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Guillaume de Tyr,

archevêque de Tyr
(~1130 - ~1184)
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Guillaume de Tyr dans son temps
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      Guillaume, archevêque de Tyr, est surnommé à juste titre le prince des historiens des croisades. Il est assez singulier que ses ouvrages et le rang élevé qu'il occupa dans le royaume de Jérusalem, en attirant sur lui l'attention de ses contemporains, ne nous aient point procuré quelques détails sur son origine. Le silence des écrivains du temps à l'égard de ce personnage ne peut s'expliquer que par le manque presque absolu de relations littéraires entre l'Orient et l'Occident. Hugues de Plagon, son continuateur, nous apprend qu'il naquit à Jérusalem. Etienne de Lusignan, dans son histoire de Chypre, le fait sortir du sang des rois de Jérusalem, sans appuyer cette assertion d'aucune autorité. On peut seulement présumer qu'il n'était point issu d'un sang obscur, lorsqu'on lit attentivement son histoire, source unique où nous avons recueilli, à l'aide d'une lecture assidue, les faits dont se compose cet article. Guillaume nous apprend donc qu'il passa les mers pour venir étudier les arts libéraux en occident ; il repassa ensuite en Orient, où il acquit la faveur d'Amaury, roi de Jérusalem : Guillaume avoue avec ingénuité que ce prince l'admettait souvent à son intimité et se plaisait à s'entretenir avec lui. Il dut à la faveur d'Amaury l'archidiaconat de la métropole de Tyr en 1167, et fut choisi par lui pour suivre l'éducation de son fils (livre 21, chap. 1), devenu roi sous le nom de Baudouin IV. Vers la même année, Manuel, empereur d'Orient, ayant conçu le projet de soumettre l'Egypte, affaiblie par des dissensions civiles sans cesse renaissantes, et qui s'offrait comme une proie facile à l'ambition des princes voisins, il voulut contracter alliance avec le roi de Jérusalem, et lui envoya une ambassade afin de concerter les moyens d'exécuter l'expédition projetée. Guillaume accompagna les ambassadeurs grecs à leur retour ; il était  chargé des pleins pouvoirs de son prince pour prendre avec l'empereur tous les arrangements propres à faciliter le succès de l'entreprise et à concilier les divers intérêts. Vers le même temps, des différends s'étant élevés entre Frédéric, archevêque de Tyr, et Guillaume, ce dernier se rendit à Rome pour les faire juger (livre 20, chap. 18). Rodolphe, évêque de Bethléem, étant mort en 1173, il lui succéda comme chancelier du royaume. La même année, il fut promu à l'archevêché de Tyr (livre 21). Guillaume, autant qu'on en peut juger d'après son propre texte, remplit un rôle important dans les discussions qui s'élevèrent entre Philippe, comte de Flandre, et les grands du royaume de Jérusalem : il défendit constamment la majesté royale, et déjoua les projets ambitieux du comte, qui aspirait à la couronne. En 1178, il se rendit à Rome, où il assista au troisième concile de Latran : « Si quelqu'un, dit-il, désire connaître les décisions de ce concile, les noms, le nombre et les titres des évêques qui y assistèrent, qu'il lise l'écrit que nous avons rédigé soigneusement sur cet objet à la prière des Pères du concile, et que nous avons fait déposer dans les archives de l'église de Tyr, avec les autres livres que nous y avons apportés (livre 21, chap. 26). »

      De Rome, Guillaume se rendit à Constantinople, et passa sept mois à la cour de l'empereur Manuel, qui le reçut avec les marques de la plus flatteuse distinction : ce séjour ne fut point sans utilité pour l'église confiée à ses soins. Enfin, il obtint la permission de retourner en Syrie, ramenant avec lui les ambassadeurs de Manuel. Ayant rempli, auprès du roi, qui se trouvait à Béryte, et auprès du patriarche de Jérusalem, les missions dont l'empereur l'avait chargé, il revint à Tyr après vingt-deux mois d'absence. Ici se terminent les renseignements que Guillaume nous fournit sur sa vie : son histoire va jusqu'en 1183, époque à laquelle il résidait encore dans son siège archiépiscopal ; mais à partir de cette année, on ne trouve rien de certain sur le sort qu'il éprouva, la manière dont il termina ses jours, et la date de sa mort. Hugues de Plagon nous instruit qu'Héraclius, ayant été élu patriarche de Jérusalem après la mort d'Amaury, voulut que tous les archevêques et évêques se soumissent à son obéissance : les prélats le reconnurent, à l'exception de Guillaume. Hugues ne nous dit pas les motifs de son refus. Mais les difficultés nées de cette résistance obligèrent l'archevêque de Tyr à se rende à Rome, pour exposer ses raisons au pape. Héraclius, instruit que le crédit dont jouissait son adversaire le ferait indubitablement prévaloir, corrompit un médecin, qui empoisonna Guillaume. Quelques écrivains, s'appuyant de ce passage, qui parle d'empoisonnement sans préciser qu'il fut suivi de la mort, placent sa fin tragique dans cette circonstance, et font un personnage différent de Guillaume, archevêque de Tyr, qui prêcha la croisade en 1188, et revêtit du signe de la croix les rois de France et d'Angleterre. Quoiqu'il règne une grande obscurité et des lacunes fréquentes dans la nomenclature des prélats des églises orientales, les chroniqueurs n'indiquant pas toujours les vacances de siège, cependant nous ne pouvons croire que, dans l'espace de 1184 à 1188, il y ait eu deux archevêques du même nom à Tyr, ni que l'on doive faire deux personnages de Guillaume l'historien et de Guillaume qui prêcha la croisade dans cette dernière année. Mais il est certain que le siège de Tyr était occupé en 1193 par un autre prélat, ainsi que l'atteste une charte à la date de cette année, et insérée dans le Codex diplomat. Melitensis. Ainsi Guillaume objet de cet article ne devait plus vivre à l'époque dont il s'agit. Guillaume a composé deux ouvrages. Dans le premier, intitulé Histoire orientale, il esquissait l'histoire des musulmans depuis le règne de Mahomet jusqu'au temps des croisades. Il l'avait composée d'après les auteurs arabes, et à l'invitation d'Amauri, roi de Jérusalem, qui lui procurait les manuscrits dont il pouvait avoir besoin. Saïd-ben-Batric, plus connu sous le nom d'Eutychius, avait surtout été son guide. Guillaume cite souvent cette histoire dans son second ouvrage. Ce dernier a pour objet de tracer le récit des guerres saintes, depuis leur origine jusqu'en 1184 de notre ère : c'est le seul que nous possédions, ou plutôt qui ait été publié ; car il est très possible que le premier existe ignoré dans quelque bibliothèque d'Europe. L'histoire qui nous reste se compose, à proprement parler, de vingt-deux livres, subdivisés en chapitres, selon que l'exigent les diverses matières qui y sont traitées. Dans la courte préface qui précède le 23ème livre, Guillaume de Tyr, dans un style qui porte l'empreinte de la douleur que lui causaient les malheurs de sa patrie dévastée par les armes victorieuses de Saladin, annonce qu'après avoir tracé le tableau brillant de la prospérité des chrétiens, à l'exemple des grands écrivains de l'antiquité qui ont raconté également les événements heureux et funestes de leur nation, il va, succombant à son désespoir, offrir le récit de leur ruine et de leur humiliation : mais, soit que le courage lui ait manqué, soit qu'il ait été détourné de son projet par le cours des événements ou par des motifs que nous ignorons, il n'a point achevé ce 23ème livre. Des vingt-deux livres, les quinze premiers ont été composés d'après les traditions et les récits étrangers ; mais Guillaume a été témoin de tous les faits racontés dans les livres suivants, ou les avait appris de personnes dignes de foi, qui les avaient vus. Cette histoire a été publiée pour la première fois par Philibert Poyssenot, sous ce titre : Historia belli sacri a princibus christianis in Palæstina et in Oriente gesti, Bâle, Oporinus, 1549, in-fol. Henri Pantaléon en a donné une nouvelle édition dans la même ville en 1564, in-fol. Bongars, ayant eu sous les yeux trois manuscrits présumés du même âge environ que l'auteur, l'a fait réimprimer dans ses Gesta Dei per Francos (voyez Bongars). Néanmoins il serait à désirer, vu l'importance de l'ouvrage, que quelque érudit, versé dans la connaissance des langues orientales et familiarisé avec la lecture des manuscrits, entreprit de donner de nouveau l'ouvrage de Guillaume de Tyr, en rectifiant les noms propres et en éclaircissant le texte par des notes critiques. La bibliothèque de Paris, qui en possède un beau manuscrit, ainsi que d'anciennes versions françaises, fournirait d'utiles matériaux pour un semblable travail. On a de cette histoire deux traductions italiennes : l'une qui a pour auteur Th. Baglioni, a paru à Venise en 1610, in-4° ; l'autre, due à Joseph Horologgi, et supérieure à la première, avait paru dans la même ville en 1562, in-40. Enfin Gabriel Dupréau, docteur en théologie, en a publié une traduction française, sous ce titre : La Franciade orientale, Paris, 1573, in-fol. ; elle est remplie de fautes et oubliée aujourd'hui? Plus récemment, M. Guizot en a publié une traduction dans les tomes 16, 17 et 18 de sa Collection de mémoires. Guillaume a eu deux continuateurs, Hugues Plagon et Helmode. L'ouvrage du premier, écrit en vieux langage, va jusqu'en 1275, et a été publié dans le tome 5 de l'Ampl. Collectio de D. Martène et Durand. La continuation d'Helmode, conduite jusqu'en 1321, se trouve à la suite de l'édition de Guillaume, donnée par Pantaléon en 1564. Après ces détails bibliographiques, nous placerons le jugement qu'une lecture approfondie nous a mis à même de porter sur cet auteur. Son ouvrage est tllement important par les faits qu'il retrace, et dans lesquels la valeur française occupe une place si brillante, qu'il serait impossible de lui préférer quelque autre monument historique du moyen-âge. Guillaume nous annonce qu'il n'a eu pour s'aider dans son entreprise aucun écrivain antérieur : il a donc été le premier à traiter méthodiquement le sujet des guerres saintes. Guibert, abbé de Nogent, qui avait, soixante ans avant l'archevêque de Tyr, écrit une histoire de la première croisade (voyez Guibert), n'avait parlé que sur le rapport d'autrui. Où pourrait-on puiser une connaissance plus exacte de ces grands événements que dans l'historien né sur les lieux, admis à l'intimité des rois, témoins des événements, ou lié d'amitié avec ceux qui y avaient assisté ; qui recherche la vérité par tous les moyens en son pouvoir, et, lorsqu'il ne peut la connaître, avoue ingénument son ignorance ? L'intérêt qu'il pend à la gloire des croisades perce à chaque page de son histoire : cependant cet intérêt ne l'aveugle point ; il ne dissimule pas les torts ou les vices des chrétiens, et ne refuse point les éloges dus à leurs ennemis. Souvent même il s'élève à des considérations vraiment philosophiques et pleines de justesse sur les causes des événements, et ses récits sont presque toujours accompagnés de détails utiles à la géographie et à l'histoire. On ne le trouve point livré sans restriction à cet esprit de superstition et de crédulité qu'on remarque dans les historiens du même temps. Quant à son style, il est naturel, offre peu d'expressions et de tours barbabres et ne manque ni d'élégance ni d'énergie dans ses descriptions. Guillaume possédait les livres saints et les poètes de l'antiquité ; et l'on aurait peut-être à lui reprocher de les citer trop fréquemment ; mais nous ne prétendons point qu'il soit exempt de défauts. Ce qu'on peut dire, c'est que les sentiments qui respirent dans l'ouvrage en font aimer l'auteur, et qu'on souscrit volontiers à l'opinion de Hugues Plagon lorsque celui-ci l'appelle le meilleur clerc qui fut onc sur la terre.  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 18 - Pages 171-172)


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