55.
Objets mensongers, puissances
illusoires, puissances destructives, en vain vous réunirez vos
efforts contre le nouvel homme ; sa pensée croîtra malgré
vous : sa
vertu ne sera point sujette à décliner,
et à se détruire, comme celle de tous les êtres
composés ; elle suivra la ligne de l'
infini. C'est quand notre
pensée est descendue par le crime, qu'elle a rencontré
des bornes. C'est là où la ligne de l'
infini s'est trouvée
rompue. Heureuses bornes dans notre infortune ! Heureuse rupture !
Amour,
c'est par là que tu as abrégé notre séjour
dans l'abîme. Toutes les régions de l'univers ne sont-elles pas
contiguës ? L'
arbre qui a le pied caché dans la terre, participe,
par ses rameaux, à toutes les actions de l'atmosphère.
La pensée de l'homme enseveli dans les ténèbres
de son
corps, pourquoi ne participerait-elle pas à toutes les
actions de son atmosphère céleste ?
Tristes rejetons de la postérité
humaine, vous êtes tous solidaires. Les douleurs de vos
frères
ne sauraient vous être étrangères. S'ils sont dans
l'atmosphère corrompue, leurs
influences doivent se communiquer
jusqu'à votre demeure ; et vous avez alors la double tâche de
vous défendre de la corruption, et de poursuivre votre croissance.
Où sont-ils ceux qui, du sein même
de leur prison, ont obtenu de pouvoir purifier l'atmosphère,
et rendre la santé à leurs
frères ? Où sont
ceux qui ont les yeux ouverts sur l'abîme, et que la prière y
plonge pour en arracher les malheureux ?
Consolez-vous hommes de paix, vous n'êtes
pas non plus séparés de ceux de vos
frères qui
habitent une atmosphère pure ; la mort ne sépare que le
méchant ; c'est à lui d'attendre que l'on vienne lui apporter
des secours ; parce qu'en lui ôtant son enveloppe de mensonge, on lui
a ôté ce qui était tout pour lui. Souvenez-vous de la
parabole du mauvais riche ; il aurait désiré que Lazare
eût pu seulement tremper son doigt dans ses abîmes, pour en tempérer
l'ardeur dévorante, et cette consolation lui est refusée.
Mais l'homme juste n'est jamais un instant sans que le doigt de
Dieu
ne se trempe dans son atmosphère ; aussi, tel que l'épi
au milieu du champ il voit sans sourciller la
faux du moissonneur tout
renverser autour de lui, et s'approcher pour le renverser à son
tour ; il sait qu'en quittant cette terre il entre dans l'atmosphère
de la pureté, et que là, des yeux plus perçants encore
que ceux de l'
impie, le visiteront avec vigilance pour le préserver,
et l'aider à son insu.
L'
enfant au berceau ne connaît pas la main qui
le soigne, le sein qui l'allaite. Malgré sa faiblesse et son
ignorance, il n'est point abandonné, il ne manque de rien. Pourrions-nous
être plus abandonnés que lui ? Il ne repousse point la
main qui le soigne, ni le sein qui l'allaite ; nous n'avons pas besoin
d'une autre science que la sienne. Voilà pourquoi il est écrit
: "Si vous devenez comme de petits
enfants, vous n'entrerez point dans
le royaume des cieux ; quiconque s'humiliera et se rendra petit comme
cet
enfant, sera le plus grand dans le royaume des cieux, et quiconque
reçoit en mon nom un
enfant tel que je viens de dire, c'est moi-même
qu'il reçoit."
C'est pour cela que le nouvel homme plonge sans
cesse dans son humilité profonde, dira avec David (Psaume 43:16)
: "J'ai devant les yeux ma confusion tout le
jour, et la honte qui paraît
sur mon visage me couvre entièrement... Notre
âme est humiliée
jusqu'à la poussière, et notre ventre est comme collé
à la terre. Levez-vous, Seigneur, secourez-nous, et rachetez-nous
pour la gloire de votre nom."
Il lui dira dans sa sainte confiance : "Seigneur,
ne permettez pas que vos
ennemis nous traitent comme ils ont traité
autrefois la ville de
Sion ; cette ville qu'ils appelaient la répudiée,
et dont ils disaient : Est-ce là cette
Sion qui n'a plus personne
qui la recherche ?" (
Jérémie 30:17).
Vous disiez au peuple choisi : "Mais un
jour tous
ceux qui vous dévorent seront dévorés ; tous vos
ennemis seront emmenés captifs, ceux qui vous détruisent
seront détruits ; et j'abandonnerai au pillage tous ceux qui
vous pillent". Si vous avez promis de traiter favorablement votre peuple
et son temple qui n'étaient à vos yeux qu'un peuple temporel,
et qu'un temple figuratif ; si vous avez promis
de faire revenir
les captifs qui habitaient dans les tentes de Jacob, et d'avoir compassion
de ses maisons ; si vous avez dit :
la ville sera rebâtie sur
sa montagne et le temple sera fondé de nouveau comme il était
auparavant, quel espoir ne doit donc point avoir l'
âme de l'homme
qui est votre véritable peuple et votre véritable temple
?... Aussi j'attendrai sans inquiétude, et rempli de foi comme
David (Ps. 44:4)
que, vous qui êtes le très puissant,
vous ceigniez votre épée sur votre cuisse, que vous vous
signaliez par votre gloire et votre majesté.
Il lui dira : Je ne doute point que vous ne mettiez
en consécration l'opération et les uvres de mes
mains, et que mes mains ne deviennent comme gonflées par l'abondance
de la justice, et par le zèle de votre service ; je ne doute
point que vous ne mettiez en consécration l'opération
intérieure de mon désir et de mon
amour, et qu'ils ne
deviennent semblables à votre désir et à votre
amour. Je ne doute point que vous ne mettiez en consécration
mon intelligence, et ma
conception, et que vous ne les rendiez propres
à recevoir dans leur pureté les vifs rayons de votre lumière,
et de votre vérité, parce que vous avez fait l'
âme de
l'homme pour être votre voie et votre organe ; et que toute souillée,
et tout impure qu'elle puisse être, vous ne dédaignez pas
de vous plonger dans ses souillures pour la purifier, et afin qu'après
avoir passé en elle dans votre humiliation et votre souffrance,
vous y passiez dans votre joie et dans votre gloire.
Et vous, hommes aveugles, hommes égarés,
s'il vous restait le moindre vestige de sentiment sur la nature de votre
être et sur sa destination, ne verseriez-vous pas des larmes de
sang sur vos insensibilités passées ? Ne seriez-vous pas
tourmentés de la honte d'avoir accumulé dans la voie du
Seigneur tant de décombres et tant de puissants obstacles, et
ne seriez-vous pas pressés du désir d'épargner
au Seigneur ces terribles et violentes épreuves auxquelles vous
avez exposé son
amour ?
Voilà ces puissances
illusoires, ces puissances
destructives dont le nouvel homme s'est séparé, et dont
vous devez vous séparer comme lui, si vous voulez comme lui,
devenir les serviteurs et les amis du Seigneur, au lieu de devenir ses
adversaires. Prêtez-vous à l'action divine ; elle ne vous
demande que de ne pas vous opposer à elle, et pour ce simple
abandon de votre part, elle va se livrer à vous tout entière,
et laisser en vous des témoignages vivants de son zèle.
Elle va s'étendre dans tous les canaux de votre être, et
se mouvoir dans votre
esprit, comme la nature se meut dans votre être
passager et sensible.
C'est ce mouvement de l'action divine qui a préparé
la naissance du nouvel homme, et c'est aussi ce mouvement de 1'action
divine qui l'a opérée ; puisqu'il n'y a rien dans l'ordre
des choses de l'
esprit où le mouvement de l'action divine ne
doive présider. Cette naissance du nouvel homme a été
pour lui, comme
ce jour qu'Abraham désira voir avec ardeur,
qu'il eut le bonheur de voir, et dont il se réjouit (Jean
8:56), et c'est là aussi ce que signifiait cette parole du Réparateur
à ses
disciples (
Luc 10:24).
Je vous déclare que beaucoup
de prophètes et de rois ont souhaité voir ce que vous
voyez et ne l'on point vu, et entendre ce que vous entendez et ne l'ont
point entendu. Car de même que, nul ne connaît qui est le fils
que le père ; ni qui est le père que le fils ; de
même, nul ne connaît qui est le nouvel homme que l'action divine,
ni qui est l'action divine que le nouvel homme,
ou celui à
qui il a donné le pouvoir de le révéler.
En effet, cette action divine et le nouvel homme
sont unis par les liens les plus indissolubles ; il ne peut rien sans
elle, puisqu'elle est la plénitude universelle, mais elle ne
peut rien sans lui puisqu'il est son
agent de prédilection ;
c'est pourquoi il peut dire :
Mon père m'a remis toutes choses
entre les mains. Mais s'il se réjouit de ce que son père
lui a mis toutes choses entre les mains, c'est moins
parce que
tous les esprits lui sont soumis par là, que parce que son nom
est écrit dans le livre de vie. C'est parce que quiconque
l'écoutera, écoutera son père ; c'est parce que
telle est l'ardeur de son zèle pour la gloire de son père
céleste, qu'il n'aperçoit aucune perspective plus consolante
que celle de manifester les merveilles de ce père céleste
qui l'a engendré et qui l'engendre continuellement. Aussi au
seul éclat de la lumière dont brille ce nouvel homme,
la mort et le néant s'enfuiront dans leurs ténèbres.
C'est alors qu'il
expliquera le nom du Seigneur
en faisant éclater les merveilles. Car, ces merveilles se sont
concentrées dans le nom du Seigneur depuis le moment fatal où
s'est opérée la concentration universelle ; mais le nom
du Seigneur ainsi concentré a été remis entre les
mains du nouvel homme afin qu'il l'ouvrît, qu'il en répandît
ses parfums dans les régions préparées à
les recevoir, et que par le développement de ce nom il détruisît
les barrières du crime, pour y substituer l'ordre, la mesure,
et la perfection.
Ce nouvel homme a aussi le pouvoir
d'expliquer
le nom du Réparateur puisqu'il ne peut
expliquer le nom
du père sans
expliquer le nom du fils ; aussi en ouvrant
ce nom il versera les consolations dans tout son être et dans
sa propre terre, comme ce nom a versé les consolations dans la
terre universelle.
Le nouvel homme
expliquera aussi le nom
de l'
esprit, puisqu'il ne peut
expliquer le nom du père,
et le nom du Réparateur sans
expliquer le nom de celui
qui est leur véritable et essentielle opération ; et c'est
par
l'explication de ce triple nom qu'il se rendra le fidèle
serviteur du Seigneur, parce qu'il ne s'appliquera jamais à
l'explication
active de ce triple nom, sans être saisi d'une sainte frayeur
que les canaux de son être ne soient pas assez purifiés
pour que la vérité passe en lui sans y éprouver
de la gêne et de la douleur.
56.
Voici le tableau des degrés par lesquels
le nouvel homme peut monter sur le trône de la gloire ; son être
corporel est maintenu en activité et en
harmonie par les
éléments,
les
éléments sont opérés par leurs puissances,
leurs puissances sont dirigées par les
esprits des régions,
les
esprits des régions sont excités à leur uvre
par l'
âme sensible et désirante du nouvel homme, son
âme sensible
et désirante est activée par l'
esprit saint. Là,
l'
âme divine du nouvel homme reçoit une pétulante impulsion qui
est l'aiguillon de
feu et de vérité ; de là elle
arrive au respect et à l'
amour du fils, d'où elle s'élève
à la sainte terreur du père qui la tient tout entière
dans la sagesse, le zèle, et la vigilante opération, jusqu'à
ce qu'elle soit réintégrée dans l'unité
non subdivisée, où elle ne connaîtra que l'
amour qui est
le caractère essentiel et universel de celui qui est
Dieu.
Le nouvel homme ne monte ces degrés que
dans un tremblement continuel, parce qu'il sait que le
feu de l'
esprit
peut s'enflammer jusqu'à nos mauvaises substances, et que par
conséquent rien n'est comparable aux précautions que nous
devons prendre pour ne pas faire entrer
Dieu en nous, sans avoir mis
hors de nous toutes ces substances fausses et susceptibles de s'enflammer
pour notre
destruction, au lieu de s'enflammer pour notre véritable
perfectionnement. D'ailleurs s'il n'en résulte pas toujours un
si funeste embrasement, il en peut résulter au moins un terrible
danger ; celui de ne pas recevoir l'action de l'
esprit en nous dans
son abondance et dans sa plénitude.
Si vous voulez être
parfait, disait le Réparateur au jeune homme de l'
Evangile,
allez, vendez ce que vous avez, et le donnez aux pauvres, et vous
aurez un trésor dans le ciel, puis venez et me suivez.
Ces mots tombent en effet sur toutes les substances
étrangères à notre être que nous devons vendre
si nous voulons être parfaits, c'est-à-dire, si nous voulons
que l'
esprit circule en nous dans sa plénitude et dans sa parfaite
abondance ; et alors sans sortir même de ce monde nous avons un
trésor dans les cieux, ou plutôt les cieux apportent eux-mêmes
leurs trésors en nous, et nous font part de leurs vivantes richesses,
en nous faisant éprouver continuellement leur stimulante activité.
Heureux celui qui mangera du pain dans le royaume
de Dieu ! disait un de ceux qui se trouvaient un
jour à table
avec le Réparateur (
Luc 14:15). Mais que lui dit le Réparateur
pour lui montrer combien peu d'hommes savaient non seulement chercher
l'
esprit dans sa plénitude, mais même le laisser entrer
en eux quand il se présentait, et vendre ce qu'ils avaient pour
lui faire place ? Il lui rapporte la parabole du festin et du grand
souper auquel un homme avait invité plusieurs personnes ; il
lui rapporte comment toutes ces personnes s'excusèrent sous divers
prétextes, l'un pour une maison qu'il vient d'acheter, l'autre
pour une femme qu'il vient d'
épouser, etc. Il lui rapporte comment
il dit à son serviteur de faire entrer alors les pauvres, les
estropiés, les aveugles, et même tous ceux qu'il rencontrera
dans les chemins et le long des haies, parce qu'il veut que sa maison
soit pleine.
Il va même une autre fois jusqu'à
louer l'industrie des
enfants des hommes à la honte des
enfants
de lumière qui ne savent pas, comme eux, mettre leurs richesses
à profit, et s'en faire des amis pour les temps de détresse.
Car si cet économe était coupable par ses injustices,
il était remarquable par son adresse, et par son industrie ;
et c'était là tout ce que le Réparateur cherchait
à réveiller dans l'
esprit des hommes, afin qu'après
avoir fait usage des dons qui étaient à leur
disposition,
il leur en fût confié de plus considérables.
Il nous donnait même par là une instruction
lumineuse sur la conduite que l'
ennemi tient généralement
envers tous les hommes ; il s'est rendu l'économe de nos facultés,
et au lieu de diriger son administration au profit et à l'utilité
du maître, il ne songe qu'à la sienne propre. Lors donc qu'il
prévoit que le maître va lui faire rendre ses comptes et le chasser
de son poste, il cherche à se ménager des personnes qui
le reçoivent chez elles. Il fait venir chacun des
débiteurs
qui sont en nous, il dit au premier : "Combien devez-vous au maître
? Cent barils d'
huile ? Reprenez votre obligation, asseyez-vous là,
et faites-en vivement une de cinquante". Il dit à un autre :
"Combien devez-vous ? Cent mesures de
froment ? Reprenez votre obligation,
et faites-en une de quatre-vingts".
C'est ainsi que cet industrieux
ennemi se conduit
avec nous, cherchant à diminuer nos dettes à nos propres
yeux, à diminuer notre confiance par des bienfaits injustes,
et par une criminelle
indulgence, et à nous lier à lui
par notre faiblesse, et par l'art avec lequel il a soin d'atténuer
nos obligations. Mais si la justice est imprescriptible, ni lui, ni
nous ne pourrons jamais frauder les droits du maître, et d'après
les paroles de ce maître,
il est plus aisé que le ciel et
la terre passent, que non pas qu'une seule lettre de la loi manque d'avoir
son effet (
Luc 16:17).
Aussi on nous dira :
Malheur à vous,
Pharisiens, qui ressemblez à des sépulcres qui ne paraissent
point, et que les hommes qui marchent dessus ne connaissent point.
Parce que si nous écoutons l'
ennemi, il aura soin de nous faire
tenir net le dehors de la coupe et du plat, tandis que le dedans de
nos
cœurs sera plein de rapine et d'
iniquité.
On nous dira :
Malheur à vous, docteurs
de la loi, qui chargez les hommes de fardeaux insupportables, et qui
ne voudriez pas les avoir touchés du bout du doigt. Parce
que plus mauvais que ce serviteur à qui le maître avait remis
sa dette, et qui sortant de là, étrangle son débiteur
pour s'en faire payer, nous aurons eu l'injustice de nous payer nous-mêmes
de ce qui ne nous était pas dû, et que nous n'aurons point payé
ce que nous devions.
On nous dira :
Malheur à vous qui bâtissez
des tombeaux aux prophètes, et ce sont vos pères qui les
ont tués ; ainsi vous témoignez assez que vous consentez
à ce qu'ont fait vos pères, puisqu'ils ont tué
les prophètes, et que vous leur bâtissez des tombeaux. Parce
que nous aurons servi nous-mêmes de tombeaux à ces prophètes,
étouffant la voix qu'ils ne cessent de nous faire entendre, et
que même nous leur aurons servi d'assassins et de meurtriers.
On nous dira :
Malheur à vous qui vous
êtes saisis de la clef de la science, et qui n'y étant
point entrés vous-mêmes, l'avez encore fermée à
ceux qui voulaient y entrer. Parce que, semblables aux
faux docteurs,
nous aurons couru par mer et par terre pour chercher en nous des approbateurs,
sous prétexte d'y chercher des prosélytes, et que quand
nous les aurons trouvés, nous les rendrons cent fois plus coupables
qu'auparavant ; et parce que non seulement nous ne serons point entrés
avec eux dans l'
esprit de vérité, mais encore nous l'aurons
empêché d'entrer en nous, malgré toutes les sollicitations
que nous ne cessons d'en recevoir de sa part.
Nouvel homme, nouvel homme, viens dissiper ces
sombres nuages ; nous t'avons vu tout à l'heure expliquer le
nom du père, expliquer le nom du fils, expliquer le nom de l'
esprit,
c'est-à-dire, développer activement toutes les merveilles
renfermées dans ces riches trésors. Pour quelle raison
nous as-tu expliqué ou développé tous ces trésors
? C'est que ces trésors se sont eux-mêmes expliqués
ou développés sur toi, c'est qu'ils ont fait briller sur
ta tête le signe éclatant de leur lumière, et qu'ils
ont embrasé de leur
feu tout ton être ; c'est qu'ils ont
expliqué et développé le
germe sacré qui
te constitue, et qu'ils ont rendu la voix à cette pierre fondamentale
qui est en toi, et sur laquelle l'éternel
Dieu des êtres
a promis de fonder son
église ; c'est qu'ils ont rendu la voix
à tout ce qui te compose, afin que tout ce qui te compose pût
célébrer la gloire du Seigneur, à l'image de la
créature universelle qui dans chacun de ses mouvements, à
chacun des actes de son existence, manifeste la puissance et la glorieuse
domination de l'éternel souverain des êtres.
Qui est-ce qui pourrait soutenir la
vue de la majesté
de l'homme, s'il se montrait ainsi expliqué et développé
par l'active
influence des puissants trésors dont il est né
pour être la fidèle expression, et dont il est sans cesse
environné ! Qui est-ce qui pourrait soutenir l'éclat de
la majesté de
Dieu qui serait en lui, et qui le rendrait comme
une parole universelle se promenant perpétuellement depuis l'orient
jusqu'à l'occident, et depuis l'occident jusqu'à l'orient,
afin que tout soit plein du nom du Seigneur, et que tous les sentiers
de la vie et de la justice soient sans cesse éclairés
de la lumière et de la vérité, dans la crainte
que ceux qui s'y présenteraient pour y marcher ne fussent exposés
aux pièges et aux embûches de l'
ennemi qui ne tend qu'à
retarder les pas de l'armée d'Israël vers la cité sainte
?
N'oublions plus que telle est la tâche de la postérité
humaine, et que c'est pour cela que le nouvel homme s'appelle aussi
fils de
Dieu. Car, il a fallu pour qu'il devînt un nouvel homme que
les puissances suprêmes se rassemblassent, se concentrassent dans
leur
force et dans leur unité, et qu'elles se résolussent
à prononcer hautement leur nom sur lui.
Oui, Seigneur, c'est en prononçant votre nom sur
l'homme de désir que vous renouvelez tout son être, et
c'est en prononçant votre nom sur lui que vous le rendez à nouveau
votre image, votre ressemblance, et votre propriété, comme
ces substances sur lesquelles nous apposons nos sceaux et nos signes
pour faire connaître celui à qui elles appartiennent ; l'homme
ne devient ainsi votre image et votre ressemblance que parce qu'en prononçant
votre nom sur lui, vous rassemblez aussi son propre nom dans son
essence
et dans son unité, et qu'ainsi vous le rendez susceptible d'opérer
dans son enceinte la manifestation des merveilles que vous opérez
dans l'universalité de tous les règnes et de toutes les
régions.
Aussi ne soyons pas étonnés que ce
nouvel homme ne permette plus un seul mouvement à sa volonté,
puisqu'il est la pensée du Seigneur, et qu'il ne se croit pas
le droit de disposer de la pensée du Seigneur.
Ne soyons pas étonnés que l'illusion
et les ténèbres n'aient aucun accès près
de lui puisqu'il a toujours à leur répondre : "Je suis
une pensée du Seigneur, je ne puis vous écouter, je ne
puis me livrer à vous, puisque j'appartiens à celui dont
je suis la pensée, et que si je disposais de moi je ne serais
plus sa pensée et que par conséquent, je ne serais plus
rien".
Ne soyons pas étonnés non plus que
tout son être, non seulement devienne brillant et lumineux comme
les astres du
firmament, mais même qu'il soit tout plein d'yeux
comme les roues d'
Ezéchiel, puisqu'il doit surveiller tout ce
qui l'approche avec de mauvais desseins, et éclairer tout ce
qui vient près de lui avec la soif de la lumière.
Ne soyons point étonnés, dis-je,
qu'il ait un il sur chacun de ses yeux, sur chacune de ses oreilles,
sur chacune de ses mains, sur chacun de ses pieds, sur son
cœur, et
sur sa langue ; car c'est le signe de son activité, de sa vigilance,
et de sa pénétration ; c'est enfin là le sel qu'il
doit selon la loi de Moïse, répandre et mêler à
tous ses sacrifices.
57.
Le moment s'avance où le salut des nations
va faire son entrée dans Jérusalem. Déjà
il est à
Jéricho où le
publicain Zachée
va, pour remédier à sa petitesse, s'élever sur
un sycomore afin de pouvoir contempler celui dont il attend tout ; déjà
l'
esprit du nouvel homme a pénétré tous les
publicains
qui sont en lui, ils ne se bornent point à une foi inactive et
morte, mais ils descendent promptement de dessus leur
arbre, et reçoivent
avec joie ce nouvel homme qui leur demande à loger chez eux ;
leur foi fait éclater en eux d'autres vertus, et ils disent au
nouvel homme :
Nous allons donner la moitié de notre bien
aux pauvres, et si nous avons fait tort à quelqu'un en quoi que
ce soit, nous lui en rendrons quatre fois autant. C'est ce qui leur
mérite de la part du nouvel homme ces douces paroles :
Cette
maison a reçu aujourd'hui le salut, parce que celui-ci est aussi d'Abraham
; car le fils de l'homme est venu pour chercher, et pour sauver ce qui
était perdu. Puis s'entretenant avec eux, le nouvel homme
leur rapporte la parabole des dix talents, et leur en enseigne le vrai
sens.
Il leur apprend que si l'
âme de l'homme est dépositaire
des sept puissances sacramentelles qui sont les canaux de la vie de
l'
esprit, elle l'est aussi des dix sources de cette même vie spirituelle
qui ne peut couler dans ces canaux de l'
esprit qu'après être
sortie de la fontaine éternelle à laquelle l'
âme de l'homme
est unie par une alliance indissoluble.
Il leur enseigne que ces dix sources avaient été
fermées pour nous par le crime, et que nous ne pouvions être
régénérés, qu'autant que nous en avions
recouvré la jouissance ; que les
marcs d'argent que le
maître avait distribués à ses serviteurs, étaient
pour les aider à faire rouvrir, pour eux, ces sources salutaires
et indispensables à notre existence.
Il leur enseigne que chacun reçoit en raison du
soin qu'il met à faire valoir ce talent, mais que celui-là
seul a atteint le véritable but qui est parvenu à faire
rouvrir pour lui ces dix sources, parce que ce n'est que par là
qu'il est redevenu l'image, et la ressemblance parfaite de ce modèle
parfait qui nous a formés pour le représenter.
Il leur montre que pour être coupable, il
n'est pas besoin de laisser perdre ce talent, de le dissiper, ou de
le prostituer ; mais que même celui qui le laisse enfouir offense
l'
esprit, puisqu'il semble croire que l'
esprit n'est pas actif, fécond,
et générateur ; aussi il ne se contente pas de faire retirer
le talent au paresseux, et de le donner à celui qui en avait
gagné dix autres. Il condamne encore ce serviteur inutile, à
être jeté dans les ténèbres extérieures
; mais pour
ceux qui se déclarent ses
ennemis, et qui
ne veulent pas le reconnaître pour roi, il les fait exterminer en sa
présence : loi sévère que le nouvel homme exerce
sur lui-même, avec toute rigueur, sans quoi son règne ne
s'établirait point.
C'est en répandant de semblables instructions
dans lui-même, qu'insensiblement il voit Jérusalem s'approcher
de lui. Il dit alors à deux des siens : "Allez à ce village
qui est devant vous, et vous y trouverez en arrivant une ânesse liée,
et son ânon auprès d'elle, déliez-la, et me l'amenez.
Que si quelqu'un vous dit quelque chose, dites-lui, que le Seigneur
en a besoin, et aussitôt il la laissera emmener ; afin que cette parole
du prophète s'accomplisse, dites à la fille de
Sion :
voici votre roi qui vient à vous plein de douceur, monté
sur une ânesse, et sur l'ânon de celle qui est sous le joug."
Cette ânesse sous le joug, est aux yeux de l'homme
universel l'
ancienne alliance lévitique qui tenait l'homme dans
les chaînes des lois, et des formalités cérémonielles
des sacrifices de sang, et de l'
immolation des victimes ; le poulain
de cette ânesse, sur lequel personne n'a jamais monté, est aux
yeux de l'homme universel, l'alliance nouvelle qui ne pouvait être
apportée et établie que par la seule médiation
du Réparateur, et qui n'aurait jamais été connue
sans lui, mais qui ne pouvait cependant être manifestée
qu'au sein de cette même loi
lévitique, puisqu'elle en
était comme la fille, attendu
qu'il est écrit que le
salut vient de Juifs.
Aux yeux de l'homme particulier, l'
ancienne alliance
est l'image du vieil homme détenu sous le joug du temps, et de
ses impérieux ministres. La seconde alliance est le nouvel homme,
c'est cette
âme divine dans sa pureté, et la seule sur qui le
Réparateur pût se reposer pour faire son entrée dans Jérusalem
; aussi quels transports dans toutes les régions du nouvel homme,
lorsque le Réparateur et lui se retrouvèrent ensemble
dans ces rapports mutuels que nous n'aurions jamais dû perdre de
vue
!
C'est alors que les habitants de cette ville sainte
qui attendaient ce divin prophète, étendent leurs habits,
et jettent des branches d'
arbre sous ses pieds, "c'est alors que tous
les
disciples en foule commencent à louer
Dieu à haute
voix en disant : béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur.
Paix soit dans le
ciel, et gloire dans les lieux très hauts !"
Les
Pharisiens ont beau murmurer, et prier le maître de faire taire
ses
disciples ; il leur déclare
que si ceux-ci se taisent,
les pierres même parleront.
Félicite-toi donc en effet, ô nouvel homme,
de ce que le Réparateur a voulu accomplir en toi la promesse
qu'il a faite à Abraham de ne jamais abandonner son peuple ;
mais pleure sur le vieil homme, et sur tous ceux qu'il a subjugués,
et dis-lui : "Ah, si tu avais reconnu au moins en ce
jour qui t'est
donné ce qui te pouvait apporter la paix ! Mais maintenant tout
ceci est caché à tes yeux ; car il viendra un temps malheureux
pour toi, que tes
ennemis t'environneront de tranchées, qu'ils
t'enfermeront, et te serreront de toutes parts, qu'ils te raseront,
et te déchireront entièrement, toi, tes
enfants qui sont
dans tes murs, et qu'ils ne te laisseront pas pierre sur pierre, parce
que tu n'as pas connu le temps auquel
Dieu t'a visité."
A l'instar du Réparateur, le nouvel homme
va entrer dans son propre temple, en chasser à coups de fouets
les changeurs et les vendeurs de
colombes, en leur reprochant
que
de la maison de son père qui était une maison de prière,
ils ont fait une caverne de voleurs. Si les princes des
prêtres,
les docteurs de la loi, et les sénateurs lui demandent par quelle
autorité il fait ces choses, il ne leur répondra point,
parce qu'ils ne peuvent pas dire si le
baptême de Jean était
des hommes, où s'il était du
ciel ; parce qu'ils ne connaissent
point l'union de l'
âme humaine avec l'
esprit du Seigneur, qui fait que
le
baptême de Jean tenait à la fois à ces deux mondes,
et par là était l'image de l'autorité du Réparateur
qui provenait aussi de la réunion des puissances de ces deux
mondes.
Car les docteurs de la loi sont trop ténébreux
pour apercevoir ce concours, et l'
âme humaine n'est pour eux qu'un instrument
passif, semblable en tout aux êtres inanimés, et sans une
action qui leur soit propre, et qui puisse, par analogie, s'unir à
l'action de la Divinité. Aussi ne manqueront-ils pas de chercher
à se saisir du nouvel homme qui, par toutes ses réponses,
les fera sans cesse tomber en confusion ; mais comme ils appréhendent
le peuple, ils enverront vers ce nouvel homme,
des personnes
qui contreferont les gens de bien, pour lui tendre des pièges,
et le surprendre dans les paroles, afin de le livrer
au magistrat,
et
au pouvoir du gouverneur.
Ils lui demanderont donc s'il leur est permis ou
non, de payer le tribut à César. Mais le nouvel homme,
voyant leur malice, leur dira : "Pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi
un denier. De qui est l'image et l'inscription qu'il porte ? De César
? Rendez donc à César ce qui est à César,
et à
Dieu ce qui est à
Dieu", réponse qui les rendra
muets, et honteux, sans qu'ils percent cependant dans toute la profondeur
qu'elle renferme ; car de même qu'ils n'ont pas pu dire si le
baptême de Jean était des hommes ou s'il était du
ciel, attendu qu'ils ne connaissent point les rapports de l'
âme humaine
avec
Dieu, de même ils ne verront pas pourquoi ils doivent rendre
à
Dieu le tribut qui appartient à
Dieu, puisqu'ils ignorent
que le tribut n'est dû à
Dieu que parce que l'
âme humaine porte
l'image de ce suprême souverain, comme le denier portait l'image
et l'inscription de César.
Ils ne s'en tiendront pas là. Ils enverront
vers lui les
Saducéens qui nient la
résurrection. Ils
s'approcheront de lui, et lui proposeront la question des sept maris.
Mais comme les ténèbres des
Saducéens, ne viennent
que de ce que leur
esprit n'est rempli que d'idées mortes, il
leur fera connaître comment il est possible que la
résurrection
ait lieu sans que la difficulté qu'ils opposent, et qui les arrête,
puisse avoir la moindre valeur.
Il leur dira : "Les
enfants de ce siècle-ci
épousent des femmes, et les femmes des maris. Mais pour ceux
qui seront jugés dignes d'avoir part au siècle à
venir, et à la
résurrection des morts, ni les hommes n'épouseront
plus de femmes, ni les femmes de maris ; car, alors, ils ne pourront
plus mourir, parce qu'ils deviendront égaux aux
anges, et qu'étant
enfants de la
résurrection, ils seront
enfants de
Dieu ; et quant
à ce que les morts doivent ressusciter un
jour, Moïse le déclare
assez lui-même, lorsqu'étant auprès du buisson il
appelle le Seigneur le d'Abraham, le
Dieu d'Isaac, le
Dieu de Jacob
; or,
Dieu n'est point le
Dieu des morts, mais des vivants, parce que
tous sont vivants devant lui."
Voilà par quels moyens le nouvel homme repoussera
sans cesse les insinuations, et les ruses de ses adversaires, et traversera
ainsi la mort avec la vie. Car il est écrit qu'il passa au milieu
l'eux. Mais ce sera toujours par les lumières de la raison, et
de l'intelligence la plus saine, et la plus pure, qu'il saura s'en défendre,
et les combattre ; car le nouvel homme est un être qui doit, à
tout moment, faire développer en lui, et hors de lui les abondances
de la justice, les abondances de la
miséricorde, et les abondances
de la lumière.