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Louis-Claude de Saint-Martin,

dit le Philosophe Inconnu
(18 janvier 1743 - 13 octobre 1803)
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Louis-Claude de Saint-Martin dans son temps
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu, né à Amboise d'une famille noble le 18 janvier 1743, dut à une belle-mère les premiers éléments de cette éducation qui le fit, disait-il, aimer pendant toute sa vie de Dieu et des hommes. Au collège du Pont-Levoy, où il avait été mis de bonne heure, le livre qu'il goûta le plus et qui eut sur lui la plus grande influence fut celui d'Abadie, intitulé L'Art de se connaître soi-même. Destiné par ses parents à la magistrature, il s'attacha dans son cours de droit plutôt aux bases naturelles de la justice qu'aux règles de la jurisprudence. Aux fonctions de magistrat, il préféra la profession des armes, qui, durant la paix, lui laissait des loisirs pour s'occuper de méditations. Il entra comme lieutenant, à 22 ans, au régiment de Foix, en garnison à Bordeaux. Initié par des formules, des rites, des pratiques, à des opérations qu'on appelait théurgiques, et que dirigeait Martinez Pasqualis, chef de la secte des martinistes, il lui demandait souvent : « Maître, eh quoi ! Faut-il donc tout cela pour connaître Dieu ? » Cette voie, qui était celle des manifestations sensibles, n'avait point séduit notre philosophe. Ce fut toutefois par là qu'il entra dans la voie du spiritualisme. La doctrine de cette école, dont les membres prenaient le titre hébreu de cohen (prêtre), et que Martinez présentait comme un enseignement biblique secret dont il aurait reçu la tradition, se trouve exposée d'une manière mystérieuse dans les premiers ouvrages de Saint-Martin, et surtout dans son Tableau naturel des rapports entre Dieu, l'homme, etc. Après la mort de Martinez, l'école fut transférée à Lyon ; et lorsque ses opérations cessèrent en 1778, elle vint se fondre à Paris dans la société des G. P. (Grands Profès) ou dans celles des philalèthes, professant en apparence la doctrine de Martinez et celle de Swedenborg, mais cherchant moins la vérité que le grand œuvre. Saint-Martin fut invité, en 1784, à cette dernière réunion ; mais il refusa de participer aux opérations de ses membres, qu'il jugeait ne parler et n'agit qu'en purs francs-maçons et en véritables initiés. Saint-Martin suivait les réunions où l'on s'occupait d'exercices qui annonçaient des vertus actives ; les manifestations d'un ordre intellectuel, obtenues par la voie sensible, lui décelaient, dans les séances de Martinez, une science des esprits : les visions de Swedenborg, d'un ordre sentimental, une science des âmes. Quant aux phénomènes du magnétisme somnambulique qu'il suivit à Lyon, il les regardait comme étant d'un ordre sensible inférieur ; mais il y croyait. Dans une conférence qu'il eut avec Bailly, l'un des commissaires rapporteurs, pour lui persuader l'existence d'un pouvoir magnétique sans soupçon d'intelligence de la part des malades, il raconte qu'il lui cita des opérations faites sur des chevaux que l'on traitait alors par ce procédé. Bailly lui répondit : « Que savez-vous si les chevaux ne pensent pas ? » L'étude des mathématiques, dont Saint-Martin s'occupait, occasionna sa liaison avec Lalande ; mais leur opinion différait trop, celle liaison dura peu. Saint-Martin croyait avoir plus de rapports avec Jean-Jacques Rousseau, qu'il avait étudié. Il pensait, comme lui, que les hommes sont naturellement bons ; mais il entendait par la nature celle qu'ils avaient originellement perdue et qu'ils pouvaient recouvrer par leur bonne volonté ; car il les jugeait, dans le monde, plutôt entraînés par l'habitude vicieuse que par la méchanceté. A cet égard, il ressemblait peu à Rousseau, qu'il regardait comme misanthrope par excès de sensibilité et voyant les hommes non tels qu'ils étaient, mais tels qu'il voulait qu'ils fussent. Pour lui, au contraire, il aima toujours les hommes comme meilleurs au fond qu'ils ne paraissaient être ; et la bonne société lui faisait imaginer ce que pouvait valoir une réunion plus parfaite dans ses rapports intimes avec son principe. Ses occupations, comme ses plaisirs, furent toujours conformes à cette disposition. La musique instrumentale, des promenades champêtres, des conversations amicales étaient les délassements de son esprit ; et des actes de bienfaisance ceux de son âme. C'est à ses liaisons avec des personnages des plus distingués par leur rang (tels que le duc d'Orléans, la duchesse de Bourbon, le marquis de Lusignan, le maréchal de Richelieu, le chevalier de Boufflers, etc.), qui trouvaient avec raison son spiritualisme trop élevé pour l'esprit du siècle, qu'il dit avoir dû la confirmation et le développement de ses idées sur les grands objets dont il cherchait le principe. Il voyagea dans cette vue, comme Pythagore, pour étudier l'homme et la nature, et pour confronter le témoignage des autres avec le sien. Enfin, il quitta le service militaire pour se livrer tout entier à ses rêveries. Ce fut à que, par l'organe d'une amie (madame de Bœclin), il eut la connaisance des ouvrages du philosophe allemand Jacob Boehme, regardé en France comme un visionnaire ; et il étudia, dans un âge déjà avancé, la langue de Boehme, afin de traduire pour son usage, en français, les ouvrages de cet illuminé, qui lui découvrirent, dit-il, ce que dans les documents de son premier maître il n'avait fait qu'entrevoir. Il le regarda toujours depuis comme la plus grande lumière humaine qui eût paru. Saint-Martin visita ensuite l'Angleterre, où il se lia, en 1787, avec Barthélémy, et connut William Law, éditeur d'une version anglaise du livre de Jacob Boehme et d'un précis de sa doctrine. Il fit, l'année suivante, le voyage d'Italie avec le prince Alexis Galitzin, qui adopta complètement ses idées et qui dit alors à Fortia d'Urban qu'il vit à Rome : « Je ne suis un homme que depuis que j'ai connu M. Saint-Martin. » De retour de ses excursions en Allemagne et en Angleterre, Saint-Martin reçut la croix de St-Louis pour ses anciens services militaires. La révolution qui survint ensuite le détourna peu de ses habitudes méditatives. N'ayant point de préjugés de naissance, il n'émigra pas ; il reconnut les desseins terribles de la Providence dans les événements de cette période, et crut voir un grand instrument temporel dans l'homme qui vint plus tard arrêter la tourmente révolutionnaire. Compris bientôt dans le décret d'expulsion du 27 germinal an 2 (1794) contre les nobles, il quitta Paris. Dans le moment des plus vives agitations politiques, il correspondait, sur des objets de sa doctrine, avec le suisse Kirchberger, membre du conseil souverain de Berne. Vivant solitaire, séparé de ses connaissances, il se regardait dans son isolement comme le Robinson Crusoé de la spiritualité. Cependant, la conspiration prétendue, connue sous le nom de la Mère de Dieu, ayant donné lieu à plusieurs arrestations, le philosophe inconnu ne fut point à l'abri d'un mandat d'arrêt. Mais le 9 thermidor vint le délivrer d'autant plus à propos que sa correspondance avec Kirchberger aurait pu le compromettre aux yeux de gens fort étrangers au spiritualisme. Les deux philosophes se lièrent intimement sans jamais se voir, et ils échangèrent leurs portraits. Durant le discrédit des assignats, le Français accepta du Suisse, mais seulement en dépôt, l'offre d'une somme en numéraire dont sa philosophie lui avait appris à se passer. Saint-Martin nous apprend lui-même qu'après être sorti de prison, il monta la garde au Temple, où était détenu le fils de Louis XVI. On l'avait compris, trois ans auparavant, sur la liste des candidats pour le choix d'un gouverneur du Dauphin. En mai 1794, chargé de dresser l'état de la partie donnée à sa commune des livres provenant des dépôts nationaux, ce qui l'intéressa surtout c'est qu'il y trouva des richesses spirituelles dans une vie de la sœur Marguerite du Saint-Sacrement. Vers la fin de la même année, quoique sa qualité de noble lui interdît le séjour de Paris, il fut désigné par le district d'Amboise comme un des élèves aux écoles normales destinées à former des instituteurs pour propager l'instruction ; il accepta cette mission dans l'espérance qu'il pourrait, en présence de 2000 auditeurs animés de ce qu'il appelait le Spiritus mundi, déployer son caractère de spiritualité religieuse, et combattre le philosophisme matériel et antisocial. Requis de rentrer dans la capitale, il y vint tout à propos pour défendre et développer la cause du sens moral contre le professeur de la doctrine du sens physique ou de l'analyse de l'entendement humain. La pierre qu'il jeta, ce sont ses termes, au front de l'analyste philosophe (Garat) retentit encore dans les débats dont le souvenir est resté aux adeptes (Correspondance inédite de St-Martin, 19 mars 1795). La paix entre la France et la Suisse rendit plus active avec Berne sa relation, qui lui servit d'intermédiaire pour une autre correspondance de prédilection à , suspendue par les circonstances. C'était aussi, plus que jamais, entre les deux amis, un commerce d'explications pour l'un sur le texte de Jacob Boehme, et d'éclaircissements pour l'autre sur la doctrine de Saint-Martin. Les écrits de celui-ci en avaient besoin, même ceux où il paraît le moins obscur. Au milieu d'une révolution au sujet de laquelle il disait, dans son langage spiritualiste, que la France avait été visitée la première et très sévèrement parce qu'elle avait été la plus coupable, il émit des principes différents de ceux qui étaient alors professés, quoiq'uil donnât l'exemple de la soumission à l'ordre établi. Dans son Eclair, entre autres, sur l'association humaine, il monte la base de l'ordre social dans le régime théocratique, comme le seul vraiment légitime. Cependant, il ne paraît pas avoir eu le projet de fonder une secte. Ses écrits anonymes étaient toujours ceux du Philosophe inconnu ; il les distribuait à quelques amis, et leur recommandait le secret, qui était d'autant plus sûrement gardé que personne ne s'occupait de tels objets. Saint-Martin avait beaucoup lu les Méditations de Descartes et les ouvrages de Rabelais, et il aimait d'autant plus à visiter les lieux où ces deux auteurs avaient pris naissance que leur contrée était aussi la sienne. Cela peut expliquer comment le même homme avait pu composer le Ministère de l'homme-esprit, ouvage des plus sérieux comme des plus obscurs, et le Crocodile, poème grotesque des plus bizarres, même après Rabelais : c'est une fiction allégorique qui met aux prises le bien et le mal, et qui couvre sous une enveloppe de féerie des instructions et une critique dont la vérité trop nue aurait pu blesser des corps scientifiques et littéraires. Au milieu de ce roman énigmatique se trouvent 80 pages de métaphysique, la question de l'Influence des signes sur la formation des idées, proposée par l'Institut. La discussion de cette question amène des résultats singuliers par les notions tirées de l'ordre spirituel auxquelles elle touche, telles que le Désir, antéieur ou supérieur à l'idée, etc. Malgré l'originalité de son esprit, qui lui faisait tout ramener à son spiritualisme, on admirait quelquefois dans Saint-Martin un sens droit et une modestie simple et aimable. Son caractère liant et communicatif eût pu lui acquérir beaucoup de partisans, mais il ne cherchait point à faire des prosélytes. Ne voulant que des amis pour disciples, il tenait un journal de ses liaisons, et, de même que ses traductions de son cher philosophe étaient des provisions pour ses vieux jours, il regardait ses nouveaux amis comme des acquisitions et il se jugeait très riche en rentes d'âmes.       Un autre philosophe, de Gerando, nous a fait part d'une conversation qu'il eut avec lui sur les spectacles (Archives littéraires, tome 4, p. 337). Saint-Martin les avait beaucoup aimés. Souvent, pendant les quinze dernières années de sa vie, il s'était mis en route pour jouir de l'émotion que lui promettait la vue d'une action vertueuse mise en scène par Corneille ou Racine. Mais en chemin, la pensée lui venait qu'avec le même argent il pouvait réaliser quelque bienfait. Jamais il n'avait pu, disait-il, résister à cette idée ; il montait chez une malheureux, y laissait la valeur de son billet de parterre et rentrait chez lui satisfait.

      En 1803, il disait qu'entré dans sa soixantaine, il avançait vers les grandes jouissances qui lui étaient annoncées depuis longtemps. Il fit, l'été de cette année, des voyages à Amboise, à Orléans, etc. pour revoir quelques amis. A son retour, un entretien qu'il avait désiré avoir avec un mathématicien profond sur la science des nombres, dont le sens caché l'occupait toujours, eut lieu avec de Rossel. Il dit en finissant : « Je sens que je m'en vais ; la Providence peut m'appeler, je suis prêt. Les germes que j'ai tâché de semer fructifieront ; je rends grâce au ciel de m'avoir accordé la dernière faveur que je demandais. » Le lendemain, l'un de ses disciples zélés le vit monter dans la voiture qui le transporta chez le sénateur Lenoir la Roche, au village d'Aunay. Après un léger repas, s'étant retiré dans sa chambre, il eut une attaque d'apoplexie. Quoique sa langue fût embarrassée, il put cependant se faire entendre de ses amis accourus et réunis auprès de lui. Sentant que tout secours humain devenait inutile, il exhorta ceux qui l'entouraient à mettre leur confiance dans la Providence et à vivre entre eux en frères dans les sentiments évangéliques. Ensuite, il pria Dieu en silence, et il expira sans agonie le 13 octobre 1803. Quoique Saint-Martin fût encore alors assez répandu, il était si peu connu dans le monde que les feuilles publiques annonçant son décès le confondirent avec Martinez Pasquallis, son maître, mort en 1779 à Saint-Domingue.

      Saint-Martin a beaucoup écrit, et ses livres ont été commentés et traduits en partie, mais principalement dans les langues du nord de l'Europe. Suivant ses disciples, le but de ses écrits est non seulement d'expliquer la nature par l'homme, mais de ramener toutes nos connaissances au principe dont l'esprit humain peut être le centre. La nature actuelle, déchue et divisée d'avec elle-même et d'avec l'homme, disent-ils, conserve néanmoins dans ses lois, comme l'homme dans plusieurs de ses facultés, une disposition à rentrer dans l'unité originelle. Par ce double rapport, la nature se met en harmonie avec l'homme, de même que l'homme se coordonne à son principe. Suivant la même doctrine, le spiritualisme, dont la voie lui avait été d'abord ouverte par Pasqualis, et ensuite par Jacob Boehme, n'était pas simplement la science des esprits, mais celle de Dieu. Les mystiques du moyen-âge et ceux des derniers temps, en s'unissant par la contemplation à leur principe, suivant la doctrine de leur maître Rusbrock, étaient absorbés en Dieu par l'affection. Ici, disent les martinistes, c'est une porte plus élevée ce n'est pas seulement la faculté affective, c'est la faculté intellectuelle qui connaît en elle son principe divin, et par lui le modèle de cette nature que Malbranche voyait, non activement en lui-même, mais spéculativement en Dieu, et dont Saint-Martin voit le type dans son être inérieur par une opération active et spirituelle, qui est le germe de la connaissance. C'est vers ce but que tous ses ouvrages sont dirigés.

       Des erreurs et de la vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un Ph... inc..., Edimbourg (Lyon), 1775, in-8°. Un court aperçu de cet ouvrage, le plus remarquable de ceux qu'a publiés Saint-Martin, suffira pour faire apprécier ses autres productions. Autrefois, selon lui, l'homme avait une armure impénétrable, et il était muni d'une lance composée de quatre métaux et qui frappait toujours en deux endroits à la fois ; il devait combattre dans une forêt formée de 7 arbres, dont chacun avait 16 racines et 490 branches ; il devait occuper le centre de ce pays ; mais s'en étant éloigné, il perdit sa bonne armure pour une autre qui ne valait rien ; il s'était égaré en allant de 4 à 9, et il ne pouvait se retrouver qu'en revenant de 9 à 4. Il ajoute que cette loi terrible était imposée à tous ceux qui habitaient la région des pères et des mères ; mais qu'elle n'était point comparable à l'effrayante et épouvantable loi du nombre de 56, et que ceux qui s'exposaient à celle-ci ne pouvaient arriver à 64 qu'après l'avoir subie dans toute sa rigueur, etc., etc. Voilà sous quelles énigmes est cachée, ou plutôt voilà par quelles ridicules aberrations s'annonce une doctrine qui compte encore des sectaires ; qui au XVème siècle eût fait élever des bûchers, mais qui dans le XVIIIème est restée tellement inaperçue, que le titre le plus exact et le plus mérité qu'ait obtenu son chez est celui de Philosophe inconnu, qu'il s'était donné lui-même.

      La suite des Erreurs et de la vérité, etc. (Salomonopolis (Paris), 1785, in-8°), a été signalée par Saint-Martin comme frauduleuse et entachée du vice des faux systèmes qu'il combattait (cf. Holbach).

       Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers, avec l'épigraphe (tirée de l'ouvrage précédent suivant l'usage : Expliquer les choses par l'homme et non l'homme par les choses, 2 parties, Edimbourg (Lyon), 1782, in-8°. Ces deux ouvrages ont paru en allemand, avec commentaires par un anonyme, 2 tomes in-8°, 1784.

       L'homme de désir, Lyon, 1790, in-8°, revu et plusieurs fois réimprimé ; nouvelle édition, Metz, an 10 (1802), in-12. Saint-Martin composa cet ouvrage à l'instigation du philosophe Thieman durant ses voyages à et à Londres. Lavater, dans son journal allemand de décembre 1790, en fait l'éloge comme de l'un des livres qu'il avait le plus goûtés, quoiqu'il avoue ingénument, quant au fond de la doctrine, l'avoir peu entendu. Kirchberger le regarde comme le plus riche en pensées lumineuses, et l'auteur dit qu'en effet il s'y trouve des germes épars çà et là, dont il ignorait les propriétés en les semant, et qui se développaient chaque jour pour lui depuis qu'il avait connu Jacob Boehme.

       Ecce homo, imprimerie du cercle social, an 4 (1796), in-12. Ce fut à Paris qu'il écrivit ceet opuscule, d'après une notion vive (dit-il) qu'il avait eue à . Son objet est de montrer à quel degré d'abaissement l'homme infirme est déchu, et de le guérir du penchant au merveilleux d'un ordre inférieur, tels que le somnambulisme, les prophéties du jour, etc. Il avait plus particulièrement en vue la duchesse de Bourbon, son amie de cœur, modèle de vertus et de piété, mais livrée à ce même entraînement pour le merveilleux.

       Le nouvel homme, Paris, ibid., an 4 (1792), 1 vol. in-8°. C'est plutôt une exhortation qu'un enseignement. Il l'écrivit à en 1790, par le conseil du chevalier Silverhielm, ancien aumônier du roi de Suède et neveu de Swedenborg. L'idée fondamentale de cet ouvrage est que l'homme porte en lui une espèce de texte dont sa vie entière devrait être le développement, parce que l'âme de l'homme, dit-il, est primitivement une pensée de Dieu. Il a dit plus tard qu'il n'aurait pas écrit ce livre ou qu'il l'aurait écrit autrement, si alors il avait eu la connaissance des ouvrages de Boehme.

       De l'esprit des choses, ou Coup d'œil philosophique sur la nature des êtres et sur l'objet de leur existence, avec l'épigraphe : Mens hominis rerum universalitatis speculum est, Paris, an 8 (1800), 2 vol. in-8°. Saint-Martin pensait qu'il devait y avoir une raison à tout ce qui existait, et que l'œil interne de l'observateur en était le juge. Il considère ainsi l'homme comme ayant en lui un miroir vivant qui lui réfléchit tous les objets et qui le porte à tout voir et à tout connaître ; mais ce miroir vivant étant lui-même un reflet de la Divinité, c'est par cette lumière que l'homme acquiert des idées saines et qu'il découvre l'éternelle nature dont parle Jacob Boehme. Cet ouvrage est celui des Révélations naturelles, dont l'auteur annonçait le projet en 1797 à Kirchberger, et au sujet duquel celui-ci conseillait à Saint-Martin de supprimer tout ce qui pouvait sentir le mystère. Les adeptes pensent que si l'Anthropologie, dont s'occupe un de ses disciples, secondé de tout ce que les connaissances modernes ont pu découvrir, embrassait les principes applicables aux diverses branches de la science de l'homme physique, moral et intellectuel, on aurait un véritable Esprit des choses.

       Lettre à un ami, ou Considérations politiques philosophiques et religieuses sur la révolution française, Paris, an 3 (1795). Saint-Martin regardait la révolution française comme celle du genre humain et comme une image en miniature du jugement dernier, mais où les choses devaient se passer successivement, à commencer par la France. Il serait difficile, d'après ce galimatias, de deviner ce que furent à cette époque les opinions du philosophe inconnu ; mais on a dit qu'il était lié avec des illuminés étrangers, et que plusieurs de ceux qu'il appelait ses amis étaient de ce parti.

       Eclair sur l'association humaine, Paris, an 5 (1797), in-8°. L'auteur découvre dans le principe de l'ordre social le foyer d'où émanent la sagesse, la justice et la puissance, sans lesquelles il n'existe point d'association durable, etc.

       Réflexions d'un observateur sur la question proposée par l'Institut : Quelles sont les institutions les plus propres à fonder la morale d'un peuple, an 6 (1798). Après avoir passé en revue les divers moyens qui peuvent tendre à ce but en liant la morale à la politique, il montre l'insuffisance de ces moyens si le législateur n'assoit lui-même sur les bases intimes de notre nature cette morale dont un gouvernement ne doit être que le résultat mis en action. Il avait traité, quinze ans auparavant, un sujet analogue proposé par l'académie de Berlin, sur la meilleure manière de rappeler à la raison les peuples livrés à l'erreur ou aux superstitions, question qu'il croit insoluble par les seuls moyens humains (mémoire inséré dans ses uvres posthumes.

      10°  Discours en réponse au citoyen Garat, professeur d'entendement humain aux écoles normales, sur l'existence d'un sens moral et sur la distinction entre les sensations et la connaissance. Ce discours, prononcé à la suite d'une conférence publique (27 février 1795), se trouve imprimé dans la collection des écoles normales (tome 3 des Débats), publiée en 1801.

      11°  Essai relatif à la question proposée par l'Institut : Déterminer l'influence des signes sur la formation des idées, avec l'épigraphe : Nascuntur ideæ, fiunt signa, an 7 (1799), 80 pages in-8°. Un passage où le professeur soutenait l'antériorité des signes sur les idées paraît avoir donné naissance à la question de l'Institut, qui suppose cette antériorité, et à laquelle l'auteur répond en traitant la question suivant des formes moitié théosophiques, moitié académiques. dans l'allégorie facétieuse dont nous avons parlé, cet essai, qui s'y trouve intercalé, quoique d'un ton bien différent, est censé l'ouvrage d'un petit-cousin de madame Jof (la Foi), tracé par un psychographe dans le cabinet de Sedir (le Désir). Ce sont les deux personnages allégoriques principaux du livre qui a pour titre :

      12°  Le Crocodile ou la guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-magique en 102 chants, etc., en prose mêlée de vers ; ouvrage posthume d'un amateur de choses cachées, Paris, an 7 (1799), in-8° de 460 pages ;

      13°  Le Ministère de l'homme-esprit, Paris, Migneret, an 11 (1802), in-8°, 3 parties : De l'homme, – De la nature, – De la parole. L'objet de ce livre est de montrer comment l'homme-esprit (ou exerçant un ministère spirituel) peut s'améliorer et régénérer lui-même et les autres, en rendant la parole ou le logos (le verbe) à l'homme et à la nature.

      14°  Traductions d'ouvrages de Jacob Boehme, savoir :

                  1.  L'Aurore naissante ou la Racine de la philosophie, etc., contenant une description de la nature dans son origine, etc., traduit sur l'édition allemande de Gichtel, 1682, par le Philosophe inconnu, Paris, an 9 (1800), in-8°. Cette nature originelle, que Jacob Boehme appelle l'éternelle nature, et dont la nôtre serait une altération, n'est point une nature sans engendrement, puisqu'elle est l'émanation d'un principe un et indivisible, que Boehme considère comme trinaire dans son essence et septénaire dans ses formes ou modes. Un précis de l'origine et des suites de l'altération de cette nature, suivant Jacob Boehme, donné dans Le Ministère de l'homme-esprit (pp. 28-31), montre comment, en voulant dominer par le feu, dans le premier principe, au lieu de régner par l'amour, dans le second, l'esprit prévaricateur entraîna dans sa chute l'homme, qui lui avait été opposé ; comment, l'homme ayant été absorbé dans sa forme grossière, l'amour divin voulut lui présenter son modèle pour lui faire recouvrer sa ressemblance, etc. Saint-Martin dit au reste, avec Poiret, que l'auteur est à la fois sublime et obscur, et qu'en particulier son Aurore est un chaos, mais qu'elle contient les germes qui sont développés dans ses trois principes et dans ses productions subséquentes.

                  2.  Les Trois principes de l'essence divine, Paris, an 10 (1802), 2 vol. in-8°. Cet ouvrage, composé sept ans après l'Aurore naissante, est un peu moins informe ; et l'on peut le regarder comme un tableau de la doctrine de l'auteur, sauf les éclaircissements et les nouvelles explications que présentent les ouvrages suivants, quoiqu'ils ne forment qu'une portion de ses œuvres.

                  3.  De la triple vie de l'homme, revue par l'éditeur, Paris, Migneret, 1809, in-8°. C'est sur la manifestation de l'origine de l'essence et de la fin des choses, suivant Les Trois principes, qu'est établie cette triple vie, comprenant la vie extérieure et corporelle, la vie propre et interne et la vie divine, où l'âme entre par une nouvelle naissance et pénètre dans l'esprit du Christ.

                  4.  Quarante questions sur l'âme, etc., suivies des six points et des neuf textes, revus par le même, Paris, 1807, in-8°. Ces questions avaient été proposées à l'auteur par un amateur de théosophie, le docteur Balthasar Walter. Ces traductions forment à peu près le tiers des œuvres de Boehme, dont il n'y avait que deux ouvrages traduits jusqu'alors en vieux langage : la Signatura rerum, imprimée à Francfort en 1664, sous le nom du Miroir temporel de l'éternité, et le second à Berlin, 1722, in-12, intitulé Le Chemin pour aller à Christ.

      15°  Œuvres posthumes de Saint-Martin, 2 vol. in-8°, Tours, 1807. On distingue dans ce recueil : 1. un choix des pensées de Saint-Martin, par M. Tournier ; 2. un journal, depuis 1782, de ses relations, de ses entretiens, etc., sous le titre de Portrait de Saint-Martin fait par lui-même ; 3. plusieurs questions et fragments de littérature, de morale et de philosophie, entre autres un fragment sur l'admiration et un parallèle entre Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, et un autre entre Rousseau et Buffon (par Hérault de Séchelles) ; 4. des poésies où, comme on le pense bien, l'auteur s'attachye plus au fond qu'à la forme ; 5. des méditations et des prières où se peint l'homme de désir, qui forme de nouveau le vu si souvent énoncé par l'auteur, pour que ses semblables recherchent les vraies connaissances, les jouissances pures de l'esprit, en les puisant dans leur propre centre, dans la source de la lumière et de l'amour pour laquelle il avait soupiré toute sa vie. [Note de l'auteur de l'article : On a publié, en 1843, un ouvrage posthume de Saint-Martin : Des nombres. M. Caro a fait paraître un Essai sur la vie et les ouvrages de Saint-Martin, 1852, in-8° ; il a eu l'avantage de pouvoir consulter sa longue correspondance inédite avec Kirchberger, où les questions les plus délicates de la métaphysique sont abordées. On a dit avec raison que le vaste et étrange système de Saint-Martin était un mélange incompréhensible de pensées sublimes et d'excentricités grossières, d'éloquence et de déclamation, de lueurs divines et de rêves ténébreux, où se révèle une hardiesse incomparable d'imagination. Le panthéisme en est le dernier mot.]



Dictionnaire Bescherelle

      Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe inconnu, né à Amboise en 1743, mort en 1803. La philosophie de Saint-Martin fut un mysticisme tout spiritualiste. Son but est d'expliquer la nature par l'homme, et de ramener la nature et l'homme à leur principe, qui est Dieu.  M. Bescherelle, aîné, Dictionnaire national ou Dictionnaire universel de la langue française - Volume XXVII (Sacellum - Soria), (1856), p. 1252.




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