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Jeanne Ière, reine de Naples

(1326 - 12 mai 1382, au château de Muro, dans la Basilicate)
Reine de Naples du 19 janvier 1343 à 1381
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Jeanne Ière, reine de Naples, dans son temps
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Jeanne Ière, reine de Naples de 1343 à 1381, était fille de Charles, duc de Calabre, et petite-fille de Robert, roi de Naples, estimé le monarque le plus sage de son siècle. Robert survécut à son fils, et, voulant assurer à sa petite-fille la succession an trône, il lui fit épouser, le 26 septembre 1333, son cousin André, fils de Charobert ou Charles Robert, roi de Hongrie, qui, d'après le droit de représentation, avait un titre plus légitime à la couronne de Naples que lui-même. Au moment de ce mariage, Jeanne et André étaient tous deux âgés de sept à huit ans. Mais autant Jeanne avait de grâce, de gaieté, d'élégance dans les manières et de sensibilité, autant André se montrait dur, sauvage, orgueilleux et brutal ; ces deux enfants, appelés à s'aimer par le double lien d'une étroite parenté et du mariage, grandirent en se détestant.

      Jeanne succéda, le 19 janvier 1343, à son aïeul. André, à la même époque, était orphelin, son père Charobert étant mort à Visgrade le 14 juillet 1342. Tous deux prétendaient régner à Naples par leur propre droit : la Catanaise, favorite de Jeanne (Voyez Cabane), et le frère Robert, Hongrois, favori d'André, excitaient l'aversion et la jalousie de leurs élèves pour dominer mieux sur eux. Jeanne, dont le cœur était faible, et qui tenait de son père une disposition à la galanterie dont Charles de Calabre était mort victime, avait pour amant son cousin Louis de Tarente. Ce prince par ambition, les courtisans par crainte des vengeances d'André, sollicitèrent la reine de permettre qu'on la défît d'un tyran aussi à charge aux peuples qu'à elle-même. Les conjurés, ayant fait éveiller André, le 18 septembre 1345, l'étranglèrent à une fenêtre, à côté de la chambre de la reine, dans le couvent d'Averse, où la cour était alors logée. Quoique Jeanne eût, selon toute apparence, donné son consentement à ce meurtre, elle avait bien mal pris ses mesures pour profiter de la liberté qu'il lui rendait. Le peuple et les grands voulaient venger André, Naples était soulevée, et Jeanne, craignant pour elle-même et pour son amant, abandonna ses autres complices à des tribunaux qui ne dépendaient point d'elle. La Catanaise périt à la torture ; quelques-uns furent livrés à d'affreux supplices, et ce fut par des précautions aussi honteuses que le crime que Jeanne évita d'être accusée, sur l'échafaud même, par ceux qui mouraient pour elle.
      Lorsque la fermentation excitée par cette conjuration et ces supplices se fut enfin calmée, Jeanne épousa son cousin Louis de Tarente, le 20 août 1347, et par là elle ne laissa plus de doute sur sa complicité. Mais le frère ainé d'André, Louis, régnait alors avec gloire en Hongrie ; il s'était fait un devoir de venger son frère : il rassembla sa brave noblesse sous un étendard noir où l'on voyait peint le meurtre d'André, et il partit de Bude le 03 novembre 1347 pour envahir le royaume de Naples. A l'approche des Hongrois, l'armée napolitaine, commandée par Louis de Tarente, se dissipa. Jeanne, délaissée par ses courtisans, s'embarqua le 15 janvier 1348 pour la Provence ; son mari Louis et son grand sénéchal Nicolas des Acciaiuoli la suivirent de près. Mais la Provence, où cette reine malheureuse cherchait un refuge, n'était pas plus tranquille que son royaume : ses barons révoltés l'y retinrent quelque temps prisonnière, et elle ne sortit de cette captivité que par la protection du pape Clément VI. Elle l'avait obtenue en lui vendant (le 19 juin 1348) la souveraineté d'Avignon pour le prix modique de trente mille florins (1). Pendant ce temps, Louis de Hongrie avait achevé la conquête du royaume de Naples, et il y exerçait sa vengeance avec une excessive cruauté. Cependant la peste, qui à cette époque même désola l'Italie, le fit tout à coup renoncer à sa conquête, et il partit pour la Hongrie sur un petit bâtiment ; il y avait déjà envoyé les princes du sang d'Anjou et un fils de Jeanne et d'André, qui était né trois mois après la mort de son père et qui mourut peu de temps après.

      Jeanne fut alors rappelée à Naples par ses sujets : elle y revint avec Louis de Tarente, son mari, à la fin d'août 1348, et ce dernier, rassemblant comme il put une armée d'aventuriers, entreprit de reconquérir son royaume, dévasté par les bandes d'Allemands et de Hongrois que Louis y avait introduites. Louis de Hongrie rentra dans le royaume de Naples en 1350, avec dix mille hommes de cavalerie. Il y eut d'abord de grands succès ; mais les Hongrois, encore ignorants dans l'art des sièges, s'épuisèrent à celui d'Averse ; bientôt après ils demandèrent leur congé, et Louis, impatient lui-même de revoir son royaume, accorda, au mois d'octobre, une trêve à la reine Jeanne, pendant laquelle son procès devait être instruit à Avignon. La reine avoua devant les juges qui lui furent donnés par le pape qu'elle avait manifesté une aversion invincible contre son mari, et que cette haine avait encouragé les conspirateurs à se défaire de lui ; mais elle attribua son aversion à un maléfice qui lui avait été jeté. La cour pontificale déclara Jeanne innocente, et Louis de Hongrie, se soumettant à cette sentence, retira ses troupes du royaume et refusa les dédommagements pécuniaires qui lui étaient offerts.

      Jeanne et Louis de Tarente rentrèrent en possession de leur royaume, mais désolé par une longue guerre. Ils se livrèrent cependant au goût des plaisirs et de la magnificence comme au sein de la prospérité. Jeanne, il est vrai, publia quelques bonnes lois ; d'ailleurs, son affabilité, les grâces de ses manières et le charme de sa figure la faisaient aimer de tous ceux qui l'approchaient. Mais son royaume était gouverné d'une manière déplorable : les princes du sang manifestaient des prétentions inquiétantes ; les barons affectaient une indépendance anarchique, et la grande compagnie des soldats aventuriers ravageait le royaume jusqu'aux portes de la capitale, sans que le roi Louis permît qu'on troublat les fêtes du carnaval pour s'occuper d'arrêter leurs dévastations. Jeanne, qui jusqu'à la fin de sa vie conserva cette beauté que le tableau de Léonard de Vinci a rendue si célèbre, n'avait point renoncé à la galanterie, et l'on assure que Louis, dans ses fureurs jalouses, la battait quelquefois. Elle n'avait trouvé en lui ni honneur ni talents pour compenser cette brutalité.

      Enfin Louis mourut le 26 mai 1362, et Jeanne, qui ne pouvait se passer de mari, fit choix de Jacques d'Aragon, prétendant au trône de Majorque, qu'elle épousa avant la fin de l'année (Voyez Jacques de Majorque). Mais l'humeur inquiète de Jacques, son ambition et même sa délicatesse lui firent dédaigner le luxe et les vices de Naples : il passa sa vie dans les camps, toujours occupé de reconquérir son royaume de Majorque et toujours malheureux dans ses entreprises. Il mourut enfin en Espagne au mois de janvier 1375. Pendant les treize ans que dura son union avec Jacques d'Aragon, Jeanne rétablit en partie le bon ordre et la justice dans son royaume. Cependant, la faiblesse de l'autorité royale, l'insubordination des barons et l'esprit remuant de Charles de Duras, le dernier des princes du sang, déterminèrent Jeanne à épouser un quatrième mari. Elle fit choix d'Othon de Brunswick, le prince le plus noble, le plus généreux et le plus vaillant de son siècle. Ils furent mariés le 25 mars 1376.

      Jeanne, n'ayant point d'enfants de ses quatre maris, destinait sa couronne à Charles de Duras, son cousin, à qui elle avait fait épouser en 1370 Marguerite de Duras, sa nièce. Mais Charles, élevé à la cour du roi de Hongrie, avait adopté tous ses préjugés contre les Napolitains et sa haine contre leur reine. Jeanne ayant embrassé, en 1378, le parti de Clément VII contre Urbain VI, ce dernier représenta cette erreur, si c'en était une, comme une rébellion contre l'Eglise : il invoqua le secours de Charles de Duras et de Louis de Hongrie, et Charles se montra prêt à combattre contre sa parente et sa bienfaitrice. Il appela auprès de lui tous les émigrés napolitains ; il se fit couronner à Rome par le pape, le 02 juin 1381, et il s'avança dans le royaume sans rencontrer de résistance. Othon de Brunswick se trouva tellement affaibli par la désertion des Napoliains qu'il fut contraint d'éviter une bataille. Jeanne, pour punir son cousin en lui ôtant sa succession, avait adopté Louis, comte d'Anjou, dès le 29 juin 1380. Mais Louis, sur qui elle avait compté pour sa défense, n'arrivait point à son secours. Réfugiée dans le château neuf, elle vit les Napolitains ouvrir, le 16 juillet 1381, leurs portes à son adversaire. Son mari, pour la délivrer, engagea, le 24 août, une bataille désespérée ; mais son armée fut mise en déroute et lui-même demeura prisonnier. Jeanne ouvrit alors les portes de son château à Charles de Duras et se remit entre ses mains. A peine s'était-elle rendue qu'une flotte provençale entra dans le port de Naples pour la secourir. Charles, qui espérait l'engager à lui assurer aussi la succession de la Provence, lui permit de donner audience aux capitaines de ces vaisseaux ; mais Jeanne, en sa présence, exhorta les Provençaux à reconnaître Louis d'Anjou pour leur maître, à la venger du brigand sous les yeux duquel elle était forcée de les recevoir, et à ne s'occuper d'elle que pour prier pour son âme. Charles, depuis cette audience, ne garda plus de ménagement avec la reine : il l'envoya au château de Muro, dans la Basilicate, et, lorsqu'il apprit que Louis d'Anjou s'approchait pour la délivrer, il ordonna qu'ou la fît périr.

      On assure qu'elle fut étouffée sous un lit de plume, le 12 mai 1382. Laharpe a fait une tragédie de Jeanne de Naples qui est bien conduite, mais faible d'intérêt et de coloris.


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(1)  On a prétendu mal à propos que la reine Jeanne n'était pas majeure quand elle fit cette vente : elle avait déjà quinze ans de mariage. (Voyez une Lettre insérée dans le Mercure de France du 29 octobre 1791.)  (Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 21 - Pages 2-3)




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