Biographie universelle ancienne et moderne Tarquin l'Ancien, cinquième roi de Rome, était originaire de Corinthe et né à
Tarquinies, ville d'
Etrurie, en l'an de Rome 98 (avant J.-C. 656). Comme parmi les
historiens de son règne, les premiers en date ne fleurirent que quatre siècles au moins après ce prince, ils n'ont pu avoir sur sa vie que des monuments altérés et des traditions vagues et incomplètes. Il faut donc se résoudre à ne voir qu'un roman ingénieux dans ce que racontent, après des autorités si suspectes,
Tite-Live, et surtout
Denys d'
Halicarnasse, qui jamais n'est embarrassé sur rien, et qui, pour cela même qu'il est si riche de détails sur des époques si éloignées, n'offre à son lecteur que des richesses stériles et qu'une science mensongère. C'est un point de critique que l'on croit avoir suffisamment établi dans les articles
Romulus, Mutius Scævola et Servius Tullius. Démarate, père
de Tarquin l'ancien, était Corinthien ; il appartenait à la famille
des Bacchiades issue d'
Hercule, et qui après avoir donné, pendant
plusieurs siècles, des rois à Corinthe, avait fini par y former
une puissante
oligarchie en divisant le pouvoir entre tous ses membres. Démarate
se livrait au commerce maritime et faisait de fréquents voyages en Italie,
vendant aux
Etrusques ce qu'il exportait de la Grèce, et important à
Corinthe les denrées de l'
Etrurie. Il avait acquis de grandes richesses,
lorsque la
tyrannie de Cypselus, qui renversa l'
oligarchie à Corinthe,
força Démarate à s'expatrier. Il alla se
fixer à
Tarquinies
avec tous ses trésors, et un
mariage avantageux le fit entrer dans une
des premières familles de sa patrie adoptive ; son
épouse lui donna
deux fils, qu'il éleva dans les sciences de l'
Etrurie et de la Grèce.
Aruns, l'aîné, mourut ; son père inconsolable le suivit bientôt
au tombeau, léguant par testament toute sa fortune à
Lucumon, son
second fils, au préjudice de l'
enfant que laissait Aruns, et qui pour ce
motif fut surnommé
Egenus, le pauvre. Ainsi
Denys d'
Halicarnasse
prend si peu la peine de donner de la vraisemblance à ses récits,
qu'il fait du même homme le père le plus tendre et l'aïeul le
plus injuste.
Naturellement ambitieux ;
Lucumon renonça bientôt au séjour de
Tarquinies, où sa qualité d'étranger le faisait dédaigner, pour s'établir à Rome, où cette même qualité était un titre de faveur. « Chez un peuple nouveau, dit
Tite-Live, un homme de talent et de cur ne pouvait manquer
de trouver sa place. » Cet
historien et
Denys d'
Halicarnasse rapportent qu'à l'entrée de
Lucumon dans Rome, un
aigle, après avoir plané au-dessus de son chariot, lui enleva son chapeau et le lui remit ensuite sur la tête. Tanaquil, son
épouse, instruite dans la science des augures, vit, dans cet incident merveilleux, le présage assuré de la grandeur future de
Lucumon. Ce n'est pas le seul prodige de ce genre que doit présenter la vie de ce prince. Les
annales romaines étaient remplies, à peu près comme les chroniques du
moyen-âge, de prétendus miracles.
Lucumon pouvait avoir vingt-cinq ans ; et, d'après l'opinion commune, il vint à Rome la huitième année du règne d'Ancus (627 avant J.-C.). Ce prince accueillit avec distinction un étranger qui transportait dans ses Etats de grandes richesses et de nombreux clients. Ces derniers furent réunis dans une tribu et curie particulières. Quant à
Lucumon, le roi de Rome lui donna, pour lui et pour les siens, des terres
à cultiver et un emplacement au sein de la ville où ils bâtirent
des maisons.
Tite-Live ne fait pas mention de toutes ces circonstances ; selon lui, c'est de ses propres deniers que
Lucumon acheta une habitation. Ce fut alors que ce nouveau citoyen de Rome changea son nom en celui de Lucius Tarquin. Tanaquil prit, dit-on, celui de Caia Cæcilia ; mais les
historiens ont persisté à ne la désigner que sous son nom toscan
(1).
Tarquin ne tarda pas à devenir, après le roi, le personnage le plus considérable de Rome par sa valeur à la guerre, sa sagesse dans les conseils, et surtout par le noble usage qu'il faisait de ses richesses. Sa bourse, toujours ouverte à ses amis comme aux indigents, n'était jamais épuisée lorsqu'il s'agissait de seconder de ses avances les entreprises du prince. Ancus, en mourant, le nomma tuteur de ses deux fils, qui touchaient, dit
Tite-Live, à l'âge de puberté.
Denys d'
Halicarnasse, sans entrer dans aucun détail, dit simplement que comme du vivant du
feu roi, Tarquin était devenu le plus
illustre des Romains ; à la mort d'Ancus, il fut jugé d'une commune voix digne d'occuper le trône (an. av. J.-C. 614). A son tour,
Tite-Live raconte qu'ingrate envers la mémoire de son bienfaiteur, l'homme de
Tarquinies parvint, par ses intrigues, à se faire adjuger la
couronne au détriment de ses pupilles. Il sut les éloigner de Rome le
jour de l'élection, sous prétexte d'une partie de chasse. « Avant lui, ajoute cet
historien, personne n'avait encore brigué la
royauté : c'est lui qui le premier imagina de haranguer le peuple pour se concilier les suffrages. » Le seul motif qui puisse faire paraître moins odieuse l'action de Tarquin, c'est que le trône à
Rome n'était pas héréditaire. Au reste, Tarquin ne fut pas le premier étranger qui eût régné sur l'Etat romain ; déjà Tatius et
Numa, tous deux
Sabins, avaient occupé le trône, et Tarquin lui-même devait avoir pour successeur un étranger
en la personne du latin Servius Tullius. Cicéron, dans son
Traité de la République, est d'accord avec
Tite-Live sur la manière dont Tarquin s'éleva au trône.
Le nouveau roi devait la
couronne à
la faveur pulaire ; pour continuer à se rendre agréable aux
plébéiens,
il tira de leur ordre cent hommes distingués par leur courage et leur aptitude
aux affaires publiques, les fit patriciens et les promut au rang de sénateurs.
On les appela pères des nouvelles familles,
patres minorum gentium,
pour les distinguer des anciens sénateurs, appelés pères
des anciennes familles,
patres majorum gentium. Les
vestales, préposées
à la garde du
feu éternel, n'étaient que quatre ; Tarquin
en porta le nombre à six. Par ses soins, la grande place de Rome fut entourée
de boutiques, qu'il concéda à des particuliers. Avant lui, les murs
de cette ville étaient construits de pierres brutes posées sans
art les unes sur les autres ; il y substitua des pierres de taille bien polies
et dont chacune faisait la charge d'un chariot. Il bâtit ces égouts
qui subsistent encore aujourd'hui, et au prix desquels Rome, au faîte de
sa puissance, n'avait rien de plus magnifique
(2). Il avait
voué, pendant une guerre contre les Latins, un temple à Jupiter
Capitolin ; il commença d'en jeter les fondements sur le sommet du mont
Tarpéien, dont il fit une immense esplanade « comme si, dit
Tite-Live,
il eût présagé dès lors que ce temple recevrait un
jour les vux de tout l'univers. »
Romulus,
Numa, Ancus Marcius, avaient
fait entrer dans leur système
religieux les divinités grecques concurremment
avec les divinités
celtiques ; et depuis la fondation de Rome, on n'avait
pas vu de simulacres dans les temples. On a prétendu que Tarquin, adorateur
des divinités grecques, les proposa à l'adoration des Romains, sous
les formes nobles, gracieuses et terribles que devait leur donner le ciseau des
sculpteurs grecs et toscans. C'était une grande révolution dans
le culte des Romains, et les auteurs qui ont écrit sur cette partie de
l'
histoire romaine ne l'ont point assez remarqué
(3).
Parmi les ouvrages de Tarquin, il ne faut pas omettre le grand cirque, dont il
traça l'enceinte, si l'on en croit
Tite-Live. qu'il ne fit qu'embellir,
selon
Denys d'
Halicarnasse, et qui devait être un
jour l'un des plus beaux
de la ville de Rome.
Ce prince doubla deux fois le nombre des chevaliers. Il les
porta d'abord à douze cents, puis à deux mille quatre cents, après
avoir subjugué les Eques. Cicéron, en consignant dans son traité
De la République ces détails,
qui ne contredisent nullement les récits de
Tite-Live et de
Denys d'
Halicarnasse,
ajoute que l'ordre équestre reçut de Tarquin la forme qu'il devait
conserver jusqu'à son temps ; mais ici il faut sortir de l'
histoire pour
rentrer dans la
fable. Tarquin voulut changer les anciens noms de Titienses, Rhamnenses
et Luceres, donnés par
Romulus aux trois centuries équestres. Selon
d'autres, il prétendit les
diviser en trois nouvelles tribus ou centuries,
pour leur donner son nom et ceux de deux de ses amis ; mais il en fut empêché
par Attus Nævius, célèbre augure,
initié à tous
les secrets divinatoires des
Etrusques. Le roi parut fort irrité de cette
opposition ; il taxa même ce
prêtre d'imposture. Annonçant
aux Romains assemblés dans la place publique qu'il va le confondre, il
mande Nævius à son tribunal. L'augure approche : « Il est temps,
lui dit Tarquin, de nous donner des preuves de ta science. J'ai dans l'
esprit
un dessein de difficile exécution ; je veux savoir s'il est possible de
l'accomplir. » Le devin consulte le vol des
oiseaux et répond que
la chose est faisable. « Te voilà convaincu d'imposture, lui dit
le roi, en montrant un caillou et un rasoir qu'il tenait cachés sous sa
robe ; car je songeais à
couper ce caillou avec ce rasoir. » Tous
les assistants de rire aux dépens de l'augure, qui, sans se déconcerter,
répliqua : « Eh bien, donnez le coup de rasoir, et la pierre sera
tranchée. » Le roi fait l'essai : le fer
divise le caillou en deux
et blesse même la main qui le tient. L'admiration de la foule succède
aux railleries contre l'augure. Tarquin paraît confus à son tour.
Il comble de faveurs Nævius et lui fait élever une statue d'
airain.
On la voyait encore sur la place publique du temps de Cicéron, de
Tite-Live,
de
Denys d'
Halicarnasse et même de Pline. La pierre et le rasoir furent
enfermés tout à côté, sous un
autel appelé putéal.
Si l'on veut bien considérer que Tarquin avait tout exprès sous
sa robe une pierre et un rasoir, on reconnaîtra facilement que cette scène
était concertée d'avance, afin d'
inspirer au peuple une foi entière
aux augures. Le roi et Nævius y réussirent à souhait ; car,
d'après le témoignage unanime des
historiens, la dignité
d'augure obtint désormais à Rome une telle considération,
que, soit dans la paix, soit dans la guerre, rien ne se fit plus sans qu'on eût
recours aux auspices.
Tarquin eut souvent les armes à le main. Sa première
guerre eut lieu contre les peuples du
Latium. Il prit d'assaut la ville d'Apioles
et célébra sa victoire par des
jeux, avec plus d'appareil et de
magnificence que les rois ses prédécesseurs. Le spectacle consistait
en combats du ceste et en courses de
chevaux. La plupart des acteurs, dit
Tite-Live,
étaient tirés de l'
Etrurie. Une irruption subite des
Sabins occupa
de nouveau les Romains. Dans un premier combat, la victoire fut indécise
et la perte de ceux-ci considérable. Tarquin, l'attribuant à l'infériorité
de sa
cavalerie, donna, comme on l'a vu, tous ses soins à l'augmentation
du nombre des chevaliers. Cette opération faite, le roi de Rome livra une
seconde bataille aux
Sabins, et grâce au succès d'un stratagème,
il remporta une victoire signalée. Les vaincus lèvent de nouvelles
troupes et vont au devant de Tarquin. Ils sont battus une seconde fois et demandent
la paix. Ils l'obtiennent en cédant
Collatie avec son territoire.
Tite-Live
nous a conservé la formule de cette cession. Ce document peut, jusqu'à
un certain point, être considéré comme un monument authentique
du règne de ce prince. Tarquin donna le gouvernement de
Collatie au fils
de son
frère Aruns. Après avoir triomphé des
Sabins, le roi
de Rome tourna ses armes contre les Latins ; toute cette guerre se passa en actions
partielles et surtout en sièges de places ; mais ses résultats furent
importants, s'il est vrai que Tarquin prit alors les villes de Cornicule, de Ficulnée,
de Camérie, de Crustumère, d'Amériole, de Médullie
et de Nomente, avec leurs dépendances. Ce fut à la suite de ces
utiles acquisitions qu'il se vit en état d'entreprendre, pour l'embellissement
et l'assainissement de Rome, ces immortels ouvrages dont on a déjà
parlé, et qui furent tels, dit Bossuet, que Rome n'en rougit pas, même
elle se vit maîtresse du monde.
Denys Halicarnasse et
Tite-Live rapportent, avec des circonstances
à peu près semblables, les guerres de Tarquin contre les Latins
et les
Sabins : mais l'
historien latin ne dit pas un mot de cette longue lutte
contre les
Etrusques, qui, selon
Denys d'
Halicarnasse, dura neuf ans, et qu'il
décrit avec beaucoup d'étendue. Or, comment croire que
Tite-Live,
si amoureux de la gloire de sa patrie, aurait négligé un point d'
histoire
si bien d'accord avec son plan ? Même dissentiment entre les abréviateurs
; Eutrope, Aurelius Victor, l'
Epitome de
Tite-Live, Cicéron, dans le
Traité
de la République, gardent le silence sur cette guerre, tandis
que Florus, Paul Orose et les Fastes
Capitolins l'ont mentionnée. Florus
et Orose n'ont même parlé que de celle-là. Ils disent, l'un
et l'autre, que Tarquin soumit les douze nations de la Toscane. En
voyant de pareilles
contradictions sur des points si importants, il faut bien se résoudre à
ignorer les commencements de l'
histoire romaine. Cependant, pour expliquer s'il
se peut l'incontestable union des deux nations étrusque et romaine à
cette époque, serait-ce s'avancer trop loin dans le champ des conjectures
que de faire de Tarquin l'Ancien, non plus un exilé volontaire d'
Etrurie,
mais un des rois (
Lucumons) de ce pays, qui, appelé à régner
dans Rome au même titre que
Numa, sur la seule réputation de sa puissance
et de sa sagesse, aurait joint à l'Etat romain la partie de l'
Etrurie sur
laquelle il aurait déjà régné, soit du chef de son
père, soit par son
mariage avec une princesse du sang royal de la
Lucumonie
de
Tarquinies ? On voit la puissance romaine prendre sous lui de prodigieux accroissements,
qui cessent d'être invraisemblables si l'on admet que ce prince, possédant
une grande domination dans son pays, établit à Rome le siège
de sa souveraineté. Florus, après avoir parlé des conquêtes
de Tarquin sur les
Etrusques, ajoute : « De là nous sont venus les
faisceaux, les robes royales, les chaisescurules, les colliers, les manteaux guerriers,
la toge prétexte ; de là les robes enrichies de broderies, de là
les tuniques à palmes, etc. » Si l'on en croit le témoignage
d'auteurs plus dignes de foi que Florus, plusieurs de ces mêmes objets étaient connus à Rome avant Tarquin. Ce ne fut pas ce prince, mais bien
Romulus qui aurait emprunté aux Toscans les douze licteurs (
Denys d'
Halicarnasse,
Tite-Live) et la trabée ou robe royale (Pline le naturaliste). Quant aux chaises curules, aux robes
ornées de palmes et de broderies et aux manteaux guerriers, etc., on n'a aucune raison de contester que leur introduction à Rome vienne de Tarquin. Ce fut aux
Sabins plutôt qu'aux
Etrusques que les Romains empruntèrent l'anneau qui devint l'ornement distinctif des sénateurs et des chevaliers. En effet, les
Sabins qui assiégèrent le
Capitole sous
Romulus portaient des anneaux (
Tite-Live), et selon Pline, parmi les statues des rois de Rome, on ne voyait que le
Sabin Numa et Servius Tullius qui fussent représentés avec l'anneau ; la statue de Tarquin l'Ancien n'avait pas cet ornement. Pour ce qui est du char de triomphe doré et traîné par quatre
chevaux, Florus paraît ne s'être pas trompé : son témoignage est d'accord avec celui de
Tite-Live et de
Plutarque, qui, dans la vie de
Romulus, reprend
Denys d'
Halicarnasse pour avoir dit que ce prince triompha sur un char lorsqu'il rentra dans sa ville chargé des dépouilles
opimes. Le premier des rois de Rome n'institua que le triomphe à pied, appelé petit triomphe,
ovatio ; et Tarquin l'Ancien fut le premier chez les Romains qui reçut les honneurs du triomphe sur un char.
Denys d'
Halicarnasse, Pline et Aurelius Victor nous apprennent à quelle occasion Tarquin introduisit l'usage des toges prétextes et de la
bulle d'or, ornements toscans : ce fut en faveur de son fils, à peine âgé de treize ans, qui avait tué un
ennemi dans une bataille. Au reste, quel que soit
parmi les sept rois celui auquel on puisse faire honneur de l'introduction à Rome de ces divers objets, il n'en reste pas moins un fait incontestable : c'est que presque tout ce qui était ancien chez les Romains était étrusque.
Tarquin avait, pendant trente-huit ans, travaillé pour la gloire et pour le bonheur de Rome, lorsque les fils d'Ancus, après avoir attendu trente-huit ans l'heure de la vengeance, apostèrent contre lui des assassins qui le massacrèrent dans son palais, où ils s'étaient introduits sous prétexte de réclamer sa justice. On peut voir dans l'article Servius Tullíus quelles mesures actives prit Tanaquil pour empêcher les fils d'Ancus de profiter de ce crime. Ils étaient déjà allés à Suessa Pometia cacher leur honte et leurs regrets, lorsque le peuple romain, par une loi curiale, les bannit à
perpétuité (an. av. J.-C. 578). Si l'on pouvait croire que tous les actes de prévoyance, de justice et de sagesse, toutes les victoires, tous les monuments que l'on attribue à Tarquin ont été réellement son ouvrage, il faudrait le mettre au nombre des plus grands et des meilleurs princes qui aient jamais régné sur les hommes. Le biographe anglais Rowe a écrit la vie de ce monarque avec beaucoup d'exactitude et de soin, comme compilateur ; mais il ne s'est montré nullement critique ; et d'ailleurs il ne quitte jamais le ton du
panégyrique. Sa notice, avec sept autres du même auteur, traduites par Bellanger, se trouve imprimée à la suite de plusieurs éditions du
Plutarque de Dacier.
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(1) Cette princesse passait pour
grande magicienne ; elle n'était pas moins savante dans l'art de guérir
et dans celui de conduire sa maison avec économie, que dans la science du gouvernement de l'Etat. Sa mémoire resta en vénération chez les Romains pendant plusieurs siècles. Selon
Tite-Live, on conservait à Rome des ouvrages de ses mains. Varron assurait qu'il avait vu dans le temple de Sancus la quenouille et le fuseau de Tanaquil, chargés de la laine qu'elle avait filée ; et que l'on gardait dans le temple de la Fortune une robe royale qu'elle avait faite, et que Servius Tullius avait portée. Pline. qui rapporte ce fait, ajoute que c'était à cause de cela que les Rornaines qui se mariaient étaient suivies d'une personne tenant une quenouille et un fuseau garnis de laine. Il dit aussi que cette reine fut la première qui fit de ces tuniques tissues que l'on donnait aux garçons quand ils prenaient la robe virile. On attribuait de grandes vertus à sa ceinture, où l'on supposait que Tanaquil qui avait trouvé d'excellents remèdes contre les maladies, les avait enfermés. C'est pourquoi, selon Sextus Pompeius Rufus, ceux qui allaient en enlever quelques raclures se persuadaient qu'elles leur apporteraient la guérison.
Saint Jérôme observe que Tarquin l'
Ancien était moins connu que son
épouse. La vertu insigne da cette reine, ajoute-t-il, est trop avant imprimée dans la mémoire de tous les siècles pour en être jamais effacée. Il paraît, d'après Juvénal, Ausone et Sidoine Apollinaire, qu'elle était fort impérieuse, et que les anciens donnaient le surnom de Tanaquil aux femmes qui menaient leurs maris : au reste comme, de la part de l'
épouse du premier Tarquin, cet empire tournait au bien des sujets et à la gloire de son mari, il ne faut pas en faire à cette reine un sujet de reproche. Bayle, dans son
Dictionnaire, a consacré un article curieux à Tanaquil (Voyez Servius Tullius, et Tarquin
le Superbe).
(2) Fergusson, dans son
Histoire de la république romaine, ne pouvant croire qu'un tel ouvrage appartînt a un peuple naissant, l'attribue à un peuple antérieur qui avait joui d'une grande puissance dans un temps inconnu ; mais, d'après l'opinion du savant
antiquaire Scipion Maffei, éeat Rome elle-même qu'il faut regarder comme fort antérieure à l'origine qu'on lui prête ordinairement.
(3) Beaufort, dans sa
République romaine, publiée en 1886, présente à cet égard des détails très curieux (livre Ier, chap. Ier et 2).
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 41 - Pages 23-26)