Biographie universelle ancienne et moderne Louis VIII a été surnommé
Cur de lion. Ce surnom fut une modification de celui de
Lion qu'on lui donna après sa mort, parce qu'on lui appliqua une prophétie de
Merlin qui se rapportait à l'année de sa naissance et suivant laquelle l
e Lion pau :/íque devait mourir au ventre du mont. On prétendit que le
lion pacifique désignait le roi Louis et que la ville de
Montpensier, où il mourut, était la panse ou le ventre du mont. Fils de
Philippe-Auguste et d'Isabelle de Hainaut, qui descendait de
Charlemagne, Louis VIII naquit le 05 septembre 1187, monta sur le trône au mois de
juillet 1223, et fut sacré à
Reims le 02 du mois suivant avec
Blanche de Castille, sa femme. Louis VIII est le premier des rois de France de la troisième race qui n'ait point été
associé à la
couronne par son prédécesseur :
Philippe-Auguste
se contenta de le recevoir chevalier avec beaucoup de solennité. Du reste le trône était de plus en plus considéré comme héréditaire ; par une conséquence nécessaire, Louis se saisit des rênes du gouvernement aussitôt après la mort de son père, et il agit en souverain avant d'avoir été sacré.
Avant la mort de
Philippe-Auguste, ce prince avait été
sollicité par les seigneurs anglais, révoltés contre Jean, de passer en Angleterre, et il s'était rendu dans cette contrée. Malgré les vives oppositions du pape, qui le menaçait d'
excommunication, et quoique Philippe eût l'
air de désapprouver cette expédition, rien ne l'avait arrêté : il entra victorieux dans Londres, où il avait été proclamé roi. Par son activité, il avait soumis promptement ceux qui tenaient encore pour le monarque détrôné : mais ce malheureux prince étant mort, tous les vux s'étaient portés sur son fils ; et Louis, abandonné par ceux qui l'avaient appelé, puis assiégé dans Londres, n'avait obtenu la permission de revenir en France qu'en promettant de rendre un
jour aux Anglais tout ce que
Philippe-Auguste leur avait enlevé. Ce traité fut la cause ou le prétexte que Henry III, roi d'Angleterre, donna pour ne pas paraître lui-même ou se faire représenter au sacre du roi de France, son seigneur
suzerain : loin de là, le monarque anglais envoya des ambassadeurs sommer le nouveau roi d'exécuter ses engagements, en restituant la Normandie et les autres provinces confisquées sur Jean sans
Terre. Louis répondit que les Anglais avaient les premiers violé plusieurs clauses du traité ; et il fit surtout valoir les constitutions du royaume, qui ne permettaient pas au roi d'en démembrer les provinces sans le consentement des seigneurs. Aussitôt il rassembla une nombreuse armée, entra dans le
Poitou, où il défit Savari de
Mauléon, l'un des plus habiles capitaines de ce temps-là ; il s'empara ensuite de
Niort, de St-Jean d'
Angely, et
vint mettre le siège devant la
Rochelle, qu'il obligea de capituler malgré
les efforts de
Mauléon, qui s'y était jeté. Il reçut le serment du vicomte de
Limoges, du comte de Périgord, enfin de tous les seigneurs d'
Aquitaine, jusqu'à la Garonne, et retourna triomphant à
Paris. Au printemps il partit des ports d'Angleterre une flotte de 300 voiles, sous les ordres de Richard,
frère du roi ; et ce jeune prince, étant débarqué à
Bordeaux, réunit sous ses drapeaux un grand nombre de seigneurs, s'empara de St-Macaire, et alla mettre le siège devant la
Réole, où il fut repoussé par les habitants. Averti qu'il arrivait aux Français de puissants secours, il se hâta de se rembarquer pour l'Angleterre. Louis pouvait sans peine à cette époque soumettre tout le reste des possessions anglaises dans cette contrée ; et tel parut être son projet : ce fut en vain que Henry III lui fit écrire par le pape des lettres menaçantes. Mais le monarque anglais fut plus heureux dans l'offre de trente mille marcs d'
argent, pour lesquels Louis accorda une trêve de quatre ans, au moment où tout semblait l'inviter à poursuivre ses conquêtes.
Le pape (Voyez
Honorius III), que les Anglais avaient mis dans leurs intérêts, redoubla d'efforts et d'intrigues : pour occuper Louis sur un autre point, il lui fit embrasser la cause de la maison de
Montfort contre le comte de
Toulouse (Voyez
Raymond de Toulouse), et il le détermina à se mettre à la tête d'une
croisade contre les Albigeois. Quelque franches et loyales que fussent les explications du comte de
Toulouse, il fut déclaré hérétique par le
légat du pape, qui donna au roi de France la possession de ses domaines. Ce monarque assembla en conséquence une puissante armée, et il marcha contre les Albigeois, accompagné du
légat. Mais en même temps qu'il faisait tous ses efïorts pour conserver la paix,
Raymond avait pourvu, avec autant de sagesse que d'habileté, à tous les moyens de défense ; et tandis que Louis entreprenait une guerre
inique sans aucune prévoyance, son
ennemi se préparait avec une louable prudence à soutenir la cause la plus juste.
Avignon arrêta pendant trois mois le monarque français, qui ne devint maître de cette ville qu'après des assauts réitérés et lorsque le fer de l'
ennemi, la disette et la contagion eurent détruit une grande partie de ses troupes
(1). Enfin, la place capitula et l'armée française pénétra dans le
Languedoc, où tout se soumit jusqu'à quatre
lieues de
Toulouse. La saison était trop avancée pour le siège de cette ville : le roi se hâta de retoumer en France ; mais il tomba malade en chemin, et, ayant été forcé de s'arrêter au château de
Montpensier en Auvergne, il y mourut le 08 novembre 1226, à l'âge de 39 ans. Quelques
historiens disent qu'il fut empoisonné par Thibault, comte de
Champagne ; mais cela est peu vraisemblable. D'autres pensent que la maladie à laquelle il succomba venait d'un excès de continence. Guillaume de
Puylaurens rapporte que les médecins, ayant imaginé d'introduire dans son
lit une jeune fille pendant qu'il dormait, à son réveil elle lui exposa le motif de sa présence :
Non, ma fille, lui dit Louis,
j'aíme mieux mourir que de sauver ma vie par un péché mortel.
On a beaucoup blâmé Louis VIII de s'être
arrêté au milieu de ses triomphes pour aller soumettre les Albigeois, au lieu d'expulser entièrement les Anglais de la France ; mais il convient de dire, à la justification de ce prince, qu'il avait besoin de ménager l'empereur, qui, en consentant à ne former aucune alliance avec l'Angleterre, ne voulait pas cependant qu'on profitât de la
jeunesse de Henry III pour le
dépouiller : il était de même obligé de ménager les seigneurs, qui ne voyaient pas sans peine le plus
grand vassal de la
couronne traité avec tant de rigueur ; il devait craindre aussi que le pape n'intervînt en faveur des Anglais, qui d'ailleurs faisaient bonne résistance. Au surplus la guerre contre les Albigeois, tout injuste et cruelle qu'elle fût, présentait dans l'avenir d'assez grands avantages sous le rapport de la politique : le comté de
Toulouse devait être le prix de la victoire, et cette possession eût rendu l'expulsion plus facile ; enfin Louis ne pouvait pas s'attendre à une mort si prompte. Juger les opérations d'un monarque qui ne régna que trois ans comme s'il avait eu le temps d'accomplir ses projets est une grande injustice ; car de ce que Louis fit la paix après avoir enlevé aux Anglais la moitié des domaines qu'ils possédaient en France, on ne peut pas conclure qu'il ne pensât pas à leur arracher le reste, surtout dans un siècle où ces alternatives de paix et de guerre formaient toute la politique des deux nations.
Malgré la brièveté de son règne, ce prince a marqué sa place entre
Philippe-Auguste et
saint Louis.
Son expédition d'Angleterre annonce une
âme ferme, au-dessus de toute crainte, même de celle des
excommunications, si redoutables à cette époque ; il emporta l'estime de la noblesse anglaise, forcée d'admirer son courage, en se tournant contre lui. Pendant trois ans qu'il fut sur le trône, il ne cessa de combattre et de vaincre ; il augmenta les domaines de la
couronne par ses armes et par d'heureuses acquisitions. On prétend que
Philippe-Auguste avait dit dans les derniers moments de sa vie : « Les gens d'
Eglise engageront mon fils à faire la guerre aux hérétiques albigeois ; il ruinera sa santé à cette expédition, il y mourra, et par là le royaume restera entre les mains d'une femme et d'un
enfant. » Cette prophétie a bien l'
air d'avoir été faite après l'événement. Ce qui est certain, c'est que Louis VIII, comme le remarque le chroniqueur Matthieu
Pâris, fut très dissemblable à
son père.
Louis VIII eut onze
enfants de
Blanche de Castille, avec laquelle il avait été marié fort jeune ; à sa mort il ne lui restait qu'une fille, qui prit le voile, et cinq fils, savoir :
Louis IX qui lui succéda, Robert, Alphonse, Charles et Jean ; ce dernier ne vécut que quatorze ans : des trois autres sortirent les branches d'
Artois, d'
Anjou, du Maine, de
Provence et de Naples (Voyez
Charles d'Anjou).
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(1) Les
croisés, dit un
historien de ce temps, manquaient de munitions, tant parce que, venant de fort loin, elles arrivaient fort tard et en petite quantité. que parce que beaucoup de convois étaient enlevés par les troupes du comte de
Toulouse. La disette, la
chaleur, la putréfaction des cadavres et les insectes qu'elle faisait naître, avaient répandu la mort dans tout le camp. Le roi et le
légat, impatients, résolurent de donner l'assaut ; et déjà
une grande partie des troupes était sur le pont lorsqu'il s'écroula. Trois mille hommes furent noyés dans le Rhône.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 25 - Pages 161-)