Pierre Commelin Nous avons cru devoir expliquer ci-dessus ce que, dans un sens très général, les Grecs entendaient par les mots Éros,
Antéros. Ces deux expressions prirent avec le temps une signification beaucoup plus restreinte dans la langue commune aussi bien que dans la langue poétique. Éros finit donc par désigner "l'amour", avec l'acception du terme latin équivalent, amor.
Son composé Antéros
eut dès lors non plus seulement le sens de contre-amour, mais encore et plus souvent celui d'
amour pour
amour.
Vénus, disent les poètes, se plaignant à
Thémis de ce qu'Éros, son fils, restait toujours
enfant, la déesse consultée répondit qu'il ne grandirait point tant qu'elle n'en aurait
pas d'autre. Alors sa mère lui donna pour
frère Antéros avec lequel il commença à grandir. Par cette jolie fiction, les poètes ont voulu faire entendre que l'
amour, pour croître, a besoin de retour. On représentait
Antéros, comme son
frère, sous la figure d'un petit
enfant, avec des ailes, un carquois, des
flèches et un
baudrier.
Le nom de
Cupidon, en latin, implique l'idée d'
amour
violent, de désir amoureux, en grec Iméros. Mais, dans la mythologie latine, on prête à ce
dieu à peu près la même origine, la
même
histoire qu'au
dieu grec Éros,
amour.
Cupidon, d'après le plus grand nombre des poètes,
naquit de
Mars et de
Vénus. Dès qu'il eut vu le
jour, Jupiter, qui connut à sa physionomie tous les troubles qu'il causerait, voulut obliger
Vénus à s'en défaire. Pour le dérober à la colère de Jupiter, elle le cacha dans les
bois, où il suça le lait des bêtes
féroces. Aussitôt qu'il put manier l'arc, il s'en fit un de frêne, employa le cyprès à faire des
flèches, et essaya sur les
animaux les coups qu'il destinait aux hommes. Depuis il échangea son arc et son carquois contre d'autres en or.
Il est ordinairement représenté sous la figure d'un
enfant de sept à huit ans, l'
air désœuvré, mais malin: armé
d’un arc et d'un carquois rempli de
flèches ardentes, quelquefois d'une torche allumée ou d'un casque et d'une lance; couronné. de
roses,
emblème des plaisirs. Tantôt, il est aveugle, car l'
Amour n'aperçoit pas de défauts dans l'objet aimé; tantôt il tient une
rose d'une
main et un
dauphin de l'autre. Quelquefois on le voit entre
Hercule et
Mercure,
symbole de ce que peuvent en
amour la valeur et l'éloquence. Parfois il est placé près de la Fortune ayant comme lui un bandeau sur les yeux. Il est toujours
peint avec des ailes, et ces ailes sont de
couleur d'azur, de pourpre et d'or. Il se montre dans l'
air, le
feu, sur la terre et la mer. Il conduit des chars, touche la lyre, ou monte des
lions, des panthères et quelquefois un
dauphin, pour indiquer qu'il n'y a point de créature qui échappe au pouvoir de l'
Amour.
Il n'est pas rare de le voir représenté auprès de sa mère qui joue avec lui, le taquine ou le pressa tendrement contre son cur.
Parmi les
oiseaux, il aime le
coq et le
cygne,
oiseau favori de
Vénus; lui-même prend parfois des ailes de
vautour,
symbole de la cruauté. Il se plaît à monter sur le
cygne dont il embrasse le cou; et, quand il se tient sur le dos du
bélier, on voit paraître sur son visage autant d'allégresse et de fierté que lorsqu'il est assis sur un
lion, sur un centaure ou sur les épaules d'
Hercule.
S'il porte le casque, la pique et le
bouclier, il affecte de prendre
une attitude, une démarche guerrières, montrant ainsi qu'il est partout victorieux, et que
Mars lui-même se laisse désarmer par l'
Amour.
Cupidon s'éprit d'une violente passion pour une simple
mortelle, Psyché, princesse d'une beauté ravissante; et il voulut devenir son
époux. Longtemps
Vénus fit opposition à ce
mariage, et soumit Psyché à de difficiles et presque insurmontables épreuves. Enfin
Cupidon alla se plaindre à Jupiter qui se déclara pour lui.
Mercure reçut l'ordre d'enlever au
ciel Psyché qui, étant admise en la compagnie des
dieux, but le nectar, l'
ambroisie, et devint immortelle. On prépara le festin des noces. Chaque
dieu y joua son personnage;
Vénus même y dansa. Plus tard Psyché mit au monde une fille qu'on appela Volupté. La
fable de Psyché (mot grec qui signifie
âme) a inspiré Apulée, La
Fontaine, le poète V. de
Laprade, le grand peintre
baron Gérard, etc.
Les invocations à
Cupidon ou à l'
Amour sont
nombreuses dans les poètes.
Son culte était le plus souvent associé à celui de sa mère,
Vénus ou Aphrodite.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 93-95.