Dom Antoine-Joseph Pernéty Les
couleurs des choses, et particulièrement des
fleurs, ont leur principe dans le soufre et le sel mercuriels des
corps colorés. Une preuve bien convaincante, c'est qu'à mesure que ces parties volatiles s'évaporent, la
couleur s'évanouit, du moins son éclat et sa vivacité, et fait place à une autre
couleur moins vive, composée d'un soufre plus terrestre et moins subtil. Il est d'ailleurs certain qu'on ne trouve point de
couleurs dont le sujet ne soit gras, oléagineux et très combustible.
Les Philosophes
Hermétiques regardent les
couleurs qui surviennent à la matière pendant l'opération du grand uvre, comme les
clefs de cet Art, et les indices certains de la vérité et bonté de la matière, et du bon régime du
feu. Ils en comptent trois principales qui se succèdent, mais dont la succession est interrompue par quelques autres
couleurs passagères et de peu de durée. La première principale est la
couleur noire, qui doit se faire voir au quarante-deuxième
jour au plus tard. Elle disparaît peu à peu, et fait place a la blanche. A celle-ci succède la citrine, qu'ils appellent leur or. Enfin, la
couleur rouge se montre, et c'est la
fleur de leur or, leur
couronne royale, etc. Les
couleurs passagères sont la verte, qui marque l'
animation et la végétation de la matière; la grise, ou le règne de Jupiter, qui suit immédiatement la noire, ou le règne de
Saturne ; les
couleurs de la queue du paon. La
couleur Tyrienne, ou
couleur de pourpre, indique la perfection de la pierre.
Si la
couleur rouge paraît avant la noire, c'est un signe qu'on a trop poussé le
feu, et que l'ouvrage ne réussira pas. Il faut alors recommencer.
La noire est un indice de putréfaction et d'entière
dissolution de la matière. Elle doit toujours précéder la blanche et la rouge.
La blanche marque la
fixation bien avancée de la matière; et la rouge sa
fixation parfaite.
Toutes ces
couleurs doivent reparaître dans l'opération de la multiplication ; mais elles sont d'une durée d'autant plus courte, qu'on réitère plus souvent les opérations pour perfectionner et multiplier la quantité et les qualités de la pierre.
Lorsque la matière est comme de la poix noire fondue, ils l'appellent
le Noir plus noir que le noir même, leur
Plomb, leur
Saturne, leur
Corbeau, etc. Et ils disent qu'il faut alors
couper la tête du Corbeau avec le
glaive ou l'
épée, c'est-à-dire avec le
feu, en continuant jusqu'à ce que le
Corbeau se blanchisse.
Ces différentes
couleurs, que la matière prend en se cuisant, ont donné lieu aux Philosophes d'appeler cette matière de presque tous les noms des individus de la Nature.
Son odeur et ses propriétés lui en ont fait donner quelques autres ; et ils avouent dans leurs ouvrages, qu'ils n'ont jamais nommé cette matière par son nom propre vulgaire, au moins lorsqu'ils en ont parlé pour la désigner. On peut voir une partie de ces noms dans l'article
Matière des Philosophes.
Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, Edition de 1758 - Français modernisé par France-Spiritualités.