Dictionnaire M. Bescherelle
Substantif masculin [Du grec propre, particulier]
Signifie chez les Grecs, Locution familière, expression triviale, en usage dans les classes inférieures de la société. Sénèque donne ce sens au mot
idiotisme, et Longin a écrit un chapitre sur les
Idiotismes, dans lequel il nous montre comment les termes les plus simples, les plus bas, sont parfois ceux qui donnent le plus de
force et d'élévation au discours.
Idiotisme :
Désigne aujourd'hui les tours particuliers à chaque langue, ou, ce qui est la mon chose, les différents cas dans lesquels une langue s'écarte des lois de la grammaire générale. Les
idiotismes prennent le nom de
héllénisme,
latinisme,
gallicisme,
italianisme, etc., selon que les tours appartiennent au grec, au latin, au français ou à l'italien. Ce sont les espèces dont le mot
idiotisme désigne le genre.
Idiotisme : Par extension
Façon de parler, tour, expression qui est particulière aux provinces d'une même nation, et qui s'écarte des lois de la grammaire de cette nation.
Idiotismes gascons, picards, normands.
Idiotisme :
Souvent on a considéré les
idiotismes comme des bizarreries de langage qui résistent à l'analyse philosophique ; comme des singularités exceptionnelles et accidentelles, dont il faut désespérer de rendre compte, et que l'on doit se borner à constater. Nous avons dit ailleurs que l'
esprit d'une nation se traduisait en tout dans son langage, nous dirons ici que c'est dans son
esprit qu'il faut conséquemment chercher les raisons de son langage. Et, en effet, ces formes de telle race, de telle nation, de telle tribu, comme les formes générales du caractère de l'humanité. Ceci explique pourquoi les
idiotismes se rencontrent de préférence dans le style familier, dans la conversation, dans langage du peuple. Ils répandent dans le discours je ne sais quoi de naïf et d'original, dont Pascal, Molière, Sévigné, Voltaire, ont su tirer tant d'avantages pour la langue française. Mais voilà pourquoi aussi ils offrent aux étrangers des difficultés presque insurmontables.
Idiotisme :
Dans le sens moral il signifia chez les Grecs, Simplicité rustique, et par extension,
Ignorance, imbécillité. Chez nous, il veut dire dans le langage ordinaire, Stupidité, imbécillité.
Tel était l'excès de leur
idiotisme, qu'au crime du monde le plus incertain, ils joignaient les peines les plus incertaines. (
Montesquieu)
Idiotisme :
La pathologie s'en empara et le définit plus rigoureusement, Maladie ou imperfection de l'homme, dans laquelle les facultés de l'
esprit ne sont jamais manifestées ou n'ont pu se développer que d'une manière très imparfaite.
Idiotisme :
Espèce d'aliénation mentale caractérisée par l'oblitération plus ou moins complète des fonctions de l'entendement et des affections morales.
L'
idiotisme succède fréquemment à la mélancolie et à la manie ; d'autres fois, il est symptomatique d'une lésion organique survenue après la naissance (Jourd.)
L'
idiotisme est ou devient souvent stationnaire. (Jourd.)
L'
idiotisme est généralement incurable. (Jourd.)
Mais en ce sens on se sert aujourd'hui plutôt du mot
idiotie dans les sciences médicales et l'on consacre uniquement le mot
idiotisme pour exprimer une locution particulière au génie d'une langue.
M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume II (G-Z) (1856), p. 192.