Clotaire III, l'aîné des fils de
Clovis II, eut en partage les royaumes de
Neustrie et de
Bourgogne, et commença à régner en 655 ; son
frère, Childéric, eut le royaume d'
Austrasie ; Thierry, qui était encore au berceau, ne reçut aucune part de l'héritage de
Clovis II ; et comme Clotaire
et Childéric se trouvaient trop jeunes pour agir par eux-mêmes, il est évident que cette violation des lois constitutionnelles fut l'ouvrage des seigneurs, qui voyaient dans la réunion des royaumes un moyen assuré d'arriver à l'indépendance, à laquelle ils tendaient tous. En effet, la
Neustrie et la
Bourgogne pouvaient bien être gouvernées par le même prince, mais sans cesser de faire des Etats séparés. Or, dans les royaumes que le monarque n'habitait pas, la puissance restait entière au
maire du palais, élu par les grands, et conséquemment obligé de servir leurs prétentions pour s'en faire un appui contre l'autorité légitime. C'est ainsi que se préparait de loin le morcellement de la France en autant de petites souverainetés qu'on pouvait y compter de châtaeux, morcellement qu'on a pris l'habitude de désigner sous le nom de
régime féodal, quoiqu'il ne soit réellement que la dégénération de la vraie
féodalité.
La reine Baltilde, mère des trois héritiers de
Clovis II, dut voir avec chagrin l'injustice commise à l'égard du plus jeune de ses fils ; elle ne put l'empêcher, malgré l'ascendant que lui donnaient ses vertus, et cela prouve en faveur des
historiens qui ont annoncé qu'elle fut obligée, quelques années près, de quitter la cour, contre ceux qui
pensent que sa retraite fut volontaire et uniquement décidée par sa piété. Baltilde, avec l'assistance des
évêques, maintint
pendant dix ans les Etats de
Clotaire III sans troubles ; elle diminua les charges publiques, abolit de vieilles coutumes qui perpétuaient l'usage des esclaves parmi les Français chrétiens, fit le bien avec persévérance au milieu d'une cour que la minorité du roi disposait aux
factions ; et surtout elle contraignit le
maire du palais Ebroïn à cacher sous les plus séduisants dehors son ambition, sa cruauté et son avarice ; mais cet homme étonnant, par les ressources de son génie et sa prodigieuse activité, sut la réduire elle-même à quitter le gouvernement, à se retirer dans un
monastère, en lui laissant l'honneur d'une démarche sur laquelle elle n'était plus libre d'hésiter. Dès ce moment, il gouverna en maître jusqu'à la mort de
Clotaire III, qui arriva peu d'années après la retraite de sa mère. Ce prince n'avait pas d'
enfants ; mais on remarque qu'il était en âge d'en avoir, puisqu'il touchait sa 18ème année lorsqu'il mourut. Cette observation est d'autant plus importante qu'
Ebroïn lui supposa quelque temps un fils. On peut se faire une idée du singulier état où plusieurs minorités avaient réduit la famille royale, puisqu'on osa impunément supposer un fils à
Clotaire III, qui n'avait jamais cessé de vivre au milieu de ses sujets, et peut-être même d'habiter sa capitale. D'après cela, on concevra aisément comment on ignore l'époque précise de la mort de ce prince, placée par quelques chroniques en 670.
(Biographie universelle ancienne et moderne - Tome 8 - Page 478)