Papus La fréquentation des musées et la méditation
devant les uvres des maîtres, le matin surtout, faciliteront l'éducation esthétique de la
vue. Le thé pourra être employé pour aider, dans certains cas, au développement.
Mais le point sur lequel le magiste doit porter principalement
son attention, c'est la domination absolue par la volonté des émotions que fait naître la
vue des choses étranges et inattendues. Ces émotions
peuvent bien se produire ; mais elles doivent être, à l'instant même,
dominées par l'action énergique de la volonté.
La plupart des épreuves des anciennes
initiations portaient sur ce point ; nous allons montrer pourquoi cet entratnement de la
vue est si utile.
Le plus grand danger que puisse craindre l'expérimentateur
dans une séance magique, c'est la perte de son sang-froid.
« Perdre la tête », c'est abandonner le
contrôle de la volonté sur l'être impulsif et soumettre l'être
immortel aux effrois que cause à l'être mortel toute vision de l'au-delà.
Or les entités astrales ne peuvent employer que la peur contre l'expérimentateur isolé dans son cercle et armé magiquement. Aussi l'individu qui se livre à ce genre d'expérience pour « s'amuser » et par « dilettantisme », doit-il, avant tout, être courageux, sous peine d'accidents cérébraux très graves, dont le moindre est l'évanouissement prolongé. Le courage, en pareille occurrence, fera bien plus que la science.
A ce propos, rappelons quelques anecdotes caractéristiques.
Deux jeunes Indous, se livrant depuis peu à l'étude de la magie ont l'idée de faire une évocation et, après quelques
jours de préparation, font leur expérience, tant bien que mal, à la lisière d'un
bois. Ils se placent dans le cercle et commencent les conjurations. Au même instant, ils voient arriver d'assez loin un taureau furieux, les cornes abaissées, et qui se dirige droit sur eux. L'un des deux expérimentateurs perd la tête et se jette en dehors du cercle où il tombe aussitôt évanoui. L'autre eut la sagesse de ne pas bouger et constata que cette vision du taureau furieux n'était qu'une hallucination consciente.
L'évanouissement de l'imprudent fut très long
à se dissiper.
Le récit de cette expérience a été fait dans un journal de Madras le
Theosophist.
Mais voici un fait du même genre, et plus récent,
celui-là. C'était en l'année 1892 ; un de nos membres, connaissant
assez les pratiques magiques pourles avoir lues et étudiées, eut l'occasion d'accompagner un expérimentateur dans les environs de
Lyon. Le cercle une fois formé au carrefour de trois routes,vers minuit, l'évocation commence et bientôt notre étudiant aperçoit un équipage arrivant au galop par l'une des routes. Il distingue très bien les lanternes éclairées de la voiture, les pas des
chevaux et les claquements du fouet. Sentant que la voiture arrivait sur eux, notre jeune homme veut se garer et, pris de peur, va se jeter hors du cercle, quand l'expérimentateur, habitué à ces surprises, l'empoigne vivement et le retient de
force. C'était encore une hallucination à laquelle le jeune débutant avait failli succomber.
On comprend pourquoi l'entraînement de la
vue et le
contrôle constant de la volonté sur les émotions est si important
pour ceux qui veulent faire les expériences difficiles de l'évocation
consciente. Mais, hâtons-nous de le dire, ces expériences sont rares dans la pratique magique, et il en existe beaucoup d'autres qui ne demandent ni ces minutieuses préparations, ni ce rigoureux entraînement.
De toute façon, il est bon que le magiste se rende compte du parti qu'il peut tirer de la sensation, qui constitue la porte d'entrée directe de la nature dans l'être humain.
Papus, Traité méthodique de Magie pratique, p. 173