Raban Maur, appelé quelquefois en latin
Hrabanus Magneutius, le plus laborieux et le plus fécond écrivain de son siècle, naquit vers 776 à Mayence, de parents nobles. Il fut consacré à
Dieu dès l'âge de dix ans dans l'
abbaye de Fulde, où il fit ses premières études, et il se rendit ensuite à
Tours pour s'y perfectionner, sous la direction d'
Alcuin, dans la connaissance des
arts libéraux et des saintes lettres. Sa douceur et son application lui méritèrent l'amitié d'
Alcuin, qui lui donna le surnom de
Maur. Après une absence de deux ans, il revint à l'
abbaye de Fulde, et fut chargé d'y enseigner la grammaire et la
rhétorique. Malgré les soins que réclamaient ses élèves, Raban trouva
le loisir de composer quelques ouvrages, qui le firent connaître, et de cultiver l'amitié des savants de France et d'Allemagne. Ordonné
prêtre au mois de décembre 814, il fut, placé vers le même temps à la tête de l'école que ses talents avaient
illustrée. Mais
l'abbé Ratgar, interprétant mal la règle de St-Benoît, lui reprocha bientôt de perdre à l'étude un temps qu'il devait consacrer à la prière, le priva de ses livres et dispersa ses élèves. Raban parvint à se soustraire au zèle inconsidéré de
son abbé, et l'on conjecture que ce fut à cette époque qu'il fit un voyage en
Palestine pour visiter les lieux saints. L'empereur ayant exilé Ratgar pour rendre la paix à l'
abbaye de Fulde, Raban vint y reprendre ses leçons publiques et ses autres exercices littéraires. Il en fut élu abbé en 822, après la mort de saint Egil, et mit tous ses soins à y faire fleurir la discipline et les lettres. C'est pendant son administration que l'
abbaye de Fulde acquit une juste réputation, qui la rendit longtemps comme la pépinière des
prélats de l'Allemagne et la plus célèbre école de cette partie de l'
Europe. Personne avant lui n'avait encore enseigné la langue grecque en Allemagne. Raban se conduisit
avec sagesse dans les démêlés de
Louis le Débonnaire avec ses
enfants, et il n'épargna ni soins ni démarches pour faire cesser une lutte dont le moindre mal était l'affaiblissement de l'autorité souveraine (Voyez
Louis le Débonnaire et
Radbert). L'empereur et ses fils lui témoignèrent à l'envi leur reconnaissance par la cession de nouvelles
terres, dont il dota plusieurs maisons naissantes, entre autres la célèbre
abbaye d'Hirsauge (Voyez
Jean Trithème), dont on le regarde comme le fondateur. Raban se démit de sa charge en 842 , pour se retirer dans la solitude du mont St-Pierre, où il se proposait de consacrer le reste de ses
jours à la prière et à l'étude ; mais il en fut tiré cinq
années après pour occuper le siège
épiscopal de Mayence. Il déploya beaucoup de dans le gouvernement de son
diocèse, tint plusieurs
synodes pour remédier aux abus qui s'étaient glissés jusque dans les
cloîtres, et fit de sages règlements
jour en prévenir le retour. Mais l'
histoire lui reproche avec raison son excessive sévérité à
l'égard de Gotescalc, dont les sentiments ne méritaient point la qualification odieuse d'hérétique, et qu'après avoir fait condamner, il renvoya devant Hincmar, son
juge naturel, en le traitant de vagabond (Voyez
Gotescalc). Une famine, qui désola son
diocèse en 850, fournit à Rabat l'occasion d'exercer son immense
charité pour les pauvres : il leur fit distribuer la plus grande partie de ses revenus et en nourrit à sa propre table
jusqu'à trois cents par
jour. Raban présida le
concile assemblé à Mayence en 832 par le roi Louis le Germanique, et il assista I'année suivante à celui de Francfort. Ce digne
prélat mourut à Winfeld le 04
février 856, et fut inhumé dans l'
abbaye de St-Albert, sous une tombe
décorée d'une
épitaphe qu'il s'était composée et qui contient l'abrégé de sa vie.
Le nom de Raban se trouve inscrit dans quelques
calendriers ; mais
l'
Eglise ne lui a point décerné de culte public. On a de lui un grand nombre d'opuscules, qui ont été recueillis à
Cologne, 1627, 6 tomes en 3 volumes in-folio, et le père Enhueber, prieur de St-Emeran (à Ratisbonne), en préparait en 1783 une édition plus complète, qui n'a pas vu le
jour.
Celle de
Cologne contient 44 ouvrages, dont 27 paraissaient pour la première fois ; elle est précédée de deux
Vies de Raban, l'une par Rudolfe, son
disciple, et l'autre par Trithème : elles ont été insérées depuis, avec une savante préface de God. Henschen, dans les
Acta
sanctorum (tome 1er de
février). Les éditeurs y ont fait entrer plusieurs opuscules qui ne sont pas de Raban ; mais ils en ont omis un bien plus grand nombre dont le pieux
archevêque de Mayence est évidemment l'auteur. On conserve en manuscrit dans les bibliothèques de
Vienne et de Münich un
Glossaire théotisque de Raban sur tous les livres
de l'Ancien et du Nouveau Testament, dont Lambecius promettait la publication. Diecman en a donné la description sous ce titre :
Specimen glossarii manuscripti latino-theotisci quod Rhabano Mauro inscribitur, Brême, 1721, in-4°. On en trouve des fragments dans Eckhart (
Francia oriental., tome 2, p. 326, 950), Lambec (
Comm., livre 2, pp. 416-422, etc.), Denis (
Codices Mss., tome 1er), etc. Outre les auteurs cités dans le cours de cet article, on peut consulter, pour de plus grands détails, l'
Histoire littéraire de France (par
dom Rivet), tome 5, pp. 151-203 ; la dissertation de J.-F. Budaeus
De vita ac doctrina Rabani, Iéna, 1724, in-4°, et les
Annal. litter., Helmstadt, 1782, tome 1er, p. 289.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 35 - Pages 2-3)