpheline », cessant de l'être, se reconnaisse consciemment
comme l'
Enfant de
Dieu.
En étudiant ainsi les doctrines de la
Rédemption, de la
Résurrection et de l'Ascension, nous découvrons les vérités qui les concernent et que présentent. sous une forme voilée, les Mystères Mineurs. Nous commençons à comprendre, dans sa plénitude, la vérité de l'enseignement
apostolique : Christ n'a pas été une personnalité unique,
mais
les prémices de ceux qui sont morts (255) ; tout homme peut devenir un Christ. Le Christ n'était donc pas regardé comme un Sauveur d'une nature différente de la nôtre, dont les mérites
dussent, par substitution, sauver l'homme de la colère divine. Suivant la glorieuse et vivifiante doctrine alors enseignée par l'
Eglise, le Christ n'était que les prémices de l'humanité, le modèle que tout homme est appelé à reproduire en lui-même, la vie que tous devaient partager. Les
Initiés ont toujours été regardés comme les prémices, le gage pour l'humanité de sa perfection future. Pour les Chrétiens des premiers siècles, Christ était le
symbole vivant de leur propre divinité, le
fruit glorieux du
germe qu'ils portaient dans leur propre cur. La doctrine du Christianisme
Esotérique ou des Mystères Mineurs n'était pas le salut par un Christ
extérieur, mais la glorification de chacun en un Christ
intérieur. Le Novice était appelé à devenir le Fils. La vie du Fils devait s'écouler parmi les hommes jusqu'au
jour où la
Résurrection en marquait le terme. Dès lors le Christ glorifié devenait, pour le monde, un Sauveur
parfait.
Quel
Evangile grandiose, auprès de celui de notre
époque ! En présence de l'
idéal majestueux du Christianisme
ésotérique, la doctrine
exotérique des
Eglises semble bien
étroite et bien vide.
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(238) I Cor., XV 44.
(239) I Thess., V, 23.
(240) Voyez
chapitre IX, « La
Trinité ».
(241) Ante, pp. 65, 66, 76, 77, 106, 107.
(242) La version anglaise, version dite « du roi Jacques », traduit «
Corps naturel ». (N. d. T.)
(243) II Cor., XII, 2, 4.
(244) St Matthieu, V, 48.
(245) St Jean, XVII, 21, 22, 23.
(246) II Cor., V, 1.
(247) I Cor., XV, 28.
(248) Ou « Eon » (N. d. T.).
(249) Ce contresens s'explique fort bien. La traduction date du dix-septième siècle. Or, à cette époque, toute notion de la préexistence de l'
âme avait disparu depuis longtemps du Christianisme, sauf dans les doctrines de quelques sectes regardées comme hérétiques et persécutées par l'
Eglise Catholique Romaine.
(250) St Jean, III, 13.
(251) Héb., V, 9.
(252) Apoc., I, 18.
(253) H. P. Blavatsky,
La Voix du Silence, p. 90, 5ème édition.
(254) St Jean, XVII, 5.
(255) Cor., XV, 20. (La traduction de Le Maistre de
Sacy porte : Les prémices de ceux qui dorment. N. d. T.)