LES MONTAGNES - LES BOIS - LES DIVINITÉS CHAMPÊTRES
Les Montagnes
Les
Montagnes étaient filles de la
Terre. On les regardait presque partout comme des lieux sacrés, souvent même on les adorait comme des divinités. Les anciennes médailles les figurent comme des génies dont chacun est caractérisé par quelque production du pays.
En Grèce, la chaîne du Pinde était tout entière consacrée à
Mars et à
Apollon, mais les poètes
s'étudièrent à entourer de
fables ou de
légendes particulières les principaux sommets de cette
montagne.
Ainsi, comme le mont ta, en Thessalie, s'étend jusqu'à la mer
Egée située à l'extrémité orientale de l'
Europe, on prétendait que le
soleil et les étoiles se levaient à côté de cette
montagne, et que de là naissaient le
jour et la nuit. Hesperus (
Vesper) y était honoré. Le mont ta rappelle la mort et le bûcher d'
Hercule.
Le Parnasse, la plus haute
montagne de la
Phocide, a deux sommets
fameux : l'un était consacré à
Apollon et aux Muses, et l'autre à
Bacchus. C'est entre ces deux sommets que sort la fontaine de Castalie. Ce fut
sur cette
montagne que
Deucalion et Pyrrha se retirèrent du temps du
déluge. Les anciens la croyaient placée au milieu de la terre : elle était du moins au milieu de la Grèce.
Le Cithéron, en
Béotie, était consacré aux Muses et à Jupiter, mais c'était sur la
montagne voisine, l'
Hélicon, que les Muses recevaient le plus d'honneurs. Cette
montagne, disait-on,
leur avait été consacrée, dès l'époque la plus reculée et presque dès l'origine du monde, par les deux
géants Aloïdes,
Otus et Éphialte. On y voyait un temple dédié à ces déesses, la fontaine d'
Hippocrène, la grotte des nymphes
Libéthrides, souvent confondues ou identifiées avec les Muses elles-mêmes, le tombeau d'Orphée et les statues des principaux
dieux, uvres des artistes les plus habiles de la Grèce. On y remarquait aussi un
bois sacré où, chaque année, les habitants de Thespies célébraient la double fête en l'honneur des Muses et de
Cupidon.
L'Hymette, en
Attique, est célèbre par l'excellence et l'abondance de son miel, et par le culte qu'on y rendait à Jupiter.
Le
Cyllène, le Lycée et le
Ménale en
Arcadie, ainsi que le Taygète en
Laconie, sont, à divers titres, célébrés par les poètes. Les deux premières de ces
montagnes étaient consacrées à Jupiter et au
dieu Pan, le
Ménale à
Apollon et le Taygète à
Bacchus. Mais c'était aussi dans le cirque formé par les
montagnes d'
Arcadie que
Diane aimait à se livrer au plaisir de la chasse, et son culte n'y était pas négligé. La
fable raconte que c'est sur le
mont Ménale que le héros
Hercule poursuivit la
biche aux pieds d'
airain et aux cornes d'or ; par respect pour
Diane à qui elle était consacrée, il s'abstint de la percer de ses
flèches et la captura vivante au moment où elle allait traverser le
Ladon.
En dehors de la Grèce, le mont Rhodope ou Hémus en Thrace est célèbre dans la Mythologie par le séjour d'Orphée. Hémus, fils de
Borée et d'Orithyie d'Athènes et mari de Rhodope, était un roi de Thrace. Ce roi et cette reine, aspirant aux honneurs divins, voulurent se faire adorer sous les noms de Jupiter et de
Junon. Cette folle prétention fut cause que les
dieux indignés les changèrent l'un et l'autre en une seule
montagne. C'est sur le sommet du Rhodope que les poètes placent le
dieu Mars, lorsqu'il examine en quel endroit de la terre il exercent ses fureurs.
Le
mont Niphate, entre le
Pont-Euxin et la mer d'Hyrcanie, ou mer
Caspienne, s'est appelé
Caucase, du nom d'un berger tué par
Saturne, à l'époque où, pour se dérober aux poursuites de Jupiter, il
s'était réfugié sur cette
montagne, après la guerre des
Géants. C'est pour honorer et perpétuer la mémoire de ce berger que Jupiter voulut que la
montagne prît son nom. Ce fut sur le
Caucase que Prométhée fut enchaîné et déchiré par un
aigle.
A l'autre extrémité du monde connu des anciens, s'élevait, vers l'ouest, le mont
Atlas dont les sommets couverts de neige se perdent dans les nues, tandis que ses pieds se prolongent et pénètrent
profondément dans l'Océan qui porte son nom.
Atlas, fils du
Titan Japet et de l'Océanide Clymène, petit-fils d'Uranus et neveu de
Saturne, prêta son concours aux
Géants dans leur guerre contre Jupiter. En punition de cette complicité, le
maure de l'
Olympe, resté vainqueur, le changea en
montagne, et le condamna à soutenir sur ses épaules la voûte du
ciel.
D'après une autre
fable,
Atlas, propriétaire du
jardin des
Hespérides, averti par un oracle de se défier d'un fils de Jupiter, refusa l'hospitalité à Persée qui lui présenta la tête de Méduse et le changea en
montagne.
On le représente comme un
géant debout au milieu des
eaux, supportant la
sphère céleste, et gémissant sous un tel fardeau.
Hercule un
jour prit sa place, et lui permit de se reposer, mais depuis longtemps
Hercule a quitté ce monde, et
Atlas, le dos voûté, continue à endurer des fatigues
séculaires sous le poids du
ciel.
Au-dessus de sa tête il aperçoit parfois les
Atlantides ses filles qui, sous le nom de Pléiades, se groupent et brillent, parmi les étoiles. À ses pieds, du côté de la Mauritanie, il apercevait
aussi les
Hespérides,
Eglé,
Aréthuse et Hypéréthuse, trois filles que lui donna
Hespéris ou la Nuit, son
épouse, issue
d'
Hespérus (
Vesper). Ces trois surs avaient dans leur
jardin les pommiers aux
fruits d'or,
arbres fameux placés sous la garde d'un
dragon aux cent têtes. Ces pommes d'or, sur lesquelles le terrible
dragon tenait les yeux sans cesse ouverts, avaient une vertu surprenante. Ce fut avec une d'elles que la
Discorde brouilla les trois déesses,
Junon,
Vénus et
Minerve ; ce fut avec le même
fruit qu'
Hippomène vainquit à la course l'invincible
Atalante et obtint sa main en récompense de la victoire. Afin de retarder
Atalante dans sa course, l'adroit
Hippomène lui jetait à quelque distance l'une de l'autre des pommes d'or qu'elle s'attardait à ramasser.
Les
Hespérides avaient la voix charmante et le don de se
dérober aux yeux par des métamorphoses soudaines.
Hercule au cours de ses travaux cueillit les pommes d'or, et tua le
dragon de leur merveilleux
jardin.
La Mythologie, qui a consacré et déifié les
montagnes, devait aussi réserver un culte aux volcans, et en particulier
à l'
Etna. Non seulement cette célèbre
montagne de
Sicile passait pour renfermer les forges de
Vulcain et l'
atelier des
Cyclopes ; mais, persuadés qu'elle était en communication avec les divinités infernales, les peuples anciens se servaient de ses éruptions pour présager l'avenir. On jetait dans
le cratère des objets d'or ou d'
argent et même des victimes. Si le
feu les dévorait, le présage était heureux, et, au contraire, il était
funeste, si la lave venait à les rejeter.
Les Oréades - Les Napées
Du grec
oros, "
montagne", et
napos, "vallon", sont formés les deux mots Oréades et Napées. Les Oréades, nymphes des
montagnes, ne se plaisaient pas seulement à parcourir les cimes rocheuses et les pentes escarpées, elles se livraient aussi à
la chasse. Elles sortaient de leurs grottes en troupes alertes et joyeuses pour lancer le cerf, poursuivre le sanglier et percer de leurs
flèches les
oiseaux de proie. Au signal de
Diane, elles accouraient prendre part à ses exercices et lui former un
brillant cortège.
Les Napées, nymphes moins hardies, mais aussi gracieuses et aussi belles, préféraient les pentes boisées des collines, les frais vallons, les vertes prairies. Elles sortaient parfois de leurs bocages pour venir assister aux ébats des
Naïades, sur le bord des ruisseaux solitaires qui les charmaient par leur murmure et leur gazouillement.
Les Bois
Les grands
bois, autant que les mers, les lacs, les
eaux courantes et
profondes, inspirèrent aux premiers hommes une terreur
religieuse : le mugissement ou le murmure du vent dans les grands
arbres leur causait une émotion qui reportait leur pensée vers une puissance supérieure et divine. Ainsi les
forêts, les
bois ont été les premiers lieux destinés au culte de la divinité. C'était d'ailleurs dans les
bois que les premiers hommes
fixaient de préférence leur demeure, et il était naturel qu'ils fissent habiter les
dieux là où ils habitaient eux-mêmes. Mais ils
choisissaient les lieux les plus sombres pour l'exercice de leur
religion. Il leur semblait que, dans le demi-jour, sous les ombrages presque impénétrables aux rayons du
soleil, la divinité se rapprochait plus facilement d'eux, se
communiquait plus librement, et prêtait plus d'attention à leurs prières. Dans la suite, lorsque, réunis en société, les hommes
élevèrent des temples, l'architecture de ces édifices, par leurs hautes colonnes, leurs voûtes, leur demi-obscurité, rappelait encore la
forêt des temps primitifs.
En souvenir de ces vieux âges, on plantait toujours, autant
qu'il était possible, autour des temples et des
sanctuaires, au moins quelques
arbres aussi respectés que les temples mêmes. Souvent ces
arbres étaient assez nombreux pour former tout un
bois sacré. C'est dans ces
bois qu'on se rassemblait aux
jours de fête : on y faisait des repas publics, accompagnés de danses et de
jeux. On y suspendait de riches offrandes. Les plus beaux
arbres étaient ornés de festons et de bandelettes, comme les statues des
dieux. Les
bois sacrés étaient comme autant d'asiles où l'homme et les bêtes inoffensives mêmes avaient part à la protection de la divinité.
A Claros, île de la mer
Egée, « il y avait, dit
Elien, un
bois consacré à
Apollon, où n'entrait jamais de bête venimeuse. On voyait aux environs beaucoup de cerfs, qui, poursuivis par les chasseurs, se
réfugiaient à l'intérieur du bois ; les
chiens, repoussés par la
force toute-puissante du
dieu, aboyaient vainement, et n'osaient entrer, tandis que les cerfs paissaient sans plus rien craindre ».
A
Epidaure, le temple d'Esculape était entouré d'un
bois sacré de tous côtés ceint de grosses bornes. Dans cette enceinte on ne laissait mourir aucun des malades venus pour consulter le
dieu.
Les
forêts les plus vénérées de la Grèce étaient celle de
Némée, en
Argolide, où se
célébraient, en l'honneur d'
Hercule, les
jeux néméens, et celle de Dodone, en
Epire, où, par une faveur de Jupiter, les chênes
rendaient des oracles.
Les Dryades et Hamadryades
Du mot grec
drus, "chène", vient le nom
de
Dryades. C'étaient les divinités protectrices des
forêts et des
bois. Robustes autant que fraîches et légères, elles pouvaient errer en
liberté, former des churs de danse autour des chênes qui leur étaient consacrés et survivre aux
arbres placés sous leur protection. Il ne leur était pas interdit de se marier, Ainsi
Eurydice, femme d'Orphée, était une
Dryade.
La croyance des peuples à l'existence réelle de ces divinités forestières les empêchait de détruire trop facilement les grands
bois. Pour
couper les
arbres, il fallait d'abord consulter les ministres de la
religion, et obtenir d'eux l'assurance que les
Dryades les avaient abandonnés.
On représente ces nymphes sous la forme de femmes dont le
corps, dans sa partie inférieure, se termine en une sorte d'arabesque, exprimant par ses contours allongés un tronc et les racines d'un
arbre. La partie supérieure sans aucun voile est ombragée d’une abondante chevelure qui flotte sur les épaules au gré des vents. La tête porte une
couronne de feuilles de chêne. Parfois on met une
hache entre leurs mains parce qu’on croyait que ces nymphes punissaient les outrages faits aux
arbres dont elles avaient la garde.
Les Hamadryades étaient des nymphes dont le
destin dépendait de certains
arbres avec, lesquels elles naissaient, et mouraient, ce qui les distinguait des
Dryades. C'était principalement avec les chênes qu'elles
avaient cette union. Elles n'en étaient cependant pas absolument inséparables. Dans
Homère, on les voit s'échapper des
arbres où elles sont enfermées, afin d'aller sacrifier à
Vénus dans les grottes avec les Satyres. Selon Sénèque, elles quittaient aussi leurs
chênes pour entendre le chant du divin Orphée.
Reconnaissantes pour ceux qui les garantissaient de la mort, elles
punissaient sévèrement ceux dont la main
sacrilège osait attaquer les
arbres, dont elles dépen;daient. Témoin Erésichton, qui osa porter une
hache criminelle dans une
forêt consacrée à
Cérès.
On verra plus loin comment la Famine se chargea de son
châtiment.
Les Hamadryades n'étaient donc pas immortelles ; mais la durée de leur existence était au moins égale à la vie des
arbres sous l'écorce desquels elles demeuraient.
Sous le nom de Méliades on désigne aussi les nymphes qui habitaient les
bois ou bosquets de frênes. Ces divinités passaient pour étendre plus particulièrement leur protection sur les
enfants qui, à cause de leur naissance furtive, étaient abandonnés ou quelquefois suspendus aux branches des
arbres.
D'autres mythologues considèrent, les Méliades ou
Epimélides comme des nymphes auxquelles était spécialement dévolu le soin des troupeaux.
Leur mère, Mélie, fille de l'Océan, fut aimée d'
Apollon dont elle eut aussi deux fils, Térénus et le devin Isménus
Episode de Narcisse et de la nymphe Echo
Narcisse, fils de la nymphe Liriope et de Céphisse,
fleuve
de la
Phocide, ayant méprisé la nymphe Echo, fut puni par la déesse Némésis. Le devin
Tirésias avait prédit à ses parents
qu'il vivrait tant qu'il ne se verrait pas. Un
jour qu'il se promenait dans les
bois, il s'arrêta au bord d'une fontaine où il aperçut son image. Il devint amoureux de sa ressemblance, et, ne se lassant pas de contempler son visage dans l'
eau
limpide, il se consuma d'
amour au bord de cette fontaine. Insensiblement, il prit racine dans le gazon baigné par la source et toute sa personne se changea dans la
fleur qui porte son nom.
D'autres racontent qu'il se laissa simplement mourir, refusant de boire et de manger, et que, après sa mort, son fol
amour l'accompagna jusque dans les Enfers, où il se contemple encore dans les
eaux du
Styx.
Aux environs de Thespies, il y avait une fontaine devenue fameuse,
disait-on, par cette aventure. Elle s'appelait fontaine de Narcisse.
Echo, fille de l'
Air et de la
Terre, nymphe de la suite de
Junon,
favorisait les infidélités de Jupiter, en amusant la déesse par de longues
histoires, lorsque le maître de l'
Olympe s'absentait pour vaquer à ses
amours.
Junon, s'étant aperçue de son artifice, la punit en la condamnant à ne plus parler sans qu'on l'interrogeât, et à ne répondre aux questions que par les derniers mots qu'on lui adresserait.
Eprise du jeune et beau Narcisse, elle s'attacha longtemps à
ses pas, sans pourtant se laisser voir. Après avoir éprouvé les mépris de celui qu'elle aimait, elle se retira au fond des
bois, et n'habita plus que les antres et les rochers. Là elle se consuma de douleur et de regrets. Insensiblement ses chairs s'amaigrirent, la peau s'attacha à ses os, ses os mêmes se pétrifièrent, et de la nymphe il ne resta plus que la voix. Partout elle écoute, nulle part elle n'est visible, et toujours, si elle entend quelques phrases, elle n'en répète que les derniers mots.
Selon quelques auteurs,
Pan devint amoureux de la nymphe Echo, et en
eut une fille appelée Syringe.
Pan
Le
dieu Pan, ainsi nommé, dit-on, du mot grec
"
pan", "
tout", était fils,
suivant les uns, de Jupiter et de la nymphe
Thymbris, suivant les
autres, de
Mercure et de la nymphe Pénélope. Selon
d'autres traditions, il était fils de Jupiter et de la nymphe
Calisto, ou peut-être de l'
Air et d'une Néréide,
ou enfin du
Ciel et de la
Terre. Toutes ces origines diverses trouvent
une explication, non seulement dans le grand nombre de
dieux portant
ce nom, mais encore dans les attributions multiples que la croyance
populaire prêtait à cette divinité.
Son nom
semblait indiquer l'étendue de sa puissance, et la secte
des philosophes
stoïciens identifiait ce
dieu avec l'Univers
ou du moins avec la nature intelligente, féconde et créatrice.
Mais l'opinion commune ne s'élevait
pas à une
conception si générale et si philosophique.
Pour les peuples, le
dieu Pan avait un caractère et une mission
surtout agrestes. Si, dans les temps les plus reculés, il
avait accompagné les
dieux de l'Egypte dans leur expédition
des Indes, s'il avait inventé l'ordre de bataille et la
division
des troupes en aile droite et en aile gauche, ce que les Grecs et
les Latins appelaient les cornes d'une armée, si c'était
même pour cette raison qu'on le représentait avec des
cornes,
symbole de sa
force et de son invention, l'imagination populaire,
de bonne heure ayant restreint et limité ses fonctions, l'avait
placé dans les campagnes, près des pasteurs et des
troupeaux.
Il était principalement honoré
en
Arcadie, pays de
montagnes, où il rendait des oracles.
On lui offrait en sacrifice du miel et du lait de chèvre.
On célébrait en son honneur les Lupercales, fête
qui, dans la suite, se répandit en Italie, où l'
Arcadien
Evandre avait porté le culte de
Pan. On le représente
ordinairement fort laid, les
cheveux et la barbe négligés,
avec des cornes, et le
corps de
bouc depuis la ceinture jusqu'en
bas, enfin ne différant pas d'un faune ou d'un satyre. Il
tient souvent une houlette, et une flûte à sept tuyaux
qu'on appelle la flûte de
Pan, parce que, dit-on, il en fut
l'inventeur, grâce à la métamorphose de la nymphe
Syrinx en roseaux du
Ladon.
On le regardait aussi comme le
dieu des chasseurs
; mais, quand il se livrait à la chasse, il était
moins la terreur des bêtes fauves que celle des nymphes qu'il
poursuivait de ses ardeurs amoureuses. Il est souvent aux aguets
derrière les rochers et les buissons : la campagne pour lui
n'a pas de mystères. C'est ainsi qu'il découvrit et
put révéler à Jupiter le lieu où
Cérès s'était cachée après l'enlèvement de
Proserpine.
Pan a été souvent confondu dans la littérature latine avec Faunus et
Sylvain. Plusieurs auteurs les ont considérés comme une même divinité sous ces différents noms. Les Lupercales même étaient célébrées en leur triple honneur confondu. Cependant,
Pan est le seul des rois qui ait été allégorisé, et regardé comme le
symbole de la Nature, suivant la signification de son nom. Aussi lui met-on des cornes, pour marquer, disent les mythologues, les rayons du
soleil ; la vivacité de son teint exprime l'éclat du
ciel ; la peau de chèvre étoilée qu'il porte sur l'estomac représente les étoiles du
firmament ; enfin, ses pieds et ses jambes hérissés
de poils désignent la partie inférieure du monde,
la terre, les
arbres et les plantes.
Ses
amours lui ont suscité des rivaux
parfois redoutables. L'un d'eux,
Borée, voulut lui enlever
violemment la nymphe Pitys, que la
Terre, émue de
compassion,
changea en pin. Voilà pourquoi cet
arbre, conservant encore,
dit-on, les sentiments de la nymphe,
couronne Pan de son feuillage,
tandis que le souffle de
Borée excite ses gémissements.
Pan est aimé aussi de
Séléné, c'est-à-dire de la
Lune, ou
Diane, qui, pour venir le visiter dans les vallons et les grottes des
montagnes, néglige le beau et éternel dormeur Endymion.
La
fable du grand
Pan donna lieu, sous le règne de Tibère, à un événement qui intéressa vivement la ville de Rome et mérite d'être raconté. Dans la mer
Egée, dit
Plutarque, le vaisseau du pilote Thamus étant un soir dans les parages de certaines îles, le vent cessa tout à fait. Tous les gens à bord étaient bien éveillés, la plupart même passaient le temps à boire les uns avec les autres, lorsqu'on entendit tout à coup une voix qui venait des îles et appelait Thamus. Thamus se laissa appeler deux fois sans répondre, mais à la troisième il répondit. La voix lui commanda que, quand il serait arrivé dans un certain lieu, il criât que le grand
Pan était mort. Il n'y eut personne dans le navire qui ne fût saisi de frayeur et d'épouvante. On délibéra si Thamus devait obéir à la voix, et Thamus conclut que, quand ils seraient arrivés au lieu indiqué, s'il faisait assez de vent pour passer outre, il ne fallait rien dire ; mais que, si un calme les arrêtait là, il fallait s'acquitter de l'ordre qu'il avait reçu. Il ne manqua point d'être surpris d'un calme en cet endroit-là, et aussitôt il se mit à crier de toute sa
force : «
Le grand Pan est mort ! » A peine avait-il cessé de crier que l'on entendit de tous côtés des plaintes et des gémissements, comme d'un grand nombre de personnes surprises et affligées de cette nouvelle.
Tous ceux qui étaient sur le navire furent témoins de cette étrange aventure. Le bruit s'en répandit en peu de temps jusqu'à Rome. L'empereur Tibère voulut voir Thamus lui-même ; il le vit, l'interrogea, assembla des savants pour apprendre d'eux qui était ce grand
Pan, et il fut conclu que c'était le fils de
Mercure et de Pénélope.
D'autres mythologues, interprétant ce fait, ont préféré y voir la mort de l'ancien monde romain et l'avènement d'une société nouvelle.
Marsyas
Le satyre Marsyas, originaire de Célènes en
Phrygie, était fils d'Hyagnis qui passe pour l'inventeur de l'
harmonie phrygienne. A l'école et sous la direction d'un père qui composa des nomes ou
cantiques pour la mère des
dieux,
Bacchus,
Pan et les autres divinités de son pays, Marsyas ne tarda pas à exceller dans la musique ; et il cultiva son art avec une ardente passion. Il joignait à beaucoup d'
esprit, de
goût et d'industrie une sagesse et une vertu à toute épreuve.
Son génie parut surtout dans l'invention de la flûte où il sut rassembler tous les sons qui se trouvaient auparavant répartis entre les divers tuyaux du chalumeau ; et il partage avec son père l'honneur
d'avoir, pour la première fois, mis en musique les hymnes consacrées aux
dieux.
Attaché à
Cybèle, il l'accompagna dans tous ses voyages qui les conduisirent l'un et l'autre à
Nysa, où ils rencontrèrent
Apollon. C'est là que, fier de ses nouvelles découvertes, Marsyas osa porter au
dieu un défi qui fut accepté.
Ce ne fut pas sans peine qu'
Apollon l'emporta sur son concurrent, et la cruauté avec laquelle il traita le vaincu fit voir combien il avait été surpris et indigné d'une si habile résistance. On a vu que l'infortuné satyre, trop confiant dans son savoir, fut attaché à un
arbre et écorché vif. Mais on ajoute que, la
chaleur de son ressentiment passée,
Apollon, se repentant de sa barbarie, rompit les cordes de sa guitare ou de sa lyre, et la déposa avec les flûtes de Marsyas dans un antre de
Bacchus auquel il consacra ses instruments.
Ce satyre fit école et eut des
disciples nombreux. L'un de
ceux-ci, le plus célèbre, fut Olympus ou
Olympe, qui reçut aussi les leçons du
dieu Pan.
Les représentations de Marsyas décoraient plusieurs édifices. On voyait dans la citadelle d'Athènes une statue de
Minerve qui châtiait le satyre pour s'être approprié les flûtes que la déesse avait rejetées avec mépris. Pour les Grecs, la lyre avait sur la flûte une indiscutable supériorité.
Les villes libres avaient dans la place publique une statue de Marsyas,
symbole de leur indépendance, à cause de la liaison intime de Marsyas, pris pour Silène, avec
Bacchus surnommé Liber ; car les poètes et les peintres le représentent quelquefois avec des oreilles de faune ou de satyre et une queue de silène.
A Rome, il y avait dans le Forum une de ses statues, voisine d'un tribunal. Les avocats qui gagnaient leur cause avaient soin de la couronner pour le remercier du succès de leur éloquence, et le rendre favorable à leur
déclamation, en sa qualité d'excellent joueur de flûte. On voyait aussi à Rome, dans le temple de la
Concorde, un tableau représentant Marsyas
garrotté, œuvre de Zeuxis.
Quelques poètes ont dit qu'
Apollon, dans son repentir, métamorphosa en
fleuve le
corps de Marsyas. D'autres prétendent que les nymphes et les satyres, privés des accords de sa flûte, versèrent tant de larmes qu'elles formèrent le
fleuve de
Phrygie qui porte son nom.
Priape
Priape était fils d'une nymphe appelée Naïas ou Chioné, ou, selon d'autres auteurs, de
Vénus et de
Bacchus qui avait été accueilli avec empressement par cette déesse, à son triomphant retour des Indes. Jalouse de
Vénus,
Junon s'efforça de nuire à Priape, et le fit naître avec une difformité extraordinaire. Aussitôt qu'il fut venu au monde, sa mère le fit élever loin d'elle, sur les bords de l'
Hellespont, à Lampsaque où, par son libertinage et ses impudentes hardiesses, il devint un objet de terreur et de répulsion. Mais, une épidémie étant survenue, les habitants consternés crurent y voir une punition du peu d'égards qu'ils avaient eu pour le
fils de Vénus ; ils le prièrent de rester parmi eux, et, dans la suite, il devint à Lampsaque l'objet de la vénération publique : de là le surnom, qui lui est donné par les poètes, de Lampsacène ou Hellespontique.
Priape est souvent pris, comme
Pan, pour l'
emblème de la
fécondité de la nature. En Grèce, il était particulièrement honoré de ceux qui élevaient des troupeaux de chèvres ou de brebis, ou des ruches d'abeilles. A Rome, il était considéré comme un
dieu protecteur des
jardins. C'était lui, croyait-on, qui les gardait et les faisait fructifier. Mais il ne doit pas être confondu avec
Vertumne.
On le représente le plus souvent en forme d'
Hermès ou de Terme, c'est-à-dire en buste sur un socle, avec des cornes de
bouc, des oreilles de chèvre, et une
couronne de feuilles de vigne ou de laurier. Les anciens avaient coutume de barbouiller ses statues de
cinabre ou minium. Quelquefois on place à côté de lui des instruments de jardinage, des paniers pour contenir les
fruits, une faucille pour moissonner, une massue pour écarter les voleurs ou une verge pour faire peur aux
oiseaux.
On voit aussi sur des monuments de Priape des têtes d'ânes,
animaux que les habitants de Lampsaque offraient en sacrifice à ce
dieu. Ovide prétend qu'on lui en sacrifiait, en mémoire de la nymphe Lotis qui, étant un
jour poursuivie par ce
dieu, lui échappa en se changeant en lotus.
Les artistes et les poètes sont dans l'usage de traiter
Priape assez cavalièrement. Les uns le représentent parfois avec une crête de
coq, une bourse dans la main droite, une clochette dans la main gauche ; les autres le menacent, de le jeter au
feu, s'il laisse enlever quelques pieds d'
arbres confiés à sa garde. On le plaisante même sous prétexte qu'il se laisse insulter par des
oiseaux que son aspect ne parvient pas à effaroucher.
On célébrait à Rome les Priapées ou fêtes de Priape. C'étaient surtout des femmes qui y prenaient part : beaucoup d'entre elles s'habillaient en
bacchantes, ou en danseuses jouant de la flûte ou d'un autre instrument de musique. La victime offerte était un âne, et une
prêtresse faisait la fonction de victimaire.
Aristée
Aristée, fils d'
Apollon et de Cyrène, fut élevé par les nymphes qui lui apprirent à cailler le lait, à cultiver les oliviers, et à élever des abeilles. Amant de la nymphe
Eurydice, il fut cause de sa mort, en la poursuivant le
jour de ses noces avec Orphée : comme elle fuyait devant lui, la malheureuse n'aperçut pas sous ses pieds un
serpent caché dans les hautes herbes. La piqûre du
serpent
lui ôta la vie. Pour la venger, les nymphes, ses compagnes, firent périr toutes les abeilles d'Aristée. Sa mère Cyrène, dont il implora le secours afin de réparer cette perte, le mena consulter
Protée,
dont il apprit la cause de son infortune, et reçut ordre d'apaiser les mânes d'
Eurydice par des sacrifices
expiatoires. Docile à ses conseils, Aristée,
ayant
immolé sur-le-champ quatre jeunes taureaux et autant de génisses, en vit sortir une nuée d'abeilles qui lui permirent de reconstituer ses ruches.
Il épousa
Autonoé, fille de
Cadmus, dont il eut
Actéon. Après la mort de ce fils déchiré par ses
chiens, il se retira à Céos, île de la mer
Egée, alors désolée par une peste qu'il fit cesser en offrant aux
dieux des sacrifices ; de là, il passa en Sardaigne qu'il poliça le premier, ensuite en
Sicile où il répandit les mêmes bienfaits, et enfin en Thrace où
Bacchus l'
initia aux
orgies. Etabli sur le mont Hémus qu'il avait choisi pour son séjour, il disparut tout à coup pour jamais. Les
dieux le placèrent parmi les étoiles, et, selon certains auteurs, il est devenu le signe du Verseau.
Les Grecs l'honorèrent depuis comme un
dieu, surtout en
Sicile ; il fut une des grandes divinités champêtres, et les bergers lui rendaient un culte particulier.
Hérodote raconte qu'Aristée apparut à Cyzique, après sa mort, qu'il disparut une seconde fois, et, après trois cents ans, reparut encore à Métaponte. Là il enjoignit aux habitants de lui
ériger une statue auprès de celle d'
Apollon, injonction à laquelle ceux-ci se conformèrent après avoir consulté l'oracle. Aristée, suivant
Plutarque, quittait et reprenait son
âme à volonté, et, quand elle sortait de son
corps, les assistants la voyaient sous la figure d'un cerf.
Daphnis
Daphnis, berger de
Sicile, fils de
Mercure et d'une nymphe, apprit de
Pan lui-même à chanter et à jouer de la flûte, et fut protégé des Muses qui lui inspirèrent l'
amour de la
poésie. Il fut le premier, dit-on, qui excella dans la
poésie pastorale. Avant lui, les bergers menaient une vie sauvage ; il sut les civiliser, leur apprit à respecter et à honorer les
dieux ; il propagea parmi eux le culte de
Bacchus qu'il célébrait solennellement. Remarquable par sa beauté et sa sagesse, il était à la fois chéri des
dieux et des hommes. A sa mort, les nymphes le pleurèrent,
Pan et
Apollon, qui suivaient ses pas, désertèrent les campagnes, la terre elle-même devint stérile ou se couvrit de ronces et d'épines.
Mais
Daphnis fut admis dans l'
Olympe, et, une fois reçu parmi les
dieux, il prit sous sa protection les pasteurs et les troupeaux. La campagne changea d'aspect, elle se couvrit de verdure, de
fleurs et de moissons. Dans les
montagnes, on n'entendit plus que des cris d'allégresse et des chants joyeux. Les rochers, les bosquets retentissaient de ces mots : «
Daphnis, oui, Daphnis est un dieu ».
Ce
dieu champêtre avait ses temples, ses autels ; on lui faisait des
libations comme à
Bacchus et à
Cérès, et, pour les habitants des campagnes, c'était presque un autre
Apollon.
On dit que, non content de garder ses beaux troupeaux, il allait aussi à la chasse ; et tel était le charme que ce chasseur divin répandait autour de lui que, lorsqu'il mourut, ses
chiens se laissèrent aussi mourir de douleur.
Egipans - Satyres - Silènes
A côté des divinités champêtres, protectrices de la Nature, gardiennes vigilantes de la vie, des biens, des intérêts de l'homme, les poètes avaient imaginé une infinité d'êtres moins divins que fantastiques qui semblent n'avoir
eu, dans la
fable, d'autre rôle que celui de peupler, d'égayer et parfois de troubler les solitudes des
montagnes et des
bois. Les
Egipans, dont le nom en grec signifie chèvre-pan, étaient de ce nombre. C'étaient de tout petits hommes velus avec des cornes et des pieds de chèvre. Les pâtres croyaient voir ces petits monstres humains bondir dans les rochers, sur le flanc des coteaux, et disparaître dans des cavités ou des grottes mystérieuses.
On raconte aussi que le premier
Egipan était fils de
Pan et
de la nymphe Ega. Il inventa la trompette, faite d'une conque marine, et, pour cette raison il est représenté avec une queue de poisson. Il y avait, dit-on, en Libye, certains monstres auxquels on donnait aussi le même nom. Ces êtres
hybrides, avaient une tête de chèvre et une queue de poisson. C'est ainsi qu'on représente le
Capricorne.
Les Satyres, éparpillés dans les campagnes, avaient avec l'
Egipan une ressemblance frappante ; peut-être s'en distinguaient-ils par une taille moins raccourcie. Mais ils étaient, comme lui, fort velus, avec des cornes, des oreilles de chèvre, la queue, les cuisses et les jambes du même
animal ; quelquefois on les représente avec la forme humaine, n'ayant de la
chèvre que les pieds. Ces êtres étaient doués de toutes les malices et de toutes les passions : cachés derrière les
arbres, ou couchés dans les vignobles et dans les herbes, ils surgissaient inopinément pour effrayer les nymphes et les poursuivre en riant de leur effroi.
On fait naître les premiers Satyres de
Mercure et de la
nymphe Iphtimé, ou bien de
Bacchus et de la
naïade Nicée qu'il avait enivrée, en changeant en vin l'
eau d'une fontaine où elle buvait ordinairement.
Quelques poètes disent que primitivement les Satyres avaient la forme tout humaine. Ils gardaient
Bacchus ; mais comme
Bacchus, malgré tous ses gardes, se changeait tantôt en
bouc, tantôt en jeune fille,
Junon,
irritée de toutes ces métamorphoses, donna aux Satyres des cornes, des oreilles et des pieds de chèvre.
Persuadés que les campagnes étaient remplies de ces divinités malicieuses et malfaisantes, les bergers et les bergères tremblaient pour leurs troupeaux et pour eux-mêmes : ce qui fit qu'on chercha à les apaiser par des sacrifices et par les offrandes des premiers
fruits
et des prémices des troupeaux.
On a vu que Silène,
compagnon et précepteur de
Bacchus, était un petit vieillard chauve, corpulent, au nez retroussé, au rire béat, à la démarche chancelante, et presque toujours en état d'ivresse. Il est vrai que quelques poètes, Virgile entre autres, songeant que Silène non seulement est vieux, mais que,
dieu lui-même, il a suivi un
dieu dans ses lointains voyages, lui prêtent une longue expérience et un profond savoir. Mais c'est la première
conception surtout qui s'était établie dans l'opinion et la mémoire des peuples. Aussi donnèrent-ils les noms de Silènes aux Satyres lorsqu'ils étaient vieux. On supposait en effet que ces êtres aux appétits grossiers n'avaient sur leurs vieux
jours d'autre plaisir que l'ivresse, et que c'était par là que se terminait
leur existence. Les Silènes en effet étaient considérés comme mortels : aux environs de Pergame on montrait même un grand nombre de leurs tombeaux.