CHAPITRE II
LANGUE HÉBRAÏQUE
V - Moïse et les Hébreux dans le désert
Moïse naquit au milieu de ces circonstances déplorables, et sa mère, après l'avoir tenu caché durant trois mois, l'exposa sur le bord du
fleuve où
Dieu, par une
disposition miséricordieuse de sa providence, attira la fille de Pharaon. Touchée de la beauté de l'
enfant, « elle l'adopta pour son fils et le nomma Moïse, parce que, disait-elle, je l'ai retiré de l'
eau. »
(45) [70]
Le nom de Moïse se refuse à une interprétation rigoureuse par l'hébreu-chaldéen ; du reste, ce nom est une allusion à la position particulière de l'
enfant élevé à la cour de Pharaon et à l'action de la fille du roi retirant cet
enfant des bords du
fleuve où il était exposé. L'adoption de Moïse par la fille de Pharaon l'avait délivré des travaux des champs et aussi de l'oppression effroyable sous laquelle gémissaient ses
frères. Il n'était plus, par conséquent, obligé de moissonner, de transporter les
fruits récoltés dans les granges disposées à cet effet, et c'est là l'explication fort simple et très claire du nom de Moïse par la langue
celtique
to mow (
mô), moissonner, faucher,
to ease (
ise), délivrer. Josèphe fait remarquer que le nom de Moïse, le délivré des
eaux, était de
composition égyptienne, car dit-il,
mo indique l'
eau et
ise se traduit par délivrer. Il est bien probable que l'appellation égyptienne donnée à Moïse par la fille de Pharaon signifiait qu'elle l'avait sauvé des
eaux du Nil, tandis que celle par laquelle les Hébreux ses
frères le connaissaient, se rapportait surtout à son éducation à la cour du roi.
Nous n'insisterons pas sur les événement miraculeux par lesquels
Dieu conduisit le peuple Hébreu à travers le désert pour le mettre en possession de la terre de Chanaan à l'heure [71] voulus par la providence ; nous nous contenterons d'
ajouter quelques termes qui sont une démonstration bien sensible du langage parlé à cette époque par les descendans de Jacob. Engagé dans le désert, le peuple après trois
jours de marche dans cette aride contrée, parvint auprès d'une fontaine dont les
eaux étaient impropres à la boisson à cause de leur mauvais
goût, et il se prit à murmurer. Moïse se mit en prières et le Seigneur lui montra un arbuste dont il jeta le
bois dans les
eaux et elle devinrent fort douces. Les
eaux de cette fontaine nommée Mara n'étaient pas seulement amères ; elles étaient encore corrompues, et cette altération repoussante est bien indiquée par le verbe
celtique to mar, gâter.
En arrivant dans le désert de Sin peu éloigné du Sinaï, les Hébreux ayant consommé les provisions apportées d'Egypte, se livrèrent à de violents murmures contre leur chef, et alors Moïse leur dit : « Ce soir, vous saurez que c'est le Seigneur qui vous a tirés de l'Egypte, et demain matin vous verrez éclater la gloire du Seigneur... Moïse ajouta : le Seigneur vous donnera ce soir de la chair à manger et, au matin, il vous rassasiera de pains. »
(46) [72]
Le soir étant venu, un grand nombre de cailles couvrit le camp, et le matin on vit paraître dans le désert quelque chose de grenu et comme pilé au mortier, qui ressemblait à la gelée blanche dont se couvre le sol pendant l'
hiver. Ainsi le seigneur faisait éclater sa puissance aux regards des Hébreux et cet
éclat de pouvoir divin a valu à cette partie du désert le nom de Sin
Shine (
Shaïne), éclat. Le peuple, à la
vue de cette nourriture extraordinaire destinée à remplacer le pain, l'aliment essentiel, s'écria : «
Man hu ? C'est-à-dire, qu'est-ce que cela ? Car ils ignoraient ce que c'était. Moïse leur dit : « C'est là le pain que
Dieu vous donne à manger. »
(47)
Les deux mots
man hu sont tout à fait dignes d'être remarqué ;
man, en
celtique, signifie essentiel, important,
main (
mén), et
hu correspond à l'adverbe
celtique how (
haou), comment de qu'elle manière. Les hébreux ont dû s'exprimer ainsi : « Est-ce donc là l'aliment principal,
main how ? » Et ils appelèrent
man cette nourriture que
Dieu leur distribua pendant tout le temps de leur séjour au désert. Ils la nommèrent ainsi parce que c'était en vérité le fondement essentiel de leur alimentation quotidienne, tenant [73] lieu du blé qu'ils ne pouvaient point récolter dans leur voyage. Nous insistons sur cette expression d'une manière spéciale, parce que l'adjectif
celtique main (
mén) principal, essentiel, est entré dans la
composition des mots
ménir,
dolmen, désignant des monuments
celtiques, des pierres levées, et elle devient d'un secours précieux pour l'explication de ces expressions couvertes jusqu'à ce moment d'un voile impénétrable.
Moïse se trouvait encore dans le désert de Sin quand Jethro son beau-père vint lui ramener sa femme et ses
enfants. Le nom de Jethro, prince et
prêtre de Madian, est intéressant ; il résume le conseil donné à Moïse pour l'établissement de
juges inférieurs
destinés à rendre la justice au peuple dans les affaires les plus aisées et les plus communes. Jethro ayant vu Moïse assidu à rendre
justice au peuple qui se présentait à lui depuis le matin jusqu'au soir, lui dit : « Pourquoi agissez-vous ainsi à l'égard du peuple ? Pourquoi êtes-vous seul assis pour le juger, de telle sorte que tout ce peuple attend depuis le matin jusqu'au soir ? Vous ne faites pas là une bonne chose.
Vous vous fatiguez ainsi imprudemment, vous et votre peuple, par un travail inutile : cette occupation surpasse vos
forces et vous ne pourrez la soutenir seul. [74]
Mais écoutez le conseil que j'ai à vous donner, et
Dieu sera avec vous. Soyez assidu au peuple pour les choses qui regardent
Dieu... et pour lui apprendre ce qu'il doit faire pour plaire au Seigneur.
Choisissez parmi le peuple des hommes fermes et craignant
Dieu, pleins de vérité et
ennemis de l'avarice, et donnez la conduite aux uns de mille hommes, aux autres de cent, aux autres de cinquante, et aux autres de dix.
Qu'ils réservent pour vous les grandes affaires et qu'ils jugent seulement les plus petites : ainsi le fardeau de la justice étant partagé avec d'autres, vous deviendra plus léger. »
(48)
Moïse suivit ces avis dont la sagesse était évidente et distribuant la lourde charge de rendre la justice, il se trouva ainsi
protégé contre une occupation tout à fait écrasante, qu'il avait pensé pouvoir mener à bonne fin sans succomber.
Le nom de Jethro reproduit avec exactitude le fond du judicieux conseil donné à l'inexpérience de Moïse
to shade (
chède), protéger, mettre à l'abri,
raw (
râu) nouveau, sans expérience.
Il ne faudrait pas s'étonner de voir Moïse tout nouveau dans le gouvernement du peuple hébreu, [75] puisque
Dieu lui avait imposé ce pénible fardeau depuis six semaines seulement.
Quarante-huit
jours après la sortie d'Egypte, les Hébreux atteignirent le Sinaï. Dans ce lieu, le peuple reçut du Seigneur les préceptes
religieux, politiques et judiciaires qui le devaient régir. La loi y fut proclamée au milieu des clartés fulgurantes, au bruit des éclats d'un tonnerre incessant, et dans la splendeur immense d'une
montagne en
feu. Ce brillant appareil dans la proclamation de la loi a fait donner à cette
montagne le nom de Sinaï
to shine (
shaïne) briller, étinceler, éclater
to eye (
aï) regarder, avoir l'il sur. Au sommet du Sinaï où
Dieu l'avait appelé, Moïse reçu l'ordre de construire le tabernacle et l'arche d'alliance, et le seigneur désigna nommément à son serviteur les deux hommes qu'il avait remplis d'intelligence, de sagesse et de science pour inventer tout ce que l'art peut faire avec l'or, l'
argent et l'
airain. L'interprétation de Bézeléel
bezel (
bèzel), chaton d'une bague,
to lay (
lé), mettre, projeter,
to ell, mesurer, et celle de Ooliab,
wool (
ououl) laine,
to eye (
aï) avoir l'il sur,
abb, trame de laine, nous apprennent que Bèzeléel dut faire en or battu les deux chérubins
share (
shére) partage
up (
eup) en haut placés de chaque côté du propitiatoire, tandis [76] que Ooliab fut chargé d'exécuter les riches broderies des rideaux du tabernacle et les vêtements destinés au ministère du Grand
Prêtre.
(49)
Après plus d'une année de séjour au pied du Sinaï, le peuple Hébreu, conduit par la main divine, fut amené dans la grande solitude de Pharan
to fare (
fère) passer, voyager,
to hand, conduire par la main où ses tentes demeurèrent dressées jusqu'à ce qu'il reçut l'ordre de se diriger vers la terre promise pour en prendre possession. Moïse y avait envoyé des explorateurs, et les Hébreux connaissaient le pays de Chanaan par leurs rapports
Josué était au nombre de ces explorateurs, et probablement aussi leur chef, puisqu'à cette occasion Moïse changea le nom qu'il portait précédemment en celui de
Josué. La conduite de la nation fut, plus tard, confié à
Josué, lorsque Moïse, peu de temps avant de mourir, lui adressa ces paroles devant tout le peuple assemblé : « Soyez ferme et courageux, car c'est vous qui ferez entrer ce peuple dans la terre que
Dieu a juré à leurs pères de leur donner, et vous aussi qui la partagerez au sort. »
(50) [77]
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(45) Exode, Chap. II. 10.
(46) Exode, Chap. XVI. 6-8.
(47) Exode, Chap. XVI. 15.
(48) Exode, Chap. XVIII. 13-22.
(49) Exode, Chap. XXXI.
(50) Deutéronome, Chap. XXXI. 7.