Bien peu de Loges sortirent de leur sommeil pendant l'année 1795, car, en 1796, il n'y
en avait encore que dix-huit dans toute la France : 3 à
Paris, 7 à
Rouen, 4 au
Havre, 2 à
Perpignan, 1
à
Melun et 1 à la
Rochelle.
Les autres associations se
réveillèrent peu après. Les survivants
de la
Grande-Loge se réunirent le 17
octobre 1796. En 1801, le
Chapitre Rose-Croix d'Arras
se réveilla et s'unit au
Grand-Orient ;
et la loge
Saint-Alexandre-d'Ecosse,
héritière de la Mère-Loge du
Rite
Ecossais philosophique, reprit les travaux de son
rite le 24
juin de la même année.
Cette loge de
Saint-Alexandre-d'Ecosse
nous intéresse particulièrement ici, parce
qu'elle acquit en 1806, de différentes personnes une bonne
partie des archives
philalèthes qui, à la mort du
marquis Savalette de Langes, avaient été vendues
à l'encan dans un moment où la dispersion des
principaux intéressés avait failli être
fatale à ces archives. Le dépôt du
Trésor qui comprenait, outre les archives du
Régime
Philalèthe, un grand nombre de documents de la
loge
hermétique de
intéressant le
Rite
Ecossais Philosophique, et la presque totalité des
archives de l'
Ordre des Elus-Coëns, fut
acheté par lots à un prix dérisoire
par les
frères Tassin, de
Pontcarré, Astier et
Fourcauit, qui se partagèrent
scrupuleusement les documents
et les livres que le hasard leur avait attribués. C'est
ainsi que le
Grand-Orient fut remis en possession
d'un certain nombre de pièces manuscrites concernant
l'ancienne
Grande-Loge et notamment des
procès verbaux antérieurs à 1773, et
que les procès-verbaux du Tribunal-Souverain de
Paris ainsi
que les cahiers, registres administratifs et correspondances de l'
Ordre
des Elus-Coëns firent retour aux intéressés, tandis que la loge de
Saint-Alexandre-d'Ecosse
augmentait ses archives de celles des
Philalèthes et des
dépouilles de la riche bibliothèque et du curieux
cabinet de physique et d'
histoire naturelle dont Savalette de Langes
avait été conservateur.
Toutes ces archives eurent de
nombreuses tribulations. La plus piquante fut celle des documents qui
avaient été attribués au
Grand-Orient
dont le
frère Thory était l'archiviste. Ce
frère s'étant séparé du
Grand-Orient
pour entrer au
Rite Ecossais Philosophique aurait
conservé après sa séparation la
plupart des archives provenant des
Philalèthes, archives qui
lui étaient d'un grand secours dans les travaux historiques
qu'il avait entrepris sur la
Franc-Maçonnerie. Devenu
conservateur des archives du
Rite Ecossais Philosophique,
il s'acquitta consciencieusement de ses nouvelles fonctions ; mais,
comme les archives étaient déposées
chez lui, il se produisit à sa mort un accident identique
à celui qui avait accompagné la mort de Savalette
de Langes. La bibliothèque et les précieuses
archives furent vendues par la veuve à un
Américain, qui n'ayant pas trouvé à
les vendre convenablement dans son pays, les
réexpédia en France, où elles furent
revendues en 1863 aux enchères publiques. Le
Grand-Orient
dut alors racheter quelques ouvrages et les procès-verbaux
de l'ancienne Grande-Loge qui lui avaient appartenu. Quant à
la loge de
Saint-Alexandre-d'Ecosse, elle avait
fermé ses travaux en 1826, sans avoir pu rentrer en
possession de son bien
[Note
de l'auteur : Aujourd'hui, il est bien difficile de faire un
recensement de ces archives, dont quelques débris furent
acquis par la loge du Mont-Thabor. Le Dr Morison de
Greenfield en possède quelques autres, ainsi que M. Matter.
Des fragments nous en restent qui sont communs à l'Ordre des
Elus-Coëns. M. Kergemard a conservé une partie de
la correspondance étrangère ; et nous avons pu
voir, dans la bibliothèque d'une autre personne, deux
registres des chapitres philalèthes.].
Les archives de l'
Ordre des
Elus-Coëns, après avoir
été menacées de dispersion totale,
eurent une existence moins agitée. Les
élus-coëns Fourcault et De
Pontcarré qni
se les étaient partagées les remirent en 1809 au
T. P. M. Destigny, revenu de Saint-Domingue à la suite des
événements qui enlevèrent cette
île à la France.
Ce
frère joignit au
dépôt les archives particulières de la
colonie, moins celles de l'Orient de Léogane qui avaient
été la proie d'un
incendie ; et, vers 1812, le T.
P. M. substitut d'
Ossun restitue également, à son
retour d'Italie, les divers documents que lui et le
frère de
Bonnefoy avaient emportés de l'Orient d'
Avignon avant les
troubles de 1793. Destigny fut conservateur des archives des
Elus-Coëns
jusqu'en 1868. Un an avant sa mort, il les remit au
frère
Villaréal, aux bons soins duquel nous devons de les avoir
conservées
[Note
de l'auteur : Les archives des Elus-Coëns
comprennent celles de tous les orients de l'Ordre, moins deux, les
orients de Léogane et de Lyon, soit onze orients. Ce qui
reste des archives de Lyon est aujourd'hui entre les mains de M. Papus,
qui en a publié des extraits dans son ouvrage sur Martinès
de Pasqually, ouvrage qui serait fort instructif si l'auteur
ne l'avait écrit pro domo sua et sans
aucun souci de l'histoire maçonnique.].
De même que dans notre
précédent travail
[Note
de l'auteur : Voyez la notice qui accompagne le Traité
de la Réintégration des Etres de
Martinès de Pasqually, publié pour la
première fois dans la Bibliothèque Rosicrucienne
de l'Ordre de Misraïm.],
nous arrêterons ici l'
histoire des
Elus-Coëns
; et nous terminerons la présente notice,
déjà si longue, en disant quelques mots de la
Stricte-Observance
rectifiée, que l'on a cherché
à confondre avec l'
Ordre des Elus-Coëns,
et d'un prétendu ordre attribué
Saint-Martin qui
n'a pas lieu de se louer d'une telle addition à ses œuvres
posthumes.
Les trois
directoires
français de la
Stricte-Observance
rectifiée (
Besançon,
Lyon [Note de l'auteur : La Loge de la
Bienveillance fut réveillée le 24
septembre 1806.] et
) se
réveillèrent successivement de 1805 à
1808. Ils se réclamèrent presque
aussitôt du Grand-Orient. Mais celui-ci était peu
désireux de renouveler les traités
antérieurs et il accorda une reconnaissance
entière des loges directoriales moyennant que ces
dernières choisissent un grand-maître national.
Les membres de la loge du
Centre
des amis de
Paris s'entremirent, et, en
juin 1808, le prince
de Cambacérès, Grand-Maître adjoint du
Grand
Orient, accepta avec le titre d' « Eques Joanes
Jacobus Regis a legibus », la charge de
Grand-Maître national de la
Stricte-Observance
rectifiée, pour la province de
Bourgogne. En mars
1809, Willermoz obtint la même faveur pour la province
d'Auvergne
[Note de
l'auteur : Chose étrange, M. Papus qui mentionne ce fait
relaté dans une lettre de Villermoz au prince de Hesse
l'attribue à l'Ordre des Elus-Coëns
en ajoutant que cela lui permet de suivre cet Ordre jusqu'en 1810.],
et, en mai 1809, ce fut le tour de la province de
Septimanie.
Mais cela n'empêcha pas les
Directoires de disparaître définitivement peu après, à la suite de la mort de Willermoz. En 1810, à la veille de s'éteindre faute de membres, le
Directoire de
Bourgogne transmit ses pouvoirs à une loge de Genève
L'Union des cœurs, et, grâce à cet artifice, le
Directoire helvétique qui venait de se réveiller à
Bâle, mais que le
Grand Orient de France refusait de reconnaître, put rester en relations avec ce
Grand Orient par l'intermédiaire de
L'Union des Curs.
En 1811, le
Directoire helvétique nomma pour grand-maître provincial Pierre Burkhard. En 1812, le
Grand-Orient Helvétique Roman fit une tentative pour réunir toutes les loges de la
Suisse sous son autorité suprême mais cette tentative échoua parce que d'un côté le
Directoire helvétique fit de l'acceptation du
rite de la
Stricte-Observance rectifiée la condition « sine qua non » de sa jonction, et que d'un autre côté la loge de
L'Espérance de Berne, qui trouvait le système de la
Stricte-Observance rectifiée aussi peu en rapport avec le pur enseignement primitif de la
Franc-Maçonnerie que sa constitution elle-même l'était avec la
liberté qu'on désirait, crut ne pas pouvoir entrer dans ces
vues.