Biographie universelle ancienne et moderne Louis Moréri, premier auteur du
Dictionnaire historique qui porte son nom, naquit à Bargemont, en
Provence, le 25 mars 1643. Destiné par la volonté de ses parents ou par son propre choix à l'état ecclésiastique, et par la nature de son
esprit aux travaux d'érudition, il sembla, dans les productions de sa
jeunesse, n'avoir écouté aucune de ces inspirations. Le
Pays d'amour,
allégorie froide et galante, qu'il mit au
jour à l'âge de dix-huit ans, ne promettait pas plus un ministre à l'
Eglise que le
Doux plaisir de la poésie, recueil des meilleures pièces de vers connues dans notre langue, n'annonçait l'auteur du
Dictionnaire historique.
Après avoir achevé ses premières études
à
Draguignan et à
Aix, il alla étudier la
théologie à
Lyon. C'est là qu'il commença de s'appliquer à l'étude des langues italienne et espagnole, dans lesquelles il devait trouver par la suite de grands secours pour ses travaux biographiques. Il traduisit même de l'espagnol le livre de la
Perfection chrétienne, de Rodriguez. Il prit aussi pendant son séjour dans cette ville les ordres sacrés, et prêcha la controverse. Mais l'idée qui depuis longtemps et surtout alors le dominait, à laquelle on peut dire qu'il sacrifia même sa vie, était la
composition de son
Dictionnaire, qui parut à
Lyon en 1 volume in-folio, 1673.
Moréri n'avait que trente ans. On admira, et avec raison, l'immense érudition qui avait présidé à ce travail et ordonné les parties de ce vaste édifice. L'ouvrage était cependant bien incomplet ; mais il fournissait les moyens de faire mieux. C'est aux imperfections de ce même dictionnaire qu'on doit celui de Bayle, qui ne s'était proposé d'abord que de réfuter les erreurs ou de suppléer aux lacunes de
Moréri. Il ne paraît pas inutile de rappeler ici comment s'exprime Bayle lui-même sur les fautes échappées à son devancier : «
Je ne souhaite pas, dit-il,
que l'idée méprisante que cela pourra donner de son travail diminue la reconnaissance qui lui est due. J'entre dans les sentiments d'Horace à l'égard de ceux qui nous montrent le chemin. Les premiers auteurs des dictionnaires ont bien fait des fautes ; mais ils ont mérité une gloire dont leurs successeurs ne doivent jamais les frustrer. Moréri a pris une grande peine qui a servi de quelque chose à tout le monde, et qui a donné des instructions suffisantes à beaucoup de gens. Elle a répandu la lumière dans des lieux où d'autres livres ne
l'auraient jamais portée et qui n'ont pas besoin d'une connaissance exacte des faits. »
Le mérite des successeurs de
Moréri a été de rectifier ces faits, de porter dans leur rédaction un
esprit de critique qui trop souvent manque à son ouvrage, de présenter enfin sur chaque personnage, au défaut des grands développements que l'
histoire seule
peut donner, des notions justes et complètes pour le cadre étroit où elles sont resserrées. Cette reconnaissance de la postérité, que réclame Bayle en faveur de
Moréri, lui est d'autant mieux acquise qu'il périt véritablement victime de son zèle. Il était venu à
Paris en 1675, avec l'
évêque d'
Apt,
Gaillard de
Longjumeau, dont il était aumônier, et auquel il avait dédié son
Dictionnaire, par reconnaissance pour les recherches et les matériaux immenses qu'il devait à ce
prélat. Il se lia dans la capitale avec tout ce que la France comptait alors d'hommes
illustres dans les lettres et les sciences. Ces liaisons lui furent agréables : il en fit une autre qui pouvait être utile à sa fortune, celle de
Pomponne, qui se l'attacha en 1678 ; mais, à la disgrâce de ce ministre, c'est-à-dire après un an de séjour chez lui,
Moréri se consacra de nouveau tout entier à ses études et particulièrement aux soins d'une nouvelle édition de son
Dictionnaire.
L'excès du travail avait épuisé ses
forces : il mourut le 10
juillet 1680, âgé de 37 ans et 4 mois, n'ayant pu faire imprimer que le premier volume de cette édition. Un premier commis de M. de
Pomponne surveilla l'impression du second, achevée en 1681, et dédia tout l'ouvrage au roi. On a reproché au
Dictionnaire de
Moréri d'être fort inexact dans la partie
géographique, de mêler mal à propos dans sa nomenclature la mythologie à l'
histoire et de contenir un trop grand nombre de généalogies ; ce qui peut en effet le faire ressembler parfois à certains nobiliaires de nos provinces ; mais ce n'est pas sur ce fait qu'il est jugé le plus sévèrement, surtout par les parties intéressées. Auteur du premier ouvrage où se trouvent réunis les noms de tous les personnages qui ont quelques droits à la célébrité,
Moréri ne pouvait être oublié dans celui-ci. Nous croyons même pouvoir
ajouter qu'après les noms historiques ou ceux que le génie a rendus fameux dans les sciences ou dans les lettres, nul ne réclamait à plus juste titre une place dans la
Biographie universelle. L'indication qu'il donne des autorités et le progrès des connaissances bibliographiques ont depuis fait revoir son ouvrage, ce qui l'a porté à 5 volumes in-folio en 1718, à 6 volumes en 1729 et 1752, et enfin à 10 volumes en 1759, par Drouet, au moyen de la refonte des suppléments de l'abbé Goujet, de sorte que le
Dictionnaire de
Moréri n'est plus à lui, à proprement parler ; mais son nom est resté. (Voyez le Discours préliminaire.)
Moréri fut l'éditeur de 3 volumes de
Vies des saints, dont il retouche le style et auxquels il ajouta des tables chronologiques, et d'une
Relation nouvelle du Levant, ou Traité de la religion, du gouvernement et des coutumes du Perses, des Arméniens et des Gaures, par le P. Gabriel de
Chinon,
capucin. Cet auteur infatigable avait rassemblé les matériaux d'un
Dictionnaire historique et bibliographique des Provençaux célèbres, et commencé une
Histoire des conciles ; il a laissé un
Traité des étrennes en manuscrit.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 29 - Pages 296-297)