1.
La vérité ne demande pas mieux que de faire alliance avec
l'homme ; mais elle veut que ce soit avec l'homme seul, et sans aucun
mélange de tout ce qui n'est pas fixe et éternel comme elle.
Elle veut que cet homme se lave et se
régénère perpétuellement, et en entier dans la
piscine du
feu, et dans
la soif de l'
unité ; elle veut qu'il fasse boire
chaque
jour ses péchés à la terre, c'est-à-dire, qu'il lui fasse boire
toute sa matière, puisque c'est là son vrai péché ; elle veut qu'il
tienne sans cesse son
corps prêt à la mort et aux douleurs, son âme
prête à l'activité de toutes les vertus, son
esprit prêt à saisir
toutes les lumières, et à les faire fructifier pour la gloire de la
source d'où elles lui viennent ; elle veut qu'il se regarde dans tout
son être comme une armée toujours sur pied, et prête à marcher au
premier ordre qu'elle lui donnera ; elle veut qu'il ait une résolution
et une constance que rien ne puisse altérer, et qu'étant prévenu qu'en
avançant dans la carrière, il n'y peut trouver que des souffrances,
puisque le mal va s'offrir à lui à tous les pas, cette perspective ne
l'arrête point dans sa marche, et qu'il ne porte pas moins sa vue
exclusivement sur le terme qui l'attend à la fin de la course.
Si elle le trouve dans ces
dispositions, voici les promesses qu'elle lui fait, et les faveurs
qu'elle lui destine. Car, à peine l'intérieur de l'homme s'ouvre-t-il
devant elle, qu'elle est saisie d'un transport de joie, non seulement
comme la mère la plus tendre pour un fils qu'elle n'avait vu depuis
longtemps ; mais comme le plus sublime génie à la
vue de la plus
sublime production qui, d'abord, lui paraît neuve, étrangère à son
esprit, et pour ainsi dire, effacée de sa mémoire, mais qui bientôt lui
fait unir l'
amour le plus vif à cette profonde admiration, quand ce
sublime génie vient à reconnaître que cette sublime production est son
ouvrage.
A peine la vérité voit-elle naître le
désir et la volonté dans le
cœur de l'homme, qu'elle s'y précipite,
avec toutes les ardeurs de sa vie divine et de son
amour. Souvent même
elle ne lui demande que de se priver de ce qui est nul, et pour ce
sacrifice négatif, elle va le combler de réalités. Les principales de
ces réalités, c'est de commencer par lui donner les signes
d'avertissement et de préservation, afin qu'il ne soit plus dans le cas
de craindre comme
Caïn, et de dire :
ceux qui me
rencontreront me tueront. Ensuite elle attache sur lui les
signes de terreur, afin que sa présence devienne redoutable, et qu'il
fasse fuir ses
ennemis ; enfin elle le décore des signes de gloire,
afin qu'il puisse faire briller la majesté de son maître, et recevoir
partout les honorables récompenses qui sont dues à un fidèle serviteur.
C'est ainsi qu'elle traitera ceux qui
auront pris confiance enla nature d eleur être ; qui n'en auront pas
laissé éteindre la moindre étincelle ; qui se seront regardés comme
étant une idée fondamentale, ou un texte dont notre vie entière ne
devrait être que le développement et le commentaire, de façon que tous
nos moments devraient concourir à l'expliquer et à le rendre plus
clair, et non pas à l'obscurcir, à l'effacer et à le faire oublier,
comme cela arrive presque généralement pour notre malheureuse postérité.
Pour coopérer à notre guérison, la
vérité possède un médicament réel, et que nous sentons physiquement en
nous, lorsqu'elle
juge à propos de nous le faire
administrer. Ce
médicament est
composé de deux ingrédients en conformité de notre
maladie, qui est une complication du bien et du mal, que nous tenons de
celui qui ne sut pas se préserver du désir de connaître cette fatale
science. Ce médicament est amer, mais c'est son amertume qui nous
guérit, parce que cette partie amère, qui est la justice, s'unit à ce
qu'il y a de vicié dans notre être, pour lui rendre la rectification ;
alors ce qu'il y a de régulier et de vif en nous, s'unit à son tour à
ce qu'il y a de doux dans le médicament, et la santé nous est rendue.
Tant que cette opération médicinale ne
se fait point en nous, c'est en vain que nous nous croyons sains et
bien portants ; nous ne sommes pas même alors en état d'user des
aliments salutaires et purs, parce que nos facultés ne sont point
ouvertes pour les recevoir. Ce n'est donc point assez pour notre
rétablissement de nous abstenir des aliments malsains et corrompus, il
faut encore que nous usions de ce médicament amer que les ministres
spirituels de la sagesse font passer en nous, pour y occasionner une
sensation douloureuse qu'on pourrait appeler la fièvre de la pénitence
; mais qui se termine par la douce sensation de la vie et de la
régénération.
Les personnes qui sont dans la voie de
la régénération, reçoivent et sentent ce médicament toutes les fois que
l'
ennemi les a touchées, et est venu vicier quelque chose dans leur
être. Les autres ne le reçoivent ni ne le sentent, parce qu'elles sont
dans un continuité de dérangement et d'infirmité qui ne permet pas au
médicament de les approcher.
Mais ce médicament est si nécessaire à
notre rétablissement, que ceux qui ne l'ont pas reçu ne peuvent pas
manger utilement pour eux
le pain de vie, et qu'ils
ne deviennent point
de l'or pur. Enfin il doit
presser et travailler notre
âme sans relâche, sans interruption, comme
le temps travaille constamment tous les
corps de la nature, pour les
ramener à la pureté, à la simplicité, et à la vive activité de leurs
principes constitutifs. C'est par là qu'il s'ouvre en nous une source
vivante, qui est nourrie et entretenue par la vie même ; et c'est par
ce moyen que nous parvenons à nous emparer d'une nature de joies qui ne
passent point, et qui établissent d'avance en nous à demeure, l'éternel
royaume de ce qui est.
Il est aisé de sentir que ce
médicament ne doit pas être confondu avec les tribulations terrestres,
avec les maux du
corps, avec les injustices que nous pouvons recevoir
de nos semblables, et qui tiennent notre
âme dans l'angoisse. Toutes
ces choses sont ou pour la punition de l'
âme, ou pour son épreuve, mais
elles ne lui donnent qu'une sagesse temporelle; or, nous ne pouvons
recevoir la vie divine que par des préparations de son même ordre ; et
le médicament dont nous parlons, est cette exclusive préparation.
Heureux
celui qui persévérera jusqu'à la fin à le désirer, et à le
mettre à profit toutes les fois qu'il aura le bonheur de le sentir ! Il
éprouvera par là que l'homme peut avoir de si grandes choses à dire,
qu'il ne faut plus que ce soit lui qui les dise, et qu'il doit attendre
qu'on le lui fasse dire ou écrire.
Car la rosée que
Dieu fait descendre
dans l'homme est toute composée d'actions toutes vives, toutes formées,
toutes complètes, comme autant de guerriers armés de pied en cap, ou
comme autant de puissants médecins, portant dans leur main l'
ambroisie,
ou comme autant d'
anges célestes tous rayonnant intérieurement et
extérieurement, des saintes et pures lumières de la vie ; et l'homme
destiné à être l'objet, et le réceptacle de tant de bienfaits aperçoit
par l'intelligence, au milieu de cette rosée sacrée, la main suprême du
Dieu resplendissant de gloire qui veut bien le prendre pour le terme de
cette incomparable munificence, tant il est vrai que la parole divine
ne peut venir en nous sans créer à la fois tout un monde.
Mon
Dieu, je sais bien que vous êtes
la vie, et que je ne suis pas digne que vous approchiez de moi, qui ne
suis que souillure, misère, et
iniquité. Je sais bien que vous avez une
parole vive, mais que les ténèbres épaisses de ma matière empêchent que
ne la fassiez entendre aux oreilles de mon
âme. Faites-en néanmoins
descendre en moi une assez grande abondance de cette parole, pour que
son poids puisse contrebalancer la masse du néant dans lequel est
absorbé tout mon être, et qu'au
jour de votre universel
jugement, ce
poids et cette abondance de votre parole, puissent me soulever hors de
l'abîme, et me faire remonter vers votre sainte demeure ; placez dans
les diverses régions et facultés qui me composent, nombre d'ouvriers
habiles et vigilants qui désobstruent les canaux de toutes leurs
immondices, et qui brisent jusqu'au roc vif qui s'oppose à la
circulation des
eaux, alors la vie de vos sources pures et actives
entrera en moi, et remplira mes
fleuves jusqu'aux bords ; alors vous
créerez un monde d'
esprits dans ma pensée, un monde de vertus dans mon
cœur, et un monde de puissances dans mon opération, et c'est le
tout-puissant, le sanctificateur universel qui entretiendra lui-même
tous ces mondes en moi, et qui les nourrira continuellement de ses
propres bénédictions.
2.
Un secret à la fois immense et
terrible a été communiqué dans
L'homme
de désir, n°146, page 217. Et ce
secret est que le
cœur de l'homme est le seul passage par où le serpent
empoisonné élève sa tête ambitieuse, et par où ses yeux jouissent même
de quelque lumière élémentaire, car sa prison est bien au-dessous de la
nôtre.
Ici nous osons communiquer un autre
secret non moins profond, mais plus consolant, plus encourageant, et
fait pour nous apprendre à nous respecter tant par rapport à la
sainteté de notre origine, qu'à la sublimité de l'œuvre que nous devons
et que nous pouvons opérer sur la terre. Voici ce secret :
L'ami fidèle qui nous accompagne
ici-bas dans notre misère, est comme emprisonné avec nous dans la
région élémentaire, et quoiqu'il jouisse de sa vie spirituelle, il ne
peut jouir de la lumière divine, des joies divines, de la vie divine
que par le
cœur de ce même homme qui fut choisi pour être l'intermède
universel du bien et du mal. Nous attendons de cet ami fidèle tous les
secours, toutes les protections, tous les conseils qui nous sont
nécessaires dans nos ténèbres et toutes les vertus pour subir le décret
de notre épreuve à laquelle il n'a pas le droit de rien changer ; mais
il attend de nous en récompense, que par le
feu divin dont nous
devrions être embrasés, nous lui fassions éprouver la
chaleur et les
effets de ce
soleil éternel dont il se tient éloigné par la pure et
vive
charité qui l'
anime en faveur de la malheureuse humanité.
C'est pour cela que J.-C. dit, dans
saint Matthieu, 18 :
Ne méprisez aucun de ces petits, car je
vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face
de mon père qui est dans les cieux. Ils ne voient la face de
Dieu, que parce que les
enfants qu'ils accompagnent ont le
cœur pur, et
c'est le
cœur pur de ces
enfants qui sert d'organe à ces
anges,
puisqu'ils ne sont pas dans le
ciel où est le père. Mais réciproquement
le
cœur de l'homme n'est pur que quand il est fidèle à la voix de son
ange ; c'est-à-dire, en d'autres paroles quand l'homme est redevenu
enfant, et qu'il fait en sorte que son
ange ait la
liberté de voir la
face de
Dieu.
Aussi y a-t-il un grand sens dans ces
paroles de J.-C., même chapitre, verset 3 :
si vous ne
devenez comme de petits enfants, nous n'entrerez point dans le royaume
des cieux. L'
ange est la sagesse, le
cœur de l'homme est
l'
amour ; l'
ange est le récipient de la lumière divine, le
cœur de
l'homme en est l'organe et le modificateur. Ils ne peuvent se passer
l'un de l'autre et ils ne peuvent être unis que dans le nom du
seigneur, qui est à la fois l'
amour et la sagesse, et qui les lie par
là dans son unité. Nul
mariage comparable à celui-là ; et nul adultère
comparable à celui qui altère un pareil
mariage ; aussi est-il dit,
(Matthieu, 18), que
l'homme ne sépare pas ce que Dieu a joint.
On peut aussi trouver dans cette
grande vérité le sens de ce passage,
aimez votre prochain,
comme vous-même, et celui de l'autre passage qui nous apprend
que
c'est celui qui se fera le plus petit qui sera le plus
grand. Tout est vif dans cette triple alliance, tout y est
esprit, tout y est
Dieu, tout y est parole : comment l'ennemi
pourrait-il jamais en approcher ? Ô homme ! Si tu aperçois le moindre
rayon de cette haute lumière, ne perds pas un moment pour accomplir
toutes les lois qu'elle t'impose, et pour te rendre aussi vif, aussi
actif, et aussi pur que les deux correspondances entre lesquelles tu te
trouves placé ; ce sera le moyen d'accélerer ta régénération, et de te
préparer d'avance un lieu de repos pour le temps à venir. Tu es la
lampe, l'
esprit est l'
air, la
chaleur et le
feu de la lumière divine
sont renfermés dans l'
huile ; l'
air souffle sur toi pour te mettre en
activité et pour que tu lui transmettes la
chaleur douce et vivante, et
la sainte
clarté de cette
huile qui doit nécessairement passer par toi
pour lui parvenir.
Dans cette opération, l'homme devient
une véritable lumière au milieu des ténèbres, il ne devient cette
véritable lumière que parce qu'il manifeste le principe vivant qui veut
bien la lui procurer et la faire passer par son
cœur ; ainsi l'homme
peut grandement se réjouir, mais il ne peut pas se glorifier ; enfin
l'
ange est comblé de consolations et de jouissances ; et au moyen des
joies divines que nous lui procurons, il se lie et s'attache d'autant
plus à nous, tant par sa vive
charité naturelle, que par le besoin
d'augmenter son propre bonheur. De son côté, la Divinité ne cherche
continuellement qu'à percer de plus en plus dans le
cœur des hommes,
pour étendre sa gloire, sa vie et sa puissance, et en remplir l'ange
qui la désire si ardemment.
Y a-t-il donc rien au-dessus de la
sublimité de notre sort qui nous destine à être le moyen de
communication de la Divinité avec l'
esprit ? Et pouvons-nous désormais
nous permettre un moment de relâche dans une si sainte œuvre, puisque
chacun des moments que nous perdons retarde l'accomplissement de ce
trinaire actif qui représente spirituellement et en caractères
distincts le ternaire éternel ? Enfin puisque chacun de ces moments que
nous perdons nous rend coupables envers
Dieu, en ce que nous faisons
manquer ses desseins ; envers l'
esprit, en ce que nous le laissons sans
nourriture ; et envers nous, en ce qu'indépendamment du tort que nous
avons de ne pas remplir notre loi, nous nous détruisons nous-mêmes, en
nous privant de la double subsistance qui nous est accordée dans cette
sainte fonction ; savoir, de la subsistance divine, et de la
subsistance spirituelle, lesquelles ne peuvent se passer en nous sans
nous vivifier d'une manière secrète et cachée pour nous ?
Car lorsque la vie divine passe en
nous, elle y attire l'
esprit, et lorsque l'
esprit vient en nous, il y
attire la vie divine ; là
Dieu se spiritualise, et l'
esprit se
divinise, et notre être reçoit alors cette nourriture ainsi préparée
par la sagesse qui dispose toutes ses opérations pour le plus grand
bien des êtres ; sans cela la Divinité nous consumerait, si elle y
venait seule, et l'
esprit ne nous nourrirait pas assez, s'il y venait
seul à son tour, attendu que sans être
Dieu, nous sommes cependant plus
que l'
esprit.
Cette loi qui nous est tracée pour
opérer notre régénération, nous indique assez clairement quelle était
la loi qui devait accompagner notre destination primitive, puisqu'elle
devait être encore plus étendue sans cependant changer de nature, car
une loi n'en change point, quoiqu'elle se resserre, ou se retire quand
les êtres se sont rendus absolument indignes qu'elle agisse encore sur
eux ; ainsi puisque nous devons aujourd'hui faire parvenir la région
divine jusqu'à notre
ange, nous devions autrefois avoir le privilège de
rendre le même service à un plus grand nombre d'êtres, et à des êtres
qui fussent encore plus dans la privation que notre
ange particulier,
enfin si nous pouvons aujourd'hui faire passer par nous quelques rayons
du
soleil divin, il faut que, par notre nature originelle, nous ayons
eu le pouvoir de faire passer par nous la Divinité tout entière, et par
conséquent nous ne pourrons nous croire régénérés que quand nous aurons
atteint ce but immense qui est le terme final de notre être ; car, nous
venons de le dire, une loi ne peut changer, et pour obtenir notre
régénération, il faut que la Divinité tout entière pénètre notre être
comme elle l'aurait fait primitivement, si nous eussions suivi ses
desseins. Homme, apprends ici combien tu es loin de ton terme, et vois
si cette perspective te peut laisser croire que tu doives languir dans
l'inaction.
Nous voudrions n'avoir pas besoin
d'appuyer tous ces grands principes par des démonstrations raisonnées
de la nature spirituelle de l'homme, et de la divinité de son origine,
ces preuves étant déposées dans d'autres écrits ; mais si on ne les
avait pas digérées avec assez de soin pour avoir chassé de soi tous les
doutes, ce serait en vain qu'on voudrait nous suivre en ce moment :
nous croyons donc devoir nous arrêter un instant à ces
éléments qui ne
sont que comme les très petits préliminaires des connaissances qui nous
sont réservées ; car, nous aurons à exposer des vérités d'un autre rang.
3.
Lorsque nous avons dit dans le numéro
1, que l'homme était une espèce de texte dont toute sa vie devait être
le développement et le commentaire, nous n'avons fait que présenter
sous d'autres mots la proposition suivante ; à savoir, que l'
âme de
l'homme est une pensée du
Dieu des êtres.
Quelque idée que le lecteur ait prise
jusqu'ici de la nature de l'
âme de l'homme, il n'en doit pas moins être
persuadé que cette
âme est impérissable ; car, comment la pensée de
Dieu pourrait-elle périr ?
Le matérialiste, l'athée même, s'il en
existait ne pourrait infirmer ce principe, car en leur accordant ce
qu'ils soutiennent, c'est-à-dire que tout est matière, il n'en serait
pas moins vrai que nous serions impérissables comme cette matière
qu'ils veulent faire éternelle et immortelle, enfin comme cette matière
qu'ils veulent faire
Dieu, et dont nous serions toujours une nécessaire
modification ; parce que ce qui est éternel ne peut pas faire des
modifications qui soient passagères.
Il ne resterait donc plus qu'à
observer attentivement s'il est vrai qu'il y ait en nous plus d'une
seule substance ; c'est-à-dire, si dans nous tout est
esprit, si dans
nous tout est matière, ou si dans nous il y a de la matière et de
l'
esprit.
Or, ceux qui n'auraient pas senti leur
véritable nature, je ne leur demanderais que de se regarder pour être à
couvert des méprises. Car dans ce qu'ils appellent l'homme, dans ce
qu'ils appellent le moral, dans ce qu'ils appellent le politique, dans
ce qu'ils appellent la science, enfin dans ce qu'on pourrait appeler le
chaos et le champ de bataille de leurs diverses doctrines, ils
trouveraient tant d'actions doubles et opposées, tant de
forces qui se
combattent et se détruisent, tant d'
agents clairement actifs, et tant
d'autres clairement passifs, et cela sans chercher même hors de leur
propre individu, que sans pouvoir peut-être dire encore ce qui nous
compose, ils conviendraient que sûrement en nous tout ne se ressemble
pas ; et que nous n'existons que dans une perpétuelle différence soit
d'avec nous-mêmes, soit d'avec tout ce qui nous entoure, et d'avec tout
ce que nous pouvons atteindre, et considérer. Il ne s'agirait plus
ensuite que d'appuyer avec quelque soin sur ces différences pour en
apercevoir le vrai caractère, et pour classer l'homme dans son
véritable rang en le comparant à une ligne droite à côté de laquelle se
peuvent décrire et se décrivent en effet journellement une infinité de
courbes, mais dont l'exclusive rectitude ne peut sans un grossier
aveuglement se confondre avec ces courbes qui ne sauraient jamais lui
ressembler ; ou si l'on veut, en le comparant à la durée
inarrêtable
qui conserve silencieusement son imperturbable existence au milieu de
toutes les révolutions des êtres.
Ceci est suffisant pour montrer que
nous pouvons nous dispenser de nous arrêter plus longtemps aux
objections secondaires, avec lesquelles les hommes inférieurs
s'aveuglent mutuellement tous les
jours ; nous avons un objet plus
vaste à remplir que celui de nous occuper des obscurités volontaires
qui ne viennent que de la frivole inattention du monde ; et cet objet,
c'est de nous occuper des obscurités naturelles qui tiennent
essentiellement à l'état terrestre de l'
esprit de l'homme, mais bien
plus encore de nous occuper des clartés et des lumières qui
appartiennent à son indestructible
essence ; car il y a plusieurs
degrés dans les besoins de l'homme, et ce ne serait pas assez pour lui
que de ne songer exclusivement qu'à celui de ses maux qu'il lui est
possible de guérir lui-même, soit en se considérant de toute son
attention, soit en usant des secours qu'on lui a déjà procurés.
Répétons donc sans inquiétude cette assertion que
l'âme de
l'homme est une pensée du Dieu des êtres.
De cette sublime vérité, il résulte
une vérité qui n'est pas moins sublime, savoir, que nous ne sommes pas
dans notre loi, si nous pensons par nous-mêmes, puisque pour remplir
l'
esprit de notre vraie nature, nous ne devons penser que par
Dieu,
sans quoi nous ne pouvons plus dire que nous soyons la pensée du Dieu
des êtres, mais nous nous déclarons être le
fruit de notre pensée ;
nous nous annonçons comme si nous n'avions pas d'autre source que
nous-mêmes, et comme si nous avions été notre propre principe, de façon
qu'en défigurant notre nature, nous anéantissions celui seul de qui
nous la tenons : aveugle
impiété qui peut éclairer sur la marche qu'ont
suivie toutes les
prévarications.
De cette sublime vérité que
l'homme
est une pensée du Dieu des êtres, il résulte une vaste
lumière sur notre loi, et notre destination ; savoir, que la cause
finale de notre existence ne peut être concentrée dans nous ; mais
qu'elle doit être relative à la source qui nous engendre comme pensée,
qui nous détache d'elle pour opérer au-dehors ce que son unité
insubdivise ne lui permet pas d'opérer elle-même ; mais ce dont elle
doit être cependant le terme et le but, comme nous sommes tous ici-bas
le but et le terme des pensées que nous enfantons, et qui ne sont
qu'autant d'organes et d'instruments que nous employons pour coopérer à
l'accomplissement de nos plans dont notre nous est perpétuellement
l'objet ; c'est pour cela que cette pensée du
Dieu des êtres, ce
nous
doit être la voie par où doit passer la Divinité tout entière, comme
nous nous introduisons joumellement tout entier dans nos pensées, pour
leur faire atteindre le but et la fin dont elles sont l'expression et
pour que ce qui est vide de nous, devienne plein de nous ; car, tel est
le vœu secret et général de l'homme, et par conséquent tel est celui de
la Divinité dont l'homme est l'image.
Cette opération s'accomplit par des
lois de multiplication spirituelle de la part de la Divinité dans
l'homme, quand il lui a ouvert sa vie intégrale : et alors la Divinité
développe en nous tous les produits spirituels et divins relatifs à ses
plans, comme nous voyons que pour ce qui est relatif aux nôtres nous
transportons constamment nos
forces et nos puissances dans notre
pensée, déjà produite, pour qu'ils puissent parvenir à leur parfait
accomplissement ; mais avec la différence que les plans divins nous
liant à l'unité même, nous ouvrent des sources intarissables lorsqu'ils
veulent bien nous associer à eux ; et comme ils sont vifs par
eux-mêmes, ils opèrent en nous une suite d'actes vifs qui sont comme
des multiplications de lumières, des multiplications de vertus, des
multiplications de joies qui vont toujours en croissant; c'est plus
qu'une
pluie d'or qui tombe sur nous, c'est plus qu'une
pluie de
feu,
c'est une
pluie d'
esprits, de tout rang et de toutes propriétés ; car,
c'est une vérité déjà connue, que
Dieu ne pense point sans enfanter son
image ; or, il n'y a qu'un
esprit qui puisse être l'image de
Dieu ;
c'est par là, dis-je, que nous recevons en nous des multiplications de
sanctification, des multiplications d'ordination, des multiplications
de consécration, et que nous pouvons les répandre à notre tour, d'une
manière active, sur les objets qui sont hors de nous et sur les
personnes qui nous approchent.
Un des signes de notre avancement dans
ce genre, c'est quand nous éprouvons sensiblement que les choses de ce
monde ne sont point, et que nous pouvons les comparer physiquement avec
les choses qui sont ; alors une seule sensation de la vie nous instruit
plus que tous les documents, et renverse, comme par un pouvoir magique,
tout l'échafaudage de la fausse philosophie ; car cette comparaison,
quand nous avons le bonheur de la pouvoir faire, nous apprend quelle
différence il y a entre une pensée vive du
Dieu des êtres, et cet
assemblage confus et ténébreux de toutes ces substances mixtes,
errantes et muettes qui composent la région matérielle où nous sommes
liés par les lois de notre
corps. C'est là une opération indispensable
pour être mis au rang des
catéchumènes, et pour mettre le pied sur le
premier degré de la ligne sacerdotale.
Ô mon ami, allons ensemble dresser les
autels au Seigneur ; va d'avance préparer tout ce qui nous sera
nécessaire pour célébrer dignement les louanges de sa gloire et de sa
majesté ; sers d'organe à mon œvre pour l'annoncer au peuple, comme
j'en dois servir à la Divinité pour annoncer à toutes les familles
spirituelles les mouvements de la grâce, et les vibrations de la
lumière. Et toi,
Dieu de ma vie, s'il te plaît jamais de me choisir
pour ton
prêtre, que ta volonté soit faite ! Toutes mes facultés sont à
toi. Je me prosternerai dans mon indignité en recevant le nom de ton
prêtre et de ton prophète : aide-moi seulement à ne pas rendre tes
grâces impuissantes, et à briser en moi tous les écueils que mes
iniquités et mes faiblesses ont semés devant mon élection. Je n'oserai
jamais de moi-même te demander que ta main reposât sur moi ; mais si
par ta pure munificence tu veux bien faire reposer ta main sur moi, je
n'aurai aucun doute que tu n'opères dans mon être tout ce qui lui
manque pour être utile à tes desseins, et je n'ai dans ce moment
d'autre soin à prendre que de t'offrir le dévouement de ma
fidélité à
ton service, et une universelle soumission à toutes les conditions que
tu voudras mettre à notre alliance.