XXI XL
XXI
On peut distinguer quatre mercures différents, contenus dans notre
chaos. Le premier peut être appelé mercure des
corps, c'est le plus noble et le plus actif de tous, c'est la semence précieuse dont se fait la teinture des philosophes, et sans ce mercure que
Dieu a créé, notre science et toute philosophie, selon le Cosmopolite, sont vaines. Le second est le
bain et le mercure de la nature, le vase des philosophes, l'
eau philosophique, le sperme des métaux dans lequel réside le point séminal. Le troisième est le mercure des philosophes qui se fait des deux précédents. C'est
Diane et le sel des métaux. Le quatrième est le mercure commun non vulgaire, l'
air d'Aristée, ce
feu secret, moyenne substance de l'
eau commune à toutes les minières.
XXII
Dans notre
chaos tiré de la nature et
composé des choses naturelles, ce philosophe remarque un point fixe duquel par dilatation se font toutes choses et puis par concentration toutes choses trouvent leur repos et une fixité permanente. C'est ce qui est arrivé dans le premier
chaos du monde dont le verbe de
Dieu a été la base et comme le point fixe et indivisible
dont toutes les créatures sont sorties et où elles doivent retourner comme à leur centre. Il y a aussi un point fixe dans le
chaos minéral créé par la nature et dans celui que l'art compose.
XXIII
C'est de ce point fixe d'où sont sortis tous les métaux, leur éclat, et une émanation ou écoulement visible de cette lumière qui demeure cachée sous l'écorce de leur
corps terrestre qui fait ombre à la nature, dit le Cosmopolite. Mais il est invisible parce que c'est un pur
esprit engagé dans l'obscure prison des métaux, et que dans un
corps métallique congelé, les
esprits ne paraissent point et
n'opèrent point que le
corps ne soit ouvert.
XXIV
Les semences de toutes choses étaient contenues dans l'ancien
chaos que
Dieu a créé mais elles étaient en confusion, en repos et
sans mouvement et, quoique les contraires fussent ensemble, ils ne se faisaient point la guerre. Les semences métalliques qui sont dans notre
chaos y sont confuses, à la vérité, mais elles sont en paix et attendent les ordres d'un artiste habile qui dise
Fiat Lux et qui, séparant la lumière des ténèbres fasse paraître la profondeur cachée, et développant le point fixe séminal, réduise les semences métalliques de puissance en acte et rende l'invisible visible, dit
Basile Valentin.
XXV
L'ancien
chaos était toutes choses et n'était rien du tout en particulier. Le
chaos métallique produit des mains de la nature contient en soi tous les métaux et n'est point métal. Il contient l'or, l'
argent et le mercure. La nature a commencé ses opérations en lui. La fin a été d'en faire un métal mais elle en a été empêchée en son
corps, comme parfois elle s'arrête en chemin lorsque tâchant de faire un métal parfait, elle en fait un imparfait ; aussi, souvent elle n'en fait point du tout et se contente de nous donner un
chaos.
XXVI
Dans ce
chaos métallique naturel, sont contenus le
ciel et la terre des philosophes, mais ils n'y sont point distingués ni séparés
; le haut y est comme le bas, et le bas comme le haut afin que l'artiste fasse les miracles d'une seule chose, dit
Hermès ; les
éléments se trouvant tous ensemble et confus sans distinction, sans action et sans ordre. Tout y est dans un certain silence et dans certaines ténèbres qui règnent dans le
limbe des sages et qui forment une véritable image de la mort, sans aucune marque de vie et de fécondité ; ce qui n'empêche pas que cette terre
catholique soit animée et qu'elle ait une vie cachée dit
Basile Valentin.
XXVII
Le
chaos général de la nature était un
corps humide, obscur et ténébreux. Le
chaos minéral qui contient les semences métalliques est un
corps opaque, terrestre et ténébreux,
plein de
feu duquel le philosophe, par une dure séparation et purification, tire les matériaux dont il compose un
chaos artificiel duquel il tire toutes choses et même la lumière et les luminaires métalliques ; et d'
iceux, dissous par leur propre menstrue, il fait un autre
composé, séparant toujours la lumière des ténèbres par l'
esprit dissous du
ciel, dit
Basile Valentin. Il accomplit la création philosophique du mercure et de la pierre des sages, dit
Philalèthe.
XXVIII
Le
chaos minéral étant ouvert, le philosophe ayant séparé les
éléments, les ayant purifiés et réunis ensuite en forme d'une
eau visqueuse qui est le
chaos ou
composé philosophique, il a le bonheur de voir naître le
soleil sortant du sein de Thétis, de le
toucher, de le laver, le nourrir, le mener à un âge de maturité. Le sage voit les ténèbres avant la lumière, il en voit après la lumière, il en découvre encore qui sont avec la lumière. Il marie dans cette opération, dit
Philalèthe, le
ciel et la terre et unit les
eaux supérieures aux inférieures.
XXIX
De ce
chaos, qui est notre première matière, le sage sait bien tirer un
esprit visible qui soit néanmoins incompréhensible, dit
Basile Valentin. Cet
esprit est la racine de vie de nos
corps, et le mercure des philosophes duquel on prépare industrieusement la liqueur par notre art, qu'on doit rendre derechef matérielle, la conduire par certains moyens d'un degré
très bas à un degré de souveraine et parfaite médecine. Car, dit cet auteur, d'un
Corps bien lié et solide au commencement, on en fait un
esprit fuyant et de cet
esprit fuyant, à la fin une médecine fixe.
XXX
Le
corps dont nous parlons et dont on tire cet
esprit que
Basile Valentin appelle une
eau d'or sans
corrosion, est si informe qu'il ressemble à un véritable
chaos, un avorton et un ouvrage du hasard. En lui est entée et gravée l'
essence de l'
esprit dont il s'agit, quoique les traits en soient méprisables, ce qui fait que cette matière
catholique est méprisée et payée à vil prix par ceux qui n'en connaissent pas la valeur. Mais si les
ignorants la regardent avec mépris, les sages et les savants l'estiment uniquement et la considèrent comme le berceau et le tombeau de leur roi, dit
Philalèthe.
XXXI
L'
esprit ou mercure des philosophes qui se tire du
corps dont il s'agit, se trouve dans le mercure vulgaire et dans tous les autres métaux. Mais, c'est un égarement de l'y chercher puisqu'il est plus proche et plus facile dans notre sujet où le mercure et le soufre se trouvent avec le
feu et leur poids, et dans lesquels deux
serpents ne s'embrassent que faiblement. Mais on ne peut rien faire sans un
agent capable de
dissoudre et vivifier le
corps, manifester la profondeur cachée, débrouiller le premier
chaos, faire sortir la lumière.
XXXII
Cette lumière sort du
chaos avec le
feu dont elle est revêtue. Ce
feu extrêmement subtil, s'attache à l'
air dont il se nourrit. Cet
air embrasse l'
eau, l'
eau s'unit à la terre et tout cela donne un nouveau
composé, lequel étant corrompu de nouveau dans la seconde opération, l'
eau sort de la terre, l'
air de l'
eau et le
feu ou le soufre des philosophes sort de l'
air. Et ce
feu, qui paraît en forme de terre, étant purifié sept fois devient un être qui a plus de
force que la nature même n'en a. Cet
esprit est l'
air de l'
air d'Aristée, c'est l'
eau, le
feu et la terre du
chaos des vrais philosophes.
XXXIII
Ces quatre natures élémentaires ne sont qu'une même chose tirée du premier
composé où elles étaient dans la confusion. Elles ne sont après cette
extraction, qu'un être tiré des rayons subtils du
soleil et de la
lune, et c'est là le second
composé dont la fécondité dépend des deux principes actifs, à savoir le chaud et l'humide. Ce
composé est appelé
air parce qu'il
est tout volatil et c'est le vrai mercure des sages. C'est un
feu dévorant et le plus actif de tous les
agents. C'est un
air épaissi, dont non seulement tous les métaux mais tous les mercures des métaux sont engendrés.
XXXIV
Cet être unique
composé de quatre substances, de trois ou de deux dont la troisième est cachée, dit
Basile Valentin, est le vrai sceau d'
Hermès du Cosmopolite, les
colombes de
Diane de
Philalèthe. C'est
l'
air qu'il faut pêcher, selon Aristée, qu'il faut ensuite
cuire, dit le Cosmopolite. C'est une seule
essence qui accomplit d'elle-même le grand uvre par l'aide du
feu gradué qui en est la nourriture et un
composé qui tient le milieu entre le métal et le mercure, dit
Philalèthe. C'est l'
enfant philosophique, né de l'accouplement du mâle et de la
femelle vive, qui doit être nourri d'un lait propre.
XXXV
Cet
enfant des philosophes est au commencement plein de flegme dont il doit être purifié, comme dit Flamel, après la tombe. Il doit être ramené sept diverses fois à sa mère qui est la
lune blanche, dit
Hermès. Il doit être lavé, nourri et allaité du lait de ses mamelles et recevoir son accroissement et sa
force par les
imbibitions, dit Flamel, et perfectionné par les
aigles volantes de
Philalèthe. Ces
aigles,
comme il dit lui-même, se font par la sublimation et par l'addition du véritable soufre qui aiguise cet
enfant d'un degré de vertu à chaque sublimation.
XXXVI
Cette sublimation philosophique renferme toutes les opérations des sages et cette sublimation, dans le sentiment de
Geber, d'Artéphius, de Flamel et de
Philalèthe, n'est autre chose que l'
exaltation ou la dignification d'une substance, ce qui se fait lorsque d'un état vif et abject, elle est élevée à l'état d'une plus haute perfection. Ce qui n'empêche pas qu'on ne reconnaisse en notre mercure, un mouvement d'ascension dans le premier ouvrage, qui est la préparation du mercure, en quoi gît toute la difficulté ; le reste étant un
jeu d'
enfant et uvre de femme.
XXXVII
La sublimation est, selon
Geber, l'élévation d'une chose sèche avec adhérence au vaisseau, par le moyen du
feu. Peu de gens ont compris cette définition, parce qu'il faut connaître la chose sèche, le vaisseau et le
feu. L'auteur du commentaire des vers italiens du
franciscain Marc Antonio Chinoi, paraît embarrassé sur ce sujet. Voici quel est le vrai sentiment de tout vrai philosophe : la chose sèche est notre
aimant,
qui attire naturellement son vaisseau qui est l'humide. Car le sec attire l'humide et l'humide tempère le sec et s'unit à lui par le moyen du
feu qui participe de la nature de l'un et de l'autre.
XXXVIII
Le vase et la chose sèche s'embrassent avec adhérence, parce que nature embrasse nature, comme il est dit dans la « Tourbe » et chez
Artéphius et parce que le vaisseau tient lieu de
femelle et la chose sèche
lieu de mâle. L'un est le
soleil et l'autre est la
lune. L'un est l'or vif des sages et l'
argent-vif des sages qui sont unis par le
feu qui leur est propre, qui est de leur nature et qui est tiré d'ailleurs que de notre matière. Ce
feu, ce vase et cette chose sèche sont trois et ne sont qu'un. Ils sont tous trois mercure, soufre et sel et sont tous trois dans un même sujet
métallique.
XXXIX
Ce sel, ce soufre, ce mercure qui sont le
corps, l'
âme et l'
esprit, sortent tous les trois du
chaos où ils étaient en confusion ou plutôt de la mer des philosophes. C'est là le trident de
Neptune, qui ne sortirait pourtant point de ses profondes abysses, si Eole ne faisait, par ses vents, exciter des tempêtes sur la mer. C'est par le moyen de ces vents mercuriels, sulfureux et salins qu'on émeut la mer des philosophes jusque dans le centre, et
qu'enfin, après que les parties sont d'accord, on marie Eole à la belle Cyané.
XL
Neptune n'est pas plutôt sorti du centre de la mer, qu'il apaise tous les vents et fait un calme général avec son trident, et puis rentre dans ces abîmes humides. C'est ce que Flamel a voulu dire dans sa sixième figure, où il dit que notre pierre est si triomphante en
siccité que d'abord, dès que le mercure la touche, nature s'éjouissant de sa nature se joint à elle et attire son humide pour le
joindre à soi par l'
apposition du lait virginal dont il parle dans la quatrième figure.