Faust Socin, neveu de
Lélius Socin, naquit à
Sienne le 05 décembre 1539. Sa première éducation
fut négligée, et dans le cours de ses études, il
ne se distingua point. Les lettres qu'on recevait de son oncle entretenaient
dans la famille le
goût des réformes
religieuses et donnaient
lieu à des discussions auxquelles il prenait part. A l'époque
où ses parents furent poursuivis par l'
Inquisition, ne se sentant
pas tout à fait innocent, il prit la fuite comme les autres et
vint chercher un asile en France. Il apprit à
Lyon la mort de
son oncle et se rendit sur le champ à Zürich pour se mettre
en possession de ses écrits. Les motifs qui l'avaient forcé
de s'éloigner de l'Italie ne substituaient plus ; il y rentra
et fut accueilli par le grand
duc de Toscane, qui le retint à
sa cour par des emplois honorables. Au milieu des plaisirs et des dissipations,
il oublia douze ans les questions
théologiques qui l'avaient
si vivement intéressé dans sa première
jeunesse.
Il se reprocha enfin la négligence coupable qu'il mettait à
s'instruire, et, malgré les instances du grand
duc, il partit
pour l'Allemagne dans l'intention de se livrer tout entier à
la recherche de la vérité. Il étudia la
théologie
à
Bâle pendant trois ans, cachant avec soin ses opinions
particulières. Une dispute qu'il eut à Zürich, au
commencement de 1578, contre Fr. Pucci, l'obligea de quitter la
Suisse.
Georg Blandrata l'appela dans la Transylvanie pour l'opposer à
Fr. Davidi, dont les principes
séditieux et l'éloquence
emportée excitaient sans cesse de nouveaux troubles. Socin passa,
l'année suivante, en pologne. Les
antitrinitaires y possédaient
beaucoup d'
églises ; mais n'étant pas uniformes dans leur
croyance, ils formaient en quelque sorte autant de sectes différentes.
Il voulut d'abord se faire associer à l'une de ces
églises
; mais, ayant éprouvé un refus, il ne chercha point à
entrer dans une autre et se montra l'ami de toutes, en prenant leur
défense contre leurs
ennemis communs. Il acquit bientôt
de cette manière une grande
influence sur l'
esprit de ces
sectaires,
et il en profita pour obtenir la permission de prêcher sa doctrine.
En convenant que Luther et
Calvin avaient rendu de grands services à
la
religion, il prétendait que ni eux ni ceux qui s'étaient
bornés à leur système n'avaient rien fait pour
rebâtir le vrai temple et rendre à
Dieu seul le culte qui
lui est dû. Le moyen d'y parvenir était, disait-il, de
débarrasser la croyance de tous les dogmes que la raison ne peut
concevoir, en d'autres termes des mystères. L'éclat des
prédications de Socin alarma les
protestants. Les plus habiles
d'entre eux annoncèrent qu'ils réfuteraient publiquement
ses erreurs dans des thèses qui seraient soutenues au
collège
de Posna. Socin ne manqua pas de se rendre à cet appel et réduisit
tous ses adversaires au silence, en se servant contre eux des raisonnements
qu'ils employaient contre l'
Eglise romaine. Honteux de cette défaite,
les
protestants eurent recours, pour se débarrasser de Socin,
à un moyen qui, pour être employé souvent par les
partis, n'en est pas moins odieux. Socin avait publié un écrit
pour réfuter la doctrine de Jacques
Paléologue ; cet ouvrage,
dans lequel il défendait les droits des princes, fut présenté
par ses
ennemis comme un
libelle séditieux ; et pour se mettre
à l'abri des poursuites que la calomnie faisait diriger contre
lui, il fut contraint de se cacher dans les terres d'un seigneur
polonais,
l'un de ses
disciples. Tandis qu'il errait en proscrit dans les
forêts
de la Pologne, Socin se maria ; mais, après quelques années
d'une union heureuse, il perdit, en 1587, son
épouse, dont les
soins et la tendresse avaient
adouci la rigueur de sa position. Jusqu'alors,
il avait touché régulièrement les revenus des domaines
qu'il possédait en Italie ; mais, après la mort du grand
duc, qui s'était montré constamment son protecteur, tous
ses biens furent confisqués, et il se trouva réduit à
la misère la plus affreuse. Il supporta ce revers avec résignation
et trouva d'ailleurs dans la générosité de ses
disciples tous les secours dont il avait besoin. La persécution
n'avait point ralenti les progrès de son système
religieux.
Adopté successivement par un grand nombre de seigneurs
polonais,
il le fut enfin par les différentes sectes d'unitaires, qui formèrent
dès lors une seule
Eglise, qui prit le nom de socinienne.
Le triomphe qu'il venait d'obtenir accrut la haine
de ses
ennemis. Dans le courant de 1598, ils ameutèrent contre
lui la
populace de Varsovie. Il fut arraché demi-nu de son
lit
et traîné dans les rues, au milieu des vociférations
et des cris les plus sinistres, qui retentissaient à ses oreilles.
Il aurait fini sans doute par être la victime de ces furieux,
sans la
charité d'un professeur qui le tira de leurs mains. En
rentrant dans sa
chambre, il trouva que ses meubles et sa bibliothèques
avaient été pillés ; mais il ne regretta que la
perte de ses manuscrits et, entre autres, d'un traité contre
les athées, qu'il regardait comme son meilleur ouvrage. Dans
la crainte de voir se renouveler une pareille scène, il se retira
chez un de ses amis, dans le village de Luclavie, où il mourut
le 03 mars 1604.
Les ouvrages de Socin ne sont
plus recherchés depuis longtemps. Bauer en indique les éditions
originales dans sa
Biblioth. libror. rariorum
; ils forment les deux premiers volumes de
Biblioth.
fratrum Polonorum, Irenopolo (Amsterdam), 1656, 8 vol.
in-folio ; le tome 1er est précédé d'une vie détaillée
de Socin, par Samuel Przipcow. Le
Dictionnaire
de Bayle contient un article curieux et très étendu sur
ce réformateur. Après la mort de son chef, le socinianisme,
loin de s'affaiblir, devint encore plus puissant par le grand nombre
de nobles et de savants qui en adoptèrent les principes. Ils
obtinrent de la diète la
liberté de conscience et établirent
leur métropole à Racovie, où ils fondèrent
un
collège et une imprimerie. En 1638, ces deux établissements
furent supprimés mais les sociniens conservèrent des
églises
en Pologne jusqu'en 1658, que les
catholiques s'unirent aux
protestants
pour les chasser du royaume. Il leur fut défendu d'y rentrer
sous peine de mort, et, quoiqu'on leur eût accordé un délai
pour vendre leurs biens, ils éprouvèrent tant d'obstacles
que leurs
historiens regardent cette mesure comme équivalant
à une confiscation. Plusieurs, pour échapper à
des mesures si rigoureuses, se firent
catholiques ou
protestants ; mais
le plus grand nombre se retirèrent dans la Transylvanie, les
Etats de Prusse et d'Autriche, la Hollande et l'Angleterre. Ils rencontrèrent
partout des
ennemis qui les repoussèrent, et partout ils furent
condamnés par les lois de l'
Eglise et de l'Etat. Mais, comme
l'observe judicieusement Pluquet, les lois qui proscrivaient les sociniens
ne réfutèrent pas leurs principes, et beaucoup de réformés
les ont adoptés en Angleterre et surtout en Hollande. Les opinions
de Socin et de ses
disciples sont nées du principe posé
par Luther que le Nouveau Testament contient toute la doctrine de Jésus-Christ
et que chaque homme a le droit de l'interpréter d'après
sa raison et les règles de sa critique. Socin ne fit donc qu'user
d'un droit reconnu par le chef de la réforme, en repoussant tout
ce que sa raison n'admettait pas, tels que le dogme de la
Trinité,
le péché originel, la divinité de Jésus-Christ,
la nécessité de la grâce, la
prédestination,
etc. Toutes ses opinions sont celles de
Sabellius, de Pélage,
d'
Arius, de
Nestorius. On peut consulter à cet égard le
Dictionnaire des hérésies
de Pluquet et
L'histoire du socinianisme,
par le Professeur Guichard (Cf. ce nom). Outre les auteurs déjà
cités, on trouvera des détails sur Socin dans la
Biblioth.
anti-trinitarior. de Chr.
Sand. Voyez, pour les autres
sources, l'
Onomasticon de Sax, tome 3, p. 501 et 605.
Parmi les ouvrages relatifs à Socin, nous signalerons ceux de
Joshua Toulmin,
Memoirs of the life, sentiments
and writings of Socinus, Londres, 1778, in-8 ; de J.-P.
Burmeister,
Commentatio de systemate Socinianorum dogmatico,
Rostochée, 1830, in-4 ; de H. Amphouz,
Essai
sur la doctrine socinienne,
, 1850, in-8.
(Biographie universelle ancienne et moderne
- Tome 39 - Pages 513-514)