I XX
I
Tous les philosophes sont d'accord, que l'uvre des sages qui est la composition de la pierre, peut être comparée à la création de l'univers. En effet, cet ouvrage de l'esprit et de la sagesse humaine, représente fort bien l'ouvrage de l'esprit et de la sagesse divine qui a créé le monde. Mais il y a cette différence, que Dieu créa toutes choses sans avoir besoin d'aucun sujet qui servit de matière ou d'instruments à son opération, alors que le philosophe a besoin d'une matière sur laquelle il travaille et du feu comme l'instrument et le conducteur de son ouvrage.
II
L'art qui est le singe de la nature, comme la nature est le singe du créateur, travaille sur un certain
chaos ou
corps ténébreux et sépare d'abord la lumière des ténèbres et comme il ne peut pas créer cette matière, il la reçoit des mains de la nature et de son auteur ; et de cette matière, il en compose son grand ouvrage. Dès le commencement, le sage artiste n'a d'autre soin que de la préparer avec industrie, de séparer le subtil de l'épais et le
feu de la terre, et de tirer de ce
chaos une certaine
humidité mercurielle, brillante et lumineuse qui contient tout ce qu'il cherche.
III
Les
éléments de la pierre qui sont l'
eau et le
feu sont contenus dans ce
chaos. Le
feu et cette
eau sont le soufre et le mercure qui sont les deux
agents de la pierre et matériaux nécessaires pour composer la pierre physique. Ces deux matières sont toutes choses, sont partout et en tout temps, mais il ne faut pas les chercher indifféremment partout, même en toute sorte de sujet, parce que la nature les a merveilleusement enveloppés ; ce qui a obligé tous les philosophes à dire et enseigner qu'il faut quitter toute sorte de nature étrangère et prendre la nature métallique, minérale et ce du mâle et de la
femelle.
IV
Ce mâle et cette
femelle sont le soufre et le mercure, l'
agent et le patient, le
soleil et la
lune, le fixe et le volatil, la terre et l'
eau ou le
ciel et la terre contenus dans le
chaos des sages qui est leur sujet primitif dans lequel ils sont conjoints ensemble naturellement, avant que l'artiste y ait mis les mains. Mais, s'il en veut faire quelque chose, il est nécessaire qu'il les sépare, qu'il les purifie et qu'ensuite il les réunisse d'un lien plus fort que celui que la nature leur avait donné. Et ainsi, d'un il fait deux et de deux, un, et par ce moyen, il est
composé un
chaos artificiel d'où sortent de suite les miracles du monde ou de l'art.
V
Du premier
chaos ou sujet primitif, créé des mains de la nature, l'art sépare et purifie la matière et ôte par ce moyen toutes les impuretés qui sont les obstacles ténébreux opposés aux opérations lumineuses de la nature. Ainsi il engendre et fait sortir de ce
chaos,
Diane et
Apollon ou bien la
lune et le
soleil qui naissent de
Délos, c'est-à-dire par la manifestation des choses cachées. C'est la première opération où l'artiste compose l'or vif, ou le soufre des sages et leur mercure et leur
argent-vif et les ayant unis tous deux, il en fait le mercure des sages dont le père et la mère sont le
soleil et la
lune.
VI
Le mercure des philosophes est l'
enfant du soufre et de l'
argent-vif suivant la doctrine du Cosmopolite et de tous les sages. C'est ce mercure ou
argent-vif des philosophes qui suffit à l'artiste avec le
feu ; et de ce mercure seul, on peut faire un or véritable et bon à toute épreuve. Cet or, tout de
feu et plein de vie, le faisant rentrer par une solution nouvelle dans son
chaos et l'en faisant sortir derechef, on en compose un
agent qui triomphe de toutes les impuretés métalliques et l'on peut le multiplier à l'
infini, disent les sages.
VII
Les philosophes parlent souvent de leur
chaos auquel ils donnent divers noms, suivant leur dessein qui est de cacher leurs grands mystères à ceux qui en sont indignes. On appelle ce
chaos, dit
Philalèthe, notre
arsenic, notre
air, notre
lune, notre
aimant, notre
acier sous diverses considérations. Il dit aussi que c'est un
esprit volatil et un
corps admirable formé du
sang du dragon igné et du suc de la saturnie végétable, et ce
chaos est comme la mère des métaux et un principe fécond dont on peut tirer tout ce que les sages recherchent et même le
soleil et la
lune, leur
élixir.
VIII
Le
chaos est le
composé des sages.
Philalèthe l'appelle
eau,
air et
feu et terre minérale, car il contient en soi tous les
éléments qui en doivent sortir, tous à leur rang quoiqu'on en voit que deux, à savoir la terre et l'
eau, dit le Cosmopolite. Tous enfin se doivent terminer en terre, dit
Hermès. C'est cet admirable
composé dont parle
Arnaud de Villeneuve dans sa «
Lettre au roi de Naples » et qu'il appelle le
feu et l'
air des philosophes ou plutôt de la pierre qui est la matière prochaine ou cet
air et ce
feu et qui contient une
humidité qui court dans le
feu et qui est pierre et non pierre.
IX
Ce
composé, selon Artéphius, et dans la « Vérité », est corporel et spirituel, car il participe du
corps et de l'
esprit, c'est-à-dire de la portion la plus moelleuse du
corps et de l'
esprit ou de l'
eau, dit cet auteur. Et Flamel après lui, appelle ce
composé Cambar,
Duenech, mais Artéphius ajoute que son propre nom est
eau permanente à cause qu'elle ne fuit point dans le
feu et ne s'évapore point des
corps, qu'elle embrasse et demeure inséparable avec eux. Ces
corps, dit-il, sont le
soleil et la
lune qui sont changés en une quintessence spirituelle.
X
Les philosophes parlent diversement de ce
composé. Les uns disent qu'il est fait de deux choses, comme
Basile Valentin, les autres veulent qu'il soit fait de trois, comme
Philalèthe qui enseigne que c'est un assemblage de trois natures différentes, mais d'une même origine. D'autres écrivent que le
chaos dont nous parlons est semblable à l'ancien
chaos qui est
composé de quatre
éléments qui commencent, dit Flamel, à
déposer l'inimitié de l'ancien
chaos pour faire leur paix et leur réconciliation. C'est la pensée d'Artéphius et tous ont dit la vérité sur cela.
XI
Le terme de
chaos est fort
équivoque, néanmoins il se peut prendre en divers sens, car il y a un
chaos général, créé de
Dieu et dont il a tiré toutes les créatures, c'est-à-dire les trois règnes de la nature,
animal, végétal, minéral et chaque règne a son
chaos particulier et naturel qui est le sperme de chaque chose. Ainsi nous avons un
chaos minéral produit des mains de la nature qui contient les deux spermes, masculin et féminin, soufre et mercure, lesquels, unis dans un même sujet, sont la première matière sur laquelle l'artiste doit travailler.
XII
Les sages ont un autre
chaos qu'ils tirent dès le commencement et qu'ils composent d'un sujet que la nature leur présente, disent tous les philosophes après Morien, ne pouvant rien par delà, dès le commencement du magistère, dit
Basile Valentin. Ils ont appelé cette substance sensible, mercurielle, sulfureuse et saline, faite de l'union des trois principes, lesquels on a mis proportionnellement, en
dissolvant et coagulant, selon les diverses opérations de la nature que l'art doit imiter et selon la
disposition de la semence ordonnée de
Dieu.
XIII
Paracelse s'accorde avec tous les philosophes sur ce sujet, qui est la matière de l'art et leur fameux
chaos, lorsqu'il dit que la matière de la teinture physique est une certaine chose qui se compose de trois substances par le ministère de
Vulcain ; et il ajoute à cela, fort à propos, que ce
composé peut être transmué en
aigle blanc par le secours de la nature, et par l'aide de l'art.
Raimond Lulle parle de ce
chaos lorsqu'il dit que l'
herbe blanche rassemblait deux fumées et croissait au milieu des deux.
XIV
L'abbé Synésius, le Cosmopolite et
Philalèthe s'accordent avec tous les autres au sujet de cette matière, lorsqu'ils la placent au milieu du métal et du mercure, car elle n'est en effet ni l'un ni l'autre et participe de tous les deux. C'est un
chaos ou un
composé fixe et volatil tout ensemble, c'est ce que les philosophes appellent
hylé ou la première
eau et la première
humidité radicale qu'ils tirent et composent du premier
hylé naturel et minéral que la nature avait
composé des
éléments.
XV
Un anonyme, suivant cette pensée qui est celle de tous les philosophes, dit fort à propos que cet admirable
composé se fait par la
destruction des
corps, ce qu'Artéphius avait dit longtemps auparavant, et l'ouvrier, dans la doctrine de cet ancien philosophe, remarque que comme ce
composé se fait par la
destruction des
corps, de même l'
eau qui est l'
âme, l'
esprit, l'
essence du
composé ne se peut se faire que par la
destruction du
composé, dans lequel les
âmes du
corps sont liées, dit Artéphius.
XVI
Nous n'avons besoin, dit Artéphius, que de cette
âme ou moyenne substance des
corps dissous, qui est subtile et délicate et qui est le commencement, le milieu et la fin de l'uvre, de laquelle notre or et sa femme sont produits. C'est un subtil et pénétrant
esprit, une
âme délicate, nette et pure, un sel et baume des astres dit
Basile Valentin. C'est, dit le même, une substance métallique et minérale provenant du sel et du soufre et deux fois née du mercure. C'est le haut et le bas qui ne sont qu'une même chose, comme enseigne
Hermès. C'est là tout dans toutes choses, dit
Basile Valentin ; c'est enfin l'
air de l'
air, dit Aristée.
XVII
Le Cosmopolite, d'après Artéphius, appelle encore magnésie, notre
chaos qui est
composé disent les philosophes, de
corps, d'
âme et d'
esprit.
Son corps est une terre subtile, son
âme est la teinture du
soleil et de la
lune et l'
esprit est la vertu minérale des deux
corps. Cet
esprit mercuriel est le lieu de l'
âme solaire et le
corps solaire est ce qui donne la fixité qui avec la
lune retient l'
âme et l'
esprit. De ces trois bien unis, c'est-à-dire du
soleil, de la
lune et du mercure se fait notre pierre ; mais auparavant, un
composé doit être purifié dans notre
eau.
XVIII
La purification de ce
chaos est très nécessaire dit Artéphius. Elle doit se faire dans notre
feu humide, par le moyen duquel on ouvre les portes de la justice et d'où l'on tire le mercure des philosophes de ses cavernes
vitrioliques, comme parle Artéphius ; ou bien l'on en tire cette vapeur mercurielle très subtile et très spirituelle qui se revêt de la forme d'
eau pour pénétrer les
corps terrestres et les empêcher de
combustion.
C'est le
dissolvant de la nature qui réveille un
feu interne assoupi, menstrue très
acide, fort propre à
dissoudre le
corps d'où lui-même a été tiré avec la doctrine de tous les sages.
XIX
Tous les philosophes disent que leur mercure est enfermé et emprisonné dans le
chaos du premier
chaos minéral que la nature leur présente, et qu'il est tiré et mis en
liberté par le secours de l'art qui vient aider la nature et qui commence où elle a fini. Elle-même lui donne la main et l'accompagne partout, à mesure que les
esprits se tirent de l'esclavage du
corps et se séparent des
esprits les plus grossiers de la matière, qui demeurent au fond du vaisseau, comme dit Artéphius, et qui sont incapables de solution et tout à fait inutiles dit ce même philosophe.
XX
Ce mercure, ainsi dégagé des liens de sa première
coagulation contient en soi une double nature, à savoir une
ignée et fixe, et une humide et volatile. La première qui lui est intérieure, est le cur fixe de toutes choses, permanent au
feu et très pur fils du
soleil, lui-même
feu essentiel,
feu de la nature, véritable véhicule de la lumière et le vrai soufre des philosophes. La seconde nature qui lui est intérieure, le plus pur et le plus subtil de tous les
esprits, la quintessence de tous les
éléments, la première matière de toutes choses métalliques est le véritable mercure des sages.