L'ÉVANGILE SELON LE SPIRITISME
CHAPITRE V Heureux les affligés
Justice des afflictions. Causes actuelles des afflictions. Causes antérieures des afflictions. Oubli du passé. Motifs de résignation. Le suicide et la folie. Instructions des Esprits : Bien et mal souffrir. Le mal et le remède. Le bonheur n'est pas de ce monde. Perte des personnes aimées. Morts
prématurées. Si c'était un homme de bien, il se serait
tué. Les tourments volontaires. Le malheur réel. La mélancolie. Epreuves volontaires. Le vrai cilice. Doit-on mettre un terme aux épreuves de son prochain ? Est-il permis d'abréger la vie d'un malade qui souffre sans espoir de guérison ? Sacrifice de sa propre vie. Profit des souffrances pour autrui.
1. Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de justice, parce qu'ils seront rassasiés. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. (
Saint Matthieu, ch. V, v. 5, 6, 10.)
2. Vous êtes bienheureux, vous qui êtes pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous. Vous êtes bienheureux, vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez rassasiés. Vous êtes heureux, vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez. (
Saint Luc, ch. VI, v. 20, 21.)
Mais malheur à vous, riches ! parce que vous avez votre consolation dans le monde. Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim. Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous serez réduits aux pleurs et aux larmes. (
Saint Luc, ch. VI, v. 24, 25.)
Justice des afflictions
3. Les compensations que
Jésus promet aux affligés de la terre ne peuvent avoir lieu que dans la vie future ; sans la certitude de l'avenir, ces maximes seraient un non-sens, bien plus, ce serait un leurre. Avec cette certitude même on comprend difficilement l'utilité de souffrir pour être heureux. C'est, dit-on, pour avoir plus de mérite ; mais alors on se demande pourquoi les uns souffrent plus que les autres ; pourquoi les uns naissent dans la misère et les autres dans l'opulence, sans avoir rien fait pour justifier
cette position ; pourquoi aux uns rien ne réussit, tandis qu'à d'autres tout semble sourire ? Mais ce que l'on comprend encore moins, c'est de voir les biens et les maux si inégalement partagés entre le vice et la vertu ; de voir les hommes vertueux souffrir à côté des méchants qui prospèrent. La foi en l'avenir peut consoler et faire prendre patience, mais elle n'explique pas ces anomalies qui semblent démentir la justice de
Dieu.
Cependant, dès lors qu'on admet
Dieu, on ne peut le
concevoir sans l'
infini des perfections ; il doit être toute puissance,
toute justice, toute bonté, sans cela il ne serait pas
Dieu. Si
Dieu est
souverainement bon et juste, il ne peut agir par caprice ni avec partialité.
Les vicissitudes de la vie ont donc une cause, et puisque Dieu est juste, cette
cause doit être juste. Voilà ce dont chacun doit se bien pénétrer.
Dieu a mis les hommes sur la voie de cette cause par les enseignements de
Jésus, et aujourd'hui, les jugeant assez mûrs pour la comprendre, il la leur révèle tout entière par le
spiritisme, c'est-à-dire par la
voix des Esprits.
1. Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de justice, parce qu'ils seront rassasiés. Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux. (
Saint Matthieu, ch. V, v. 5, 6, 10.)
2. Vous êtes bienheureux, vous qui êtes pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous. Vous êtes bienheureux, vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez rassasiés. Vous êtes heureux, vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez. (
Saint Luc, ch. VI, v. 20, 21.)
Mais malheur à vous, riches ! parce que vous avez votre consolation dans le monde. Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim. Malheur à vous qui riez maintenant, parce que vous serez réduits aux pleurs et aux larmes. (
Saint Luc, ch. VI, v. 24, 25.)
Justice des afflictions
Causes actuelles des afflictions
4. Les vicissitudes de la vie sont de deux sortes, ou, si l'on veut, ont deux sources bien différentes qu'il importe de distinguer ; les unes ont leur cause dans la vie présente, les autres en dehors de cette vie.
En remontant à la source des maux terrestres, on reconnaîtra que beaucoup sont la conséquence naturelle du caractère et de la conduite de ceux qui les endurent.
Que d'hommes tombent par leur propre faute ! Combien sont victimes de leur imprévoyance, de leur orgueil et de leur ambition !
Que de gens ruinés par défaut d'ordre, de persévérance, par inconduite ou pour n'avoir pas su borner leurs désirs !
Que d'unions malheureuses parce qu'elles sont un calcul d'intérêt ou de vanité, et que le cur n'y est pour rien !
Que de dissensions, de querelles funestes on aurait pu éviter
avec plus de modération et moins de susceptibilité !
Que de maladies et d'infirmités sont la suite de l'intempérance et des excès de tous genres.
Que de parents sont malheureux dans leurs
enfants, parce qu'ils n'ont pas combattu les mauvaises tendances de ceux-ci dans leur principe ! Par faiblesse ou indifférence, ils ont laissé se développer en eux les
germes de l'orgueil, de l'égoïsme et de la sotte vanité qui dessèchent le cur, puis, plus tard, récoltant ce qu'ils ont semé, ils s'étonnent et s'affligent de leur manque de déférence et de leur ingratitude.
Que tous ceux qui sont frappés au cur par les vicissitudes et les déceptions de la vie interrogent froidement leur conscience ; qu'ils remontent de proche en proche à la source des maux qui les affligent, et
ils verront si, le plus souvent, ils ne peuvent pas dire :
Si j'avais fait, ou n'avais pas fait telle chose, je ne serais pas dans telle position.
A qui donc s'en prendre de toutes ces afflictions, si ce n'est à soi-même ? L'homme est ainsi, dans un grand nombre de cas, l'artisan de ses propres infortunes ; mais, au lieu de le reconnaître, il trouve plus simple, moins humiliant pour sa vanité d'en accuser le sort, la Providence, la chance défavorable, sa mauvaise étoile, tandis que sa mauvaise étoile est dans son incurie.
Les maux de cette nature forment assurément un très notable contingent dans les vicissitudes de la vie ; l'homme les évitera quand il travaillera à son amélioration morale autant qu'à son amélioration intellectuelle.
5. La loi humaine atteint certaines fautes et les punit ; le condamné peut
donc se dire qu'il subit la conséquence de ce qu'il a fait ; mais la loi
n'atteint pas et ne peut atteindre toutes les fautes ; elle frappe plus spécialement
celles qui portent préjudice à la société, et non
celles qui ne nuisent qu'à ceux qui les commettent. Mais
Dieu veut le progrès
de toutes ses créatures ; c'est pourquoi il ne laisse impunie aucune déviation
du droit chemin ; il n'est pas une seule faute, quelque légère qu'elle
soit, pas une seule infraction à sa loi, qui n'ait des conséquences
forcées et inévitables plus ou moins fâcheuses ; d'où
il suit que, dans les petites choses comme dans les grandes, l'homme est toujours
puni par où il a péché. Les souffrances qui en sont la suite
sont pour lui un avertissement qu'il a mal fait ; elles lui donnent l'expérience,
lui font sentir la différence du bien et du mal, et la nécessité
de s'améliorer pour éviter à l'avenir ce qui a été
pour lui une source de chagrins, sans cela il n'aurait aucun motif de s'
amender
; confiant dans l'impunité, il retarderait son avancement, et par conséquent
son bonheur futur.
Mais l'expérience vient quelquefois un peu tard ;
quand la vie a été gaspillée et troublée, que les
forces sont usées et que le mal est sans remède, alors l'homme se
prend à dire : Si au début de la vie j'avais su ce que je sais maintenant,
que de
faux pas j'aurais évités !
Si c'était à
recommencer, je m'y prendrais tout autrement ; mais il n'est plus temps !
Comme l'ouvrier paresseux dit : J'ai perdu ma journée, lui aussi se dit
: J'ai perdu ma vie ; mais de même que pour l'ouvrier le
soleil se lève
le lendemain, et une nouvelle journée commence qui lui permet de réparer
le temps perdu, pour lui aussi, après la nuit de la tombe, luira le
soleil
d'une nouvelle vie dans laquelle il pourra mettre à profit l'expérience
du passé et ses bonnes résolutions pour l'avenir.
Causes antérieures des afflictions
6. Mais s'il est des maux dont l'homme est la première cause dans cette
vie, il en est d'autres auxquels il est, en apparence du moins, complètement
étranger, et qui semblent le
frapper comme par
fatalité. Telle est,
par exemple, la perte d'êtres chéris, et celle des soutiens de famille
; tels sont encore les accidents que nulle prévoyance ne pouvait empêcher
; les revers de fortune qui déjouent toutes les mesures de prudence ; les
fléaux naturels ; puis les infirmités de naissance, celles surtout
qui ôtent à des malheureux les moyens de gagner leur vie par le travail
: les difformités, l'
idiotie, le crétinisme, etc.
Ceux qui naissent dans de pareilles conditions n'ont assurément rien fait
dans cette vie pour mériter un sort si triste, sans compensation, qu'ils
ne pouvaient éviter, qu'ils sont dans l'impuissance de changer par eux-mêmes,
et qui les met à la merci de la
commisération publique. Pourquoi
donc des êtres si disgraciés, tandis qu'à côté,
sous le même toit, dans la même famille, d'autres sont favorisés
sous tous les rapports ?
Que dire enfin de ces
enfants qui meurent en bas âge et n'ont connu de la
vie que les souffrances ? Problèmes qu'aucune philosophie n'a encore pu
résoudre, anomalies qu'aucune
religion n'a pu justifier, et qui seraient
la négation de la bonté, de la justice et de la providence de
Dieu,
dans l'hypothèse que l'
âme est créée an même
temps que le
corps, et que son sort est irrévocablement fixé après
un séjour de quelques instants sur la terre. Qu'ont-elles fait, ces
âmes
qui viennent de sortir des mains du Créateur, pour endurer tant de misères
ici-bas, et mériter dans l'avenir une récompense ou une punition
quelconque, alors qu'elles n'ont pu faire ni bien ni mal ?
Cependant, en vertu de l'axiome que
tout effet a une cause,
ces misères sont des effets qui doivent avoir une cause ; et dès
lors qu'on admet un
Dieu juste, cette cause doit être juste. Or, la cause
précédant toujours l'effet, puisqu'elle n'est pas dans la vie actuelle,
elle doit être antérieure à cette vie, c'est-à-dire
appartenir à une existence précédente. D'un autre côté,
Dieu ne pouvant punir pour le bien qu'on a fait, ni pour le mal qu'on n'a pas
fait, si nous sommes punis, c'est que nous avons fait le mal ; si nous n'avons
pas fait le mal dans cette vie, nous l'avons fait dans une autre. C'est une alternative
à laquelle il est impossible d'échapper, et dans laquelle la logique
dit de quel côté est la justice de
Dieu.
L'homme n'est donc pas toujours puni, ou complètement
puni dans son existence présente, mais il n'échappe jamais aux conséquences
de ses fautes. La prospérité du méchant n'est que momentanée,
et s'il n'
expie aujourd'hui, il expiera demain, tandis que celui qui souffre en
est à l'
expiation de son passé. Le malheur qui, au premier abord,
semble
immérité, a donc sa raison d'être, et celui qui souffre
peut toujours dire : « Pardonnez-moi, Seigneur, parce que j'ai péché.
»
7. Les souffrances pour causes antérieures sont souvent,
comme celles des fautes actuelles, la conséquence naturelle de la faute
commise ; c'est-à-dire que, par une justice distributive rigoureuse, l'homme
endure ce qu'il a fait endurer aux autres ; s'il a été dur et inhumain,
il pourra être à son tour traité durement et avec inhumanité
; s'il a été orgueilleux, il pourra naître dans une condition
humiliante ; s'il a été avare, égoïste, ou s'il a fait
un mauvais usage de sa fortune, il pourra être privé du nécessaire
; s'il a été mauvais fils, il pourra souffrir dans ses
enfants,
etc.
Ainsi s'expliquent, par la pluralité des existences, et par la destination de la terre, comme monde
expiatoire, les anomalies que présente la répartition du bonheur et du malheur entre les bons et les méchants ici-bas. Cette anomalie n'existe en apparence que parce qu'on ne prend son point de
vue que de la vie présente ; mais si l'on s'élève, par la pensée,
de manière à embrasser une série d'existences, on verra qu'il est fait à chacun la part qu'il mérite, sans préjudice de celle qui lui est faite dans le monde des
Esprits, et que la justice de
Dieu n'est jamais interrompue.
L'homme ne doit jamais perdre de
vue qu'il est sur un monde inférieur où il n'est maintenu que par ses imperfections. A chaque vicissitude, il doit se dire que s'il appartenait à un monde plus avancé cela n'arriverait pas, et qu'il dépend de lui de ne plus revenir ici-bas, en travaillant à son amélioration.
8. Les tribulations de la vie peuvent être imposées à des
Esprits endurcis, ou trop
ignorants pour faire un choix en connaissance de cause, mais elles sont librement choisies et acceptées par des
Esprits repentants qui veulent réparer le mal qu'ils ont fait et s'essayer
à mieux faire. Tel est celui qui, ayant mal fait sa tâche, demande
à la recommencer pour ne pas perdre le bénéfice de son travail.
Ces tribulations sont donc à la fois des
expiations pour le passé
qu'elles châtient, et des épreuves pour l'avenir qu'elles préparent.
Rendons grâces à
Dieu qui, dans sa bonté, accorde à l'homme la faculté de la réparation, et ne le condamne pas irrévocablement sur une première faute.
9. Il ne faudrait pas croire cependant que toute souffrance endurée ici-bas soit nécessairement l'indice d'une faute déterminée ; ce sont souvent de simples épreuves choisies par l'
Esprit pour achever son épuration et hâter son avancement. Ainsi l'
expiation sert toujours d'épreuve, mais l'épreuve n'est pas toujours une
expiation ; mais, épreuves ou
expiations, ce sont toujours les signes d'une infériorité relative, car ce qui est parfait n'a plus besoin d'être éprouvé. Un
Esprit peut donc avoir acquis un certain degré d'élévation, mais, voulant avancer encore, il sollicite une mission, une tâche à remplir, dont il sera d'autant plus récompensé, s'il en sort victorieux, que la lutte aura été plus pénible. Telles sont plus spécialement ces personnes aux instincts naturellement bons, à l'
âme élevée, aux nobles sentiments innés qui semblent n'avoir apporté rien de mauvais de leur précédente existence, et qui endurent avec une résignation toute chrétienne les plus grandes douleurs, demandant à
Dieu de les supporter sans murmure. On peut, au contraire, considérer comme
expiations les afflictions qui excitent les murmures et poussent l'homme à la révolte contre
Dieu.
La souffrance qui n'excite pas de murmures peut sans doute être une
expiation, mais c'est l'indice qu'elle a été plutôt choisie volontairement qu'imposée, et la preuve d'une forte résolution, ce qui est un signe de progrès.
10. Les
Esprits ne peuvent aspirer au parfait bonheur que lorsqu'ils sont purs
: toute souillure leur interdit l'entrée des mondes heureux. Tels sont
les passagers d'un navire atteint de la peste, auxquels l'entrée d'une
ville est interdite jusqu'à ce qu'ils se soient purifiés. C'est
dans leurs diverses existences corporelles que les
Esprits se
dépouillent
peu à peu de leurs imperfections. Les épreuves de la vie avancent
quand on les supporte bien ; comme
expiations, elles effacent les fautes et purifient
; c'est le remède qui nettoie la plaie et guérit le malade ; plus
le mal est grave, plus le remède doit être énergique. Celui
donc qui souffre beaucoup doit se dire qu'il avait beaucoup à
expier, et
se réjouir d'être bientôt guéri ; il dépend de
lui, par sa résignation, de rendre cette souffrance profitable, et de n'en
pas perdre le
fruit par ses murmures, sans quoi ce serait à recommencer
pour lui.
Oubli du passé
11. C'est en vain qu'on objecte l'oubli comme un obstacle à ce que l'on
puisse profiter de l'expérience des existences antérieures. Si
Dieu
a jugé à propos de jeter un voile sur le passé, c'est que
cela devait être utile. En effet, ce souvenir aurait des inconvénients
très graves ; il pourrait, dans certains cas, nous humilier étrangement,
ou bien aussi
exalter notre orgueil, et par cela même entraver notre libre
arbitre ; dans tous les cas, il eût apporté un trouble inévitable
dans les relations sociales.
L'
Esprit renaît souvent dans le même milieu
où il a déjà vécu, et se trouve en relation avec les
mêmes personnes, afin de réparer le mal qu'il leur a fait. S'il reconnaissait
en elles celles qu'il a haïes, sa haine se réveillerait peut-être
; et dans tous les cas il serait humilié devant celles qu'il aurait offensées.
Dieu nous a donné, pour nous améliorer,
juste ce qui nous est nécessaire et peut nous suffire : la voix de la conscience
et nos tendances instinctives ; il nous ôte ce qui pourrait nous nuire.
L'homme apporte en naissant ce qu'il a acquis ; il naît ce qu'il s'est fait
; chaque existence est pour lui un nouveau point de départ ; peu lui importe
de savoir ce qu'il a été : il est puni, c'est qu'il a fait le mal
; ses tendances mauvaises actuelles sont l'indice de ce qui reste à corriger
en lui, et c'est là sur quoi il doit concentrer toute son attention, car
de ce dont il s'est complètement corrigé, il ne reste plus de trace.
Les bonnes résolutions qu'il a prises sont la voix de la conscience qui
l'avertit de ce qui est bien ou mal, et lui donne la
force de résister
aux mauvaises tentations.
Du reste, cet oubli n'a lieu que pendant la vie corporelle. Rentré dans
la vie spirituelle, l'
Esprit retrouve le souvenir du passé : ce n'est donc
qu'une interruption momentanée, comme celle qui a lieu dans la vie terrestre
pendant le sommeil, et qui n'empêche pas de se souvenir le lendemain de
ce qu'on a fait la veille et les
jours précédents.
Ce n'est même pas seulement après la mort que l'
Esprit recouvre le
souvenir de son passé ; on peut dire qu'il ne le perd jamais, car l'expérience
prouve que dans l'incarnation, pendant le sommeil du
corps, alors qu'il jouit
d'une certaine
liberté, l'
Esprit a la conscience de ses actes antérieurs
; il sait pourquoi il souffre, et qu'il souffre
justement ; le souvenir ne s'efface
que pendant la vie extérieure de relations. Mais à défaut
d'un souvenir précis qui pourrait lui être pénible et nuire
à ses rapports sociaux, il puise de nouvelles
forces dans ces instants
d'émancipation de l'
âme, s'il a su les mettre à profit.
Motifs de résignation
12. Par ces mots :
Bienheureux les affligés,
car ils seront consolés,
Jésus indique à la fois la compensation
qui attend ceux qui souffrent, et la résignation qui fait bénir
la souffrance comme le prélude de la guérison.
Ces mots peuvent encore être traduits ainsi : Vous devez vous estimer heureux
de souffrir, parce que vos douleurs d'ici-bas sont la dette de vos fautes passées,
et ces douleurs, endurées patiemment sur la terre, vous épargnent
des siècles de souffrance dans la vie future. Vous devez donc être
heureux que
Dieu réduise votre dette en vous permettant de vous acquitter
présentement, ce qui vous assure la tranquillité pour l'avenir.
L'homme qui souffre est semblable à un débiteur qui doit une grosse
somme, et à qui son créancier dit : « Si vous m'en payez aujourd'hui
même la centième partie, je vous tiens quitte de tout le reste, et
vous serez libre ; si vous ne le faites pas, je vous poursuivrai jusqu'à
ce que vous ayez payé la dernière
obole. » Le débiteur
ne serait-il pas heureux d'endurer toutes sortes de privations pour se libérer
en payant seulement le centième de ce qu'il doit ? Au lieu de se plaindre
de son créancier, ne lui dira-t-il pas merci ?
Tel est le sens de ces paroles : « Bienheureux les
affligés, car ils seront consolés ; » ils sont heureux, parce
qu'ils s'acquittent, et qu'après l'acquittement ils seront libres. Mais
si, tout en s'acquittant d'un côté, on s'endette de l'autre, on n'arrivera
jamais à la libération. Or, chaque faute nouvelle augmente la dette,
parce qu'il n'en est pas une seule, quelle qu'elle soit, qui n'entraîne
avec elle sa punition forcée, inévitable ; si ce n'est aujourd'hui,
ce sera demain ; si ce n'est dans cette vie, ce sera dans l'autre. Parmi ces fautes,
il faut placer au premier rang le défaut de soumission à la volonté
de
Dieu ; donc, si dans les afflictions on murmure, si on ne les accepte pas avec
résignation et comme une chose que l'on a dû mériter, si l'on
accuse
Dieu d'injustice, on contracte une nouvelle dette qui fait perdre le bénéfice
que l'on pouvait retirer de la souffrance ; c'est pourquoi il faudra recommencer,
absolument comme si, à un créancier qui vous tourmente, vous payez
des acomptes, tandis qu'à chaque fois vous lui empruntez de nouveau.
A son entrée dans le monde des
Esprits, l'homme est encore comme l'ouvrier
qui se présente au
jour de la paye. Aux uns le maître dira : «
Voici le prix de vos journées de travail » ; à d'autres, aux
heureux de la terre, à ceux qui auront vécu dans l'oisiveté,
qui auront mis leur félicité dans les satisfactions de l'amour-propre
et les joies mondaines, il dira : « A vous il ne revient rien, car vous
avez reçu votre salaire sur la terre. Allez et recommencez votre tâche.
»
13. L'homme peut
adoucir ou accroître l'amertume de ses épreuves
par la manière dont il envisage la vie terrestre. Il souffre d'autant plus
qu'il voit la durée de la souffrance plus longue ; or, celui qui se place
au point de
vue de la vie spirituelle embrasse d'un coup d'il la vie corporelle
; il la voit comme un point dans l'
infini, en comprend la brièveté,
et se dit que ce moment pénible est bien vite passé ; la certitude
d'un avenir prochain plus heureux le soutient et l'encourage, et, au lieu de se
plaindre, il remercie le
ciel des douleurs qui le font avancer. Pour celui, au
contraire, qui ne voit que la vie corporelle, celle-ci lui paraît interminable,
et la douleur pèse sur lui de tout son poids. Le résultat de cette
manière d'envisager la vie est de diminuer l'importance des choses de ce
monde, de porter l'homme à modérer ses désirs, et à
se contenter de sa position sans envier celle des autres, d'atténuer l'impression
morale des revers et des mécomptes qu'il éprouve ; il y puise un calme et une résignation aussi utiles à la santé du
corps qu'à celle de l'
âme, tandis que par l'
envie, la jalousie et l'ambition, il se met volontairement à la torture, et ajoute ainsi aux misères et aux angoisses de sa courte existence.
Le suicide et la folie
14. Le calme et la résignation puisés dans la manière d'envisager la vie terrestre, et dans la foi en l'avenir, donnent à l'
esprit une sérénité qui est le meilleur préservatif contre
la folie et le suicide. En effet, il est certain que la plupart des cas de folie sont
dus à la commotion produite par les vicissitudes que l'homme n'a pas la
force de supporter ; si donc, par la manière dont le spiritisme lui fait envisager les choses de ce monde, il prend avec indifférence, avec joie même, les revers et les déceptions qui l'eussent désespéré en d'autres circonstances, il est évident que cette
force, qui le place au-dessus des événements, préserve sa raison des secousses qui, sans cela, l'eussent ébranlée.
15. Il en est de même du suicide ; si l'on en excepte ceux qui s'accomplissent dans l'ivresse et la folie et qu'on peut appeler inconscients, il est certain que, quels qu'en soient les motifs particuliers, il a toujours pour cause un mécontentement ; or, celui qui est certain de n'être malheureux qu'un
jour et d'être mieux les
jours suivants, prend aisément patience ; il ne se désespère que s'il ne voit pas de terme à ses souffrances. Qu'est-ce donc que la vie humaine par rapport à l'éternité,
sinon bien moins qu'un
jour ? Mais pour celui qui ne croit pas à l'éternité, qui
croit que tout finit en lui avec la vie, s'il est accablé par le chagrin et l'infortune, il n'y voit de terme que dans la mort ; n'espérant rien, il trouve tout naturel, très logique même, d'abréger ses misères par le suicide.
16. L'incrédulité, le simple doute sur l'avenir, les idées matérialistes en un mot, sont les plus grands excitants au suicide : elles donnent la
lâcheté morale. Et quand on voit des hommes de science s'appuyer sur l'autorité de leur savoir pour s'efforcer de prouver à leurs auditeurs ou à leurs lecteurs qu'ils n'ont rien à attendre après la mort, n'est-ce pas les amener à cette conséquence que, s'ils sont malheureux, ils n'ont rien de mieux à faire que de se tuer ? Que pourraient-ils leur dire pour les en détourner ? Quelle compensation peuvent-ils leur offrir ? Quelle espérance peuvent-ils leur donner ? Rien autre chose que le néant. D'où il faut conclure que si le néant est le seul remède héroïque, la seule perspective, mieux vaut y tomber tout de suite que plus tard, et souffrir ainsi moins longtemps.
La propagation des idées matérialistes est donc le poison qui inocule chez un grand nombre la pensée du suicide, et ceux qui s'en font les apôtres assument sur eux une terrible responsabilité. Avec le spiritisme le doute n'étant plus permis, l'aspect de la vie change ; le croyant sait que la vie se prolonge indéfiniment au-delà de la tombe, mais dans de tout autres conditions ; de là la patience et la résignation qui détournent tout naturellement de la pensée du suicide ; de là, en un mot, le
courage moral.
17. Le spiritisme a encore, sous ce rapport, un autre
résultat tout aussi positif, et peut-être plus déterminant. Il nous montre les suicidés eux-mêmes venant rendre compte de leur position malheureuse, et prouver que nul ne viole impunément la loi de
Dieu, qui défend à l'homme d'abréger sa vie. Parmi les suicidés, il en est dont la souffrance, pour n'être que temporaire au lieu d'être éternelle, n'en est pas moins terrible, et de nature à donner à
réfléchir à quiconque serait tenté de partir d'ici avant l'ordre de
Dieu. Le spirite a donc pour contrepoids à la pensée du suicide plusieurs motifs : la
certitude d'une vie future dans laquelle il
sait qu'il sera d'autant plus heureux qu'il aura été plus malheureux et plus résigné sur la terre ; la
certitude qu'en abrégeant sa vie il arrive juste à un résultat tout autre que celui qu'il espérait ; qu'il s'affranchit d'un mal pour en avoir un pire, plus long et plus terrible ; qu'il se trompe s'il croit, en se tuant, aller plus vite au
ciel ; que le suicide est un obstacle à ce qu'il rejoigne dans l'autre monde les objets de ses affections qu'il espérait y retrouver ; d'où la conséquence que le suicide, ne lui donnant que des déceptions, est contre ses propres intérêts. Aussi le nombre des suicides empêchés par le spiritisme est-il considérable, et l'on peut en conclure que lorsque tout le monde sera spirite, il n'y aura plus de suicides conscients. En comparant donc les résultats des doctrines matérialistes et spirites au seul point de
vue du suicide, on trouve que la logique de l'une y conduit, tandis que la logique de l'autre en détourne, ce qui est confirmé par l'expérience.
INSTRUCTIONS DES ESPRITS
Bien et mal souffrir
18. Quand Christ a dit : « Bienheureux les affligés,
le royaume des cieux est à eux, » il n'entendait pas ceux qui souffrent
en général, car tous ceux qui sont ici-bas souffrent, qu'ils soient
sur le trône ou sur la
palle ; mais, hélas ! peu souffrent bien ;
peu comprennent que ce sont les épreuves bien endurées qui seules
peuvent les conduire au royaume de
Dieu. Le découragement est une faute
;
Dieu vous refuse des consolations, parce que vous manquez de courage. La prière
est un soutien pour l'
âme, mais elle ne suffit pas : il faut qu'elle soit
appuyée sur une foi vive en la bonté de
Dieu. Il vous a souvent
été dit qu'il n'envoyait pas un lourd fardeau sur des épaules
faibles ; mais le fardeau est proportionné aux
forces, comme la récompense
sera proportionnée à la résignation et au courage ; la récompense
sera plus magnifique que l'affliction n'est pénible ; mais cette récompense
il faut la mériter, et c'est pour cela que la vie est pleine de tribulations.
Le militaire que l'on n'envoie pas au
feu n'est pas content, parce que le repos
du camp ne lui procure pas d'avancement ; soyez donc comme le militaire, et ne
souhaitez pas un repos dans lequel s'énerverait votre
corps et s'engourdirait
votre
âme. Soyez satisfaits quand
Dieu vous envoie la lutte. Cette lutte,
ce n'est pas le
feu de la bataille, mais les amertumes de la vie, où il
faut quelquefois plus de courage que dans un combat sanglant, car tel qui restera
ferme devant l'
ennemi, fléchira sous l'étreinte d'une peine morale.
L'homme n'a point de récompense pour cette sorte de courage, mais
Dieu
lui réserve des
couronnes et une place glorieuse. Quand il vous arrive
un sujet de peine ou de contrariété, tâchez de prendre le
dessus, et quand vous serez parvenus à maîtriser les élans
de l'impatience, de la colère ou du désespoir, dites-vous avec une
juste satisfaction : « J'ai été le plus fort. »
Bienheureux les affligés, peut donc se traduire
ainsi : Bienheureux ceux qui ont l'occasion de prouver leur foi, leur fermeté,
leur persévérance et leur soumission à la volonté
de
Dieu, car ils auront au centuple la joie qui leur manque sur la terre, et après
le labeur viendra le repos. (Lacordaire, le
Havre, 1863.)
Le mal et le remède
19. Votre terre est-elle donc un lieu de joie, un
paradis de délices ? La voix du prophète ne retentit-elle donc plus
à vos oreilles ? n'a-t-elle point crié qu'il y aurait des pleurs
et des grincements de dents pour ceux qui naîtraient dans cette vallée
de douleurs ? Vous qui venez y vivre, attendez-vous donc aux larmes cuisantes
et aux peines amères, et plus vos douleurs seront aiguës et profondes,
regardez le
ciel et bénissez le Seigneur d'avoir voulu vous éprouver
!... Ô hommes ! vous ne reconnaîtrez donc la puissance de votre maître
que quand il aura guéri les plaies de votre
corps et couronné vos
jours de
béatitude et de joie ! Vous ne reconnaîtrez donc son
amour
que quand il aura paré votre
corps de toutes les gloires, et lui aura rendu
son éclat et sa
blancheur ! Imitez celui qui vous fut donné pour
exemple ; arrivé au dernier degré de l'abjection et de la misère,
il est étendu sur un fumier, et dit à
Dieu : « Seigneur !
j'ai connu toutes les joies de l'opulence, et vous m'avez réduit à
la misère la plus profonde ; merci, merci, mon
Dieu, de vouloir bien éprouver
votre serviteur ! » Jusques à quand vos regards s'arrêteront-ils
aux
horizons marqués par la mort ? Quand votre
âme voudra-t-elle
enfin s'élancer au-delà des limites d'un tombeau ? Mais dussiez-vous
pleurer et souffrir toute une vie, qu'est-ce à côté de l'éternité
de gloire réservée à celui qui aura subi l'épreuve
avec foi,
amour et résignation ? Cherchez donc des consolations à
vos maux dans l'avenir que
Dieu vous prépare, et la cause de vos maux dans
votre passé ; et vous qui souffrez le plus, considérez-vous comme
les bienheureux de la terre.
A l'état de désincarnés, quand vous planiez dans l'espace,
vous avez choisi votre épreuve, parce que vous vous êtes crus assez
forts pour la supporter ; pourquoi murmurer à cette heure ? Vous qui avez
demandé la fortune et la gloire, c'était pour soutenir la lutte
de la tentation et la vaincre. Vous qui avez demandé à lutter d'
esprit
et de
corps contre le mal moral et physique, c'est que vous saviez que plus l'épreuve
serait forte, plus la victoire serait glorieuse, et que si vous en sortiez triomphants,
dût votre chair être jetée sur un fumier, à sa mort
elle laisserait échapper une
âme éclatante de
blancheur et
redevenue pure par le
baptême de l'
expiation et de la souffrance.
Quel remède donc ordonner à ceux qui sont atteints d'obsessions
cruelles et de maux cuisants ? Un seul est infaillible, c'est la foi, c'est le
regard au
ciel. Si, dans l'accès de vos plus cruelles souffrances, votre
voix chante le Seigneur, l'
ange, à votre chevet, de sa main vous montrera
le signe du salut et la place que vous devez occuper un
jour... La foi, c'est
le remède certain de la souffrance ; elle montre toujours les
horizons
de l'
infini devant lesquels s'effacent les quelques
jours sombres du présent.
Ne nous demandez donc plus quel remède il faut employer pour guérir
tel ulcère ou telle plaie, telle tentation ou telle épreuve ; souvenez-vous
que celui qui croit est fort du remède de la foi, et que celui qui doute
une seconde de son efficacité est puni sur l'heure, parce qu'il ressent
à l'instant même les poignantes angoisses de l'affliction.
Le Seigneur a marqué de son sceau tous ceux qui croient en lui. Christ
vous a dit qu'avec la foi on transporte les
montagnes, et moi je vous dis que
celui qui souffre et qui aura la foi pour soutien, sera placé sous son
égide et ne souffrira plus ; les moments des plus fortes douleurs seront
pour lui les premières notes de joie de l'éternité.
Son âme
se détachera tellement de son
corps, que, tandis que celui-ci se tordra
sous les convulsions, elle planera dans les célestes régions en
chantant avec les
anges les hymnes de reconnaissance et de gloire au Seigneur.
Heureux ceux qui souffrent et qui pleurent ! que leurs
âmes soient dans
la joie, car elles seront comblées par
Dieu. (
Saint Augustin,
Paris, 1863.)
Le bonheur n'est pas de ce monde
20. Je ne suis pas heureux ! Le bonheur n'est pas
fait pour moi ! s'écrie généralement l'homme dans toutes
les positions sociales. Ceci, mes chers
enfants, prouve mieux que tous les raisonnements
possibles la vérité de cette maxime de l'Ecclésiaste : «
Le bonheur n'est pas de ce monde. » En effet, ni la fortune, ni le pouvoir,
ni même la
jeunesse florissante, ne sont les conditions essentielles du
bonheur ; je dis plus : ni même la réunion de ces trois conditions
si enviées, puisqu'on entend sans cesse, au milieu des classes les plus
privilégiées, des personnes de tout âge se plaindre amèrement
de leur condition d'être.
Devant un tel résultat, il est inconcevable que les
classes laborieuses et militantes envient avec tant de convoitise la position
de ceux que la fortune semble avoir favorisés. Ici-bas, quoi qu'on fasse,
chacun a sa part de labeur et de misère, son lot de souffrances et de déceptions.
D'où il est facile d'arriver à cette conclusion que la terre est
un lieu d'épreuves et d'
expiations.
Ainsi donc, ceux qui prêchent que la terre est l'unique séjour de
l'homme, et que c'est là seulement, et dans une seule existence, qu'il
lui est permis d'atteindre le plus haut degré des félicités
que sa nature comporte, ceux-là s'abusent et trompent ceux qui les écoutent,
attendu qu'il est démontré, par une expérience archi-séculaire,
que ce globe ne renferme qu'exceptionnellement les conditions nécessaires
au bonheur complet de l'individu.
En thèse générale, on peut affirmer
que le bonheur est une
utopie à la poursuite de laquelle les
générations
s'élancent successivement sans pouvoir jamais y atteindre ; car si l'homme
sage est une rareté ici-bas, l'homme absolument heureux ne s'y rencontre
pas davantage.
Ce en quoi consiste le bonheur sur la terre est une chose
tellement éphémère pour celui que la sagesse ne guide pas,
que pour une année, un mois, une semaine de complète satisfaction,
tout le reste s'écoule dans une suite d'amertumes et de déceptions
; et notez, mes chers
enfants, que je parle ici des heureux de la terre, de ceux
qui sont enviés par les foules.
Conséquemment, si le séjour terrestre est affecté aux épreuves
et à l'
expiation, il faut bien admettre qu'il existe ailleurs des séjours
plus favorisés où l'
Esprit de l'homme, encore emprisonné
dans une chair matérielle, possède dans leur plénitude les
jouissances attachées à la vie humaine. C'est pourquoi
Dieu a semé
dans votre tourbillon ces belles planètes supérieures vers lesquelles
vos efforts et vos tendances vous feront graviter un
jour, quand vous serez suffisamment
purifiés et perfectionnés.
Néanmoins, ne déduisez pas de mes paroles que la terre soit à
jamais vouée à une destination pénitentiaire ; non, certes
! car, des progrès accomplis vous pouvez facilement déduire les
progrès futurs, et des améliorations sociales conquises, de nouvelles
et plus fécondes améliorations. Telle est la tâche immense
que doit accomplir la nouvelle doctrine que les
Esprits vous ont révélée.
Ainsi donc, mes chers
enfants, qu'une sainte émulation vous
anime, et que
chacun d'entre vous
dépouille énergiquement le vieil homme. Vous
vous devez tous à la vulgarisation de ce spiritisme qui a déjà
commencé votre propre régénération. C'est un devoir
de faire participer vos
frères aux rayons de la lumière sacrée.
A l'uvre donc, mes bien chers
enfants ! Que dans cette réunion solennelle
tous vos curs aspirent à ce but grandiose de préparer aux futures
générations un monde où le bonheur ne sera plus un vain mot.
(François-Nicolas-Madeleine,
cardinal Morlot.
Paris, 1863.)
Pertes de personnes aimées. Morts prématurées.
21. Quand la mort vient faucher dans vos familles, emportant sans mesure les jeunes
gens avant les vieillards, vous dites souvent :
Dieu n'est pas juste, puisqu'il
sacrifie ce qui est fort et plein d'avenir, pour conserver ceux qui ont vécu
de longues années pleines de déceptions ; puisqu'il enlève
ceux qui sont utiles, et laisse ceux qui ne servent plus à rien ; puisqu'il
brise le cur d'une mère en la privant de l'innocente créature
qui faisait toute sa joie.
Humains, c'est là que vous avez besoin de vous élever au-dessus
du terre à terre de la vie pour comprendre que le bien est souvent là
où vous croyez voir le mal, la sage prévoyance là où
vous croyez voir l'aveugle
fatalité du
destin. Pourquoi mesurer la justice
divine à la valeur de la vôtre ? Pouvez-vous penser que le maître
des mondes veuille, par un simple caprice, vous infliger des peines cruelles ?
Rien ne se fait sans un but intelligent, et, quoi que ce soit qui arrive, chaque
chose a sa raison d'être. Si vous scrutiez mieux toutes les douleurs qui
vous atteignent, vous y trouveriez toujours la raison divine, raison régénératrice,
et vos misérables intérêts seraient une considération
secondaire que vous rejetteriez au dernier plan.
Croyez-moi, la mort est préférable, pour l'incarnation de vingt
ans, à ces dérèglements honteux qui désolent les familles
honorables, brisent le cur d'une mère, et font, avant le temps,
blanchir
les
cheveux des parents. La mort prématurée est souvent un grand
bienfait que
Dieu accorde à celui qui s'en va, et qui se trouve ainsi préservé
des misères de la vie, ou des séductions qui auraient pu l'entraîner
à sa perte. Celui qui meurt à la
fleur de l'âge n'est point
victime de la
fatalité, mais
Dieu juge qu'il lui est utile de ne pas rester
plus longtemps sur la terre.
C'est un affreux malheur, dites-vous, qu'une vie si pleine d'espérances
soit sitôt brisée ! De quelles espérances voulez-vous parler
? de celles de la terre où celui qui s'en va aurait pu briller, faire son
chemin et sa fortune ? Toujours cette
vue étroite qui ne peut s'élever
au-dessus de la matière. Savez-vous quel aurait été le sort
de cette vie si pleine d'espérances selon vous ? Qui vous dit qu'elle n'eût
pas été
abreuvée d'amertumes ? Vous comptez donc pour rien
les espérances de la vie future, que vous leur préférez celles
de la vie éphémère que vous traînez sur la terre ?
Vous pensez donc qu'il vaut mieux avoir un rang parmi les hommes que parmi les
Esprits bienheureux ?
Réjouissez-vous au lieu de vous plaindre quand il plaît à
Dieu de retirer un de ses
enfants de cette vallée de misères. N'y
a-t-il pas de l'égoïsme à souhaiter qu'il y restât pour
souffrir avec vous ? Ah ! cette douleur se conçoit chez celui qui n'a pas
la foi, et qui voit dans la mort une séparation éternelle ; mais
vous, spirites, vous savez que l'
âme vit mieux débarrassée
de son enveloppe corporelle ; mères, vous savez que vos
enfants bien-aimés
sont près de vous ; oui, ils sont tout près ; leurs
corps fluidiques
vous entourent, leurs pensées vous protègent, votre souvenir les
enivre de joie ; mais aussi vos douleurs déraisonnables les affligent,
parce qu'elles dénotent un manque de foi, et qu'elles sont une révolte
contre la volonté de
Dieu.
Vous qui comprenez la vie spirituelle, écoutez les pulsations de votre
cur en appelant ces chers bien-aimés, et si vous priez
Dieu pour le bénir,
vous sentirez en vous de ces consolations puissantes qui sèchent les larmes,
de ces aspirations prestigieuses qui vous montreront l'avenir promis par le souverain
Maître. (Sanson, anc. membre de la Société spirite de
Paris,
1863.)
Si c'était un homme de bien, il se serait tué
22. Vous dites souvent en parlant d'un mauvais
homme qui échappe à un danger :
Si c'était un homme de
bien, il se serait tué. Eh bien, en disant cela vous êtes dans
le vrai, car effectivement il arrive bien souvent que
Dieu donne à un
Esprit,
jeune encore dans les voies du progrès, une plus longue épreuve
qu'à un bon, qui recevra, en récompense de son mérite, la
faveur que son épreuve soit aussi courte que possible. Ainsi donc, quand
vous vous servez de cet axiome, vous ne vous doutez pas que vous commettez un
blasphème.
S'il meurt un homme de bien, et qu'à côté
de sa maison soit celle d'un méchant, vous vous hâtez de dire :
Il
vaudrait bien mieux que ce fût celui-ci. Vous êtes grandement
dans l'erreur, car celui qui part a fini sa tâche, et celui qui reste ne
l'a peut-être pas commencée. Pourquoi voudriez-vous donc que le méchant
n'eût pas le temps de l'achever, et que l'autre restât attaché
à la glèbe terrestre ? Que diriez-vous d'un prisonnier qui aurait
fini son temps, et qu'on retiendrait en prison tandis qu'on donnerait la
liberté
à celui qui n'y a pas droit ? Sachez donc que la vraie
liberté est
dans l'affranchissement des liens du
corps, et que tant que vous êtes sur
la terre, vous êtes en captivité.
Habituez-vous à ne pas blâmer ce que vous ne pouvez pas comprendre,
et croyez que
Dieu est juste en toutes choses ; souvent ce qui vous paraît
un mal est un bien ; mais vos facultés sont si bornées, que l'ensemble
du grand tout échappe à vos sens obtus. Efforcez-vous de sortir,
par la pensée, de votre étroite
sphère, et à mesure
que vous vous élèverez, l'importance de la vie matérielle
diminuera à vos yeux, car elle ne vous apparaîtra que comme un incident
dans la durée infinie de votre existence spirituelle, la seule véritable
existence. (Fénelon,
Sens, 1861.)
Les tourments volontaires
23. L'homme est incessamment à la poursuite
du bonheur qui lui échappe sans cesse, parce que le bonheur sans mélange
n'existe pas sur la terre. Cependant, malgré les vicissitudes qui forment
le cortège inévitable de cette vie, il pourrait tout au moins jouir
d'un bonheur relatif, mais il le cherche dans les choses périssables et
sujettes aux mêmes vicissitudes, c'est-à-dire dans les jouissances
matérielles, au lieu de le chercher dans les jouissances de l'
âme
qui sont un avant-goût des jouissances célestes impérissables
; au lieu de chercher la
paix du cur, seul bonheur réel ici-bas,
il est avide de tout ce qui peut l'agiter et le troubler ; et, chose singulière,
il semble se créer à dessein des tourments qu'il ne tiendrait qu'à
lui d'éviter.
En est-il de plus grands que ceux que causent l'
envie et
la jalousie ? Pour l'
envieux et le jaloux il n'est point de repos : ils ont perpétuellement la fièvre ; ce qu'ils n'ont pas et ce que d'autres possèdent leur cause des insomnies ; les succès de leurs rivaux leur donnent le vertige ; leur émulation ne s'exerce qu'à éclipser leurs voisins, toute leur joie est d'exciter dans les insensés comme eux la rage de jalousie dont ils sont possédés.
Pauvres insensés, en effet, qui ne
songent pas que demain peut-être il leur faudra quitter tous ces hochets dont la convoitise empoisonne leur vie ! Ce n'est pas à eux que s'applique cette parole : « Bienheureux les affligés, parce qu'ils seront consolés, » car leurs soucis ne sont pas de ceux qui ont leur compensation dans le
ciel.
Que de tourments, au contraire, s'épargne celui qui sait se contenter de ce qu'il a, qui voit sans
envie ce qu'il n'a pas, qui ne cherche pas à paraître plus qu'il n'est. Il est toujours riche, car s'il regarde au-dessous de lui, au lieu de regarder au-dessus, il verra toujours des gens qui ont encore moins ; il est calme, parce qu'il ne se crée pas des besoins chimériques, et le calme au milieu des orages de la vie n'est-il pas du bonheur ? (Fénelon,
Lyon, 1860.)
Le malheur réel
24. Tout le monde parle du malheur, tout le monde l'a ressenti et croit connaître son caractère multiple. Moi, je viens vous dire que presque tout le monde se trompe, et que le malheur réel n'est point du tout ce que les hommes, c'est-à-dire les malheureux, le supposent. Ils le voient dans la misère, dans la cheminée sans
feu, dans le créancier menaçant, dans le berceau vide de l'
ange qui souriait, dans les larmes, dans le cercueil qu'on suit le front découvert et le cur brisé, dans l'angoisse de la trahison, dans le dénuement de l'orgueil qui voudrait se draper dans la
pourpre, et qui cache à peine sa nudité sous les haillons de la
vanité ; tout cela, et bien d'autres choses encore, s'appelle le malheur
dans le langage humain. Oui, c'est le malheur pour ceux qui ne voient que le présent ; mais le vrai malheur est dans les conséquences d'une chose plus que dans la chose elle-même. Dites-moi si l'événement le plus heureux
pour le moment, mais qui a des suites funestes, n'est pas en réalité plus malheureux que celui qui cause d'abord une vive contrariété, et finit par produire du bien. Dites-moi si l'orage qui brise vos
arbres, mais assainit l'
air en dissipant les miasmes insalubres qui eussent causé la mort, n'est pas plutôt un bonheur qu'un malheur.
Pour juger une chose, il faut donc en voir la suite ; c'est ainsi que pour apprécier ce qui est réellement heureux ou malheureux pour l'homme, il faut se transporter au-delà de cette vie, parce que c'est là que les conséquences s'en font sentir ; or, tout ce qu'il appelle malheur selon sa courte
vue, cesse avec la vie, et trouve sa compensation dans la vie future.
Je vais vous révéler le malheur sous une nouvelle forme, sous la forme belle et fleurie que vous accueillez et désirez par toutes les
forces de vos
âmes trompées. Le malheur, c'est la joie, c'est le plaisir, c'est le bruit, c'est la vaine agitation, c'est la folle satisfaction de la vanité qui font taire la conscience, qui compriment l'action de la pensée, qui étourdissent l'homme sur son avenir ; le malheur, c'est l'opium de l'oubli
que vous appelez de tous vos vux.
Espérez, vous qui pleurez ! tremblez, vous qui riez, parce que votre
corps est satisfait ! On ne trompe pas
Dieu ; on n'esquive pas la destinée ; et les épreuves, créancières plus impitoyables que la meute déchaînée par la misère, guettent votre repos trompeur pour vous plonger tout à coup dans l'agonie du vrai malheur, de celui qui
surprend l'
âme amollie par l'indifférence et l'égoïsme.
Que le spiritisme vous éclaire donc et replace dans leur vrai
jour la vérité et l'erreur, si étrangement défigurées par votre aveuglement ! Alors vous agirez comme de braves soldats qui, loin de fuir le danger, préfèrent les luttes des combats hasardeux, à la paix qui ne peut leur donner ni gloire ni avancement. Qu'importe au soldat de perdre dans la bagarre ses armes, ses bagages et ses vêtements, pourvu qu'il en sorte vainqueur et avec gloire ! Qu'importe à celui qui a foi en l'avenir de laisser sur le champ de bataille de la vie sa fortune et son manteau de chair, pourvu que son
âme entre radieuse dans le céleste royaume ? (
Delphine de Girardin,
Paris, 1861.)
La mélancolie
25. Savez-vous pourquoi une vague tristesse s'empare parfois de vos curs et vous fait trouver la vie si amère ? C'est votre
Esprit qui aspire au bonheur et à la
liberté, et qui, rivé au
corps qui lui sert de prison, s'épuise en vains efforts pour en sortir. Mais, en
voyant qu'ils sont inutiles, il tombe dans le découragement, et le
corps subissant son
influence, la
langueur, l'abattement et une sorte d'apathie s'emparent de vous, et vous vous trouvez malheureux.
Croyez-moi, résistez avec énergie à ces impressions qui affaiblissent en vous la volonté. Ces aspirations vers une vie meilleure sont innées dans l'
esprit de tous les hommes, mais ne les cherchez pas ici-bas ; et à présent que
Dieu vous envoie ses
Esprits pour vous instruire du bonheur qu'il vous réserve, attendez patiemment l'
ange de la délivrance
qui doit vous aider à rompre les liens qui tiennent votre
Esprit captif. Songez que vous avez à remplir pendant votre épreuve sur la terre une mission dont vous ne vous doutez pas, soit en vous dévouant à votre famille, soit en remplissant les divers devoirs que
Dieu vous a confiés. Et si, dans le cours de cette épreuve, et en vous acquittant de votre tâche, vous voyez les soucis, les inquiétudes, les chagrins
fondre sur vous, soyez forts et courageux pour les supporter. Bravez-les franchement ; ils sont de courte durée et doivent vous conduire près des amis que vous pleurez, qui se réjouissent de votre arrivée parmi eux, et vous tendront les bras pour vous conduire dans un lieu où n'ont point accès les chagrins de la terre. (
François de Genève.
Bordeaux.)
Epreuves volontaires. Le vrai cilice.
26. Vous demandez s'il est permis d'
adoucir ses propres épreuves ; cette question revient à celle-ci : Est-il permis à celui qui se noie de chercher à se sauver ? à celui qui s'est enfoncé une épine de la retirer ? à celui qui est malade d'appeler le médecin ? Les épreuves ont pour but d'exercer l'intelligence aussi bien que la patience et la résignation ; un homme peut naître dans une position pénible et embarrassée, précisément pour l'obliger à chercher les moyens de vaincre les difficultés. Le mérite consiste à supporter sans murmure les conséquences des maux qu'on ne peut éviter, à persévérer dans la lutte, à ne se point désespérer si l'on ne réussit pas, mais non dans un laisser-aller qui serait de la paresse plus que de la vertu.
Cette question en
amène naturellement une autre. Puisque
Jésus a dit : « Bienheureux les affligés, » y a-t-il du mérite à chercher les afflictions en aggravant ses épreuves par des souffrances volontaires ? A cela je répondrai très nettement : Oui, il y a un grand mérite quand les souffrances et les privations ont pour but le bien du prochain, car c'est de la
charité par le sacrifice ; non, quand elles n'ont pour but que soi-même, car c'est de l'égoïsme par fanatisme.
Il y a ici une grande distinction à faire ; pour vous,
personnellement, contentez-vous des épreuves que
Dieu vous envoie, et n'en
augmentez pas la charge déjà si lourde parfois ; acceptez-les sans
murmure et avec foi, c'est tout ce qu'il vous demande. N'affaiblissez point votre
corps par des privations inutiles et des
macérations sans but, car vous
avez besoin de toutes vos
forces pour accomplir votre mission de travail sur la
terre. Torturer volontairement et martyriser votre
corps, c'est contrevenir à
la loi de
Dieu, qui vous donne le moyen de le soutenir et de le fortifier ; l'affaiblir
sans nécessité, est un véritable suicide. Usez, mais n'abusez
pas : telle est la loi ; l'abus des meilleures choses porte sa punition par ses
conséquences inévitables.
Il en est autrement des souffrances que l'on s'impose pour le soulagement de son prochain. Si vous endurez le froid et la faim pour réchauffer et nourrir celui qui en a besoin, et si votre
corps en pâtit, voilà le sacrifice qui est béni de
Dieu. Vous qui quittez vos boudoirs parfumés pour
aller dans la
mansarde infecte porter la consolation ; vous qui salissez vos mains
délicates en soignant les plaies ; vous qui vous privez de sommeil pour veiller au chevet d'un malade qui n'est que votre
frère en
Dieu ; vous enfin qui usez votre santé dans la pratique des bonnes uvres, voilà votre
cilice, vrai
cilice de bénédiction, car les joies du monde n'ont point desséché votre cur ; vous ne vous êtes point endormis au sein des voluptés énervantes de la fortune, mais vous vous êtes faits les
anges consolateurs des pauvres déshérités.
Mais vous qui vous retirez du monde pour éviter ses séductions et vivre dans l'isolement, de quelle utilité êtes-vous sur la terre ? où est votre courage dans les épreuves, puisque vous fuyez la
lutte et désertez le combat ? Si vous voulez un
cilice, appliquez-le sur votre
âme et non sur votre
corps ; mortifiez votre
Esprit et non votre chair ; fustigez votre orgueil ; recevez les humiliations sans vous plaindre ; meurtrissez votre amour-propre ; raidissez-vous contre la douleur de l'injure et de la calomnie plus poignante que la douleur corporelle. Voilà le vrai
cilice dont les blessures vous seront comptées, parce qu'elles attesteront votre courage et votre soumission à la volonté de
Dieu. (Un
ange gardien,
Paris, 1863.)
27. Doit-on mettre un terme aux épreuves de son prochain quand on le peut, ou faut-il, par respect pour les desseins de Dieu, les laisser suivre leur cours ?
Nous vous avons dit et répété bien souvent que vous êtes sur cette terre d'
expiation pour achever vos épreuves, et que tout ce qui vous arrive est une conséquence de vos existences antérieures, l'intérêt de la dette que vous avez à payer. Mais cette pensée provoque chez certaines personnes des réflexions qu'il est nécessaire d'arrêter, car elles pourraient avoir de funestes conséquences.
Quelques-uns pensent que du moment qu'on est sur la terre
pour
expier, il faut que les épreuves aient leur cours. Il en est même
qui vont jusqu'à croire, que non seulement il ne faut rien faire pour les
atténuer, mais qu'il faut, au contraire, contribuer à les rendre
plus profitables en les rendant plus vives. C'est une grande erreur. Oui, vos
épreuves doivent suivre le cours que
Dieu leur a tracé, mais connaissez-vous ce cours ? Savez-vous jusqu'à quel point elles doivent aller, et si votre Père
miséricordieux n'a pas dit à la souffrance de tel ou
tel de vos
frères : « Tu n'iras pas plus loin ? » Savez-vous si sa providence ne vous a pas choisi, non comme un instrument de supplice pour aggraver les souffrances du coupable, mais comme le baume de consolation qui doit cicatriser les plaies que sa justice avait ouvertes ? Ne dites donc pas, quand vous voyez un de vos
frères frappé : C'est la justice de
Dieu, il faut qu'elle ait son cours ; mais dites-vous, au contraire : Voyons quels moyens notre Père
miséricordieux a mis en mon pouvoir pour
adoucir la souffrance de mon
frère. Voyons si mes consolations morales, mon appui matériel, mes conseils, ne pourront pas l'aider à franchir cette épreuve avec plus de
force, de patience et de résignation. Voyons même si
Dieu n'a pas mis en mes mains le moyen de faire cesser cette souffrance ; s'il ne m'a pas été donné, à moi comme épreuve aussi, comme
expiation peut-être, d'arrêter le mal et de le remplacer par la paix.
Aidez-vous donc toujours dans vos épreuves respectives, et ne vous regardez jamais comme des instruments de torture ; cette pensée doit révolter tout homme de cur, tout spirite surtout ; car le spirite, mieux que tout autre, doit comprendre l'étendue infinie de la bonté de
Dieu. Le spirite doit penser que sa vie entière doit être un acte d'
amour et de dévouement ; que quoi qu'il fasse pour contrecarrer les décisions du Seigneur, sa justice aura son cours. Il peut donc, sans crainte, faire tous ses efforts pour
adoucir l'amertume de l'
expiation, mais c'est
Dieu seul qui peut l'arrêter
ou la prolonger selon qu'il le
juge à propos.
N'y aurait-il pas un bien grand orgueil de la part de l'homme, de se croire le droit de retourner, pour ainsi dire, l'arme dans la plaie ? d'augmenter la dose de poison dans la poitrine de celui qui souffre, sous prétexte que telle est son
expiation ? Oh ! regardez-vous toujours comme un instrument choisi pour la faire cesser. Résumons-nous ici : vous êtes tous sur la terre pour
expier ; mais tous, sans exception, devez faire tous vos efforts pour
adoucir l'
expiation de vos
frères, selon la loi d'
amour et de
charité. (
Bernardin,
Esprit protecteur.
Bordeaux, 1863.)
28. Un homme est à l'agonie, en proie à de cruelles souffrances ; on sait que son état est sans espoir ; est-il permis de lui épargner quelques instants d'angoisse en hâtant sa fin ?
Qui donc vous donnerait le droit de préjuger les desseins de
Dieu ? Ne peut-il conduire un homme au bord de la fosse pour l'en retirer, afin de lui faire faire un retour sur lui-même et de l'amener à d'autres pensées
? A quelque extrémité que soit un moribond, nul ne peut dire avec
certitude que sa dernière heure est venue. La science ne s'est-elle jamais
trompée dans ses prévisions ?
Je sais bien qu'il est des cas que l'on peut regarder avec raison comme désespérés ; mais s'il n'y a aucun espoir fondé d'un retour définitif à la vie et à la santé, n'a-t-on pas d'innombrables exemples qu'au moment de rendre le dernier soupir, le malade se ranime, et recouvre ses facultés pour quelques instants ! Eh bien ! cette heure de grâce qui lui est accordée peut être pour lui de la plus grande importance ; car vous ignorez les réflexions qu'a pu faire son
Esprit dans les convulsions de l'agonie, et quels tourments peut lui épargner un éclair de repentir.
Le matérialiste qui ne voit que le
corps, et ne tient nul compte de l'
âme, ne peut comprendre ces choses-là ; mais le spirite, qui sait ce qui se passe au-delà de la tombe, connaît le prix de la dernière pensée. Adoucissez les dernières souffrances autant qu'il est en vous ; mais gardez-vous d'abréger la vie, ne fût-ce que d'une minute, car cette minute peut épargner bien des larmes dans l'avenir. (
Saint Louis.
Paris, 1860.)
29. Celui qui est dégoûté de la vie, mais ne veut pas se l'ôter, est-il coupable de chercher la mort sur un champ de bataille, avec la pensée de rendre sa mort utile ?
Que l'homme se donne la mort ou qu'il se la fasse donner, le but est toujours d'abréger sa vie, et par conséquent il y a suicide d'intention
sinon de fait. La pensée que sa mort servira à quelque chose est
illusoire ; ce n'est qu'un prétexte pour colorer son action et l'excuser à ses propres yeux ; s'il avait sérieusement le désir de servir son pays, il chercherait à vivre, tout en le défendant, et non à mourir, car une fois mort il ne lui sert plus à rien. Le vrai dévouement consiste à ne pas craindre la mort quand il s'agit d'être utile, à braver le péril, à faire d'avance et sans regret le sacrifice de sa vie si cela est nécessaire ; mais
l'intention préméditée de chercher la mort en s'exposant à un danger, même pour rendre service, annule le mérite de l'action. (
Saint Louis.
Paris, 1860.)
30. Un homme s'expose à un danger imminent pour sauver la vie à un de ses semblables, sachant d'avance que lui-même succombera ; cela peut-il être regardé comme un suicide ?
Du moment que l'intention de chercher la mort n'y est pas, il n'y a pas suicide, mais dévouement et
abnégation, eût-on la certitude de périr. Mais qui peut avoir cette certitude ? Qui dit que la Providence ne réserve pas un moyen inespéré de salut dans le moment le plus critique ? Ne peut-elle sauver celui même qui serait à la bouche d'un canon ? Souvent elle peut vouloir pousser l'épreuve de la résignation jusqu'à sa dernière limite, alors une circonstance inattendue détourne le coup fatal. (Id.)
31. Ceux qui acceptent leurs souffrances avec résignation par soumission à la volonté de Dieu et en vue de leur bonheur futur, ne travaillent-ils que pour eux-mêmes, et peuvent-ils rendre leurs souffrances profitables à d'autres ?
Ces souffrances peuvent être profitables à autrui matériellement et moralement. Matériellement, si, par le travail, les privations et les sacrifices qu'ils s'imposent, ils contribuent au bien-être matériel de leurs proches ; moralement, par l'exemple qu'ils donnent de leur soumission à la volonté de
Dieu. Cet exemple de la puissance de la foi spirite peut exciter des malheureux à la résignation, les sauver du désespoir et de ses funestes conséquences pour l'avenir. (
Saint Louis.
Paris, 1860.)