Dom Antoine-Joseph Pernéty Les Philosophes
Hermétiques appellent de ce nom le travail inutile, et pour ainsi dire éternel, des
faux Alchymistes, qui sont continuellement au milieu des
fourneaux allumés, et qui ne voient jamais
Dieu, quoiqu'ils le désirent sans cesse; c'est-à-dire, qui ne parviennent point à la perfection du grand uvre, qui leur donnerait tout ce qui peut satisfaire le cur humain dans cette vie. Quelquefois ils appellent du nom d'
Enfer leur matière en putréfaction, parce que le noir est l'image des ténèbres, et que l'
Enfer est un lieu de ténèbres et d'horreur.
Dom Antoine-Joseph Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique, Edition de 1758 - Français modernisé par France-Spiritualités.
Pierre Commelin Dans la
mythologie grecque et romaine, les Enfers sont les lieux souterrains où descendent les
âmes après la mort pour y être jugées, et recevoir le châtiment de leurs fautes ou la récompense de leurs bonnes actions. «
Toutes les routes conduisent aux Enfers, » a dit un poète de l'antiquité, c'est-à-dire
à la mort et au
jugement qui doit la suivre. Ces lieux souterrains,
situés à une profondeur incommensurable au-dessous
de la Grèce et de l'Italie, s'étendaient jusqu'aux
extrêmes confins du monde alors connu ; et, de même
que la terre était entourée par le
fleuve Océan, ils
étaient circonscrits et bornés par le royaume de la
Nuit. Leur entrée, pour les Grecs, se trouvait dans les antres
voisins du cap Ténare, au sud du
Péloponnèse
; les Romains en supposaient d'autres plus rapprochés d'eux
: par exemple, les
gouffres du lac Averne, les grottes voisines
de Cumes. Au reste, en Grèce ainsi qu'en Italie, il était
admis et convenu que toutes les cavernes, toutes les anfractuosités,
les crevasses du sol, dont personne n'avait sondé la profondeur,
pouvaient être en communication avec les Enfers.
Il serait superflu autant que puéril
de tenter une description de cet empire souterrain où l'imagination
des poètes, aidée de la crédulité des
peuples, s'est plu à introduire des particularités
divergentes et souvent contradictoires. Cependant, il est possible
de se faire une idée générale de la carte géographique
des Enfers telle que l'antiquité l'imaginait dans son ensemble.
On y distinguait quatre régions principales.
La première, la plus voisine de la terre,
était l'
Erèbe ; au-delà se trouvait l'Enfer
des méchants ; dans la troisième région était
le Tartare, et la quatrième comprenait les Champs-Elysées.
Dans l'
Erèbe, on voyait le palais de la
Nuit, celui du Sommeil et des Songes : c'était le séjour
de
Cerbère, des
Furies et de la Mort. C'est là qu'erraient
pendant cent ans les ombres infortunées dont les
corps n'avaient
pas reçu de sépulture ; et, lorsque
Ulysse évoqua
les morts, ceux qui lui apparurent, dit
Homère, ne sortirent
que de l'
Erèbe.
L'Enfer des méchants était le
lieu redoutable de toutes les
expiations : c'est là que le
crime subissait son juste châtiment, là que le remords
rongeait ses victimes, là enfin que se faisaient entendre
les lamentations et les cris
aigus de la douleur. On y voyait tous
les genres de torture. Cette région affreuse, dont les plaines
n'étaient qu'aridité, les
montagnes que roches et
escarpements, renfermait des étangs glacés et des
lacs de soufre et de poix bouillante, où les
âmes étaient
successivement plongées, et subissaient tour à tour
les épreuves d'un froid ou d'une
chaleur extrêmes.
Elle était entourée de marécages bourbeux et
fétides, de
fleuves aux
eaux croupissantes ou embrasées
formant une barrière infranchissable, et ne laissant aux
âmes aucun espoir de fuite, de consolation, ni de secours.
Le Tartare proprement dit venait après cet
Enfer : c'était la prison des
dieux. Environné d'un
triple mur d'
airain, il soutenait les vastes fondements de la terre
et des mers. Sa profondeur l'éloignait autant de la surface
de la terre que celle-ci était éloignée du
ciel. C'est
là qu'étaient renfermés les
Titans, les
Géants
et les
dieux anciens chassés de l'
Olympe par les
dieux régnants
et victorieux ; c'est là aussi que se trouvait le palais
du roi des Enfers.
Les Champs-Elysées formaient le séjour
heureux des
âmes vertueuses : il y régnait un éternel
printemps ; la terre toujours riante se couvrait sans cesse de verdure,
de feuillage, de
fleurs et de
fruits. A l'ombre des bosquets embaumés,
des
bois, des massifs de rosiers et de
myrtes égayés
par le chant et le ramage des
oiseaux, arrosés par les
eaux
du
Léthé au doux murmure, les
âmes fortunées
goûtaient le plus délicieux repos, et jouissaient d'une
jeunesse perpétuelle, sans inquiétude et sans douleur.
Etendus sur des
lits d'asphodèle, plante au pâle feuillage,
ou mollement assis sur le frais gazon, les héros se contaient
mutuellement leurs exploits, ou écoutaient les poètes
célébrer leur nom dans des vers d'une ravissante
harmonie.
Enfin, dans les Champs-Elysées, on avait
réuni tous les charmes et les plaisirs, comme on avait accumulé
dans l'Enfer des coupables toutes les sortes de tourment.
Devant le vestibule des Enfers, dans l'étroit
passage qui conduit au sombre séjour, habitent des spectres
effrayants. C'est là que la Douleur, le Deuil, les cuisants
Remords, les pâles Maladies, la triste Vieillesse, la Terreur,
la Famine, mauvaise conseillère, la honteuse Indigence, la
Fatigue, l'Epuisement, la Mort ont élu domicile. Là
aussi, on peut voir le Sommeil,
frère de la Mort, les Joies
coupables et en face d'elles la Guerre meurtrière, les cages
de fer des Euménides et l'aveugle
Discorde dont la chevelure
de
serpents est enlacée de bandelettes ensanglantées.
Au milieu du vestibule s'élève un orme touffu, de
grandeur immense, où demeurent les Songes chimériques
: on les voit qui adhèrent sous toutes les feuilles. En ce
lieu se trouvent encore beaucoup d'autres spectres monstrueux de
toute espèce et de toute conformation : ils représentent
des centaures, des êtres hybrides, des
géants aux cent
bras, l'
Hydre de Lerne, une
Chimère qui vomit des
flammes
et poussent d'horribles sifflements, des
Gorgones, des Harpyes,
des hommes
composés de trois
corps réunis en un seul.
C'est par cet épouvantable sentier qu'arrivent les ombres,
et de là elles s'acheminent vers leurs
juges, mais il faut
que tout d'abord elles traversent les
fleuves infernaux.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 216-219.