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Godefroy de Bouillon

(1061, à Baisy, près de Nivelles - 18 juillet 1100, à Jérusalem)
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Godefroy de Bouillon dans son temps
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      Godefroy de Bouillon, duc de Lorraine, et premier roi chrétien de Jérusalem, naquit au village de Bézy, près de Nivelle, dans un château dont on montrait encore les restes à la fin du dernier siècle. Son père était Eustache II, comte de Boulogne, et sa mère, Ide, fille de Godefroi le Barbu, duc de Lorraine, qui comptait Charlemagne parmi ses ancêtres. Godefroi le Bossu, frère de Ide, ayant adopté Godefroi de Bouillon, l'aîné de ses neveux, lui transmit le duché de Lorraine. Henri IV, empereur d'Allemagne, animé d'une haine invétérée contre les ducs, espérant que la jeunesse du nouveau prince servirait ses vues ambitieuses, voulut contrarier cette disposition, sous le prétexte que le droit d'élire les ducs de Lorraine était une des prérogatives de la couronne impériale. Godefroi de Bouillon eut donc à se défendre contre Théodoric, évêque de Verdun, et Albert, comte de Verdun, ennemis que lui suscitait la politique de Henri ; et il lutta contre eux, sinon avec succès, du moins avec une grande valeur. Dans la suite, la guerre ayant éclaté entre le pape et l'empereur, Godefroi prit parti pour celui-ci, et entra le premier dans Rome avec les armées impériales : une maladie grave l'ayant frappé après cette guerre, il la regarda comme un châtiment envoyé du ciel, pour le punir d'avoir porté les armes contre le Saint-Siège, et fit le vœu de se rendre à Jérusalem, non comme pèlerin, mais comme défenseur des chrétiens. Godefroi donna encore de nouvelles preuves de courage dans la révolte des Saxons, qui voulaient élever au trône Raoul, duc de Souabe ; et ayant rencontré ce prince dans la mêlée, il l'étendit à ses pieds.

      Vers ce temps, l'Occident animé par les prédications de Pierre l'Ermite, et saisi d'un pieux enthousiasme, se levait en armes pour marcher à la conquête de la Terre Sainte. Godefroi, lié par son vœu, prit la croix ; et pour subvenir aux frais de la croisade, il permit aux habitants de Metz, dont il était le suzerain, de racheter leur ville, vendit la principauté de Stenay à l'évêque de Verdun, et céda ses droits sur le duché de Bouillon à l'évêque de Liège. Sa renommée et son exemple attirèrent sous ses drapeaux ce que la noblesse avait de plus distingué en preux chevaliers : il partit pour Constantinople le 15 août 1096. Godefroi établit dans ses troupes une discipline sévère, et s'efforça d'effacer la mauvaise impression qu'avait laissée le passage des premiers croisés : bien qu'il ne fût révêtu d'aucun commandement absolu, chaque chef conduisant un corps d'armée soumis à ses ordres particuliers, néanmoins il jouissait d'une influence acquise par sa renommée. Lorsqu'on approchait de Constantinople, on apprit que Hugues le Grand, frère du roi de France, qui avait été pris par des corsaires, avec quelques autres seigneurs, languissait dans les fers de l'empereur : Godefroi l'ayant réclamé, et ayant éprouvé un refus, livra la campagne au pillage : tout le peuple prit la fuite vers Constantinople, et y jeta la terreur. L'armée des croisés, continuant sa marche, vint camper devant la capitale ; alors, Alexis intimidé mit les captifs en liberté : Hugues le Grand, Dreux de Nesle, Guillaume Charpentier, et Clerembault de Verdeuil, durent leur délivrance à Godefroi.

      Pendant leur séjour sur les terres de Constantinople, les croisés eurent à se garantir de la perfidie et des embûches des Grecs : la sagesse et la fermeté du duc triomphèrent de ces obstacles, et forcèrent l'empereur à changer de politique. Non seulement il traita les chefs de l'expédition avec la plus grande distinction, mais même, dans une audience solennelle, il fit revêtir Godefroi du manteau impérial, le fit placer à ses côtés, l'adopta pour son fils, et mit l'empire sous sa protection. Outre de riches présents qu'il lui offrit en draps d'or, d'argent et de soie, en perles, pierreries et vases de toute espèce, il ordonna que depuis la fête des Rois jusqu'à l'Ascension, le trésor impérial lui donnerait chaque semaine autant d'or et de pierreries que deux hommes pourraient en porter, et neuf boisseaux de monnaie blanche : tous les princes croisés furent traités avec la même munificence. Mais on convint que les conquêtes qui auraient précédemment fait partie de l'empire seraient remises à Alexis, et que pour les autres on lui rendrait hommage. Godefroi quitta donc l'empereur avec des démonstrations de l'amitié la plus franche, et prit la route de Nicée.

      Pendant le mémorable siège de cette ville, il donna une preuve d'adresse qui mérite d'être rapportée : un soldat sarrasin, d'une force extraordinaire, se tenait sur le haut d'une tour, d'où il bravait les croisés, parmi lesquels il jetait la terreur et la mort. Ses coups étaient certains, tandis qu'aucun trait ne pouvait l'atteindre. Godefroi survient, saisit une arbalète, et dirigeant l'œil et la flèche vers le terrible sarrasin, il le frappe dans la poitrine, et l'étend sans vie. Après un assez long siège et un combat très acharné, au moment où les chrétiens allaient livrer un dernier assaut, l'étendard d'Alexis flotta sur les tours et les remparts de la ville, dans laquelle il entretenait des intelligences à l'insu de ses alliés. Néanmoins Godefroi voulut prendre la nouvelle conquête au nom de l'empereur, lui envoya la femme et les enfants de l'émir qui y commandait, et répondit à un trait de perfidie en gardant fidèlement la foi due aux serments. L'armée des croisés, divisée en plusieurs corps, reprit sa route : une partie, attaquée à peu de distance de Nicée par des forces supérieures, allait succomber et fuyait déjà en désordre ; Godefroi survint, rétablit le combat, et arracha la victoire aux Sarrasins.

      Au fameux siège d'Antioche, lorsqu'il était à peine guéri de sa blessure, il se signala dans une mêlée par une nouvelle promesse : un Sarrasin, d'une taille extraordinaire, l'attaque, et du premier coup fait voler son bouclier en éclats. Godefroi se dresse sur ses étriers, s'élance sur son adversaire, et lui assène sur l'épaule un coup si terrible, qu'il partage son corps en deux parties, dont l'une tomba à terre, et l'autre resta sur le cheval, qui la porta dans la ville, où cet aspect hideux sema la terreur. Après la prise d'Antioche, les chrétiens étaient devenus assiégés, d'assiégeants qu'ils étaient ; ils eurent à supporter une horrible famine et tous les maux qui la suivent : plusieurs chefs renommés, trop faibles pour en supporter le poids, quittèrent l'armée : la défection devenait de plus en plus nombreuse. Le fanatisme et la superstition détournèrent le danger d'un aussi funeste exemple, qui aurait entraîné la multitude. Les révélations, les prophéties, les miracles se multiplièrent ; le courage se ranima : Tancrède, imité par Godefroi et plusieurs autres chefs illustres, jura qu'il ne renoncerait jamais à délivrer Jérusalem, tant qu'il compterait soixante compagnons pour combattre. Dans cette entrefaite, saint André apparut à un prêtre marseillais, pour lui annoncer que la lance qui avait percé le côté de Notre-Seigneur était enfouie près de l'autel de l'église d'Antioche, et qu'elle serait retrouvée le troisième jour après cette révélation. Les chefs, et l'armée à leur exemple, reçurent cette nouvelle avec la plus vive joie ; et en effet, la terre ayant été creusée au lieu et le jour indiqués, en présence des personnages les plus respectables d'entre le clergé et les chevaliers, le prêtre marseillais s'élança dans la fosse, et en ressortit tenant en sa main la lance destinée à produire des merveilles. A cette vue, tous les croisés poussèrent des cris d'allégresse ; et, certains désormais d'être invincibles, ils marchèrent contre l'armée de Korboga, émir sarrasin, qui les tenait assiégés. La sainte lance était portée dans les rangs, où elle excitait l'ardeur la plus vive : les soldats exténués par la famine, les malades même, rassemblaient le peu de forces qui leur restaient, soutenus par l'espoir de vaincre ou de mourir pour Jésus-Christ ; et tel fut le miracle opéré par l'influence de cette lance, que les Sarrasins furent mis dans une pleine déroute et taillés en pièces, quoique très supérieurs aux chrétiens en nombre, et pleins de confiance dans leur courage et l'avantage de leur position.

      « Au lieu que les hommes, dit un historien du temps, avaient accoutumé d'être ensevelis sous la terre, la terre fut elle-même ensevelie sous les hommes et les chevaux, tant le nombre en était grand. » Parmi les prodiges de cette mémorable journée, on rapporte que trois hommes d'une grandeur extraordinaire, montés sur des chevaux blancs, apparurent à toute l'armée, précédant les cohortes chrétiennes, et jetant partout l'épouvante et la mort : c'étaient saint Démétrius, saint Georges et saint Théodore. Godefroi commandait l'aile droite au commencement du combat ; il enfonça l'ennemi qui lui était opposé, et dit des prodiges de valeur. Telle était la détresse où l'avait réduit sa générosité envers ses compagnons, que ce jour-là il fut obligé, pour combattre, d'emprunter un cheval au comte de Toulouse. Enfin l'armée arriva devant Jérusalem : l'honneur de monter les premiers à la brèche, d'entrer dans la ville sainte, était réservé à Godefroi, à Eustache son frère, et à un petit nombre de braves (voyez Estourmel) ; et il n'en fallait pas davantage pour satisfaire toute l'ambition du pieux héros. Le duc de Lorraine s'élança donc sur les murs, pénétra dans l'intérieur de la ville, s'empara de la porte St-Etienne, et l'ouvrit aux chrétiens, qui poursuivirent les musulmans dans les rues, renversant les barricades derrière lesquelles ils cherchaient un dernier asile. Godefroi, qui s'était abstenu du carnage après la victoire, laissa ses compagnons livrés à l'excès de leur joie, et, suivi de trois serviteurs, se rendit sans armes et nu-pieds dans l'église du St-Sépulcre. Cet acte de dévotion édifia toute l'armée, et lui rappela les devoirs de la piété : aussitôt toutes les vengeances, toutes les fureurs s'apaisent ; les croisés se dépouillent de leurs habits sanglants, font retentir Jérusalem de leurs gémissements, et, conduits par le clergé, marchent ensemble, les pieds nus, la tête découverte, vers l'église de la Résurrection.

      Dix jours après la prise de Jérusalem, on s'occupa d'en rétablir le royaume, et de lui donner un chef qui pût défendre et conserver une aussi précieuse conquête. Quatre personnages également illustres, Godefroi, Raymond, Robert, duc de Normandie, et Tancrède, pouvaient prétendre à la couronne ; et les opinions des croisés se partageaient entre ces candidats. Dix chrétiens, choisis parmi les personnages les plus recommandables du clergé et de l'armée, furent appelés à élire le roi de Jérusalem. Guillaume de Tyr rapporte à ce sujet que les dix arbitres, voulant s'éclairer de tous les moyens propres à les conduire à un bon choix, questionnèrent les familiers et les domestiques des prétendants : à chacun d'eux on reprocha quelque défaut ; les amis et les gens du seul Godefroi ne mêlèrent aucune restriction au témoignage unanime qu'ils rendirent des vertus de ce grand personnage. Les électeurs proclamèrent donc le nom de Godefroi ; et l'armée reçut cette décision avec la joie la plus vive. On conduisit le duc en triomphe à l'église du St-Sépulcre ; et là il fit le serment de respecter les lois de l'honneur et de la bonne foi. La cérémonie de son inauguration se borna à l'exécution de cette formalité ; car Godefroi refusa le diadème et les marques de la royauté, disant qu'il n'accepterait jamais une couronne d'or dans une ville où le Sauveur avait été couronné d'épines : il se contenta du titre modeste de baron et défenseur du St-Sépulcre. Etait-ce par humilité, ou par un sage ménagement pour l'orgueil des autres chefs, que Godefroi en agit ainsi ? Cette conduite, quel qu'en fût le motif, n'en est pas moins digne d'admiration.
      Les musulmans, consternés par la prise de Jérusalem, firent de nouveaux efforts, et rassemblèrent des troupes de toutes les parties de la Perse, de la Syrie et de l'Egypte ; leur nombreuse armée s'avança vers Jérusalem. Godefroi, suivi de tous les croisés en état de porter les armes, la rencontra dans les plaines d'Ascalon, et eut encore à bénir le ciel d'une nouvelle victoire. Ce fut là le dernier des exploits de la première croisade : l'armée chrétienne rentra dans Jérusalem, chargée des dépouilles des Sarrasins. Godefroi s'occupa de reculer les bornes de son royaume, de le mettre à l'abri des invasions ; enfin de donner à ce peuple nouveau, composé de nations diverses, un code de lois propres à comprimer les ambitions particulières, à concilier et à favoriser les intérêts de tous, en sorte que le gouvernement et la justice prissent une marche régulière. Dans cette vue, Godefroi, après avoir accompagné les princes croisés à Jéricho, réunit dans sa capitale des hommes éclairés et pieux, qui formèrent les états ou assises du royaume. Cette assemblée solennelle sanctionna un certain nombre de lois qui réglaient les droits des seigneurs envers leurs suzerains ; les devoirs et les engagements des princes à l'égard du roi, etc. : ces lois furent déposées en grande pompe dans l'église du St-Sépulcre, et reçurent le nom d'Assises de Jérusalem, ou Lettres du St-Sépulcre (1). Ainsi Godefroi, après s'être attiré l'admiration des chrétiens par sa bravoure et ses vertus, s'acquit des droits à leur reconnaissance, en jetant les fondements de l'ordre et de la félicité publique.

      A peine Tancrède était-il retourné dans sa principauté, que le sultan de Damas l'attaqua avec toutes ses forces : Godefroi marcha à son secours, et vainquit les Sarrasins. Au retour de cette expédition, l'émir de Césarée vint à sa rencontre, et lui présenta des fruits de la Palestine : Godefroi accepta une pomme de cèdre, et peu de temps après il tomba malade ; on supposa qu'il avait été empoisonné. Il revint avec peine dans sa capitale, où il mourut le 18 juillet 1100. Son corps fut déposé dans l'enceinte du Calvaire, près du tombeau de Jésus-Christ, qu'il avait si vaillamment défendu.

      Godefroi avait une physionomie imposante, et qui annonçait en même temps la douceur et la sensibilité de son âme : son corps et ses membres étaient dans une juste proportion ; à une taille élevée, il joignait une force extraordinaire. On rapporte à ce sujet qu'un émir arabe étant venu à son camp, et ayant ouï parler souvent de son adresse et de la vigueur de son bras, voulut se convaincre de la vérité de ces récits ; il présenta à Godefroi un chameau sur lequel il le pria d'essayer sa force. Godefroi lui abattit la tête d'un seul coup de sabre. L'Arabe attribua ce prodige à la qualité du glaive de Godefroi ; et ayant remis son sabre au prince chrétien, il l'invita à recommencer : la tête du second chameau fut séparée du corps avec la même rapidité que la première fois. Alors l'émir avoua que les récits qu'on lui avait faits étaient encore au-dessous de la vérité. Nous placerons ici un trait de la pieuse simplicité de Godefroi. Des ambassadeurs d'une peuplade du Liban, ayant été introduits auprès de lui, le trouvèrent assis sur un sac de paille : eux qui s'attendaient à le voir environné du luxe des princes orientaux, témoignèrent toute leur surprise ; Godefroi leur répondit : « La terre doit être le siège temporel des hommes pendant leur vie, puisqu'elle leur sert de sépulture après la mort. » Les religieux de St-François conservaient précieusement à Jérusalem l'épée de Godefroi, et la ceignaient aux voyageurs ou aux pèlerins qui visitaient le St-Sépulcre. On sait que le Tasse a fait de la conquête de Jérusalem, par Godefroi de Bouillon, le sujet de son beau poème si connu sous le titre de la La Jérusalem délivrée. Qu'il nous soit permis de terminer cet article par le passage suivant, emprunté à notre Histoire des croisades : « La mort de Godefroi fut pleurée par les chrétiens, dont il était le père et l'appui, et par les musulmans, qui avaient plusieurs fois éprouvé sa justice et sa clémence. L'histoire peut dire de lui ce que l'Ecriture dit de Judas Machabée. Ce fut lui qui accrut la gloire de son peuple ; semblable à un géant, il se revêtait de ses armes dans les combats, et son épée était la protection de tout le camp. Godefroi de Bouillon surpassa tous les capitaines de son siècle par son habileté dans la guerre : s'il eût régné plus longtemps, on l'aurait placé parmi les grands rois. Dans le royaume qu'il avait fondé, on le proposa souvent pour modèle aux princes comme aux guerriers. Son nom rappelle encore aujourd'hui les vertus des temps héroïques, et doit vivre parmi les hommes aussi longtemps que le souvenir des croisades. »


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(1)  Le code de ces mêmes lois a été imprimé à Bourges en 1690 sous le titre de Livre des assises et des bons usages du royaume de Jérusalem.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 17 - Pages 12-15)


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