Pluton, ou le plus souvent en grec
Hadès,
frère de Jupiter et de
Neptune, était le troisième
fils de Saturne et de
Rhéa. Arraché, grâce à
Jupiter, du sein de son père qui l'avait dévoré,
il se montra reconnaissant d'un tel bienfait et n'hésita pas à
seconder son
frère contre les
Titans. Après la victoire,
il obtint en partage le royaume des Enfers. A cause de sa laideur
ou de la dureté de ses traits, aucune déesse ne consentit
à partager sa
couronne. C'est pourquoi il résolut
d'enlever
Proserpine, et il en fit son
épouse.
Son palais est établi au milieu du Tartare.
C'est de là qu'il veille, en souverain, à l'administration
de ses Etats, et dicte ses inflexibles lois. Ses sujets, ombres légères
et presque toutes misérables, sont aussi nombreux que les vagues
de la mer et les étoiles du
firmament ; tout ce que la mort moissonne
sur la terre retombe sous le sceptre de ce
dieu, augmente sa richesse
ou devient sa proie. Depuis le
jour où il a inauguré son
règne, pas un de ses ministres n'a enfreint ses ordres, pas un
de ses sujets n'a tenté une rébellion. Des trois
dieux
souverains qui gouvernent le monde, il est le seul qui n'ait jamais
à craindre l'insubordination ou la désobéissance,
le seul dont l'autorité soit universellement reconnue.
Mais, pour être obéi, il n'en est
pas moins haï et redouté. Aussi n'avait-il sur la terre
ni temple ni
autel, et l'on ne composait point d'hymnes en son honneur.
Le culte que les Grecs lui rendaient était distingué par
des cérémonies particulières. Le
prêtre faisait
brûler de l'encens entre les cornes de la victime, la liait, et
lui ouvrait le ventre avec un couteau dont le manche était rond
et le pommeau d'ébène. Les cuisses de l'
animal étaient
tout particulièrement consacrées à ce
dieu. On
ne pouvait lui sacrifier que dans les ténèbres, et des
victimes noires, dont les bandelettes étaient de la même
couleur, et dont la tête devait être tournée vers
la terre. Il était surtout honoré à
Nysa, à
Opunte, à Trézène, à Pylos, et chez les
Eléens où il avait une sorte de
sanctuaire qui n'était
ouvert qu'un seul
jour dans l'année ; encore n'était-il
permis d'y pénétrer qu'aux sacrificateurs. Epiménide,
dit Pausanias, avait fait placer sa statue dans les temples des Euménides,
et, contre l'usage ordinaire, il y était représenté
sous une forme et dans une attitude agréables.
Les Romains avaient mis
Pluton non seulement au
nombre des douze grands
dieux, mais parmi les huit
dieux choisis, les
seuls qu'il fût permis de représenter en or, en
argent,
en ivoire. Il y avait à Rome des
prêtres victimaires uniquement
consacrés à
Pluton. On lui
immolait, comme en Grèce,
des victimes de
couleur sombre, et toujours en nombre pair, tandis que
l'on ne sacrifiait aux autres
dieux que des victimes en nombre impair.
Elles étaient entièrement réduites en cendres,
et le
prêtre n'en réservait rien, ni pour le peuple ni
pour lui. Avant de les
immoler, on creusait une fosse pour recevoir
le sang, et on y répandait le vin des
libations. Durant ces sacrifices,
les
prêtres avaient la tête découverte, et le silence
absolu était recommandé aux assistants, moins encore par
respect que par crainte du
dieu.
Pluton fut tellement redouté des peuples
de l'Italie que le criminel condamné au supplice lui était
d'abord dévoué. Après cet acte
religieux, tout
citoyen qui rencontrait le coupable pouvait impunément lui
ôter la vie.
Sur le mont Soracte, en Italie,
Pluton partageait
les honneurs d'un temple commun avec
Apollon ; ainsi, les Falisques,
habitants du pays, avaient cru devoir honorer à la fois et
la
chaleur souterraine et celle de l'
astre du
jour. Les peuples
du
Latium et des environs de
Crotone avaient consacré au
roi des Enfers le nombre deux comme un nombre malheureux ; pour
la même raison, les Romains lui consacrèrent le second
mois de l'année, et, dans ce mois, le second
jour fut encore
plus particulièrement désigné pour lui offrir
des sacrifices.
Pluton est ordinairement représenté
avec une barbe épaisse et un
air sévère. Souvent,
il porte son casque, présent des
Cyclopes, et dont la propriété
était de le rendre invisible ; parfois, il a le front ceint
d'une
couronne d'ébène, ou de capillaire, ou de narcisse.
Lorsqu'il est assis sur son trône d'ébène ou
de soufre, il tient de la main droite soit un sceptre noir, soit
une fourche ou une pique. Quelquefois, il tient des
clés
dans ses mains, pour exprimer que les portes de la vie sont fermées
sans retour à ceux qui parviennent dans son empire.
On le représente aussi dans un char traîné
par quatre
chevaux noirs et fougueux.
L'attribut qu'on voit le plus souvent auprès
de lui, c'est le cyprès, dont le feuillage sombre exprime
mélancolie et la douleur. Les
prêtres de ce
dieu s'en
faisaient des
couronnes et en parsemaient leurs vêtements
dans les sacrifices.
Pierre Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 221-225.