PRÉFACE
La manière dont le public ordinaire et les étudiants de l'école à laquelle j'appartiens considèrent les destinées de l'
âme humaine, sont séparées par un
gouffre qui s'élargit d'années en années. « L'enseignement classique », comme l'appelle M. Balfour, est stationnaire ; mais la connaissance des conditions d'existence dans les mondes hyperphysiques de la Nature s'est développée singulièrement, depuis une quinzaine d'années, chez ceux qui ont puisé aux bonnes sources, et elle s'agrandit avec une rapidité croissante.
Dès le début de l'enseignement
théosophique,
l'on nous a dit que quelques philosophes, qui se tiennent à l'écart
des foules pour certaines raisons personnelles, étaient arrivés
à la connaissance de choses considérées jusqu'ici comme inconnaissables ; que cette connaissance pouvait être acquise par ceux qui voudraient suivre certaines méthodes spéciales ; que les personnes, possesseurs des qualités préalables nécessaires, pourraient arriver à cette connaissance beaucoup plus rapidement encore. Ce renseignement n'a pas été perdu pour ceux qui les premiers ont su apprécier la valeur de la
Théosophie. Beaucoup d'entre eux sont entrés sur le sentier du progrès, et quelques-uns sont assez avancés déjà pour s'assurer par eux-mêmes de certains mystères regardés jusqu'ici comme au-dessus de l'entendement humain. En sorte que bien des enseignements de la première heure considérés comme des exposés « ex cathedra » très conformes à la raison peut-être, mais échappant à toute vérification sont aujourd'hui du domaine de l'observation personnelle pour plusieurs étudiants qui nous sont connus. La source des premiers enseignements n'est pas tarie ; nous sommes, au contraire, en position de les justifier par des témoignages
concordants, et des informations détaillées provenant de certaines
personnes qui ont déjà parcouru partiellement le chemin du vrai
développement spirituel. Certains lieux de la nature, que les perceptions
humaines ordinaires ne peuvent atteindre, sont aujourd'hui du domaine de l'observation
scientifique positive pour ceux qui ont su profiter de ces enseignements. Maintenant
que bien des choses jadis ignorées nous sont connues, nous voyons avec
peine l'attitude mentale de ces incrédules qui nient, en les raillant,
ces facultés dont quelques-uns parmi nous se servent quotidiennement pour
l'étude, qu'il s'agisse de philosophie ou de certaines conditions
de la vie généralement inconnues. Cet au-delà dont, selon
le dicton, nul n'est revenu, est pour eux parfaitement accessible, ils y vont
et en retournent en toute
liberté ; et ceci ne fait aucune allusion aux
« communications » que peuvent faire assez souvent ceux des humains
que la mort a jetés dans l'autre monde.
Les explications que nous donnons dans le présent volume, au sujet des principes qui gouvernent le développement de l'
âme, sont basées sur cette source d'informations, et représentent le développement progressif des enseignements fondamentaux donnés dans
Esoteric Buddhism (1).
Ceux de nos lecteurs qui ne connaissent que la métaphysique
ordinaire non
théosophique, regarderont probablement notre
exposé comme un
fruit de la spéculation intellectuelle pure et simple ; il n'en est rien pourtant, et, ils le reconnaîtront plus tard ; tout ce qui est donné ici est le résultat strict d'observations attentives faites par des représentants vivants de notre humanité incarnée. Le
corps physique n'est pas une prison, comme on le supposait jadis ; on peut développer d'autres sens que les sens connus, et explorer bien des départements de la nature inexistants pour les sens ordinaires.
Sans ces enseignements, il serait impossible de rendre compte des possibilités de développement de l'
âme humaine ; je dirai plus, pour présenter ce sujet, pour faire admettre simplement qu'il n'est pas une folie et qu'il peut être traité devant des gens sensés, il nous faut d'abord combler le
gouffre signalé au début, pour que ceux qui essayeront de nous
comprendre possèdent, ne fût-ce qu'à titre d'hypothèse,
ces notions générales sur le monde hyperphysique que l'on a enseignées, ces dernières années, aux étudiants de la
Théosophie. Le processus de développement présenté par les
âmes humaines est le résultat d'une élaboration aussi soigneuse, aussi longuement préparée, que le processus physique qui transforme la
plus simple cellule organique en le
corps d'un
animal supérieur.
L'erreur fondamentale commise au sujet de la nature intérieure de l'homme, erreur adoptée par plusieurs systèmes
religieux, si sublimes et réels qu'ils puissent être dans leur
essence spirituelle, c'est de dire que l'
âme humaine passe par deux phases seulement : l'existence physique que nous connaissons sur cette terre, et la vie doutre-tombe, vie de félicité ou de malheur éternels selon l'emploi fait de cette courte vie terrestre, ou selon les préférences de la
prédestination.
Lorsque nous commençons à comprendre les phases au cours desquelles la nature produit l'évolution, nous voyons d'incommensurables périodes dévolues à la conscience comme champ d'individualisation, et de prodigieuses possibilités de développement, et la civilisation actuelle est bien plus éloignée des sommets futurs qu'elle ne l'est des humanités naissantes dont la
géologie nous a conservé les traces.
L'enseignement
occulte nous dévoile un
horizon de progrès sans fin ; il nous montre dans chaque être une individualité se conservant à travers une multiplicité d'existences variées ; et tout ce travail s'effectue par des cycles immenses au cours desquels nous revenons
de temps en temps sur le plan physique recueillant, à chaque spire du courant,
les expériences qui contribuent à la formation de l'entité
permanente et réelle qui constitue l'
âme individuelle.
Cette
âme est le centre d'identité
immuable durant le processus tout entier; et c'est l'expansion de sa conscience, de ses facultés et de sa grandeur morale que ce livre a pour but de traiter, autant que le permettent nos connaissances actuelles. Et celles-ci sont déjà si étendues malgré que les bornes de l'inconnu reculent toujours davantage que, pour pouvoir décrire la manière dont ce développement s'accomplit, il nous faudra souvent faire précéder l'idée principale de nombreuses explications préalables. C'est pour cela que nous nous sommes égarés, parfois, dans des champs d'investigation
occulte paraissant tout d'abord sortir du sujet ; ces digressions sont non seulement nécessaires, mais elles ont aussi pour but de montrer qu'une étude du développement de l'
âme est une tâche dont la grandeur dépasse toute expressions.
__________________________________________________________________________________________________
(1) Le Bouddhisme ésotérique. Traduction française par C. Lemaître.