CHAPITRE PREMIER
Leur existence est universellement reconnue
Une des plus belles caractéristiques de la
Théosophie est de nous
rendre, sous une forme plus rationnelle, tout ce qui était vraiment utile
et secourable dans les
religions qui ne répondent plus à nos besoins.
Beaucoup de personnes, après avoir brisé la chrysalide de la foi
aveugle et pris, grâce aux ailes de la raison et de l'intuition, leur essor
vers la vie mentale plus libre et plus noble de plans plus élevés,
ont néanmoins le sentiment que, si elles ont réalisé ce gain
merveilleux, elles ont d'autre part éprouvé une perte ; qu'en renonçant
aux croyances de leur enfance elles ont vu, du même coup, leur vie s'appauvrir
en beauté et en
poésie.
Leurs existences passées ont-elles été
assez bonnes pour leur permettre de se trouver sous l'
influence bienfaisante de
la
Théosophie, elles s'aperçoivent cependant très vite que,
même dans ce cas, elles n'ont rien perdu, mais, au contraire, considérablement
gagné. La splendeur, la beauté, la
poésie sont là,
dans une mesure dépassant toutes leurs espérances d'autrefois, non
plus comme un simple rêve agréable que la froide lumière du
sens commun peut toujours faire cesser par un réveil brutal, mais bien
comme des vérités d'ordre naturel, capables de supporter l'examen
et qui deviennent d'autant plus lumineuses, plus vastes et plus complètes
qu'elles sont comprises avec plus de précision.
La
Théosophie donne un exemple frappant de son action
bienfaisante, par la manière dont elle a rendu à la vie moderne
la croyance au monde invisible regardé jadis, avant l'irruption de la grande
vague matérialiste, comme la source de tout secours vivant. Elle montre
que les charmantes
légendes populaires mettant en scène les
Elfes,
les Brownies, les
Gnomes, les
esprits de l'
air et de l'
eau, de la
forêt,
de la
montagne et de la mine, ne sont pas de simples et creuses superstitions,
mais qu'elles reposent sur des faits réels et scientifiques. Sa réponse
à la grande question fondamentale : « Si l'homme meurt, revivra-t-il
? » est tout aussi claire et aussi scientifique, et ses enseignements sur
la nature et les conditions de la vie d'outre-tombe jettent un flot de lumière
sur des points qui, tout au moins pour le monde occidental, étaient enveloppés
jusqu'ici dans une impénétrable obscurité.
On ne saurait trop le répéter : dans ces enseignements
concernant l'immortalité de l'
âme et la vie posthume, la
Théosophie
diffère absolument de la
religion ordinaire. Elle ne se borne pas à
proclamer ces grandes vérités en s'appuyant sur l'autorité
de quelque livre sacré transmis par les siècles passés. En
traitant ces questions, elle ne s'occupe pas d'opinions pieuses ou de spéculations
métaphysiques, mais de faits solides, bien définis, aussi réels
et aussi proches que l'
air respiré par nous ou les maisons que nous habitons
faits dont beaucoup d'entre nous font constamment l'expérience
faits parmi lesquels certains de nos étudiants accomplissent leur travail
quotidien : nous le verrons tout à l'heure.
Parmi les belles
conceptions que la
Théosophie nous
a rendues, vient en première ligne celle de l'existence, dans la nature,
de grandes puissances secourables. Cette croyance a été universelle
dès l'aurore des temps historiques ; elle l'est encore aujourd'hui en dehors
des limites étroites du
protestantisme qui a, pour ses
sectateurs, dépeuplé
et assombri le monde, en voulant rejeter l'idée naturelle et parfaitement
juste d'
agents intermédiaires et tout réduire à deux facteurs,
l'Homme et la Divinité ; d'où il résulte que l'idée
de
Dieu a été infiniment amoindrie et que l'homme s'est trouvé
sans secours.
Un instant de réflexion montrera que l'existence d'une
Providence, telle qu'on la conçoit ordinairement, pouvoir central de l'Univers
modifiant d'une manière capricieuse le résultat de ses propres décrets,
impliquerait l'introduction, dans le plan général, d'une certaine
partialité et, par suite, de tous les maux qui en découlent forcément.
La
Théosophie échappe à cette grave objection car, suivant
ses enseignements, un homme ne peut être spécialement aidé
que si ses actions passées l'en ont rendu digne et, même dans ce
cas, il ne sera secouru que par des êtres relativement rapprochés
de son propre niveau. De plus, la
Théosophie nous ramène à
l'idée plus ancienne et bien plus grandiose d'une échelle ininterrompue
d'êtres vivants s'étendant du Logos lui-même jusqu'à
la poussière que nous foulons aux pieds.
En Orient, l'existence des aides invisibles a toujours été
reconnue, bien que les noms qu'on leur donne et les caractéristiques qu'on
leur attribue varient, naturellement, suivant les pays. Ici même, en
Europe,
les vieux récits grecs ont constamment fait intervenir les
dieux dans les
affaires humaines et, suivant la
légende romaine,
Castor et Pollux conduisaient
les
légions de la République naissante à la bataille du lac
Régille. Une croyance semblable ne disparut point avec la période
classique, car ces récits eurent pour successeurs, au moyen âge,
les
histoires de saints qui apparaissaient dans les moments critiques et tournaient
la fortune des armes en faveur des armées chrétiennes, ou d'
anges
gardiens qui intervenaient parfois pour sauver un pieux voyageur de ce qui eût
été autrement, pour lui, une mort certaine.