Nicolas de Flue, proprement
Loewenbrugger (De Ponte Leonino), naquit à Saxeln, bourg de la partie supérieure du canton d'Unterwald, le 21 mars 1417, et mourut dans son ermitage près de Saxeln le 22 mars 1487.
Son père fut un propriétaire aisé et membre de la magistrature. Lui-mecirc;me dès sa
jeunesse s'était acquis une grande réputation de piété, de droiture, de prudence et un ardent
amour pour sa patrie. Dans la guerre de Zürich et dans celle contre Sigismond d'Autriche, il montra son courage sur le champ de bataille et il n'épargna rien pour
adoucir la haine des partis, pour empecirc;cher des rapines et des cruautés. Conseiller de son canton, sa sagesse fut reconnue et la première magistrature, celle de landsmann, lui avait été offerte inutilement.
D'un
mariage heureux il avait eu dix
enfants, lorsqu'à l'âge de cinquante ans, guidé par une passion toujours croissante pour la vie solitaire et contemplative, il quitta avec le consentement de son
épouse le monde et les affaires. Il se retira d'abord sur les
montagnes de Zesca ; mais il se rapprocha bientôt de son bourg paternel quand les chasseurs l'eurent reconnu dans une contrée solitaire à une
lieue du canton ; ses
compatriotes, qui l'aimaient et l'honoraient, lui bâtirent une chapelle à côté d'une fort petite chaumière. C'était en 1467 qu'il entra dans cet ermitage, s'occupant de la vie contemplative, ne dédaignant pas de recevoir tous ceux qui venaient le voir et le consulter et recherchant mecirc;me les entretiens avec des amis. Dans ce mecirc;me temps, à la suite des guerres de
Bourgogne et de leur riche butin, on vit des troubles, des méfiances et des jalousies s'emparer des cantons et menacer d'une crise prochaine et fâcheuse leur confdération. Les villes de Berne,
Fribourg, Zürich, Lucerne et Soleure, pour se défendre contre des bandes formidables de gens oisifs et débauchés qui désolaient le pays, avaient formé une espèce de ligue particulière. Les cantons populaires, déjà remplis de jalousie contre les autres, qu'ils accusaient de s'ecirc;tre attribué la meilleure partie des
fruits de leur victoire commune, éclatèrent en plaintes amères lorsque les villes de
Fribourg et de Soleure demandèrent à ecirc;tre reçues dans la confédération. Les passions s'aigrirent, les conférences se multiplièrent sans succès. Une assemblée tenue à Stantz vers la fin de 1481 n'avait offert que les débats les plus violents ; elle devait se
dissoudre et ne plus laisser d'espérance pour la raccommodement.
Le curé de Stantz, nommé
Ingrund, l'ami intime de l'ermite, vint alors en toute hâte consulter et appeler celui-ci. De Flue descend de sa retraite, arrive au milieu de l'assemblée et là, par une éloquence modeste et touchante à laquelle ses services passés et son austère piété precirc;taient une nouvelle
force, il ralluma dans les curs des députés les sentiments de fraternité et de
patriotisme auxquels leur confédération avait dû sa gloire et son existence mecirc;me. L'ascendant que lui donnait son crédit et la sagesse de ses discours opérèrent la réconciliation des huit cantons et le renouvellement de leur alliance. Il les persuada d'annuler la ligue particulière formée par les cinq villes en 1477, qui avait été la principale cause de leur désunion ; mais en échange,
Fribourg et Soleure obtinrent d'ecirc;tre associés à la confédération helvétique, et ils en devinrent les neuvième et dixième cantons. Ce pacte, célèbre dans les fastes de la
Suisse sous le nom de
Convenant de Stantz (du 22 décembre), établit en mecirc;me temps la promesse des confédérés de ne commettre aucune hostilité les uns contre les autres, de secourir le canton qui serait injustement attaqué, de punir sévèrement les auteurs de pareilles agressions : la justice de chaque lieu où: elles auraient été commises devait en poursuivre la vengeance. Toute assemblée ou société non autorisée était interdite ; les sujets d'un canton ne devaient point chercher à s'associer avec ceux d'un autre dans leur révolte. Tous ensemble devaient, au contraire, concourir à ramener les rebelles à l'obéissance. Enfin, ce mecirc;me acte confirma les règlements militaires, l'ordonnance au sujet de la juridiction ecclésiastique et tous les anciens pactes de la confédération avec l'obligation d'en renouveler le serment tous les cinq ans.
Après avoir terminé ce salutaire ouvrage de la
pacification de son pays,
Nicolas de Flue adressa aux députés des conseils plein de sagesse et de
patriotisme ; il les exhorta à se tenir en garde contre la séduction des cours étrangères par l'attrait de leurs pensions et de leurs services ; il leur recommanda la frugalité, la simplicité des murs anciennes, soutiens nécessaires d'une
liberté qui devait leur suffire pour vivre heureux. Il rentra ensuite dans sa cellule, où: il reçut des lettres de remerciement que les cantons lui adressèrent et qu'ils accompagnèrent de présents dont il orna sa chapelle. Ces lettres, ainsi que les réponses pleines de modestie et de
patriotisme que l'ermite y fit, se conservent dans les archives et dans les chroniques de la
Suisse.
On en a imprimé différents traités qui portent le nom de
Nicolas de Flue, parmi lesquels on remarque celui de
La Vie solitaire. Les papes
Clément IX et X l'ont béatifié. Au grand titre de gloire que personne ne saurait contester au bienheureux
frère, et qui se trouve dans le Convenant de Stantz, ses contemporains et la postérité en ont joint un autre, qui toutefois n'est pas resté sans contestation. L'on assure que pendant vingt ans il n'a pris aucune nourriture, si ce n'est la sainte
cène qu'il recevait chaque mois. Ce ne fut pas lui qui de ce jeûne se fit jamais un mérite ; ses
compatriotes, après s'ecirc;tre assurés des faits par une observation exacte, y virent un miracle ; d'autres ont essayé d'expliquer le phénomène arrivé dans un
corps sec et maigre qui, ne faisant presque aucune perte, ne demandait par conséquent que fort peu de réparation. Lorsqu'en 1723 Jean-Henri Tschudi, dans un de ses ouvrages, osa parler avec peu de révérence, non point de
Nicolas de Flue, mais de son prétendu jeûne de vingt ans et des
reliques des saints dont on conservait des doubles endivers endroits, le gouvernement d'Unterwald fit
brûler son livre et mit sa tecirc;te à prix.
Les diverses
légendes de la vie du
frère Nicolas décorent les murs du beau temple de Stantz, qui lui fut consacré, et sa tombe de marbre, placée devant l'
autel, offre à la dévotion des fidèles la figure du saint faisant sa prière à genoux ; de nombreux
pèlerinages se font encore aujourd'hui en l'honneur de sa mémoire (Voyez
Nicol. de Rupe anachoretæ Subsilvani in Helvetia vita ac res gestæ, a Petro Hugone,
Fribourg, 1656,
in-12 ; la mecirc;me dans les
Acta Sanctorum des Bollandistes, 22 mars ;
L'Esprit et la vie du bienheureux frère Nicolas, par M. Goldlin de Tieffenan, 2ème édition, Lucerne, 1808, in-8°, en allemand ;
L'Histoire des Suisses, par J. de Müller.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 14 - Pages 265-266)