Biographie universelle ancienne et moderne Jeanne, reine de France, était fille et unique héritière de Henri Ier, roi de Navarre et comte de
Champagne : elle naquit en 1272, et fut mariée, à l'âge de quatorze ans, à
Philippe le Bel ; mais elle conserva, du consentement de son
époux, l'administration particulière de ses Etats. Elle chassa les Aragonais et les Castillans de la Navarre, y établit des gouverneurs d'une sagesse éprouvée, et fit jouir ses sujets d'une tranquillité dont ils étaient privés depuis longtemps.
Le comte de
Bar ayant fait, en 1297, une irruption dans la
Champagne, la reine marcha elle-même contre lui, tailla son armée en pièces, l'emmena prisonnier dans
Paris, et ne lui rendit la
liberté qu'à condition qu'il se reconnaîtrait son
vassal. La prudence de Jeanne égalait son courage ; elle siégeait dans tous les conseils après le roi son
époux, et avait souvent l'honneur de ramener à son avis des hommes blanchis dans les affaires. Elle accompagna le roi, en 1299, dans son expédition contre les Flamands ; et l'on rapporte qu'ayant été choquée du luxe des
dames de
Bruges, elle fit augmenter la rançon des habitants : mais cette petitesse est trop au-dessous d'une si grande princesse pour qu'on doive y
ajouter foi.
Jeanne mourut au château de
Vincennes, le 02 avril 1305, âgée seulement de 33 ans, et fut inhumée dans l'
église des Cordeliers de
Paris. Quelques
historiens ont cherché à jeter des soupçons sur ses murs ; mais les regrets sincères que Philippe donna à sa mort prouvent assez que sa conduite avait toujours été irréprochable. Jeanne unissait la douceur à la fermeté : elle fut aimée de ses sujets, dont elle
adoucit le sort ; et ses règlements sont encore un objet de vénération dans la Navarre, où elle fonda la ville de Puente la Reyna.
Mézeray, dont on connaît la véracité, a dit « que cette princesse tenait tout le monde enchaîné par les yeux, par les oreilles, par le cur, étant également belle, éloquente, généreuse et libérale ». Elle a attaché son nom à un établissement qui doit rendre sa mémoire à jamais recommandable, au
collège de Navarre, fameux par le grand nombre d'élèves distingués qui en sont sortis. Elle récompensa les savants avec magnificence, et dota richement plusieurs
couvents à une époque où ils étaient les seuls asiles des sciences et des lettres. On trouve un
Eloge trop court de la reine Jeanne dans le recueil de Ravisius Textor, intitulé
De claris mulieribus,
Paris, Colines, 1521, in-fol.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 21 - Pages 1-2)