Ce trésor qui peut
monter à deux
d'écus romains dans l'angle le plus
él
de la seconde ouverture, lequel
déclare lui appartenir en toute pro
tier
25 avril 149
« Eh bien, dit Faria quand le jeune homme eut fini
sa lecture.
Mais répondit Dantès, je ne vois là
que des lignes tronquées, des mots sans suite ; les caractères
sont interrompus par l'action du feu et restent inintelligibles.
Pour vous, mon ami, qui les lisez pour la première
fois, mais pas pour moi qui ai pâli dessus pendant bien des nuits, qui
ai reconstruit chaque phrase, complété chaque pensée.
Et vous croyez avoir trouvé ce sens suspendu
?
J'en suis sûr, vous en jugerez vous-même
; mais d'abord écoutez l'histoire de ce papier.
Silence ! s'écria Dantès.... Des pas
!... On approche... je pars.... Adieu ! »
Et Dantès, heureux d'échapper à l'histoire
et à l'explication qui n'eussent pas manqué de lui confirmer le
malheur de son ami, se glissa comme une couleuvre par l'étroit couloir,
tandis que Faria rendu à une sorte d'activité par la terreur,
repoussait du pied la dalle qu'il recouvrait d'une natte afin de cacher aux
yeux la solution de continuité qu'il n'avait pas eu le temps de faire
disparaître.
C'était le gouverneur qui, ayant appris par le geôlier
l'accident de Faria, venait s'assurer par lui-même de sa gravité.
Faria le reçut assis, évita tout geste compromettant,
et parvint à cacher au gouverneur la paralysie qui avait déjà
frappé de mort la moitié de sa personne. Sa crainte était
que le gouverneur, touché de pitié pour lui, ne le voulût
mettre dans une prison plus saine et ne le séparât ainsi de son
jeune compagnon ; mais il n'en fut heureusement pas ainsi, et le gouverneur
se retira convaincu que son pauvre fou, pour lequel il ressentait au fond du
cur une certaine affection, n'était atteint que d'une indisposition
légère.
Pendant ce temps, Edmond, assis sur son lit et la tête
dans ses mains, essayait de rassembler ses pensées ; tout était
si raisonné, si grand et si logique dans Faria depuis qu'il le connaissait,
qu'il ne pouvait comprendre cette suprême sagesse sur tous les points
alliée à la déraison sur un seul : était-ce Faria
qui se trompait sur son trésor, était-ce tout le monde qui se
trompait sur Faria ?
Dantès resta chez lui toute la journée, n'osant
retourner chez son ami. Il essayait de reculer ainsi le moment où il
acquerrait la certitude que l'abbé était fou. Cette conviction
devait être effroyable pour lui.
Mais vers le soir, après l'heure de la visite ordinaire,
Faria, ne voyant pas revenir le jeune homme, essaya de franchir l'espace qui
le séparait de lui. Edmond frissonna en entendant les efforts douloureux
que faisait le vieillard pour se traîner : sa jambe était inerte,
et il ne pouvait plus s'aider de son bras. Edmond fut obligé de l'attirer
à lui, car il n'eût jamais pu sortir seul par l'étroite
ouverture qui donnait dans la chambre de Dantès.
« Me voici impitoyablement acharné à
votre poursuite, dit-il avec un sourire rayonnant de bienveillance. Vous aviez
cru pouvoir échapper à ma magnificence, mais il n'en sera rien.
Ecoutez donc. »
Edmond vit qu'il ne pouvait reculer ; il fit asseoir le
vieillard sur son lit, et se plaça près de lui sur son escabeau.
« Vous savez, dit l'abbé, que j'étais
le secrétaire, le familier, l'ami du cardinal Spada, le dernier des princes
de ce nom. Je dois à ce digne seigneur tout ce que j'ai goûté
de bonheur en cette vie. Il n'était pas riche bien que les richesses
de sa famille fussent proverbiales et que j'aie entendu dire souvent : Riche
comme un Spada. Mais lui, comme le bruit public, vivait sur cette réputation
d'opulence. Son palais fut mon paradis. J'instruisis ses neveux, qui sont morts,
et lorsqu'il fut seul au monde, je lui rendis, par un dévouement absolu
à ses volontés, tout ce qu'il avait fait pour moi depuis dix ans.
« La maison du cardinal n'eut bientôt plus
de secrets pour moi ; j'avais vu souvent Monseigneur travailler à compulser
des livres antiques et fouiller avidement dans la poussière des manuscrits
de famille. Un jour que je lui reprochais ses inutiles veilles et l'espèce
d'abattement qui les suivait, il me regarda en souriant amèrement et
m'ouvrit un livre qui est l'histoire de la ville de Rome. Là, au vingtième
chapitre de la Vie du pape Alexandre VI, il y avait les lignes suivantes, que
je n'ai pu jamais oublier :
« Les grandes guerres de la Romagne étaient
terminées. César Borgia, qui avait achevé sa conquête,
avait besoin d'argent pour acheter l'Italie tout entière. Le pape avait
également besoin d'argent pour en finir avec Louis XII, roi de France,
encore terrible malgré ses derniers revers. Il s'agissait donc de faire
une bonne spéculation, ce qui devenait difficile dans cette pauvre Italie
épuisée.
« Sa Sainteté eut une idée. Elle résolut
de faire deux cardinaux.
« En choisissant deux des grands personnages de Rome,
deux riches surtout, voici ce qui revenait au Saint-Père de la spéculation
: d'abord il avait à vendre les grandes charges et les emplois magnifiques
dont ces deux cardinaux étaient en possession ; en outre, il pouvait
compter sur un prix très brillant de la vente de ces deux chapeaux.
« Il restait une troisième part de spéculation,
qui va apparaître bientôt.
« Le pape et César Borgia trouvèrent
d'abord les deux cardinaux futurs : c'était Jean Rospigliosi, qui tenait
à lui seul quatre des plus hautes dignités du Saint-Siège,
puis César Spada, l'un des plus nobles et des plus riches Romains. L'un
et l'autre sentaient le prix d'une pareille faveur du pape. Ils étaient
ambitieux. Ceux-là trouvés, César trouva bientôt
des acquéreurs pour leurs charges.
« Il résulta que Rospigliosi et Spada payèrent
pour être cardinaux, et que huit autres payèrent pour être
ce qu'étaient auparavant les deux cardinaux de création nouvelle.
Il entra huit cent mille écus dans les coffres des spéculateurs.
« Passons à la dernière partie de la
spéculation, il est temps. Le pape ayant comblé de caresses Rospigliosi
et Spada, leur ayant conféré les insignes du cardinalat, sûr
qu'ils avaient dû, pour acquitter la dette non fictive de leur reconnaissance,
rapprocher et réaliser leur fortune pour se fixer à Rome, le pape
et César Borgia invitèrent à dîner ces deux cardinaux.
« Ce fut le sujet d'une contestation entre le Saint-Père
et son fils : César pensait qu'on pouvait user de l'un de ces moyens
qu'il tenait toujours à la disposition de ses amis intimes, savoir :
d'abord, de la fameuse clef avec laquelle on priait certaines gens d'aller ouvrir
certaine armoire. Cette clef était garnie d'une petite pointe de fer,
négligence de l'ouvrier. Lorsqu'on forçait pour ouvrir l'armoire,
dont la serrure était difficile, on se piquait avec cette petite pointe,
et l'on en mourait le lendemain. Il y avait aussi la bague à tête
de lion, que César passait à son doigt lorsqu'il donnait de certaines
poignées de main. Le lion mordait l'épiderme de ces mains favorisées,
et la morsure était mortelle au bout de vingt-quatre heures.
« César proposa donc à son père,
soit d'envoyer les cardinaux ouvrir l'armoire, soit de leur donner à
chacun une cordiale poignée de main, mais Alexandre VI lui répondit
:
« – Ne regardons pas à un dîner
quand il s'agit de ces excellents cardinaux Spada et Rospigliosi. Quelque chose
me dit que nous regagnerons cet argent-là. D'ailleurs, vous oubliez,
César, qu'une indigestion se déclare tout de suite, tandis qu'une
piqûre ou une morsure n'aboutissent qu'après un jour ou deux.
« César se rendit à ce raisonnement.
Voilà pourquoi les cardinaux furent invités à ce dîner.
« On dressa le couvert dans la vigne que possédait
le pape près de Saint-Pierre-ès-Liens, charmante habitation que
les cardinaux connaissaient bien de réputation.
« Rospigliosi, tout étourdi de sa dignité
nouvelle, apprêta son estomac et sa meilleure mine. Spada, homme prudent
et qui aimait uniquement son neveu, jeune capitaine de la plus belle espérance,
prit du papier, une plume, et fit son testament.
« Il fit dire ensuite à ce neveu de l'attendre
aux environs de la vigne, mais il paraît que le serviteur ne le trouva
pas.
« Spada connaissait la coutume des invitations. Depuis
que le christianisme, éminemment civilisateur, avait apporté ses
progrès dans Rome, ce n'était plus un centurion qui arrivait de
la part du tyran vous dire : « César veut que tu meures »
; mais c'était un légat a latere, qui venait, la bouche
souriante, vous dire de la part du pape : « Sa Sainteté veut que
vous dîniez avec elle. »
« Spada partit vers les deux heures pour la vigne
de Saint-Pierre-ès-Liens ; le pape l'y attendait. La première
figure qui frappa les yeux de Spada fut celle de son neveu tout paré,
tout gracieux, auquel César Borgia prodiguait les caresses. Spada pâlit
; et César, qui lui décocha un regard plein d'ironie, laissa voir
qu'il avait tout prévu, que le piège était bien dressé.
« On dîna. Spada n'avait pu que demander à
son neveu : « Avez-vous reçu mon message ? » Le neveu répondit
que non et comprit parfaitement la valeur de cette question : il était
trop tard, car il venait de boire un verre d'excellent vin mis à part
pour lui par le sommelier du pape. Spada vit au même moment approcher
une autre bouteille dont on lui offrit libéralement. Une heure après,
un médecin les déclarait tous deux empoisonnés par des
morilles vénéneuses, Spada mourait sur le seuil de la vigne, le
neveu expirait à sa porte en faisant un signe que sa femme ne comprit
pas.
« Aussitôt César et le pape s'empressèrent
d'envahir l'héritage, sous prétexte de rechercher les papiers
des défunts. Mais l'héritage consistait en ceci : un morceau de
papier sur lequel Spada avait écrit :
« Je lègue à mon neveu bien-aimé
mes coffres, mes livres, parmi lesquels mon beau bréviaire à coins
d'or, désirant qu'il garde ce souvenir de son oncle affectionné.
« Les héritiers cherchèrent partout,
admirèrent le bréviaire, firent main basse sur les meubles et
s'étonnèrent que Spada, l'homme riche, fût effectivement
le plus misérable des oncles ; de trésors, aucun : si ce n'est
des trésors de science renfermés dans la bibliothèque et
les laboratoires.
« Ce fut tout. César et son pore cherchèrent,
fouillèrent et espionnèrent, on ne trouva rien, ou du moins très
peu de chose : pour un millier d'écus, peut-être, d'orfèvrerie,
et pour autant à peu près d'argent monnayé ; mais le neveu
avait eu le temps de dire en rentrant à sa femme :
« Cherchez parmi les papiers de mon oncle, il y a
un testament réel.
« On chercha plus activement encore peut-être
que n'avaient fait les augustes héritiers. Ce fut en vain : il resta
deux palais et une vigne derrière le Palatin. Mais à cette époque
les biens immobiliers avaient une valeur médiocre ; les deux palais et
la vigne restèrent à la famille, comme indignes de la rapacité
du pape et de son fils.
« Les mois et les années s'écoulèrent.
Alexandre VI mourut empoisonné, vous savez par quelle méprise
; César, empoisonné en même temps que lui, en fut quitte
pour changer de peau comme un serpent, et revêtir une nouvelle enveloppe
où le poison avait laissé des taches pareilles à celles
que l'on voit sur la fourrure du tigre ; enfin, forcé de quitter Rome,
il alla se faire tuer obscurément dans une escarmouche nocturne et presque
oubliée par l'histoire.
« Après la mort du pape, après l'exil
de son fils, on s'attendait généralement à voir reprendre
à la famille le train princier qu'elle menait du temps du cardinal Spada
; mais il n'en fut pas ainsi. Les Spada restèrent dans une aisance douteuse,
un mystère éternel pesa sur cette sombre affaire, et le bruit
public fut que César, meilleur politique que son père, avait enlevé
au pape la fortune des deux cardinaux ; je dis des deux, parce que le cardinal
Rospigliosi, qui n'avait pris aucune précaution, fut dépouillé
complètement.
« Jusqu'à présent, interrompit Faria
en souriant, cela ne vous semble pas trop insensé, n'est-ce pas ?
Ô mon ami, dit Dantès, il me semble
que je lis, au contraire, une chronique pleine d'intérêt. Continuez,
je vous prie.
Je continue :
« La famille s'accoutuma à cette obscurité.
Les années s'écoulèrent ; parmi les descendants les uns
furent soldats, les autres diplomates ; ceux-ci gens d'Eglise, ceux-là
banquiers ; les uns s'enrichirent, les autres achevèrent de se ruiner.
J'arrive au dernier de la famille, à celui-là dont je fus le secrétaire,
au comte de Spada.
« Je l'avais bien souvent entendu se plaindre de
la disproportion de sa fortune avec son rang, aussi lui avais-je donné
le conseil de placer le peu de biens qui lui restait en rentes viagères
; il suivit ce conseil, et doubla ainsi son revenu.
« Le fameux bréviaire était resté
dans la famille, et c'était le comte de Spada qui le possédait
: on l'avait conservé de père en fils, car la clause bizarre du
seul testament qu'on eût retrouvé en avait fait une véritable
relique gardée avec une superstitieuse vénération dans
la famille ; c'était un livre enluminé des plus belles figures
gothiques, et si pesant d'or, qu'un domestique le portait toujours devant le
cardinal dans les jours de grande solennité.
« A la vue des papiers de toutes sortes, titres,
contrats, parchemins, qu'on gardait dans les archives de la famille et qui tous
venaient du cardinal empoisonné, je me mis à mon tour, comme vingt
serviteurs, vingt intendants, vingt secrétaires qui m'avaient précédé,
à compulser les liasses formidables : malgré l'activité
et la religion de mes recherches, je ne retrouvai absolument rien. Cependant
j'avais lu, j'avais même écrit une histoire exacte et presque éphéméridique
de la famille des Borgia, dans le seul but de m'assurer si un supplément
de fortune était survenu à ces princes à la mort de mon
cardinal César Spada, et je n'y avais remarqué que l'addition
des biens du cardinal Rospigliosi, son compagnon d'infortune.
« J'étais donc à peu près sûr
que l'héritage n'avait profité ni aux Borgia ni à la famille,
mais était resté sans maître, comme ces trésors des
contes arabes qui dorment au sein de la terre sous les regards d'un génie.
Je fouillai, je comptai, je supputai mille et mille fois les revenus et les
dépenses de la famille depuis trois cents ans : tout fut inutile, je
restai dans mon ignorance, et le comte de Spada dans sa misère.
« Mon patron mourut. De sa rente en viager il avait
excepté ses papiers de famille, sa bibliothèque, composée
de cinq mille volumes, et son fameux bréviaire. Il me légua tout
cela, avec un millier d'écus romains qu'il possédait en argent
comptant, à la condition que je ferais dire des messes anniversaires
et que je dresserais un arbre généalogique et une histoire de
sa maison, ce que je fis fort exactement....
« Tranquillisez-vous, mon cher Edmond, nous approchons
de la fin.
« En 1807, un mois avant mon arrestation et quinze
jours après la mort du comte de Spada, le 25 du mois de décembre,
vous allez comprendre tout à l'heure comment la date de ce jour mémorable
est restée dans mon souvenir, je relisais pour la millième fois
ces papiers que je coordonnais, car, le palais appartenant désormais
à un étranger, j'allais quitter Rome pour aller m'établir
à Florence, en emportant une douzaine de mille livres que je possédais,
ma bibliothèque et mon fameux bréviaire, lorsque, fatigué
de cette étude assidue, mal disposé par un dîner assez lourd
quel j'avais fait, je laissai tomber ma tête sur mes deux mains et m'endormis
: il était trois heures de l'après-midi.
« Je me réveillai comme la pendule sonnait
six heures.
« Je levai la tête, j'étais dans l'obscurité
la plus profonde. Je sonnai pour qu'on m'apportât de la lumière,
personne ne vint ; je résolus alors de me servir moi-même. C'était
d'ailleurs une habitude de philosophe qu'il allait me falloir prendre. Je pris
d'une main une bougie toute préparée, et de l'autre je cherchai,
à défaut des allumettes absentes de leur boîte, un papier
que je comptais allumer à un dernier reste de flamme au-dessus du foyer
; mais, craignant dans l'obscurité de prendre un papier précieux
à la place d'un papier inutile, j'hésitais, lorsque je me rappelai
avoir vu, dans le fameux bréviaire qui était posé sur la
table à côté de moi, un vieux papier tout jaune par le haut,
qui avait l'air de servir de signet, et qui avait traversé les siècles
maintenu à sa place par la vénération des héritiers.
Je cherchai, en tâtonnant, cette feuille inutile, je la trouvai, je la
tordis, et, la présentant à la flamme mourante, je l'allumai.
« Mais, sous mes doigts, comme par magie, à
mesure que le feu montait, je vis des caractères jaunâtres sortir
du papier blanc et apparaître sur la feuille ; alors la terreur me prit
: je serrai dans mes mains le papier, j'étouffai le feu, j'allumai directement
la bougie au foyer, je rouvris avec une indicible émotion la lettre froissée,
et je reconnus qu'une encre mystérieuse et sympathique avait tracé
ces lettres apparentes seulement au contact de la vive chaleur. Un peu plus
du tiers du papier avait été consumé par la flamme : c'est
ce papier que vous avez lu ce matin ; relisez-le, Dantès ; puis quand
vous l'aurez relu, je vous compléterai, moi, les phrases interrompues
et le sens incomplet. »
Et Faria, interrompant, offrit le papier à Dantès
qui, cette fois, relut avidement les mots suivants tracés avec une encre
rousse, pareille à la rouille :
Cejourd'hui 25 avril
1498, ay
Alexandre VI, et craignant que, non
il ne veuille hériter de moi et
ne me ré
et Bentivoglio, morts empoisonnés,
mon légataire universel, que j'ai
enf
pour l'avoir visité avec moi, c'est-à-dire
dans
île de Monte-Cristo, tout ce que
je pos
reries, diamants, bijoux ; que seul
peut monter à peu près à
deux mil
trouvera ayant levé la vingtième
roch
crique de l'Est en droite ligne. Deux ouvertu
dans ces grottes : le trésor est
dans l'angle le plus é
lequel trésor je lui lègue
et cède en tou
seul héritier.
25 avril 1498
CES
« Maintenant, reprit l'abbé, lisez cet autre
papier. » Et il présenta à Dantès une seconde feuille
avec d'autres fragments de lignes. Dantès prit et lut :
ant été invité
à dîner par Sa Sainteté
content de m'avoir fait payer le chapeau,
serve le sort des cardinaux Crapara
je déclare à mon neveu Guido
Spada,
oui dans un endroit qu'il connaît
les grottes de la petite
sédais de lingots, d'or monnayé,
de pier
je connais l'existence de ce trésor,
qui
lions d'écus romains, et qu'il
e, à partir de la petite
res ont été pratiquées
loigné de la deuxième,
te propriété comme à
mon
AR † SPADA
Faria le suivait d'un il ardent.
« Et maintenant, dit-il, lorsqu'il eut vu que Dantès
en était arrivé à la dernière ligne, rapprochez
les deux fragments, et jugez vous-même. »
Dantès obéit ; les deux fragments rapprochés
donnaient l'ensemble suivant :
« Cejourd'hui 25 avril 1498, ay... ant été
invité à dîner par Sa Sainteté Alexandre VI, et craignant
que, non... content de m'avoir fait payer le chapeau, il ne veuille hériter
de moi et ne me ré... serve le sort des cardinaux Crapara et Bentivoglio,
morts empoisonnés,... je déclare à mon neveu Guido Spada,
mon légataire universel, que j'ai en... foui dans un endroit qu'il connaît
pour l'avoir visité avec moi, c'est-à-dire dans... les grottes
de la petite île de Monte-Cristo, tout ce que je pos... sédais
de lingots, d'or monnayé, pierreries, diamants bijoux ; que seul... je
connais l'existence de ce trésor qui peut monter à peu près
à deux mil... lions d'écus romains, et qu'il trouvera ayant levé
la vingtième roch... e à partir de la petite crique de l'Est en
droite ligne. Deux ouvertu... res ont été pratiquées dans
ces grottes : le trésor est dans l'angle le plus é... loigné
de la deuxième, lequel trésor je lui lègue et cède
en tou... te propriété, comme à mon seul héritier.
« 25 avril 1498
« CESAR.... SPADA. »
« Eh bien, comprenez-vous enfin ? dit Faria.
C'était la déclaration du cardinal
Spada et le testament que l'on cherchait depuis si longtemps ? dit Edmond encore
incrédule.
Oui, mille fois oui.
Qui l'a reconstruite ainsi ?
Moi, qui, à l'aide du fragment restant, ai
deviné le reste en mesurant la longueur des lignes par celle du papier
et en pénétrant dans le sens caché au moyen du sens visible,
comme on se guide dans un souterrain par un reste de lumière qui vient
d'en haut.
Et qu'avez-vous fait quand vous avez cru avoir acquis
cette conviction ?
J'ai voulu partir et je suis parti à l'instant
même, emportant avec moi le commencement de mon grand travail sur l'unité
d'un royaume d'Italie ; mais depuis longtemps la police impériale, qui,
dans ce temps, au contraire de ce que Napoléon a voulu depuis, quand
un fils lui fut né, voulait la division des provinces, avait les yeux
sur moi : mon départ précipité, dont elle était
loin de deviner la cause, éveilla ses soupçons, et au moment où
je m'embarquais à Piombino je fus arrêté.
« Maintenant, continua Faria en regardant Dantès
avec une expression presque paternelle, maintenant, mon ami, vous en savez autant
que moi : si nous nous sauvons jamais ensemble, la moitié de mon trésor
est à vous ; et si je meurs ici et que vous vous sauviez seul, il vous
appartient en totalité.
Mais, demanda Dantès hésitant, ce
trésor n'a-t-il pas dans ce monde quelque plus légitime possesseur
que nous ?
Mais non, rassurez-vous, la famille est éteinte
complètement ; le dernier comte de Spada, d'ailleurs, m'a fait son héritier
; en me léguant ce bréviaire symbolique il m'a légué
ce qu'il contenait ; non, non, tranquillisez-vous : si nous mettons la main
sur cette fortune, nous pourrons en jouir sans remords.
Et vous dites que ce trésor renferme....
Deux millions d'écus romains, treize millions
à peu près de notre monnaie.
Impossible ! dit Dantès effrayé par
l'énormité de la somme.
Impossible ! et pourquoi ? reprit le vieillard. La famille Spada était une des plus vieilles et des plus puissantes familles du quinzième siècle. D'ailleurs, dans ces temps où toute spéculation et toute industrie étaient absentes, ces agglomérations d'or et de bijoux ne sont pas rares, il y a encore aujourd'hui des familles romaines qui meurent de faim près d'un million en diamants et en pierreries transmis par majorat, et auquel elles ne peuvent toucher. »
Edmond croyait rêver : il flottait entre l'incrédulité et la joie.
« Je n'ai gardé si longtemps le secret avec vous, continua Faria, d'abord que pour vous éprouver, et ensuite pour vous surprendre ; si nous nous fussions évadés avant mon accès de catalepsie, je vous conduisais à Monte-Cristo ; maintenant, ajouta-t-il avec un soupir, c'est vous qui m'y conduirez. Eh bien, Dantès, vous ne me remerciez pas ?
Ce trésor vous appartient, mon ami, dit Dantès, il appartient à vous seul, et je n'y ai aucun droit : je ne suis point votre parent.
Vous êtes mon fils, Dantès ! s'écria le vieillard, vous êtes l'enfant de ma captivité ; mon état me condamnait au célibat : Dieu vous a envoyé à moi pour consoler à la fois l'homme qui ne pouvait être père et le prisonnier qui ne pouvait être libre. »
Et Faria tendit le bras qui lui restait au jeune homme qui se jeta à son cou en pleurant.