Dans leurs écrits, les Philosophes se sont
exprimés de bien des manières différentes, mais
toujours énigmatiques. Ils nous ont légué une science
noble entre toutes, mais voilée complètement pour nous
par leur parole nuageuse, entièrement cachée sous un voile
impénétrable. Et pourtant ils ont en raison d'agir ainsi.
Aussi, je vous conjure d'exercer avec persévérance votre
esprit sur ces sept chapitres, qui renferment l'art de transmuer les
métaux, sans avoir à vous inquiéter des écrits
des autres philosophes. Repassez souvent dans votre
esprit leur commencement,
leur milieu, leur fin, et vous y trouverez des inventions si subtiles
que votre
âme en sera remplie de joie.
CHAPITRE
I
DÉFINITIONS DE L'ALCHIMIE
Dans quelques manuscrits anciens, on trouve de
cet art plusieurs définitions desquelles il importe que nous
parlions ici.
Hermès dit : «
L'Alchimie est la science
immuable qui travaille sur les corps à l'aide de la théorie
et de l'expérience, et qui, par une conjonction naturelle, les
transforme en une espèce supérieure plus précieuse.
» Un autre philosophe a dit : «
L'Alchimie enseigne à
transmuer toute espèce de métal en une autre, cela à
l'aide d'une Médecine particulière, ainsi qu'on peut le
voir par les nombreux écrits des Philosophes. » C'est
pourquoi je dis : «
L'Alchimie est la science qui enseigne
à préparer une certaine Médecine ou élixir,
laquelle étant projetée sur les métaux imparfaits,
leur donne la perfection dans le moment même de la projection.
»
CHAPITRE
II
DES PRINCIPES NATURELS ET DE LA GÉNÉRATION
DES MÉTAUX
Je vais parler ici des principes naturels et de
la
génération des métaux. Notez d'abord que les
principes des métaux sont le
Mercure et le Soufre. Ces deux principes
ont donné naissance à tous les métaux et à
tous les minéraux, dont il existe pourtant un grand nombre d'espèces
différentes. Je dis de plus que la nature a toujours eu pour
but et s'efforce sans cesse d'arriver à la perfection, à
l'or. Mais par suite de divers accidents qui entravent sa marche, naissent
les variétés métalliques, ainsi qu'il est clairement
exposé dans plusieurs philosophes.
Selon la pureté ou l'impureté des
deux principes composants, c'est-à-dire du Soufre et du
Mercure,
il se produit des métaux parfaits ou imparfaits -- l'or, l'
argent,
l'
étain, le plomb, le cuivre, le fer. Maintenant, recueille pieusement
ces enseignements sur la nature des métaux, sur leur pureté
ou leur impureté, leur pauvreté ou leur richesse en principes.
Nature de l'Or : l'Or est un
corps parfait
composé
d'un
Mercure pur, fixe, brillant, rouge et d'un Soufre pur, fixe, rouge,
non combustible. L'Or est parfait.
Nature de l'
Argent : c'est un
corps pur, presque
parfait,
composé d'un
Mercure pur, presque fixe, brillant, blanc.
Son Soufre a les mêmes qualités. Il ne manque à
l'
Argent qu'un peu plus de fixité, de
couleur et de poids.
Nature de l'
étain : c'est un
corps pur,
imparfait,
composé d'un
Mercure pur, fixe et volatil, brillant,
blanc à l'extérieur, rouge à l'intérieur.
Son Soufre a les mêmes qualités. Il manque seulement à
l'
étain d'être un peu plus cuit et digéré.
Nature du plomb : c'est un
corps impur et imparfait,
composé d'un
Mercure impur, instable, terrestre, pulvérulent,
légèrement blanc à l'extérieur, rouge à
l'intérieur.
Son Soufre est semblable et de plus combustible.
Il manque au plomb la pureté, la fixité, la
couleur ;
il n'est pas assez cuit.
Nature du cuivre : le cuivre est un métal
impur et imparfait,
composé d'un
Mercure impur, instable, terrestre,
combustible, rouge, sans éclat. De même pour son Soufre.
Il manque au cuivre la fixité, la pureté, le poids. Il
contient trop de
couleur impure et de parties terreuses
incombustibles.
Nature du fer : le fer est un
corps impur, imparfait,
composé d'un
Mercure impur, trop fixe, contenant des parties
terreuses combustibles, blanc et rouge, mais sans éclat. Il lui
manque la
fusibilité, la pureté, le poids ; il contient
trop de Soufre fixe impur et de parties terreuses combustibles.
Tout alchimiste doit tenir compte de ce qui précède.
CHAPITRE
III
D'OÙ L'ON DOIT RETIRER LA MATIÈRE
PROCHAINE DE L'ÉLIXIR
Dans ce qui précède, on a suffisamment
déterminé la genèse des métaux parfaits
et imparfaits.
Maintenant, nous allons travailler à rendre
pure et parfaite la matière imparfaite. Il ressort des chapitres
précédents que tous les métaux sont
composés
de
Mercure et de Soufre, que l'impureté et l'imperfection des
composants se retrouve dans le
composé ; comme on ne peut
ajouter
aux métaux que des substances tirées d'eux-mêmes,
il s'ensuit qu'aucune matière étrangère ne peut
nous servir, mais que tout ce qui est
composé des deux principes
suffit pour perfectionner, et même transmuer, les métaux.
Il est très surprenant de voir des personnes,
pourtant habiles, travailler sur les
animaux, lesquels constituent une
matière très éloignée, alors qu'elles ont
sous la main une matière suffisamment prochaine dans les minéraux.
II n'est pas impossible qu'un Philosophe ait placé l'uvre
dans ces matières éloignées, mais c'est par
allégorie
qu'il l'aura fait.
Deux principes composent tous les métaux
et rien ne peut s'attacher, s'unir aux métaux ni les transformer,
s'il n'est lui-même
composé des deux principes. C'est ainsi
que le raisonnement nous
force à prendre pour Matière
de notre Pierre, le
Mercure et le Soufre.
Le
Mercure seul, le Soufre seul ne peuvent engendrer
les métaux, mais, par leur union, ils donnent naissance aux divers
métaux et à de nombreux minéraux. Donc, il est
évident que notre Pierre doit naître de ces deux principes.
Notre dernier secret est très précieux
et très caché : sur quelle matière minérale,
prochaine entre toutes, doit-on directement opérer ? Nous sommes
obligé de choisir avec soin. Supposons d'abord que nous tirions
notre matière des végétaux : herbes,
arbres et
tout ce qui naît de la terre. II faudra en extraire le
Mercure
et le Soufre par une longue cuisson, opérations que nous repoussons,
puisque la nature nous offre du
Mercure et du Soufre tout faits.
Si nous avions élu les
animaux, il nous
faudrait travailler sur le sang humain,
cheveux, urine, excréments,
ufs de poule, enfin tout ce que l'on peut tirer des
animaux. Il
nous faudrait, là encore, extraire par la cuisson, le
Mercure
et le Soufre. Nous récusons ces opérations pour notre
première raison. Si nous avions choisi les minéraux mixtes,
telles que sont les diverses espèces de magnésies, marcassites,
tuties, couperoses ou
vitriols, aluns,
borax, sels, etc., il faudrait
mêmement en extraire le
Mercure et le Soufre par cuisson, ce que
nous repoussons pour les mêmes raisons que ci-dessus. Si nous
choisissions l'un des sept
esprits comme le
Mercure seul, ou le soufre
seul, ou bien le
Mercure et l'un des deux soufres, ou bien le soufre-vif,
ou l'orpiment ou l'
arsenic jaune, ou l'
arsenic rouge, nous ne pourrions
les perfectionner ; parce que la nature ne perfectionne que le mélange
déterminé des deux principes. Nous ne pouvons faire mieux
que la nature, et il nous faudrait extraire de ces
corps le Soufre et
le
Mercure, ce que nous repoussons comme ci-dessus.
Finalement, si nous prenions les deux principes
eux-mêmes, il nous faudrait les mêler selon une certaine
proportion
immuable, inconnue à l'
esprit humain, et ensuite les
cuire jusqu'à ce qu'ils soient coagulés en une masse solide.
C'est pourquoi nous écartons l'idée
de prendre les deux principes séparés, c'est-à-dire
le Soufre et le
Mercure, parce que nous ignorons leur proportion et
que nous trouverons des
corps dans lesquels les deux principes sont
unis dans de justes proportions, coagulés et conjoints selon
les règles.
Cache bien ce secret : L'Or est un
corps parfait
et mâle sans superfluité ni pauvreté. S'il perfectionnait
les métaux imparfaits fondus avec lui, ce serait l'
élixir
rouge. L'
argent aussi est un
corps presque parfait et
femelle, et si
par simple
fusion, il rendait presque parfait et
femelle, et si par
simple
fusion, il rendait presque parfaits les métaux imparfaits,
ce serait l'
élixir blanc. Ce qui n'est pas et ce qui ne peut
pas être, parce que ces
corps sont parfaits à un seul degré.
Si leur perfection était communicable aux métaux imparfaits,
ces derniers ne se perfectionneraient pas et ce seraient les métaux
parfaits qui seraient souillés par le contact des imparfaits.
Mais s'ils étaient plus que parfaits, au double, au quadruple,
au centuple, etc., ils pourraient alors perfectionner les imparfaits.
La nature opère toujours simplement ; c'est
pour cela que la perfection est simple en eux, indivisible et non transmissible.
Ils ne pourraient entrer dans la
composition de la Pierre, comme
ferments,
pour abréger l'uvre ; ils se réduiraient en effet
en leurs
éléments, la somme de volatil dépassant
la somme de fixe.
Et parce que l'or est un
corps parfait
composé
d'un
Mercure rouge, brillant, et d'un Soufre semblable, nous ne le prendrons
pas comme matière de la Pierre pour l'
élixir rouge ; car
il est trop simplement parfait, sans perfection subtile, il est trop
bien cuit et digéré naturellement, et c'est à peine
si nous pouvons le travailler avec notre
feu artificiel ; de même
pour l'
argent.
Quand la nature perfectionne quelque chose, elle
ne sait cependant pas le purifier, le parfaire intimement, parce qu'elle
opère avec simplicité. Si nous choisissions l'or et l'
argent,
nous pourrions à grand-peine trouver un
feu capable d'agir sur
eux. Quoique nous connaissions ce
feu, nous ne pouvons cependant arriver
à la purification parfaite à cause de la puissance de
leurs liens et de leur
harmonie naturelle ; aussi, repoussons l'or pour
l'
élixir rouge, l'
argent pour l'
élixir blanc. Nous trouverons
un certain
corps,
composé de
Mercure et de Soufre suffisamment
purs, sur lesquels la nature aura peu travaillé.
Nous nous flattons de perfectionner un tel
corps
avec notre
feu artificiel et la connaissance de l'art. Nous le soumettrons
à une cuisson convenable, le purifiant, le colorant et le fixant
selon les règles de l'art. Il faut donc choisir une matière
qui contienne un
Mercure pur, clair, blanc et rouge, pas complètement
parfait, mélangé également, dans les proportions
voulues et selon les règles, avec un Soufre semblable à
lui. Cette matière doit être coagulée en une masse
solide et telle qu'à l'aide de notre science et de notre prudence,
nous puissions parvenir à la purifier intimement, à la
perfectionner par notre
feu, et à la rendre telle qu'à
la fin de l'Œuvre, elle soit des milliers de mille fois plus pure et
plus parfaite que les
corps ordinaires cuits par la
chaleur naturelle.
Sois donc prudent ; car si tu as exercé
la subtilité et l'acuité de ton
esprit sur ces chapitres
où je t'ai manifestement révélé la connaissance
de la Matière, tu possèdes maintenant cette chose,
ineffable
et délectable, objet de tous les désirs des Philosophes.
CHAPITRE
IV
DE LA MANIÈRE DE RÉGLER LE FEU ET
DE LE MAINTENIR
Si tu n'as pas la tête trop dure, si ton
esprit n'est pas enveloppé complètement du voile de l'
ignorance
et de l'inintelligence, je puis croire que dans les précédents
chapitres, tu as trouvé la vraie Matière des Philosophes,
matière de la Pierre bénite des sages, sur laquelle l'
Alchimie
va opérer dans le but de perfectionner les
corps imparfaits à
l'aide de
corps plus que parfaits. La nature ne nous offrant que des
corps parfaits ou imparfaits, il nous faut rendre indéfiniment
parfaite par notre travail la Matière nommée ci-dessus.
Si nous ignorons la manière d'opérer,
quelle en est la cause,
sinon que nous n'observons pas comment la nature
perfectionne chaque
jour les métaux ? Ne voyons nous pas que
dans les mines, les
éléments grossiers se cuisent tellement
et s'épaississant si bien par la
chaleur constante existant dans
les
montagnes, qu'avec le temps elle se transforme en
Mercure ? Que
la même
chaleur, la même cuisson transforme les parties
grasses de la terre en Soufre ? Que cette
chaleur appliquée longtemps
à ces deux principes engendre selon leur pureté ou leur
impureté, tous les métaux ? Ne voyons-nous pas que la
nature produit et perfectionne tous les métaux par la seule cuisson
? Ô folie infinie, qui donc, je vous le demande, qui donc vous
oblige à vouloir faire la même chose à l'aide de
régimes bizarres et fantastiques ? C'est pourquoi un Philosophe
a dit : «
Malheur à vous qui voulez surpasser la nature
et rendre les métaux plus que parfaits par un nouveau régime,
fruit de votre entêtement insensé. Dieu a donné
à la nature des lois immuables, c'est-à-dire qu'elle doit
agir par cuisson continue, et vous insensés, vous la méprisez
ou vous ne savez pas l'imiter. » Il dit de même : «
Le feu et l'azoth doivent te suffire. » Et ailleurs : «
La chaleur perfectionne tout. » Et ailleurs : «
Il
faut cuire, cuire, recuire et ne pas s'en fatiguer. » Et en
différents passages : «
Que votre feu soit calme et
doux ; qu'il se maintienne ainsi chaque jour, toujours uniforme, sans
faiblir ; sinon il s'ensuivra un grand dommage. -- Sois patient et persévérant.
-- Broye sept fois. -- Sache que tout notre magistère se fait
d'une chose, la Pierre, d'une seule façon, en cuisant et dans
un seul vase. -- Le feu broye. -- L'uvre est semblable à
la création de l'homme. Dans l'enfance, on le nourrit d'aliments
légers, puis quand ses os se sont affermis, la nourriture devient
plus fortifiante ; de même, notre magistère est d'abord
soumis à un feu léger avec lequel il faut toujours agir
pendant la cuisson. Mais quoique nous parlions sans cesse de feu modéré,
nous sous-entendons néanmoins que dans le régime de l'uvre
il faut l'augmenter peu à peu et par degré jusqu'à
la fin. »
CHAPITRE
V
DU VAISSEAU ET DU FOURNEAU
Nous venons de déterminer la manière
d'opérer ; nous allons maintenant parler du vaisseau et du
fourneau,
dire comment et avec quoi ils doivent être faits. Lorsque la nature
cuit les métaux dans les mines à l'aide du
feu naturel,
elle ne peut y parvenir qu'en employant un vaisseau propre à
la cuisson. Nous nous proposons d'imiter la nature dans le régime
du
feu ; imitons-là donc aussi pour le vaisseau. Examinons l'endroit
où s'élaborent les métaux. Nous voyons d'abord
manifestement dans une mine, que sous la
montagne il y a du
feu, produisant
une
chaleur égale, dont la nature est de monter sans cesse. En
s'élevant, elle
dessèche et coagule l'
eau épaisse
et grossière, contenue dans les entrailles de la terre, et la
transforme en
Mercure. Les parties onctueuses minérales de la
terre sont cuites, rassemblées dans les veines de la terre et
coulant à travers la
montagne, elles engendrent le Soufre. Comme
on peut l'observer dans les filons des mines, le Soufre né des
parties onctueuses de la terre rencontre le
Mercure. Alors a lieu la
coagulation de l'
eau métallique. La
chaleur continuant à
agir dans la
montagne, les différents métaux apparaissent
après un temps très long. On observe dans les mines une
température constante ; nous pouvons en conclure que la
montagne
qui renferme des mines est parfaitement close de tous côtés
par des rochers ; car si la
chaleur pouvait s'échapper, jamais
les métaux ne naîtraient.
Si donc nous voulons imiter la nature, il faut
absolument que nous ayons un
fourneau semblable à une mine, non
par sa grandeur, mais par une
disposition particulière, telle
que le
feu placé dans le fond ne trouve pas d'issue pour s'échapper
quand il montera, en sorte que la
chaleur soit réverbérée
sur le vase, clos avec soin, qui renferme la matière de la Pierre.
Le vaisseau doit être rond, avec un petit
col. Il doit être en verre ou en une terre aussi résistante
que le verre ; on en
fermera hermétiquement l'orifice avec un
couvercle et du bitume. Dans les mines, le
feu n'est pas en contact
immédiat avec la matière du Soufre et du
Mercure ; celle-ci
en est séparée par la terre de la
montagne. De même,
le
feu ne doit pas être appliqué à nu au vaisseau
qui contient la Matière, mais il faut placer ce vaisseau dans
un autre vase
fermé avec autant de soin que lui, de telle sorte
qu'une
chaleur égale agisse sur la Matière, en haut, en
bas, partout où il sera nécessaire. C'est pourquoi Aristote
dit, dans
La Lumière des Lumières,
que le
Mercure doit être cuit dans un triple vaisseau en verre
très dur, ou, ce qui vaut mieux, en terre possédant la
dureté du verre.
CHAPITRE
VI
DES COULEURS ACCIDENTELLES ET ESSENTIELLES QUI
APPARAISSENT PENDANT L'UVRE
Ayant élu la Matière de ta Pierre,
tu connais de plus la manière certaine d'opérer ; tu sais
à l'aide de quel régime on fait apparaître les diverses
couleurs en cuisant la Pierre. Un Philosophe a dit : «
Autant
de couleurs, autant de noms. Pour chaque couleur nouvelle apparaissant
dans l'uvre, les Alchimistes ont inventé un nom différent.
Ainsi à la première opération de notre Pierre,
on a donné le nom de putréfaction, car notre Pierre est
alors noire. » «
Lorsque tu auras trouvé la
noirceur, dit un autre Philosophe, sache que dans cette noirceur se
cache la blancheur, et il faut l'en extraire. »
Après la putréfaction, la pierre
rougit et on a dit là-dessus : «
Souvent la pierre rougit,
jaunit et se liquéfie, puis se coagule avant la véritable
blancheur. Elle se dissout, se putréfie, se coagule, se mortifie,
se vivifie, se noircit, se blanchit, s'orne de rouge et de blanc --
tout cela par elle-même. »
Elle peut aussi verdir, car un philosophe a dit
: «
Cuis jusqu'à ce qu'un enfant vert apparaisse ; c'est
l'âme de la pierre. » Un autre a dit : «
Sachez
que c'est l'âme qui domine pendant la verdeur. »
Il apparaît aussi avant la
blancheur les
couleurs du paon, un philosophe en parle en ces termes : «
Sachez
que toutes les couleurs qui existent dans l'Univers, ou que l'on peut
imaginer, apparaissent avant la blancheur ; ensuite seulement vient
la vraie blancheur. Le corps sera cuit jusqu'à ce qu'il devienne
brillant comme les yeux des poissons ; et alors, la pierre se coagulera
à la circonférence. »
«
Lorsque tu verras la blancheur apparaître
à la surface dans le vaisseau, dit un sage, sois certain que
sous cette blancheur se cache le rouge ; il te faut l'en extraire. Cuis
donc jusqu'à ce que tout soit rouge. » II y a enfin,
entre le rouge et le blanc, une certaine
couleur cendrée, de
laquelle on a dit : «
Après la blancheur, tu ne peux
plus te tromper, car en augmentant le feu, tu arriveras à une
couleur grisâtre. » «
Ne méprise pas
la cendre, dit un Philosophe, car avec l'aide de Dieu, elle se liquéfiera.
» Enfin apparaît le Roi couronné du
diadème
rouge, SI DIEU LE PERMET.
CHAPITRE
VII
DE LA MANIÈRE DE FAIRE LA PROJECTION SUR
LES MÉTAUX IMPARFAITS
Comme je l'avais promis, j'ai traité jusqu'à
la fin notre Grand-uvre, Magistère béni, préparation
des
élixirs blanc et rouge. Maintenant, nous allons parler de
la manière de faire la projection, complément de l'Oeuvre,
attendu et désiré avec impatience. L'
Elixir rouge jaunit
à l'
infini et transforme en or pur tous les métaux. L'
Elixir
blanc blanchit à l'
infini et donne aux métaux la
blancheur
parfaite. Mais il faut savoir qu'il y a des métaux plus éloignés
que d'autres de la perfection et, inversement il y en a qui sont plus
prochains. Quoique tous les métaux soient également amenés
à la perfection par l'
Elixir, ceux qui sont prochains, deviennent
parfaits plus rapidement, plus complètement, plus intimement
que les autres. Lorsque nous aurons trouvé le métal le
plus prochain, nous écarterons tous les autres. J'ai déjà
dit quels sont les métaux prochains et éloignés,
et lequel est le plus près de la perfection. Si tu es suffisamment
sage et intelligent, tu le trouveras, dans un précédent
chapitre, indiqué sans détour, déterminé
avec certitude. Il est hors de doute que celui qui a exercé son
esprit sur ce
Miroir trouvera par son travail la vraie Matière,
et saura sur quel
corps il convient de faire la projection de l'
Elixir
pour arriver à la perfection.
Nos précurseurs, qui ont tout trouvé
dans cet art par leur seule philosophie, nous montrent suffisamment
et sans
allégorie le droit chemin quand ils disent : «
Nature contient Nature, Nature se réjouit de Nature, Nature
domine Nature et se transforme dans les autres Natures. »
Le semblable se rapproche du semblable, car la similitude est une cause
d'attraction ; il y a des philosophes qui nous ont transmis là-dessus
un secret remarquable. Sache que la nature se répand rapidement
dans son propre
corps, alors qu'on ne peut l'unir à un
corps
étranger. Ainsi, l'
âme pénètre rapidement
le
corps qui lui appartient, mais c'est en vain que tu voudrais la faire
entrer dans un autre
corps.
La similitude est assez frappante ; les
corps,
dans l'uvre, deviennent spirituels, et réciproquement les
esprits deviennent corporels ; le
corps fixe est donc devenu spirituel.
Or, comme l'
Elixir, rouge ou blanc, a été amené
au-delà de ce que sa nature comportait, il n'est donc pas étonnant
qu'il ne soit pas miscible aux métaux en
fusion, quand on se
contente de l'y projeter. Il serait impossible ainsi de transmuer mille
parties pour une. Aussi, je vais vous livrer un grand et rare secret
: il faut mêler une partie d'
Elixir avec mille du métal
le plus prochain, enfermer le tout dans un vaisseau propre à
l'opération, sceller
hermétiquement et mettre au
fourneau
à
fixer. Chauffez d'abord lentement, augmentez graduellement
le
feu pendant trois
jours jusqu'à union parfaite. C'est l'ouvrage
de trois
jours. Tu peux recommencer alors à projeter une partie
de ce produit sur mille de métal prochain, et il y aura transmutation.
Il te suffira pour cela d'un
jour, d'une heure, d'un moment. Louons
donc notre
Dieu, toujours admirable, dans l'Eternité.