Edouard-le-Martyr, âgé seulement de quinze ans, remplaça sur le trône d'Angleterre son père Edgar, mort en l'an 974. Ce ne fut pas sans difficulté qu'il parvint à s'y asseoir. Il était né d'un premier
mariage du
feu roi avec la fille du comte d'Ordmer ; mais Edgar avait épousé, en secondes noces, Elfrida fille d'Olgar, comte de Devonshire, femme ambitieuse, hardie, assoiffée de pouvoir, et capable de tout pour assouvir ses criminelles passions. Il n'y eut pas de ressorts qu'elle ne fît jouer pour annuler le premier
mariage d'Edgar, et mettre la
couronne sur la tête du fils qu'elle lui avait donné, d'autant plus qu'elle eût régné elle-même sous le nom de cet
enfant à peine parvenu à sa septième année. Edouard fut défendu par sa possession, par le testament de son père, par son âge, par le vu de la noblesse, par la terreur qu'inspirait le caractère d'Efrida,
surtout par le respect attaché à celui du saint
archevêque Dunstan, qui, certain de trouver dans Edouard un protecteur de la vie
religieuse et de l'ordre monastique, se hâta de lui donner l'onction sainte dans l'
église de Kingston, et dès lors, la question fut décidée irrrévocablement. D'interminables querelles entre le clergé séculier et régulier, de fausses accusations, de fausses apologies, de
faux miracles, remplirent ce règne qui ne dura que quatre ans, et, comme l'a dit Hume, la vie de ce monarque n'eut de remarquable que sa mort. Dans l'aimable innocence de la
jeunesse la plus pure, et aussi incapable de soupçonner le mal que de le commettre, Edouard avait pardonné à l'égarement d'une mère tout ce qu'avait osé Elfrida pour lui ravir la succession au trône. Il ne pouvait pas croire qu'elle se souvint de ce qu'il avait consenti à oublier. La veuve de son père obtenait de lui des marques de respect, et son
frère enfant était l'objet de ses plus tendres caresses.
Un
jour qu'il chassait dans une
forêt du Dorsetshire, il s'égara. Après avoir longtemps erré, seul, accablé de lassitude, tourmenté par la soif, il aperçut un château, reconnut celui de la reine sa belle-mère, et se hâta d'y arriver. Elle le vit venir de loin, sans suite, au milieu des
bois, dans un séjour solitaire, où personne n'obéissait qu'à elle ; jamais encore elle ne l'avait rencontré ainsi. Elle alla le recevoir à la porte du château. Il demanda impatiemment à étancher sa soif. On lui présenta une coupe, et dans l'instant où il la portait à ses lèvres, un serviteur d'Elfrida le poignarda par derrière. Le mouvement qu'il fit en se sentant
frapper enfonça son éperon dans le flanc de son
cheval. L'
animal hors de lui s'emporta à travers la
forêt. Le roi affaibli par la perte de son sang tomba étendu sur la terre ; un de ses pieds resta engagé dans l'étrier ; le
cheval se précipita plus violemment encore ; le malheureux prince expira traîné, déchiré ; on le découvrit à la trace de son sang, et on l'inhuma sans pompe à Wareham.
La coupable Elfrida recueillit le
fruit de son crime. Elle vit son fils Ethereld régner pour le malheur de l'Angleterre. Elle bâtit des
monastères, crut qu'elle expiait son
parricide, ne put pas même faire
ajouter foi à ses remords, vécut et mourut objet de mépris et d'horreur. Pour Edouard, sa
jeunesse, sa pureté, sa fin tragique, la
commisération des peuples et les éloges des moines le firent inscrire
parmi les saints sur le registre des
martyrs, et la croyance générale
s'établit qu'il s'opérait des miracles sur son tombeau.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 12 - Pages 241-242)