Rose-Croix de la Nouvelle Atlantis de Bacon
Il se forma, en Angleterre, au commencement du dix-septième siècle, d'après les idées de la
Nouvelle Atlantis du grand-chancelier Bacon de
Vérulam, père de la philosophie expérimentale, une Société de
Rose-Croix ou
Bramines du Nord [Note de l'auteur : Bramine signifie ici interprète des mystères de la nature. Ce n'était qu'une renaissance de l'ancienne société des Rose-croix, renouvelée en Allemagne par Valentin Andreæ et par Robert Fludd, en Angleterre.].
Leurs
symboles, presque tous gnosticiens, étaient,
comme dans les temps primitifs, le
symbole de l'
harmonie universelle qui unit
l'homme à
Dieu et
Dieu à l'univers.
Les cérémonies et les
symboles de la société baconienne pouvaient être publics ; mais il fallait tenir secrète la science du bien et du mal, c'est-à-dire l'interprétation réservée aux nouveaux bramines (celle des
sciences occultes).
Leur tapis (
tableau), gravé partout, est semblable
au tapis de ces Rose-croix qui nous ont été conservés par
Valentin et d'autres auteurs
[Note de l'auteur : Ce tapis
des Rose-croix était un carré parfait ; les Jésuites en ont
fait un carré oblong, pour qu'il fût l'emblème d'un temple.
Ils en firent deux grades divisés en deux tableaux, afin d'adopter la maçonnerie
aux professions du Temporel et du Scolastique, pour leurs novices.
Le tapis des Ecossais de Saint-André est aussi oblong. Ce carré
est l'emblème favori des Jésuites qui réussirent à
faire du Rose-Croix un Ordre sacerdotal, dans lequel abondent les génuflexions.]
Il a été reproduit dans un livre de Rose-Croix du dix-septième
siècle, intitulé :
Speculum Rodostauriticum
; voir aussi la
Mythologie chrétienne,
1618, où Bacon a puisé ses
symboles.
Les Anglais prirent pour modèle la maison salomonique
de Bacon. Les Rose-Croix d'aujourd'hui, branche sauvage des premiers Rose-Croix
d'Angleterre, nomment encore leurs doctrines la
Science salomonique.
Dans son Atlantis, Bacon « préparait et calculait,
dit Bonneville, des trésors réservés à ses
derniers neveux ; il voulait, à
force d'épreuves et de combinaisons
nouvelles, pousser la nature à bout et lui arracher son voile et ses secrets.
Il croyait possible de découvrir les causes par les
extrêmes, comme
la solidité du fer ou de la pierre dans les liquides, la lumière
par les ténèbres ; il conjurait les sages de se réunir, armés
de l'expérience, et, avec un enthousiasme de génie qui décelait
le vrai prophète de l'éternité, les assurait que s'ils donnaient,
chaque
jour, la question à la matière pour la faire parler, ils
saisiraient, dans la science universelle des formes, le principe initial, élémentaire,
indestructible, qui mettrait entre leurs mains créatrices, toutes les opérations
de la nature. » (
Les Jésuites chassés de la maçonnerie,
2e partie, p. 135.)
L'Atlantis eut un grand succès en Angleterre. En 1646,
quelques savants commencèrent à s'assembler régulièrement,
et, de leurs réunions, naquit la
Société royale des sciences,
à Londres. Elle n'était pas entièrement conforme aux vux
des Rose-Croix, qui, dans la même année, formèrent une nouvelle
société de Rose-Croix. Le but de cette régénération
était de se rapprocher, de plus près, des idées du grand
bramine (
Bacon), et de rester modestement aussi inconnus que son île
Bensalem.
Ils n'avaient qu'un seul grade et un seul
tapis sur
lequel on voyait les anciennes colonnes où
Hermès avait,
dit-on,
gravé les
éléments des sciences. On montait par sept degrés
sur un théâtre
carré où l'on voyait des
symboles sur
la création. L'étude de la nature était l'unique objet de
la maison salomonique qui fut, pour les sciences secrètes, l'établissement
le mieux conçu en haute maçonnerie.
Les
sphères, une sur chaque colonne d'
Hermès,
signifiaient la création annuelle de la nature.
L'Atlantis, roman allégorico-philosophique, est un
faisceau d'idées lumineuses sur l'art d'enrichir le dépôt
des connaissances humaines. Il est une sorte de récapitulation, en style
symbolique, des découvertes des sages et des savants de l'ancien monde,
dont Bacon se faisait le nouvel organe. (Voir son
Novum
organum.)
Dans la société des Rose-Croix,
disciples de
Bacon, se trouvait
Elie Ashmole, qui se rendit fameux comme
antiquaire.
Il était avec l'astrologue
Lilly, le médecin Wharton, le mathématicien
Oughtrod, les deux ecclésiastiques Jean Wheswith, Jean Pearson et quelques
autres savants, membres de la confrérie des maîtres maçons
de Londres. Cette maîtrise du métier des maçons servit à
leur procurer un lien commode et sûr (
Mason's Hall), pour leurs assemblées
de Rose-Croix, but de leur association à cette
corporation ouvrière
; d'ailleurs, il est d'usage, en Angleterre, que tout bourgeois adopte une coterie,
et, pour s'en distinguer, ils prirent le titre de
Free and accepted masons
(maçons libres et acceptés). Il n'était pas encore question
de
francmaçons, titre créé plus tard à
Paris.
Les assemblées de ces Rose-Croix inquiétèrent
les
Jésuites, pour qui rien
n'était ou
ne devait être
caché. On voit, dans l'
Histoire secrète
du rétablissement de Charles II sur le trône (par
D. Johnson, Londres, 1679), que nombre de
Jésuites profitèrent des
restes de la guerre civile qui suivit la mort de Cromwell, pour se glisser dans
la société des Rose-Croix qu'ils dominèrent, dénaturèrent,
et dont ils causèrent insensiblement la dispersion.
Les
Jésuites formèrent une nouvelle maçonnerie
qui devait être utile à leur protecteur Jacques II et au prétendant
à la
couronne d'Angleterre.
En 1688, Guillaume, prince d'
Orange, fit une descente chez
les Anglais ; l'année suivante, il fut proclamé roi. En 1690, Jacques
II étant défait, les
Jésuites, qui perdaient toutes leurs
espérances, s'enfuirent en France avec leur roi détrôné,
qui demeura au
collège jésuitique de
Clermont (
Mont des Clercs,
Mont du Clergé). Ce furent de ce
collège que sortirent, plus
tard, les premiers statuts
maçonniques templiers.
La reine Anne, vieillissant, déclara pour son successeur
le prétendant, descendant, comme elle, de la maison des Stuarts. Ce fut
un jouet dans les mains des
Jésuites qui, à l'abri de son nom, se
firent des partisans tant
catholiques que
protestants ; et voilà l'événement
qui fit naître le grade d'
Ecossais de Saint-André d'Ecosse.
Les partisans du prétendant devaient, s'il devenait roi, porter publiquement
les insignes de ce grade.
En 1715, le prétendant débarqua en Ecosse ;
il fut battu, et l'année suivante il revint en france. Alors, le fameux
grade devint inutile ; on le recomposa pour un autre dessein.
Enfin, ce fut en 1717 que les
disciples d'Aschmole, débarrassés
des
Jésuites, fondèrent, sous le tire de
Free and accepted masons
(maçons libres et acceptés), qu'il était prudent de conserver,
la GRANDE LOGE DE LONDRES. Ils se déclarèrent, avec raison, gouvernement
de l'Ordre, et promulguèrent la francmaçonnerie à la fête
solsticiale d'été.