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Louis VI le Gros

dit aussi Louis VI Thibaut et Louis VI le Batailleur
(1078 - 1er août 1137, à Paris)
Roi de France de 1108 à 1137
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Louis VI le Gros dans son temps
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Biographie universelle ancienne et moderne

      Louis VI, surnommé le Gros ou Thibaut, fut aussi appelé le Batailleur. Il était fils de Philippe Ier et de la reine Berthe. Né en 1078, il fut associé par son père au gouvernement en l'année 1100, et lui succéda au mois de juillet 1108, à l'âge de trente ans. Il fut sacré à Orléans par l'archevêque de Sens.
      Louis VI monta sur le trône n'ayant que des domaines peu considérables, séparés les uns des autres par des fiefs qui appartenaient à des seigneurs rivaux de leur roi, tyrans de leurs vassaux, ennemis de leurs voisins, et ne reconnaissant d'autre droit que la force, d'autre honte que la défaite, d'autre gloire que le succès. Le monarque devait assistance à ses vassaux, c'est-à-dire qu'il était obligé de les secourir quand ils réclamaient son appui ; de sorte qu'avec peu de forces à sa disposition (puisqu'il ne pouvait lever de troupes que dans ses domaines) il était appelé par les querelles des grands à se mêler de toutes les guerres qui éclataient dans le royaume. Philippe Ier, qui n'avait jamais eu d'affaires plus importantes que ses plaisirs, était mort généralement méprisé. Louis, son fils, en prenant les rènes du gouvernement, eut pour ennemis tous les seigneurs que par son courage il avait ramenés au devoir pendant l'excommunication de son père ; leurs projets n'allaient pas moins qu'à le priver du trône (1). Louis les prévint par son activité ; il poussa si rudement les révoltés qu'il les battit, les divisa, et devint en moins de deux ans plus puissant qu'aucun de ses prédécesseurs depuis Hugues-Capet. A peine ce monarque avait-il obligé à se soumettre un de ces petits seigneurs qui de leurs châteaux faisaient sans cesse des incursions dans le voisinage, et pillaient les peuples et les églises, qu'il était obligé de marcher contre un autre de ces véritables tyrans (2). Comme un nouvel Hercule, il les réduisit tous successivement, ce qui le rendit en même temps le restaurateur de l'autorité royale et le bienfaiteur de ses peuples.

      Ce fut ainsi qu'il eut à combattre son propre frère Philippe, comte de Mantes, fils d'une autre mère, Bertrade ; celle-ci poussait Philippe à disputer à Louis le Gros la couronne. Une ligue s'était formée entre le comte de Mantes, son oncle, Amauri, comte de Montfort, et Foulques, comte d'Anjou. Louis cita son frère devant les pairs du duché de France, s'empara de Mantes et d'Arpajon et détermine ses gens de Montlhéry à chasser les gens de Philippe. Louis eut ensuite à combattre Gui de Rochefort, son fils, Hugues de Créci, et Eudes, fils de Bouchard de Montmorency, ainsi que plusieurs autres barons. Ces guerres toutes de sièges et d'escarmouches se continuèrent pendant toute la première partie du règne du monarque. L'une de ses entreprises les plus difficiles fut l'attaque du château du Puiset, qu'occupait Hugues le Beau, qui exerçait son brigandage dans toute la Beauce : ce seigneur fut fait prisonnier et envoyé à la forteresse de Château-Landon. Enfin tous les seigneurs insurgés furent soumis et firent leur hommage au roi ; la plupart devinrent ses défenseurs les plus zélés.

      Sa puissance eût été alors établie sans la moindre contestation ; mais il comptait parmi ses vassaux Henry Ier, roi d'Angleterre, et malheureusement duc de Normandie. Il était de la politique de Henry de seconder tous les mécontents de France, afin de conserver les domaines qu'il y possédait : par le même motif, les possesseurs de grands fiefs s'unissaient volontiers à lui ; car si le duché de Normandie rentrait dans les domaines de la couronne, il n'y avait plus de garantie pour eux contre le pouvoir des rois de France. Ces intérêts produisirent beaucoup de guerres qui ne furent ni vives, ni longues, et autant de traités qui ne durèrent pas davantage. Si le roi d'Angleterre trouvait des alliés dans les seigneurs français, le roi de France trouvait de puissants appuis dans les neveux du roi d'Angleterre, qui excitaient en leur faveur des révoltes dans cette Normandie, objet de tant de contestations. On laissa d'abord avec trop d'indifférence le monarque anglais s'établir dans le Vexin : il avait promis dès le commencement de raser la forteresse de Gisors ; mais plus tard il s'y refusa, et le roi de France se vit obligé de marcher contre lui en l'an 1109. Les deux armées étaient en présence à Néaufle, sur la rivière d'Epte, lorsque Louis fait proposer à son ennemi de vider leur différend par un combat singulier de roi à roi, pour épargner le sang de leurs sujets. Le monarque anglais ne répond à ce défi que par une plaisanterie ; et l'on en vient à une bataille, où il est défait et obligé de prendre la fuite. La guerre continua, avec des alternatives de revers et de succès, jusqu'à l'an 1113, où la lassitude des peuples obligea Louis VI d'abandonner Gisors au monarque anglais, et celui-ci d'en faire hommage au roi de France.
      Cet arrangement avait mis fin aux hostilités ; mais elles recommencèrent bientôt lorsque Louis voulut prendre sous sa protection Guillaume Cliton, fils de Robert Courtecuísse, qui avait été dépouillé de la Normandie par son frère Henry. Le monarque français, malgré la valeur personnelle qu'il déploya, fut battu au combat de Brenneville en 1119 (3). Après cet échec, Louis consentit à la paix ; mais le roi d'Angleterre ayant perdu toute sa famille et une grande partie de sa noblesse qui périt dans un naufrage, Cliton profita de cette circonstance pour lui faire encore la guerre, qu'appuyait secrètement Louis. Henri s'en vengea en suscitant au roi de France un ennemi puissant dans la personne de Henri V, empereur, qui haïssait Louis comme protecteur du pape Calixte II, par lequel il avait été excommunié. Henri V leva une armée formidable composée de Lorrains, d'Allemands, de Saxons, de Bavarois et de tous les autres peuples au delà du Rhin, avec l'intention de venir brûler la ville de Reims, où s'était tenu le concile qui avait fulminé contre lui la sentence d'excommunication. Louis convoqua une assemblée générale des seigneurs, et leur représenta qu'il s'agissait d'une guerre étrangère, dans laquelle les intérêts et l'honneur de la France étaient compromis : il avait de l'éloquence, et passait avec raison pour le plus intrépide soldat de son royaume. Il s'empara si bien des esprits que toutes les querelles particulières cessèrent aussitôt : les seigneurs les plus dévoués au roi d'Angleterre se montrèrent dignes de leur patrie, et la France trouva deux cent mille hommes à opposer à ses ennemis. D'autres grands vassaux éloignés accouraient encore à la tête de leurs troupes afin de grossir l'armée royale. Pour rencontrer un pareil exemple d'union, de promptitude et de patriotisme, il faudrait remonter jusqu'à Charlemagne. L'empereur, étonné de voir un roi si faible contre ses feudataires déployer tant de forces contre l'étranger, retourna sur ses pas ; et la tranquillité de la France fut assurée sans combat. Louis le Gros aurait bien voulu profiter d'une si belle occasion pour enlever le duché de Normandie au roi d'Angleterre ; mais l'intérêt des grands s'y opposa : ils distinguaient les guerres de la nation d'avec les guerres du prince, et n'étaient pas tentés d'augmenter son pouvoir ; ils intervinrent pour ménager la paix entre les deux royaumes, et cette fois elle fut durable.

      Louis ne se reposa cependant point : les querelles entre les grands n'avaient cédé qu'à un intérêt national ; le danger passé, chacun reprit ses animosités, ses prétentions ; et le roi continua d'avoir les armes à la main pour se faire obéir. En 1126 il marcha au secours de l'évêque de Clermont, chassé de son siège par le comte d'Auvergne ; et il fut accompagné dans cette expédition par plusieurs grands seigneurs qui avaient d'abord été ses ennemis, tels que Conan, duc de Bretagne, Foulques d'Anjou et le comte de Nevers. Il força les passages des montagnes, assiégea le château de Montferrand, près Clermont, qu'il prit, et obligea le comte rebelle à rétablir le prélat. Quelques années plus tard, le même seigneur, oubliant son serment, recommença ses premières vexations contre l'évêque. Le monarque franchit de nouveau les montagnes, et obligea encore le comte à reconnaître son autorité, malgré le duc d'Aquitaine, qui était accouru à son secours, mais qui, ayant vu les forces du roi, se soumit lui-même et lui fit hommage de la manière la plus humble.

      Enfin le monarque jouissait des douceurs de la paix, lorsqu'il se vit obligé d'aller punir les assassins du comte de Flandre (voyez Charles le Bon). Ce comte ne laissant point d'enfants, il lui fit donner pour successeur le fils du duc de Normandie, Cliton, dont il chercha toujours à augmenter la puissance, afin d'en faire au roi d'Angleterre un ennemi plus redoutable. Mais ce jeune prince périt peu de temps après, les armes à la main, en poursuivant les troupes de son compétiteur, le comte d'Alsace, qu'il avait battu dans les plaines d'Alost. Vers le même temps, l'évêque de Paris, sans aucune considération des services que Louis avait rendus à l'Eglise, se plaignant de la nomination faite par ce monarque à quelques bénéfices, avait été jusqu'à prononcer une excommunication contre son souverain : mais, malgré les plaintes de Bernard, abbé de Clairvaux, qui s'était réuni au prélat, le pape Honoré II déclara excommunication abusive, et leva l'interdit.

      Si l'on en excepte cette circonstance, Louis fut toujours parfaitement d'accord avec l'autorité ecclésiastique. La pureté de ses mœurs, l'amour qu'il conserva toujours envers Alix ou Adélaïde de Savoie, sa femme, le soin qu'il mit à défendre le clergé de l'avarice et de la brutalité des nobles, le sauvèrent de toute discussion avec la cour de Rome. On vit sous son règne cinq papes venir chercher un asile en France ; et il eut besoin de beaucoup de prudence pour terminer le schisme né de la rivalité d'Innocent II et d'Anaclet, revêtus ensemble, par des partis opposés, de la dignité papale.

      En 1128, il fit couronner à Reims son fils aîné, Philippe ; mais ce jeune prince mourut d'une chute de cheval le 13 octobre 1131. Louis avait trop de vertus pour n'être pas un excellent père ; et quoiqu'il eût beaucoup d'enfants, on n'en vit aucun dans ces temps de révoltes prêter son nom aux rebelles. Il se montra fort sensible à la perte de son fils aîné ; mais le pape Innocent II, qui était alors à Paris, l'abbé Suger et ses courtisans intimes lui firent sentir que l'intérêt du royaume exigeait qu'il ne mît aucun retard à désigner son successeur : il choisit Louis, son second fils, qui fut sacré à Reims par le pape Innocent, douze jours après la mort de Philippe.
      La dernière expédition de Louis VI eut lieu en 1135, contre le seigneur de St-Brisson-sur-Loire, qui exerçait toutes sortes de brigandages dans les environs de son château. Le roi assiégea cette forteresse, et après l'avoir prise d'assaut, il la réduisit en cendres. Mais les fatigues qu'il essuya dans cette occasion lui causèrent une dyssenterie qui le conduisit au tombeau, après deux ans de souffrances. Avant de fermer les yeux, il eut la satisfaction d'apprendre que le duc d'Aquitaine, qui n'avait qu'une fille nommée Eléonore, l'offrait par testament au jeune Louis, avec les immenses domaines qu'il possédait ; il envoya son fils en Guyenne pour accomplir ce mariage, et mourut avant le retour du prince, le 1er août 1137, dans sa 57ème année, comblé des bénédictions du peuple, dont il avait toujours été le défenseur. Les historiens ne lui reprochent que d'avoir manqué de cette politique qui ne s'accordait pas toujours avec les vertus qu'il possédait dans un degré éminent. Il laissa en mourant, outre Louis VII, qui lui succéda, cinq fils et une fille (4). La reine Adélaïde, sa veuve, épousa Matthieu de Montmorency, connétable de France.

      On attribue à Louis le Gros l'établissement des communes, desquelles est sorti le tiers état ou troisième ordre ; car il est remarquable que sous la première race il n'y eut qu'un ordre politique, celui des conquérants ou gentilshommes (gentis homines), hommes de la nation. Sous la seconde race le clergé devint un ordre politique, c'est-à-dire qu'il prit place dans les assemblées nationales ; et ce fut lui particulièrement qui fit passer la couronne sur la tête de Pépin. Sous la troisième race s'éleva le tiers état, qui n'était pas alors composé du peuple, mais des bourgeois (burgenses), des propriétaires en charge, et des chefs de corporations. Les guerres continuelles des seigneurs et le mouvement donné par les croisades ayant relâché les liens de la servitude, il se forma des bandes de brigands, qui pillaient indistinctement tous les partis : le commerce sentit qu'il ne devait attendre de protection que de lui-même ; et l'on vit se relever peu à peu le pouvoir municipal, origine et soutien de toutes les libertés. Les paysans avaient été organisés par le clergé en communautés paroissiales conduites par leurs curés ; ces communautés prêtèrent plusieurs fois secours au roi, ainsi que cela eut lieu notamment au siège du château de Puíset. Déjà antérieurement à Louis le Gros, Beauvais, St-Quentin, Noyon avaient obtenu de leurs seigneurs des chartes de commune. La ville de Laon eut une charte en 1112 ; et deux ans après, Amiens en eut à son tour. Puis un grand nombre d'autres villes obtinrent des franchises analogues, dont on trouve du reste des traces avant le règne de Louis VI. Dès lors, le contingent des troupes à fournir, la part à prendre dans les contributions, la police à exercer dans le territoire, le droit même de juger, en un mot tout ce qui constituait le pouvoir des grands passa aux communes, que gagna aussi l'esprit d'indépendance qui régnait à cette époque. L'usage de présenter aux rois les clefs des villes qu'ils traversent rappelle le temps où l'on refusait souvent de les y recevoir. Les villes affranchies devinrent d'autant plus fortes, que les châtelains des environs se faisaient recevoir membres de la cité, afin de profiter des avantages de l'association : ils donnaient leur esprit guerrier aux citadins en échange de l'esprit d'ordre et d'union qu'ils en recevaient. Le pouvoir municipal existait dans les Gaules lors de la conquête franque, et s'était conservé sous la première race : il se perdit sous la seconde, mais le souvenir n'en fut jamais anéanti. Louis le Gros en a secondé le rétablissement, décidé en grande partie par la force même des circonstances ; car on voit ce pouvoír se reproduire à la même époque en Italie, en Allemagne, en Angleterre où il a gardé le nom de communes : il n'avait jamais été totalement aboli dans la Flandre, où l'activité du commerce rendait les bourgeois des personnages considérables. La preuve s'en trouve dans le règne même de Louis le Gros, qui fut obligé de marcher contre les bourgeois de Bruges, assez puissants en richesses et en nombre pour tenter une révolution contre leur souverain (voyez à ce sujet Augustin Thierry, Essai sur l'histoire de la formation et du progrès du tiers état, p. 240, tableau de l'ancienne France municipale).

      Louis VI est le premier de nos rois qui soit allé prendre l'oriflamme à St-Denis, à l'occasion de la guerre nationale dont on a parlé. Cette espèce d'étendard rouge, suspendu au bout d'une lance dorée, avait d'abord été porté dans les guerres que le monastère de St-Denis soutenait pour la défense de ses domaines avant leur réunion à la couronne. L'oriflamme parut pour la dernière fois à la bataille d'Azincourt, en 1415.


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(1)  Bertrade, belle-mère de Louis VI, se montra aussi l'un de ses ennemis les plus ardents. Elle l'avait persécuté du vivant du roi son père, jusqu'à l'obliger de se réfugier en Angleterre. Enfin elle lui fit donner un poison qui mit ses jours en grand danger et dont il ne guérit jamais parfaitement. Lorsqu'il fut monté sur le trône, elle lui suscita partout des ennemis et elle parvint à armer contre lui son fils le comte de Mantes.

(2)  C'était pour mettre fin aux brigandages de ces petits tyrans que Louis avait tenu, en juin 1116, les grands plaids de Dieu, entre Luz et Til-Chatel. Gui de Bourgogne, archevêque de Vienne (depuis pape sous le nom de Calixte II), préside ces assises solennelles comme légat du saint-siège. Courtépée, le seul historien de Bourgogne qui parle de cette assemblée, la donne, mal à propos, pour un concile. (Voyez la Notice lue à ce sujet par M. Girault à l'académie de Dijon le 27 janvier 1819, et la Revue encyclopédique de 1819, t. 3, p. 629.).

(3)  Plusieurs historiens racontent que dans une mêlée un soldat anglais (ou normand), ayant saisi la bride du cheval de Louis le Gros, criait déjà : Le roi est pris ! Louis l'abattit à ses pieds d'un coup de sa hache d'armes en disant : Tu as menti ; apprends qu'aux échecs le roi n'est jamais pris. Levrier a démontré que ce fait d'armes arriva, non en 1119 au combat de Brenneville, mais au gué de la Seine, à Paris, en 1110 ou 1111. (Mémoire sur un trait de la vie de Louis VI, lu à l'Institut le 1er juin 1810 ; Paris, 1810, in-8°, et dans le Magasin encyclopédique, juin 1810) Mézerai dit qu'on fit graver à cette occasion une médaille avec cette inscription tirée de Virgile : Nec capti potuere capi.

(4)  A savoir : Henri, qui se fit moine à Clairvaux et devint évêque de Beauvais, puis archevêque de Reims ; Robert, comte de Dreux ; Pierre, seigneur de Courtenai ; Philippe, qui se fit moine ; Hugues et Constance.  Tome 25 - Pages 156-159)


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