Sainte Clotilde, reine de France, femme de
Clovis Ier, était fille de Chilpéric, roi des Bourguignons, qui fut assassiné par
Gondebaud, son
frère. Chilpéric laissa quatre
enfants ; trois furent sacrifiés par le meurtrier de leur père, Clotilde seule trouva grâce devant lui. Il la fit élever sous ses yeux, et l'on remarque avec raison que, par un bonheur particulier, elle repoussa l'
arianisme dont toute cette cour faisait profession. Lorsqu'elle décida son
époux à embrasser la
religion chrétienne, il lui dut l'avantage de recevoir la foi pure, telle que la conservait le clergé
gaulois, ce qui mit tous les ecclésiastiques dans son parti. Clovis eut beaucoup de peine à obtenir la main de Clotilde :
Gondebaud, son oncle, craignait de l'unir à un guerrier auquel rien ne résistait, et qui pourrait un
jour réclamer les droits que son
épouse avait sur la
Bourgogne. Clovis menaça ; la crainte d'une guerre prochaine étourdit sur les craintes de l'avenir : le
mariage se fit en 493. Par ses vertus, par l'étendue de son
esprit et par sa rare beauté, cette reine acquit un grand ascendant sur Clovis ; elle le pressait souvent de se faire chrétien, action qui devait lui attacher les
Gaulois, et dont il prévoyait sans doute l'importance, puisqu'avant sa conversion il permettait que Clotilde fît baptiser leurs
enfants ; mais il était retenu par la crainte de blesser les
préjugés de son armée. En unissant l'époque de son
baptême à une victoire qui enrichissait ses soldats et assurait leur conquête, ce prince montra toute la sagesse de sa politique. Après sa
mort, arrivée en 511, ses fils portèrent la guerre dans le royaume de
Bourgogne. Les
historiens prétendent que Clotilde les poussa à cette expédition, qui lui paraissait d'autant plus juste, qu'il s'agissait de venger la mort de son père Chilpéric ; mais quand on connaît les murs de cette époque, on sait que les
Francs n'avaient pas besoin d'être excités pour tenter de nouvelles conquêtes, et que d'ailleurs ils ne
faisaient que suivre les projets de Clovis, qui avait toujours voulu établir la domination des siens sur la Gaule entière.
Clodomir, roi d'
Orléans, Childebert, roi de
Paris, et Clotaire, roi de
Soissons, s'unirent pour chasser du royaume de
Bourgogne Sigismond, fils et successeur de
Gondebaud.
Clodomir fut tué dans une bataille que ses soldats gagnèrent par le désir de venger sa mort : il
laissa trois fils, qui, selon la coutume des
Francs, devaient se partager son royaume d'
Orléans ; mais Childebert et Clotaire les ayant fait demander à Clotilde, sous prétexte de les couronner, les attirèrent à
Paris, afin de
les
dépouiller de leur héritage. Ils envoyèrent à cette princesse des ciseaux et une
épée, en lui faisant dire qu'elle allait
fixer le sort de ses petits-fils : que, sur sa réponse, ils seraient relégués dans un cloître ou assassinés. On prétend que Clotilde, dans l'excès de sa douleur, répondit : « J'aimerais mieux les voir morts que dépouillés de leurs
couronnes ». Mais peut-on croire que les princes dévorés d'ambition aient fait dépendre la vie de leurs neveux de la réponse d'une mère qui n'avait pas le droit de prononcer dans une circonstance aussi importante ? Clotaire égorgea de sa main les deux fils aînés de
Clodomir, le troisième fut sauvé.
Clotilde, entièrement résignée aux volontés de
Dieu, se fixa à
Tours, auprès du tombeau de saint Martin, s'éloignant peu de sa retraite, ou seulement lorsqu'elle pouvait espérer d'être utile à ses fils. Elle y mourut en l'an 543.
Son corps fut apporté à
Paris, dans l'
église de St-Pierre et St-Paul (depuis Ste-Geneviève), pour être enseveli auprès de Clovis. Plusieurs
historiens, en rendant justice aux éminentes qualités de cette reine, l'ont accusée de s'être laissée entraîner par la vengeance et par l'ambition. Après treize siècles écoulés, il est difficile de décider si la guerre déclarée aux Bourguignons fut excitée par elle, ou seulement par le désir qu'avaient ses fils d'accomplir les projets de Clovis. La mort cruelle et la spoliation des
enfants de
Clodomir ont prouvé qu'en perdant son
époux elle perdit toute son autorité ; et si la guerre contre les Bourguignons ne fut pas son ouvrage, sur quoi repose le reproche qu'on lui fait de s'être abandonnée à l'ambition et à la vengeance ? Nos
historiens sont quelquefois légers dans leurs
jugements, faute de connaître les murs des peuples qui les occupent. S'ils pensent que les
Francs avaient besoin d'être encouragés par une femme pour faire la guerre à leurs voisins, ou pour se combattre entre eux, c'est qu'ils ne réfléchissent pas assez sur le caractère des barbares qui s'emparèrent des plus belles provinces de l'empire ; la guerre était pour eux un état naturel. Madame de
Renneville a publié une
Vie de sainte Clotilde,
Paris, 1809,
in-12.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 8 - Pages 478-479)