LIVRE SECOND
Le Mystère royal ou l'Art de soumettre les puissances
CHAPITRE VIII : Les Emanations astrales et les Projections magnétiques
Un Univers, c'est un groupe de globes aimantés
qui s'attirent et se repoussent les uns les autres. Les êtres
produits par les différents globes participent à leur
aimantation spéciale balancée par l'aimantation universelle.
Les hommes mal équilibrés sont des
aimants déréglés ou excessifs, que la nature balance
les uns par les autres jusqu'à ce que le défaut partiel
d'
équilibre ait produit la
destruction.
L'analyse spectrale de Bumsen conduira la science
à distinguer la spécialité des
aimants et à
donner ainsi une raison scientifique des intuitions anciennes de l'astrologie
judiciaire. Les diverses planètes du système exercent
certainement une action magnétique sur notre globe et sur les
diverses organisations des êtres vivants qui l'habitent.
Nous buvons tous les arômes du
ciel mêlés
à l'
esprit de la terre et liés sous l'
influence de diverses
étoiles, nous avons tous une préférence pour une
force caractérisée par une forme, pour un génie
et pour une
couleur.
La Pythonisse de
Delphes, assise sur un trépied
au-dessus d'une crevasse de la terre aspirait le fluide astral par les
parties sexuelles, tombait en démence ou en somnambulisme et
proférait des paroles incohérentes qui étaient
parfois des oracles. Toutes les natures nerveuses livrées aux
désordres des passions ressemblent à la Pythonisse et
aspirent le Python, c'est-à-dire l'
esprit mauvais et fatal de
la terre, puis elles projettent avec
force le fluide qui les a pénétrées,
aspirent ensuite avec une
force égale le fluide vital des autres
êtres pour l'absorber, exerçant ainsi tour à tour, la puissance
mauvaise du Jettatore et du vampire.
Si les malades atteints de cet
aspir et
de ce
respir délétères les prennent pour
une puissance et veulent en augmenter l'ascension et la projection,
ils manifestent leurs désirs par des cérémonies
qui s'appellent évocations, envoûtement, et deviennent
ce qu'on appelait autrefois des
nécromants et des sorciers.
Tout appel à une intelligence inconnue et
étrangère, dont l'existence ne nous est pas démontrée
et qui a pour but de substituer sa direction à celle de notre
raison et de notre
libre arbitre, peut être considéré
comme un suicide intellectuel, car c'est un appel à la folie.
Tout ce qui abandonne une volonté à
des
forces mystérieuses, tout ce qui fait parler en nous d'autres
voix que celles de la conscience et de la raison, appartient à
l'aliénation mentale.
Les fous sont des visionnaires statiques. Une vision
lorsqu'on est éveillé est un accès de folie. L'art
des évocations, c'est l'art de se procurer une folie factice
dont on provoque les accès.
Toute vision est de la nature du rêve. C'est
une fiction de notre démence. C'est un nuage de nos imaginations
déréglées projeté dans la lumière
astrale ; c'est nous-mêmes qui nous apparaissons à nous-mêmes
déguisés en fantômes, en cadavres ou en démons.
Les fous, dans le cercle de leur attraction et
de leur projection magnétique, semblent faire extravaguer la
nature : les meubles craquent et se déplacent, les
corps légers
sont attirés ou lancés à distance. Les aliénistes
le savent bien, mais ils craignent d'en convenir, parce que la science
officielle n'a pas encore admis que les êtres humains soient des
aimants et que ces
aimants puissent être déréglés
et faussés. L'abbé Vianney, curé d'
Ars, se croyait
sans cesse turlupiné par le démon ; et Berbiguier de Terre-Neuve-du-Thym
se munissait de longues épingles pour enfiler les farfadets.
Or, le point d'appui existe dans la résistance
que leur oppose le progrès indiscipliné. Dans la
démocratie,
ce qui rend impossible l'organisation d'une armée, c'est que
chaque soldat veut être général. Il n'y a qu'un
général chez les
Jésuites.
L'obéissance est la gymnastique de la
liberté
et pour arriver à faire toujours ce qu'on veut, il faut apprendre
à faire souvent ce qu'on ne voudrait pas faire. Ce qui nous plaît,
c'est être au service de la fantaisie, faire ce que nous devons
vouloir, c'est exercer et faire triompher à la fois la raison
et la volonté.
Les contraires s'affirment et se confirment par
les contraires. Regarder à gauche lorsqu'on veut aller à
droite c'est de la dissimulation et de la prudence, mais jeter des poids
dans le plateau de gauche d'une balance lorsqu'on veut faire monter
le plateau de droite, c'est connaître les lois de la dynamique
et de l'
équilibre.
En dynamique, c'est la résistance qui détermine
la quantité de la
force, mais il n'est point de résistance
qui ne soit vaincue par la persistance de l'effort et du mouvement,
c'est ainsi que la souris ronge le câble et que la goutte d'
eau
perce le rocher.
L'effort renouvelé tous les
jours augmente
et conserve la
force, l'action en fût-elle appliquée d'ailleurs
à une chose indifférente en elle-même ou bien déraisonnable
et ridicule. C'est une occupation peu sérieuse en apparence que
de rouler entre ses doigts les graines d'un
rosaire en répétant
deux ou trois cents fois : je vous salue
Marie. Eh bien ! Qu'une
religieuse
se couche sans avoir dit son chapelet, elle se réveillera le
lendemain désespérée, n'aura pas le courage de
faire la prière du matin et sera distraite pendant l'office.
Aussi leurs directeurs leur répètent-ils sans cesse et
avec raison de ne pas négliger les petites choses.
Les grimoires et les rituels magiques sont pleins
de prescriptions minutieuses et en apparence ridicules :
Manger pendant dix ou vingt
jours des aliments
sans sel, dormir appuyé sur le coude, sacrifier un
coq noir à
minuit dans un carrefour au milieu d'une
forêt, aller dans un
cimetière prendre une poignée de terre sur la fosse récente
d'un mort etc., etc., puis se couvrir de certains vêtements bizarres
et prononcer de longues et fastidieuses conjurations. Les auteurs de
ces livres voulaient-ils se moquer de leurs lecteurs ? Leur révélaient-ils
des secrets véritables ? Non, ils ne se moquaient pas, et leurs
enseignements étaient sérieux. Ils avaient pour but d'
exalter
l'imagination de leurs
adeptes et de leur donner conscience d'une
force
supplémentaire qui existe dès qu'on y croit et qui s'augmente
toujours par la persévérance des efforts. Seulement, il
peut arriver que par la loi de réaction des contraires, on évoque
le diable en s'obstinant à prier
Dieu, et qu'après des
conjurations sataniques, on entende pleurer les
anges. Tout l'enfer
dansait aux sonnettes, quand saint Antoine disait ses psaumes, et le
paradis semblait renaître devant les enchantements du grand
Albert
ou de
Merlin.
C'est que les cérémonies en elles-mêmes
sont peu de chose, et que tout dépend de l'
aspir et du
respir. Les formules consacrées par un long usage, nous
mettent en communication avec les vivants et les morts, et notre volonté
qui entre ainsi dans les grands courants peut s'armer de toutes leurs
effluves. Une servante qui pratique, peut, à un moment donné,
disposer de la toute puissance même temporelle de l'
Eglise soutenue
par les armes de la France, comme il a bien paru lors du
baptême
et de l'enlèvement du juif Mortara. Toute la civilisation de
l'
Europe, au
XIXe siècle, a protesté contre cet acte,
et l'a subi parce qu'une servante dévote l'avait voulu. Mais
la terre envoyait pour auxiliaire à cette fille les émanations
spectrales des siècles de saint Dominique et de Torquemada ;
saint Ghisleri priait pour elle. L'ombre du grand roi révocateur
de l'
édit de Nantes lui faisait un signe d'approbation, et le
monde clérical tout entier était prêt à la
soutenir.
Jeanne d'Arc, qui fut brûlée comme
sorcière, avait, en effet, attiré en elle, l'
esprit de
la France héroïque, et le répandait d'une manière
merveilleuse en électrisant notre armée, et en faisant
fuir les Anglais. Un pape l'a réhabilitée ; c'est trop
peu, il fallait la canoniser. Si cette thaumaturge n'était pas
une sorcière, c'était évidemment une sainte. Qu'est-ce
qu'un sorcier après tout ? C'est un thaumaturge que le pape n'approuve
pas.
Les miracles sont, si l'on veut me passer cette
expression, les extravagances de la nature produites par l'
exaltation
de l'homme. Ils se produisent toujours en vertu des mêmes lois.
Tout personnage d'une célébrité populaire ferait
des miracles, en fait parfois sans le, vouloir. Du temps où la
France adorait ses rois, les rois de France guérissaient les
écrouelles, et de nos
jours la grande popularité de ces
soldats pittoresques et barbares qu'on nomme les
zouaves a développé
chez un
zouave nommé Jacob la faculté de guérir
par la voix et par le regard. On dit que ce
zouave a quitté son
corps pour passer aux grenadiers, et nous regardons comme certain que
le grenadier Jacob n'aura plus la puissance qui appartenait exclusivement
au
zouave.
Du temps des
druides, il y avait dans les Gaules
des femmes thaumaturges qu'on appelait les
Elfes et les
Fées.
Pour les
druides, c'étaient des saintes, pour les Chrétiens,
ce sont des sorcières. Joseph Balsamo, que ses
disciples appelaient
le divin Cagliostro, fut con,damné à Rome, comme hérétique
et sorcier, pour avoir fait des prédictions et des miracles sans
l'autorisation de l'ordinaire. Or, en cela les inquisiteurs avaient
raison, puisque l'
Eglise romaine seule possède le monopole de
la Haute Magie et des cérémonies efficaces. Avec de l'
eau
et du sel, elle charme les démons, avec du pain et du vin, elle
évoque
Dieu et le
force à se rendre visible et palpable
sur la terre ; avec de l'
huile, elle donne la santé et le pardon.
Elle fait plus encore, elle crée des
prêtres
et des rois.
Elle seule comprend et fait comprendre pourquoi
les rois du triple royaume magique, les trois mages, guidés par
l'étoile flamboyante, sont venus pour offrir à Jésus-Christ
dans son berceau, l'or qui fascine les yeux, et fait la conquête
des curs, l'encens qui porte l'
ascétisme au cerveau, et
la
myrrhe qui conserve les cadavres et rend palpable en quelque sorte
le dogme de l'immortalité en faisant voir l'inviolabilité
et l'incorruption dans la mort.