M.
René Guénon a écrit, dans le
Voile d'Isis du mois de
février, un pamphlet insolent contre les Polaires.
Nous disons insolent ; M. Guénon écrit en effet :
«
Nous avons appris depuis lors que les quelques personnes (1)
sérieuses (2)
qui avaient tout d'abord donné leur adhésion, n'avaient pas tardé à se retirer... »
Mais nous devons avouer que ces écarts de langage nous auraient absolument laissés indifférents si M. Guénon ne prouvait ainsi, par son pamphlet, son inconséquence, sa légèreté et, disons le mot, sa « colère » contre tout ce qui représente « l'action ». Et les Polaires qui doivent combattre les « faux illuminés » ne laissent point échapper l'occasion de donner une petite leçon à ce « Grand Maître » de l'Occultisme qui distribue, avec la morgue et la suffisance du Médecin de Molière,
emplâtres et onguents
hermétiques...
Or,
M. Guénon a tout simplement oublié qu'il a corrigé le manuscrit
d'
Asia Mysteriosa, qu'il en a corrigé les épreuves,
et qu'il a même écrit une préface, retirée d'ailleurs
VOLONTAIREMENT par l'Auteur du Livre.
Pour le lui rappeler,
nous transcrivons, in extenso, sa préface.
Préface
écrite par M. R. Guénon pour Asia Mysteriosa
Les
Centres initiatiques La méthode dont il est ici question a un
caractère particulier par lequel elle se distingue essentiellement
de toutes celles qui pourraient, à première
vue, être
confondues avec elle en raison de quelques similitudes extérieures
: c'est qu'elle se présente comme un moyen de communication avec
un centre initiatique assez mystérieux, qui, d'après les
indications fournies par les réponses que cette méthode
elle-même a permis d'obtenir, serait situé dans une région
de l'Asie Centrale. C'est à ce titre que, depuis plusieurs années
déjà que nous en avons eu connaissance, elle nous a paru
digne d'intérêt, tandis que, s'il ne s'était agi
que d'un simple procédé divinatoire, et quelle que pût
être sa valeur sous ce rapport, nous n'aurions jamais été
tenté de lui accorder la moindre importance. Mais, bien entendu,
cette prétention ne peut être admise sans contrôle
; par quel moyen sera-t-il possible de reconnaître si elle est
fondée ? Evidemment, c'est là que commencent les difficultés
; si étrange que semble l'emploi d'un tel mode de communication,
il n'offre a priori aucune impossibilité, et on peut même
penser qu'il doit être assez naturel s'il s'agit d'un centre initiatique
relevant d'une tradition où le
symbolisme numérique joue
un rôle prépondérant. Pour aller plus loin que cette
simple possibilité, il faut examiner les réponses elles-mêmes,
celles surtout qui se rapportent à des questions doctrinales
; nous ne pouvons songer à entreprendre ici cet examen détaillé,
qui ferait d'ailleurs double emploi avec une partie de l'exposé
contenu dans ce volume. Chacun, après avoir lu cet exposé,
pourra se faire une opinion par lui-même et voir quelles sont
les présomptions en faveur d'une communication réelle
; pour notre part, nous pensons que le moins qu'on puisse dire, c'est
que toutes les autres hypothèses qu'on pourrait envisager seraient
plus invraisemblables que celle-là. (3)
Si donc nous admettons que nous avons affaire ici
à un centre spirituel existant effectivement quelque part en
Orient, une autre question se pose aussitôt ; est-il possible,
dans une certaine mesure tout au moins, d'en déterminer la véritable
nature ? Ici encore, c'est le caractère des réponses obtenues
qui nous apportera la solution ; or, ces réponses, qui sont toutes
parfaitement cohérentes entre elles, manifestent des tendances
qui permettent de les rattacher incontestablement à un enseignement
de source judéo-chrétienne. Ainsi, il s'agirait d'une
initiation occidentale, et non pas orientale ; mais alors, comment peut-il
se faire qu'une telle
initiation ait son siège dans l'Asie Centrale
? Il y a là quelque chose qui peut sembler contradictoire, si
bien que nous avions pensé tout d'abord que peut-être la
tournure occidentale des réponses n'était que l'effet
d'une
adaptation à la mentalité des consultants ; mais
cette supposition nous est ensuite apparue comme insuffisante pour tout
expliquer, et nous avons alors été amené à
nous rendre compte que la difficulté disparaissait si l'on admettait
qu'il s'agissait d'un centre rosicrucien. En effet, il a été
dit que les véritables Rose-Croix avaient quitté l'
Europe
au
XVIIe siècle, pour se retirer en Asie ; le
prêtre saxon
Samuel Richter, fondateur de la "Rose-Croix d'Or", sous le
nom de Sincerus Renatus, déclare, dans un ouvrage publié
en 1714, que les Maîtres de la Rose-Croix sont partis pour l'Inde
depuis quelque temps, et qu'il n'en reste plus aucun en
Europe ; la
même chose avait déjà été annoncée
précédemment par Henri Neuhaus, qui ajoutait que ce départ
avait eu lieu après la déclaration de la guerre de Trente
Ans ; et d'autres auteurs, parmi lesquels Saint-Yves d'Alveydre, indiquent
plus ou moins expressément que la signature des traités
de Westphalie, qui termina cette guerre en 1648, marque pour l'Occident
la rupture complète et définitive des liens traditionnels
réguliers qui avaient pu subsister encore jusque-là. De
ces assertions, il convient de rapprocher celle de Swedenborg disant
que c'est désormais parmi les Sages du Thibet et de la Tartarie
qu'il faut chercher la "Parole perdue", c'est-à-dire
les secrets de l'
initiation, et aussi les visions d'Anne-Catherine Emmerich
se rapportant au lieu mystérieux qu'elle appelle la "Montagne
des Prophètes", et qu'elle situe dans les mêmes régions.
D'autre part, le voyageur Paul Lucas, qui parcourut la Grèce
et l'Asie Mineure sous
Louis XIV, raconte qu'il rencontra à
Brousse
quatre derviches dont l'un, qui semblait parler toutes les langues du
monde, ce qui est aussi une des facultés attribuées aux
Rose-Croix, lui dit qu'il faisait partie d'un groupe de sept personnes
qui se retrouvaient tous les vingt ans dans une ville désignée
à l'avance ; ce même derviche lui assura que la pierre
philosophale permettait de vivre un millier d'années, et il lui
raconta à ce propos l'
histoire de Nicolas Flamel que l'on croyait
mort et qui vivait aux Indes avec sa femme. Or, il est certain que les
Rose-Croix, qui d'ailleurs ne constituèrent jamais une « société »
au sens moderne de ce mot, eurent des liens directs avec des organisations
orientales, et plus spécialement musulmanes, ce qui permet de
penser que le personnage rencontré par Paul Lucas pouvait bien
être l'un d'entre eux ; et, par une coïncidence assez remarquable,
on verra que, dans le cas qui nous occupe présentement, quelques
réponses suggèrent précisément l'existence
de certains rapports avec l'Islam.
Le rôle des Rose-Croix, ou de ce qui fut
ainsi désigné à partir d'une certaine époque
et qui peut avoir été surtout de maintenir, tant que la
chose fut possible, la communication du monde occidental, attaché
à la tradition judéo-chrétienne, avec le centre
spirituel suprême, constitué par les détenteurs
de la grande Tradition
primordiale, dont toutes les traditions particulières
sont dérivées plus ou moins directement. Le centre rosicrucien
n'est donc qu'un des nombreux centres secondaires, subordonnés
au centre suprême, et correspondant à autant de formes
traditionnelles différentes ; tous sont d'ailleurs comme des
images du centre suprême, qu'ils représentent en quelque
sorte dans un domaine plus extérieur, et dont ils reflètent
exactement la constitution ; n'est-ce pas pour cette raison que nous
trouvons ici trois Sages, analogues aux trois chefs suprêmes de
l' "Agarttha", c'est-à-dire du véritable "Centre
du Monde, mais qui ne doivent pas être confondus avec eux, puisqu'ils
ne sont que préposés à la direction d'un centre
secondaire ? Il faut
ajouter que les membres de tous ces centres subordonnés
n'en doivent pas moins, pour pouvoir remplir leur fonction, être
rattachés directement à la Tradition
primordiale, et avoir
ainsi la conscience de l'unité profonde qui se dissimule sous
la diversité des formes plus ou moins extérieures ; c'est
pourquoi il est dit que les Rose-Croix peuvent parler toutes les langues
; mais ils n'apparaissent comme Rose-Croix qu'en tant qu'ils redescendent
dans la forme, pour ainsi dire, afin de jouer le rôle qui leur
est assigné et qui concerne spécialement une certaine
tradition déterminée, celle de l'Occident chrétien.
Comme d'ailleurs le Judaïsme, le Christianisme et l'Islamisme forment,
dans la filiation des différentes traditions, un ensemble étroitement
lié, il est facile de comprendre qu'il y ait des relations plus
spéciales entre les centres initiatiques auxquels est confié
le dépôt des connaissances
ésotériques se
rapportant à ces trois formes traditionnelles.
Cela dit, revenons à la question de la localisaion
des centres spirituels, localisation qui peut être
symbolique
et réelle tout à la fois. On sait que la
montagne est
un des principaux
symboles du "Centre du Monde" ; cette
montagne
sacrée, qui porte des noms divers suivant les traditions, est
décrite comme polaire et doit l'avoir été effectivement
à l'origine, puisqu'il est affirmé partout que la Tradition
primordiale eut tout d'abord son siège dans les régions
hyperboréennes. Ce siège peut s'être déplacé
par la suite et avoir eu, selon les périodes en lesquelles se
subdivise le cycle de notre humanité, plusieurs localisations
successives ; au sens
symbolique et spirituel, il n'en demeure pas moins
toujours le "Pôle", c'est-à-dire le point fixe
et
immuable autour duquel le monde accomplit ses révolutions.
Si nous considérons cette figure de la
montagne, nous pourrions
dire que, tandis que son sommet coïncide proprement avec le centre
suprême, les centres secondaires, à travers lesquels les
influences émanées de celui-ci descendent dans le monde,
peuvent être représentés comme situés sur
les flancs de la
montagne, où ils s'étagent et se groupent
selon les affinités particulières des formes traditionnelles
auxquelles ils correspondent. Ainsi, en un sens qui est surtout
symbolique,
tous ces centres sont comme rassemblés en un même lieu
; et c'est ce que paraît représenter notamment la "Montagne
des Prophètes" d'Anne-Catherine Emmerich, qui y a vu surtout
ce qui se rapporte à la tradition occicentale, bien que ce soit
sans doute en même temps le véritable "Centre du Monde",
et qu'elle la situe d'ailleurs dans la région orientale où
celui-ci est dit avoir actuellement, et depuis bien des siècles
déjà, sa localisation effective.
Cependant, à un autre point de
vue moins
purement
symbolique, on peut dire aussi que chaque centre secondaire
doit être situé dans la partie du monde où est répandue
la forme traditionnelle à laquelle il est spécialement
affecté. Du moins, il en est ainsi normalement, et c'est par
là que cette partie du monde conserve ses liens avec le centre
suprême ; mais il en est autrement quand ces liens viennent à
être rompus, comme c'est le cas pour l'Occident moderne. Alors,
le centre secondaire, sans cesser d'exister, se retire du domaine extérieur
où s'exerçait son action, et il est comme résorbé
vers le centre suprême, où se maintient intégralement,
d'une façon continue et constante, ce qu'on pourrait appeler
l' "intériorité" de toutes les traditions ;
c'est à cette sorte de résorption que correspond cette
retraite des Rose-Croix en Asie dont nous avons parlé précédemment.
Actuellement, il n'y a plus en Occident aucune organisation initiatique
régulière, et tout ce qui y susbsiste encore à
cet égard ne représente plus que de simples vestiges d'un
état antérieur, des formes vidées de leur contenu
spirituel et désormais incomprises. Dans de telles conditions,
si un contact avec le centre est encore possible parfois, ce ne peut
être que d'une façon tout à fait exceptionnelle,
par des manifestations isolées et temporaires de certains représentants
de ce centre, ou par des communications reçues individuellement
à l'aide de moyens plus ou moins extraordinaires, anormaux comme
la situation même qui oblige à y recourir. Qui pourrait
dire si nous ne nous trouvons pas ici en présence de quelque
chose de ce genre, si la méthode qui est étudiée
dans ce livre n'est pas précisément un de ces moyens de
communication ? En d'autres termes, pourquoi cette méthode, sous
son apparence strictement arithmétique, ne serait-elle pas destinée
à fournir un support à certaines
influences spirituelles,
à peu près au même titre que tels ou tels objets
matériels dont on pourrait trouver des exemples dans toutes les
traditions ? Bien que nous ne puissions entrer dans de plus amples explications
à ce sujet, nous pensons que cette quelques éclaircissements
suffiront tout au moins pour que ceux qui voudront examiner la question sans parti pris comprennent que non seulement la chose n'a rien d'impossible, mais qu'elle s'accorde même fort bien avec toutes les données les plus authentiquement traditionnelles.
René GUÉNON Cette préface prouve largement la légèreté et l'inconséquence de M. Guénon. Dans notre prochain Bulletin, nous expliquerons pourquoi ladite préface a été retirée par nous et nous exposerons les raisons pour lesquelles le nom de M. Guénon NE POUVAIT
PAS SERVIR à LA PROPAGANDE POLAIRE. Et nous donnerons ainsi un démenti de plus à ce présomptueux pamphlétaire qui, le plus sérieusement du monde, se prend pour le « Deux ex machina » de l'
Esotérisme.